Une première histoire sans prétention sur la relation assez spéciale qui unit les deux compères et qui n'a pas échappée à grand monde, à voir les nombreuses et très souvent jolies fics que l'on trouve ici. Les affaires mentionnées sont vraiment « survolées », vu que mon but était plus de suivre l'évolution globale que de faire dans le détail. Mais qui sait, si l'envie d'approfondir chaque étape me vient –et surtout si j'en ai le temps !-, rien n'est impossible. Étant une passionnée des histoires originales, j'ai également apprécié le point de vue rafraîchissant de Guy Ritchie dans ses films et je trouve qu'il a apporté au mythe holmésien une nouvelle dimension visuelle très intéressante.

Enfin bref, trêve de blabla, merci de vous intéresser à ma fic et bonne lecture !

Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent pas, merci donc au génie de Conan Doyle et à celui de Ritchie.

Rating : T, mentions de drogues et de relations amoureuses entre hommes. Si vous ne supportez pas, pas la peine de vous aventurer plus loin.

-O-

La nuit était tombée depuis longtemps sur la capitale de l'empire britannique, quand bien même l'habituel brouillard londonien empêchait toute tentative d'apercevoir le ciel. Fort heureusement pour nous, la chaleur du 221b Baker Street nous protégeait du froid et de la grisaille de ce glacial mois de novembre. Un feu avait été allumé dans la cheminée et notre logeuse avait eu la bonté de nous apporter un thé, affrontant bravement les marches de l'escalier menant à notre logement ainsi que les habituelles railleries de mon colocataire. Cependant, malgré les apparences et leurs affrontements presque journaliers, j'avais compris depuis un moment que Madame Hudson et Sherlock Holmes tenaient beaucoup l'un à l'autre, chacun à leur manière. Il fallait croire que les extraordinaires capacités de déduction de mon célèbre compagnon avaient fini par déteindre en partie sur moi, même si ce dernier aurait trouvé –avec le peu de modestie qui le caractérisait- une manière de rire de cette affirmation en me prouvant pour la énième fois qu'il était de loin inégalable en la matière.

Il s'agissait d'un soir pour le moins banal et tranquille. Les dernières semaines avaient amené quelques affaires somme toute assez simples, mais juste assez intéressantes pour divertir l'esprit de Holmes. De mon côté, je ne me plaignais nullement, savourant avec plaisir ce calme que nous n'avions pas connu depuis fort longtemps. Contrairement à mon camarade, mes activités ne se limitaient nullement à la chasse aux criminels, et le froid avait amené avec lui son habituelle épidémie de grippe. Mes journées de médecin s'en trouvaient donc très chargées et mon cabinet ne désemplissait pas. Dès lors, si je ne devais pas en plus occuper mes soirées avec d'improbables explorations d'endroits pas toujours recommandables en compagnie de Holmes, c'était d'autant plus appréciable que je pouvais reposer mon corps passablement fatigué par une longue journée de travail. Surtout que je me connaissais, si jamais l'occasion se présentait, je ne pourrais jamais lui refuser mon aide. Il avait raison quand il prétendait que je ne pouvais pas me passer de sensations fortes pour égayer ma petite vie finalement très tranquille depuis mon retour d'Afghanistan. Il y avait cependant une autre raison, et bien que je le soupçonnais de parfaitement la connaître –il n'était pas détective consultant venu maintes fois en aide à Scotland Yard pour rien-, il n'en faisait jamais allusion. Les sentiments n'avaient jamais été son fort, mais j'avais appris à vivre avec cette caractéristique depuis le début de notre collaboration, il y a de cela bien des années.

Assis à l'autre bout de la pièce, le détective était plongé dans l'étude d'un nouveau procédé chimique de son invention qui m'échappait complètement et qui semblait pourtant absorber toute son attention. Tant mieux d'un autre côté, cela lui évitait de brûler la première chose qui lui passait sous la main. Ou pire, de tester l'une de ses expériences farfelues sur Gladstone, voire sur moi. Même si vivre avec Sherlock Holmes promettait de formidables aventures, cela n'en demeurait pas moins dangereux et nous l'avions souvent appris à nos dépends. Mais qu'importe, c'était devenu la routine ordinaire de notre vie pas si ordinaire et je crois qu'elle nous convenait à tous. Même à ce pauvre Gladstone, qui était actuellement en train de dormir à mes pieds, profitant lui aussi de la tranquillité du moment. Depuis le temps, je savais qu'un Holmes qui s'ennuyait pouvait être le pire des cataclysmes, tant il semblait mettre son brillant esprit dans la recherche de moyens pour se divertir et ce à tout prix. Pourtant, même si je faisais souvent les frais de son excentricité, je ne lui en tenais jamais rigueur très longtemps, comprenant très bien le supplice que lui infligeait l'ennui. Après tout, nous étions devenu tellement proches avec les années, ce qui me permettait d'entrevoir des facettes de sa personnalité totalement inédites et de le comprendre peut-être mieux que quiconque. De plus, j'avais réussi l'exploit de limiter presque à néant sa consommation de cocaïne et de morphine, ce qui m'aidait à me montrer plus indulgent envers ses caprices lorsqu'aucune affaire ne se présentait à lui.

Pour ma part, je profitais de ce répit inespéré pour mettre un peu d'ordre dans mes propres papiers. Ces feuilles qui me valaient parfois des remarques dédaigneuses de la part de mon cher colocataire, ce dernier n'hésitant pas à me traiter de romancier pour classe populaire, avec toute la délicatesse qui le caractérisait. Pourtant, je finis par comprendre qu'encore une fois, il s'agissait de l'une de ces façades qu'il installait entre lui, ses émotions et le monde. Cela ne m'avait pas trompé très longtemps, puisque je l'ai plusieurs fois surpris à lire derrière mon épaule ces fameux rapports de nos enquêtes qu'il dénigrait pourtant la plupart du temps. Bien entendu, il était bien trop fier pour l'avouer, mais cela aussi, j'avais appris à m'y faire avec les années et me sentait même flatté qu'il s'intéresse à mes écrits. Même si je ne savais nullement si c'était par curiosité, flatterie personnelle ou simplement pour me faire plaisir à sa façon. Quoiqu'il en soit, le fait qu'il semblait y attacher une once d'intérêt m'amusait tout en me procurant un immense plaisir. Après tout, toutes ces affaires, c'était un peu notre propre histoire à nous, et c'est l'une des raisons qui m'avait poussée à prendre ma plume pour fixer à jamais sur le papier tous ces souvenirs. Ces enquêtes revêtaient donc d'une importance toute particulière à mes yeux.

Je m'arrêtai dans mon rangement, parcourant des yeux les différents dossiers et cahiers qui s'étalaient devant moi et qui étaient pourtant soigneusement rangés et classés par ordre chronologique. Mon sens de l'ordre me mettait en total opposition avec mon colocataire, et pourtant c'était ces différences qui faisaient de notre cohabitation la plus belle et la plus solide qui soit. Bien entendu, il y avait là des affaires qui étaient à présent célèbres et dont la notoriété avait même dépassé les frontières. Les journaux en avaient longuement parlé à chaque fois, et même si mon compagnon laissait toujours le beau rôle à Scotland Yard et au brave Lestrade, personne n'était dupe du talent de Sherlock Holmes en matière de résolution d'enquêtes et de mystères. Preuve en était qu'il jouissait maintenant d'une très grande réputation que nous recevions bien souvent du courrier pour solliciter ses conseils, parfois même de très loin ou de la part de personnalités imminentes. Enfin, la presse se gardait bien de dire que Holmes se moquait totalement du degré de célébrité de ses clients, ou de la somme qu'on lui offrait pour ses services et que seule la particularité de l'affaire l'intéressait. Je comprenais le choix de ces journaux, le vrai Sherlock Holmes n'était pas très vendeur pour eux. C'était un être certes particulier, mais fascinant d'un autre côté et je ne me lassais jamais d'en découvrir toujours plus sur lui. Il était tel qu'il était, et jamais je ne souhaiterai le changer.

Pourtant, parmi tous ces dossiers, il était des affaires qui n'avaient jamais été dévoilées au public et qui ne le seront probablement jamais ou du moins pas avant de très longues années. Tout cela à cause de leur degré de confidentialité bien entendu. Certaines de ces affaires étaient on ne peut plus délicates et risquaient de provoquer bien des guerres si elles venaient à être dévoilées au grand jour. Il y avait dans ces papiers plus d'un secret d'Etat, ou des incidents qui pouvaient entacher plusieurs monarchies européennes, dont la nôtre. Encore une fois, la confiance que Holmes mettait en moi m'honorait. Quand je lui avais demandé si ces écrits pouvaient présenter un potentiel danger, il avait simplement haussé les épaules en déclarant que de toute manière, personne ne prendrait au sérieux des histoires écrites avec autant de mièvrerie. Derrière cette apparente critique tout à fait typique de lui, il me signifiait pourtant qu'il me faisait tout à fait confiance et que je pouvais rédiger ces aventures si j'en éprouvais l'envie. Et nos deux sourires à cet instant avaient prouvé que nous nous étions tous les deux parfaitement compris. Il s'était tissé un lien si particulier entre nous depuis notre rencontre, certaines de ces affaires classées secrètes y étaient justement pour beaucoup.

Certaines de ces enquêtes étaient encore plus particulières, non pas parce qu'elles concernaient forcément des personnages célèbres ou des problèmes d'État mais simplement parce qu'elles nous concernaient nous et que je les gardais plus par sentimentalité qu'autre chose. Contrairement aux autres affaires, elles n'avaient pas pour but de dévoiler les étonnantes capacités de déduction du détective, ou même d'être publiées tout court. Je savais bien qu'elles étaient condamnées à n'être lues que par moi ou à la limite par Holmes. D'ailleurs, je soupçonnais ce dernier d'y avoir déjà jeté un coup d'œil, puisque son qualificatif le plus récurrent en ce qui concernait mes talents narratifs possédait presque toujours la mention « rempli d'un romantisme écœurant propre à plaire aux jeunes demoiselles effarouchées ». Comme je le disais, les sentiments n'avaient jamais été son fort. Mais cela ne voulait nullement dire, comme le pensaient certains, qu'il n'en avait aucun. Bien au contraire, il suffisait de prendre la peine de le connaître pour remarquer qu'un être aussi exceptionnel ne pouvait avoir qu'une façon exceptionnelle de fonctionner. Et j'avais eu la chance de pouvoir le connaître assez bien pour m'en rendre compte. Malheureusement, ce n'était pas le cas de tout le monde. Dans cette période où l'hypocrisie régnait en maître, c'était trop demander que de vouloir que l'opinion populaire comprenne un être aussi particulier que lui…

Mon regard s'attarda sur un dossier intitulé sobrement « Bow Street ». Un simple nom de rue, mais un tel scandale évité de peu ! Un bordel pour homme avait subi une importante descente policière, et le patron n'avait rien trouvé de mieux pour se défendre que de donner des noms de gens illustres qui auraient fréquenté son établissement en secret. La liste contenait des noms de magistrats respectés, mais également de politiciens haut placés, de personnes proches de la couronne ainsi que celui du célèbre détective consultant Sherlock Holmes. Autant dire que même s'il était impliqué dans l'affaire, son aide fut nécessaire pour éviter le scandale et garantir une enquête rapide et discrète afin de blanchir toutes ces personnes. A commencer par lui. Pourtant, il fallut tout de même l'intervention de Mycroft pour le décider, tant il ne semblait pas plus motivé que cela. Étonnamment, malgré les accusations qui pesaient sur sa personne, il resta calme et son flegme ne le quitta à aucun moment. Contrairement à moi qui n'avait cessé de m'en faire pour lui et pour sa réputation. Plus que tout le reste, la perspective que mon colocataire et ami puisse connaître le sort que l'on réservait aux hommes qui se livraient à ces activités taboues me tordait le ventre et m'empêchait de dormir. J'investis donc toute mon énergie dans la résolution de cette affaire, mettant tout en œuvre pour venir en aide à mon compagnon, inquiet de le voir si peu concerné par les dangers qui le menaçaient.

Finalement, tout le monde fut innocenté grâce aux talents de Holmes et le patron crapuleux fut remis entre les mains de la justice sans entraves. Malgré la frustration de voir à quel point il s'était si peu investi dans l'affaire en comparaison de tous les efforts que j'avais fournis, le soulagement de le savoir libre de toute menace prit rapidement le dessus sur tout le reste. Il tint tout de même à me remercier pour ma volonté à prouver son innocence en m'emmenant boire un verre dans l'un des nombreux bars où ils avaient ses habitudes. Étonné, je l'avais suivi avec une certaine curiosité, heureux de pouvoir le découvrir en dehors de notre salon de Baker Street. La bonne humeur était au rendez-vous, et les verres se vidèrent rapidement. Nous finîmes par rentrer à notre logement, assez éméchés tous les deux. Possédant une résistance quasi nulle à la boisson, l'aide de mon colocataire ne fut pas de trop pour me tirer jusque sur notre canapé. Puis, l'alcool faisant tomber toutes les barrières de ma timidité et de ma retenue naturelle, nous commençâmes à parler de tout et de rien sans aucune gêne. Toujours sur le même ton amusé provoqué par le taux d'éthanol dans notre sang, je me mis à discuter de l'affaire dans laquelle il avait été impliqué, arguant que de toute manière, l'accusation était tout bonnement stupide et que personne n'y aurait cru. Malgré mon état d'ébriété, je ne pourrais jamais oublier le regard qu'il me lança accompagné par un léger sourire amusé. Un regard dans lequel je pus lire une sincérité qui me troubla et me désarma totalement.

« Et si je vous disais qu'il y avait une part de vérité dans cette accusation, que feriez-vous ? Et si ce n'était pas dans cet endroit que j'étais allé, mais dans un autre du même genre et ce plus d'une fois, comment réagiriez-vous mon cher Watson ? »

Je ne sus que répondre à de telles questions, complètement pris au dépourvu. Pourtant, malgré mes pensées rendus confuses par l'alcool, je parvins à réaliser que durant toute l'affaire, l'idée que cette information puisse être vraie n'avait jamais vraiment occupé mon esprit. J'étais bien trop obnubilé par la peur de le voir subir un châtiment que par la nature du prétendu crime. Et même à présent, l'imaginer croupir au fond d'une cellule tout en subissant tortures et déshonneur m'était bien plus insupportable que de savoir qu'il s'était rendu dans un bordel pour hommes, à mon grand étonnement. Bien entendu, cela ne m'indifférait pas totalement, mais cela ne me choqua pas autant que je l'aurais cru. Durant mon silence, il m'inspecta attentivement et m'observa durant ma lente réflexion. Puis, comme s'il avait pu lire mes pensées, il montra un air satisfait et se leva pour prendre congé, me laissant seul avec mes pensées et mon air béat.

Je savais Holmes peu enclin à succomber à la gente féminine, même si dire qu'il était misogyne me semblait un peu exagéré. Lorsqu'une demoiselle courageuse et pleine d'esprit venait nous demander de l'aide, il se montrait toujours très courtois et faisait souvent l'éloge des qualités de ces jeunes femmes parfois durement traitées par la vie. Mais il était vrai que je ne lui connaissais aucune conquête, ni fiancée. Son regard sur les femmes était toujours désintéressé et il semblait n'avoir aucun plaisir –au contraire de moi, je l'avouais un peu avec honte- à admirer leur beauté et leur élégance. Mais de là à imaginer qu'il puisse en réalité… L'idée était trop étrange pour moi. Comme tout gentilhomme qui se respecte, je n'avais jamais fréquenté de maison de plaisir, ni aucune prostituée, femme ou homme d'ailleurs. Je venais pourtant de réaliser à quel point Holmes et moi avions vécu et vivions une existence différente l'un et l'autre et que dans le fond, je ne connaissais presque rien de son passé et de certaines choses sur lui. Mais loin d'être complètement choqué et secoué par cette information, je me surpris à vouloir en savoir davantage sur lui. Il ne me rebutait pas, au contraire, je me sentais encore plus attiré par les mystères qui entouraient sa vie et sa personnalité.

Le réveil au matin suivant fut difficile, je me forçai pourtant à me lever afin de pouvoir interroger plus en détail sur les révélations qu'il m'avait faites le soir d'avant. Pourtant, lorsque je le rejoignis à la table du petit-déjeuner, il semblait non seulement complètement frais et joyeux mais ne mentionna pas une seule fois notre discussion pendant la durée du repas. Toutefois, mes regards timides et insistants dans sa direction finirent par le mettre au courant des interrogations qu'il avait suscité en moi. Il saisit sa tasse de thé, et déclara avant de la boire avec un petit sourire triste :

« Vous savez, être un génie ne protège pas de la solitude. Du moins, pas autant que je l'aurais souhaité. »

Ce jour-là, je n'en appris pas plus, mais cela me suffit pourtant et je n'insistai pas davantage. Je ne le savais pas encore, mais ce fut le début d'un changement radical dans notre relation et dans ma propre vie. De nouvelles affaires allaient ensuite continuer à modifier à jamais le cours de notre existence.

A suivre…