Cela faisait un petit moment que je n'avais rien publié, surtout dans ce fandom, mais pour être honnête la saison 8 m'avait pas mal dégoûtée de DW. Et même si la 9 m'a un peu réconciliée avec la série, ce n'est qu'avec la 10 qu'elle redevient une de mes préférées - numéro 2 derrière Firefly, ce qui n'est pas peu dire. (Si vous ne connaissez pas cette dernière, foncez, si vous aimez la sf et l'ambiance western, vous ne serez pas déçus).
Bref, du coup me revoilà pour une nouvelle traduction d'un texte de sunflowerb : My age has never made me wise.
Bonne lecture !
Vieillir ne m'a jamais rendu plus sage.
Epuisé, Rory Williams passa une main dans ses cheveux courts et soupira. Il regarda en direction d'Amy, appuyée contre la charpente du porche séparant le salon du vestibule. Même s'il ne parvenait pas à discerner son visage, il savait qu'elle affichait la même expression que la sienne : un regard vide, trop émotionnellement abattu pour seulement laisser transparaître son chagrin. Ses yeux continuèrent ensuite leur chemin à travers le vestibule puis la porte vitrée donnant sur leur petit jardin, dans lequel River et le Docteur étaient assis en leur tournant le dos. Le cœur de Rory se serra en voyant le Docteur bercer River, tremblante. Jamais le Seigneur du Temps n'avait tant paru faire son âge que quand il tourna la tête pour déposer un baiser sur les cheveux de River, le visage mouillé de pleurs silencieux.
Incapable de les regarder plus longtemps, Rory détourna les yeux et, quand il les leva à nouveau, il croisa ceux d'Amy. Après un long moment, son regard échappa au sien et il n'eut pas besoin de le suivre pour savoir ce qu'elle fixait. Il déglutit difficilement, et se tourna à son tour vers la table et l'antique berceau bleu posé dessus.
- Docteur ?
- Excuse-moi, je t'ai réveillée ?
Le Docteur fit un sourire nerveux à River tandis qu'il déverrouillait la porte de sa cellule, puis la faisait coulisser. Elle cligna des yeux pour chasser le sommeil et se redressa sur son lit, serrant l'épaisse couverture contre sa poitrine face au froid qui régnait.
- Ca va, mon cœur, bailla-t-elle. Où en sommes-nous ?
- Déjà mariés, pour commencer, répondit-il en parcourant son journal qu'il venait de sortir. Avons-nous déjà fait les Forêts de Gypse ?
- Il y a des siècles, affirma River en descendant lentement du lit.
- Bien plus loin que je ne le pensais alors, murmura-t-il pour lui-même.
Il sauta de nombreuses pages, et jeta un coup d'œil à l'encre qui recouvrait une partie de cette nouvelle entrée.
- Hum, Disneyland sur Clom avec les Pond ?
- Non.
Il fronça les sourcils.
- Attends, je crois que j'ai du faire une erreur quelque part. Comment as-tu pu faire Gypse et pas Clom ? Ah, non, attend, peu importe, est-ce qu'on a…
Le Docteur leva les yeux vers River et se figea. Son journal tomba sur le sol avec un petit bruit sourd.
- Mon petit cœur ? tenta de l'interpeller River en le dévisageant avec inquiétude, tandis qu'il la regardait, bouche bée.
Il gémit pour toute réponse, la main désignant mollement son ventre légèrement arrondit. Elle posa une main dessus en baissant le regard, un petit sourire étirant ses lèvres.
- Ah, oui, dit-elle en le regardant à nouveau. Donc je suppose que nous n'avons pas encore fait Altheria ?
Le Docteur secoua faiblement la tête.
- Bon, et bien cela explique pourquoi tu n'avais pas l'air surpris quand je te l'ai annoncé là-bas.
Il tenta de répondre, mais tout ce qui en résulta fut un son à mi-chemin entre un grognement et un gémissement. River fronça les sourcils et fit un pas hésitant en avant.
- Docteur ? Est-ce que ça va ?
Il ouvrit et ferma la bouche pendant un moment sans qu'un mot n'en sorte, jusqu'à ce qu'il parvienne enfin à parler d'une voix étouffée :
- D'où est-ce que… ?! fit-il avec un mouvement frénétique vers son estomac.
- De toi ?
- River !
- Quoi ?
- Tu es… tu es…
- Enceinte ?
- Oui ! souffla-t-il, en la regardant comme s'il lui poussait une deuxième tête.
Ce qui, songea-t-elle, n'était pas tellement éloigné de la vérité.
- Mais, mais, mais… continua-t-il en se mettant à faire les cent pas devant elle. Mais comment ?
Il s'arrêta et lança un regard noir à River avant qu'elle ne puisse formuler à haute voix la pensée qui lui valait déjà un sourire amusé.
- C'est bon, je sais comment, mais… comment ? ajouta-t-il avec un ample mouvement de la main. Quand ?
Le sourire de River s'évanouit, et elle se mordit la lèvre.
- Avons-nous déjà fait Alabastor ?
Le Docteur recommença à faire les cent pas et passa une main dans ses cheveux :
- Non. Enfin, oui. Enfin, oui et non.
Il s'appuya contre les barreaux de la cellule avec un sourire béat.
- Troisième lune de miel. On a atterri, passé une semaine dans la station avec l'intention de faire du tourisme, sauf qu'en fait nous n'avons jamais vraiment quitté…
Son sourire disparut au moment où il s'arrêta, tandis qu'il réalisait enfin.
- …l'hôtel, conclut-il.
River lui lança un regard de compassion amusé.
- Oh… fit-il.
- Ouaip.
- Mince alors.
River commença à sentir l'inquiétude la gagner. Elle savait, pour l'avoir vu plus vieux, qu'il finirait par être heureux de cette nouvelle, néanmoins le temps qu'il mettait à s'en remettre était suffisant pour l'inquiéter. Surtout quand ses jambes finirent par le lâcher.
Il resta alors assis sur le sol de sa cellule pendant au moins cinq minutes, le regard perdu dans le vide, hébété. River s'assit sur son lit et attendit qu'il redescende sur terre.
- On va avoir un bébé.
Elle leva les yeux de son journal. Son expression n'avait pas changé, mais au moins, il parvenait à nouveau à parler. Il eut un rire bref ; ou plutôt une sorte de stupide gloussement aigu. Puis, il la regarda avec une esquisse de sourire.
- On va avoir un bébé !
Les gardes de Stormcage avaient vu le Docteur River Song s'échapper de nombreuses fois et revenir dans sa cellule avec divers objets, allant de l'œil d'un Dalek à un bain à remous avec un chat, et ils avaient abandonnés l'idée d'avoir ne serait-ce qu'une explication.
Toutefois, quand elle revint avec un ventre arrondi après avoir disparu pendant une heure, ils ne purent s'empêcher de se demander à quel genre de rendez-vous elle pouvait bien se rendre. Au total, elle passa presque trois semaines à faire des allers-retours, revenant chaque fois avec un ventre de plus en plus gros. Elle ignorait la moindre question sur l'origine de son enfant et ce qu'elle avait prévu d'en faire. Elle ne pouvait de toute évidence pas l'élever dans la prison et, selon le protocole, quand un détenu n'avait aucun proche, l'enfant devait être confié à l'adoption. Pourtant, elle refusait de seulement regarder les documents administratifs qu'ils lui donnaient. Il fallait trouver un arrangement, lui rappelaient les gardiens, et il fallait absolument que l'administration s'en occupe. Elle ne faisait qu'en rire, et ils continuèrent à la harceler jusqu'au jour où elle s'échappa sous les yeux de pas moins de douze gardes.
Quand, vingt minutes plus tard, elle revint avec le ventre plat et le regard vide, aucun d'entre eux ne se risqua à aborder de nouveau le sujet.
Elle ne fut absolument pas surprise quand les portes de son bureau s'ouvrirent brutalement et qu'il pénétra à l'intérieur, l'air encore plus furieux qu'il ne l'avait été à la Retraite du Démon. Elle ne se leva même pas de sa chaise.
- C'est le moment où je suis supposée être terrifiée ?
- Si vous étiez intelligente, vous devriez peut-être. Mais vous n'apprenez jamais, n'est-ce pas ?
Elle lui fit un sourire narquois.
- Oh, Docteur, j'en sais plus sur vous que vous ne le pensez. Je sais que je n'ai aucune raison d'avoir peur de vous.
Il lui retourna son sourire et hocha la tête :
- Oh, Kovarian, ce n'est pas de moi que vous devez avoir peur. Aujourd'hui, grogna-t-il, je suis le gentil flic.
Les yeux de madame Kovarian parcoururent rapidement la pièce du regard quand une explosion secoua le bâtiment. Lorsqu'elle regarda à nouveau le Docteur, il ne semblait pas le moins du monde ébranlé.
- Voilà le méchant flic, dit-il avec mépris. Veuillez excuser mon épouse, elle est légèrement contrariée.
Amy sut que quelque chose n'allait pas dès qu'elle entendit le gémissement des moteurs du TARDIS. Ils ne sonnaient pas juste, le bruit était trop précipité, comme si le TARDIS était tendue. Elle attrapa Rory et accourut dans le jardin avant que la vieille boîte bleue n'ait eut le temps de se matérialiser entièrement.
Elle était loin d'être préparée à ce qui surgit de ses portes. Le Docteur ouvrit violemment les deux battants d'un coup de pied, tout en soutenant une River en état de grossesse avancée. Ils échappaient de toute évidence à une bataille : l'ourlet de la robe de River était déchiré ses bottes, pleines de boues et le long manteau vert du Docteur, brûlé par endroits. River semblait clairement la plus mal en point elle haletait difficilement, un bras enroulé autour de son estomac.
- Docteur ! Qu'est-ce que…
- J'expliquerai plus tard ! souffla le Docteur, portant River jusqu'à la maison. Il faut qu'elle s'allonge. Tout de suite !
- Il y a une chambre d'ami à coté du salon, indiqua Rory.
Il accourut jusqu'à River et aida le Docteur à la porter, tandis qu'Amy courait pour leur ouvrir les portes. Ils chancelèrent jusqu'à la chambre et aidèrent River à se mettre sur le lit, où elle s'effondra sur les oreillers. Rory entreprit alors de prendre son pouls, tandis qu'Amy s'asseyait sur le lit, à coté d'elle, et caressait ses cheveux. Le Docteur sortit le scanner de la poche de son manteau et examina son ventre.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qui lui arrive ? Elle va s'en remettre ? questionna Amy, la voix tremblante.
Les doigts du Docteur patinaient sur le petit écran, ses yeux parcourant rapidement les informations.
- Kovarian, fit-il pour toute réponse.
- Docteur, dit River d'une voix rauque. Le bébé…
- Rory, va lui chercher de l'eau, ordonna Amy, une main serrant celle de River, l'autre caressant toujours ses cheveux.
- Shh, là, doucement, murmura le Docteur en lui faisant un sourire aussi rassurant que possible, une main posée sur son ventre. Aucun signe de blessure sérieuse. Je pense qu'il ira bien.
Il soupira de soulagement et ajouta :
- Vous irez bien tous les deux. Tu as juste besoin de repos.
Rory revint au même moment avec un verre d'eau et, après en avoir bu une bonne partie, River sombra finalement dans un sommeil agité.
-o-o-o-o-
Le Docteur et Rory étaient assit à la table de la cuisine et avaient chacun le regard plongé dans leur tasse de thé, bien que celui-ci soit froid depuis bien longtemps. Amy, quant à elle, était restée près de River. Guidée par son instinct maternel, elle était allongée à coté de sa fille, enveloppant celle-ci et l'enfant qu'elle portait dans une étreinte protectrice.
- Ils vont vraiment bien ? demanda finalement Rory.
Le Docteur ouvrit la bouche pour lui répondre, quand Rory l'interrompit :
- Et ne vous avisez surtout pas de me mentir.
Les yeux du Seigneur du Temps croisèrent les siens.
- Honnêtement, je ne suis pas sûr, soupira-t-il, une fine ligne apparaissant entre ses sourcils. Je veux dire, elle semble aller bien, mais vu tout ce qui nous est arrivé, je suis surpris que ce soit le cas. Il faut juste garder un œil sur elle, et espérer que tout se passe bien.
- Et… qu'est-ce qui s'est passé ? Vous avez parlé de Madame Kovarian.
- Elle nous a trouvés, acquiesça le Docteur. Par accident, en fait. Pour faire court, elle a voulu faire sauter le vaisseau dans lequel nous nous trouvions. Nous avons failli ne pas atteindre le TARDIS à temps.
A nouveau, les yeux du Docteur plongèrent dans sa tasse de thé.
- Je n'ai pu sauver personne d'autre, dit-il à voix basse. Trois cent huit personnes étaient là. Et je n'ai pas pu en sauver une seule. River était blessée, et je pensais… et il n'y avait pas assez de temps, et…
- Hé.
Il leva le regard, pour rencontrer à nouveau celui de Rory.
- Ce n'est pas votre faute. C'est celle de Kovarian. Vous deviez vous occuper de River. Elle était la seule que vous pouviez sauver et vous y êtes parvenu. C'est tout ce qui compte. Vous avez sauvé ma fille, dit-il, avant de continuer avec un petit sourire : à nouveau. Et…
Il passa la main dans ses cheveux courts et fronça les sourcils :
- Et son… et son enfant. Bon sang, c'est bizarre quand j'y pense. Je vais être grand-père.
Il garda la même expression soucieuse, puis éclata soudain de rire devant toute l'absurdité de la situation.
- Ma fille, qui est plus vieille que moi, va avoir un enfant. Votre enfant ! Mince alors, c'est encore plus bizarre… ajouta-t-il avec une grimace.
- Ca ne l'est pas moins de mon point de vue, renchérit le Docteur.
Il ne put s'empêcher de sourire et, bientôt, tous deux se retrouvèrent à rire.
- Je crois qu'on remporte le prix de la famille la plus étrange, affirma Rory, et le Docteur acquiesça. Alors, qu'est-ce que c'est, le bébé ?
Le Docteur baissa les yeux et sourit.
- Un garçon. On n'est pas encore tout à fait sûrs du nom. Mais on penche vers Roran.
- Roran ?
- Et bien ça serait un peu perturbant de l'appeler Rory, et Roranicus semblait un peu ridicule.
Il y eut un moment de silence, interrompu par un reniflement sonore. Le Docteur leva alors la tête et vit Rory lutter pour retenir ses larmes.
- Je vais avoir un petit fils.
Il déglutit avec difficulté, et renifla à nouveau.
- Oh mon dieu, je vais être grand-père. Je ne suis pas prêt pour ça, affirma-t-il, bien que son sourire contredise ses paroles.
Souriant également, le Docteur sentit à son tour les larmes monter.
- Et comment penses-tu que je me sente, moi ? Je vais être père !
Il cligna furieusement des yeux et Rory le dévisagea tandis qu'il se battait lui aussi pour que le barrage de ses larmes ne cède pas.
- Je n'ai jamais imaginé que je puisse être père à nouveau. Et pourtant, on y est. Moi, père.
Tous deux éclatèrent de rire tout en pleurant à moitié. Rory attrapa une poignée de serviettes posées au centre de la table, en donna une moitié au Docteur et enfouit son visage dans l'autre moitié.
- On est ridicules, dit-il.
Le Docteur acquiesça, trop occupé à se moucher pour répondre.
- Complètement ridicules.
- Ca c'est sûr, approuva le Docteur en s'essuyant les yeux.
Après quelques minutes, ils parvinrent à se calmer. Ils séchèrent leurs larmes et Rory soupira :
- Je suis trop jeune pour être grand-père.
- Rory le romain, sourit le Docteur, tu es plus vieux que moi !
- C'est vrai, mais je ne m'en souviens pas. Et pas de beaucoup, de toute façon. Seulement d'une ou deux…
Il sourit, réalisant ce qu'il était en train de dire, et conclut :
- … centaines… d'années.
Ils se mirent à nouveau à rire, les plus jeunes vieillards de l'univers, autrefois rivaux et aujourd'hui assis à la table de la cuisine à bavarder amicalement, tandis que les deux femmes qui comptaient le plus pour eux dormaient de l'autre coté du vestibule.
-o-o-o-o-
Ils en étaient à leur deuxième tasse de thé quand ils entendirent le cri. Rory et le Docteur se bousculèrent pratiquement dans leur hâte de rejoindre River, appuyée contre les oreillers, les bras autour de son ventre.
- Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qui t'arrive ? River ?
Elle leva les yeux et rencontra ceux de son mari.
- Je crois que ça commence.
Le Docteur sentit le sang déserter son visage.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Je veux dire, répondit-elle à travers ses dents serrées, que je crois que le bébé arrive.
Rory et Amy échangèrent un regard inquiet, tandis que le Docteur bafouillait :
- Mais, mais, tu n'es qu'à sept mois ! C'est trop tôt !
River grimaça et lui lança un regard assassin qui aurait pu transpercer l'armure d'un dalek.
- Va donc lui dire ça !
Tant bien que mal, le Docteur essaya de trouver le scanner médical, tandis qu'Amy disait à River de respirer et que Rory paniquait en silence près de la porte.
- C'est peut-être une fausse alerte ? dit finalement ce dernier avec espoir. Je veux dire, les contractions ne devraient pas être si rapides, n'est-ce pas ?
- Le travail a commencé.
Ils regardèrent tous le Docteur, qui fixait le scanner. Il leva les yeux vers River.
- Quand est-ce que cela a commencé ? A l'instant ?
- Je ne sais pas, je ne me sentais pas bien depuis notre arrivée, mais je pensais que c'était juste… le traumatisme, quelque chose comme ça.
- Le traumatisme…
Le Docteur regarda à nouveau le scanner.
- Quand nous nous sommes échappés du vaisseau, tu es tombée… cela a dû provoquer le déclanchement prématuré du travail.
River cria à nouveau de douleur.
- Non, sans blague ?! s'écria-t-elle. Je n'aurais jamais deviné !
Rory s'approcha du Docteur et lui dit, de manière à ce que personne d'autre ne puisse entendre :
- Docteur, il faut l'amener à l'hôpital, il y a des solutions pour arrêter un accouchement prématuré.
- Pour sa biologie ? répliqua le Docteur en haussant les sourcils. Rory, elle n'est pas entièrement humaine !
- Docteur, un bébé né aussi prématurément va avoir de nombreux problèmes. S'il vous plaît dites-moi que tout va bien se passer.
Le Docteur se mit face à lui et posa une main sur son épaule.
- Les Seigneur du Temps naissent autour de huit mois, parfois plus tôt, vers sept mois et demi. Il pourrait donc être en parfaite santé.
- Mais il faut quand même l'amener à l'hôpital, répéta Rory, cette fois suffisamment fort pour attirer l'attention d'Amy et River.
- On ne peut pas, fit le Docteur en passant une main dans ses cheveux. Aucun hôpital sur Terre n'est équipé pour prendre en charge un demi Seigneur du Temps. Cela ne ferait qu'aggraver les choses. La dernière fois qu'on m'a amené dans un hôpital humain pour me soigner, ils m'ont pratiquement tué.
- Autre part, alors, intervint Amy. Il y a sûrement d'autres hôpitaux dans l'univers qui…
- Elle n'est pas en condition de voyager.
- Alors qu'est-ce qu'on est supposé faire ? questionna Rory avec un regard noir. La faire accoucher ici ?
Le Docteur haussa les épaules, énervé.
- Mon cœur, viens là, dit faiblement River, et le Docteur accourut à ses cotés.
Dès qu'il fut à portée de bras, elle attrapa son nœud-papillon et l'attira à hauteur de son regard.
- Je me contrefiche d'où, je me contrefiche de la planète, je me contrefiche que ce soit ici ou dans un hôpital, mais mon cœur, je n'aurais pas cet enfant sans prendre de sacrés bons analgésiques.
Le Docteur acquiesça stupidement tandis qu'ils faisaient lâcher prise à River.
- J'ai quelques trucs dans le TARDIS, ça va aller. A moins que ça ne se passe vraiment, vraiment très mal, on y arrivera.
- Et qu'est-ce qu'on fait si cela vraiment très mal ? s'enquit Amy.
Le Docteur était trop effrayé pour seulement y penser.
- Alors on l'emmènera à l'hôpital. Ou autre part. N'y pensons pas tant que ce n'est pas nécessaire, hein ?
- Alors je vais accoucher ici, c'est ça ? suffoqua River. Et qui va m'accoucher ?
Il y eut un moment de silence, pendant lequel les Pond et le Docteur se regardèrent les uns les autres.
- Le Docteur, dit finalement Amy.
Celui-ci sursauta et agita les mains dans les airs en secouant la tête :
- Non, non, non, non, non. Je ne sais même pas comment faire.
Amy lui lança le plus écossais de ses regards.
- Vous êtes Docteur !
- Et tu as déjà été père avant ! ajouta River entre deux respiration.
- Mais ça ne veut pas dire que je sais comment faire un accouchement, bafouilla-t-il. Je n'ai jamais eu le droit d'y assister avant ! Rory devrait le faire, c'est un infirmer !
Ce fut au tour de Rory d'agiter les mains.
- Cela ne veut rien dire ! Souvenez-vous dans le monde du rêve, j'étais nul pour ça !
- Rory ne m'aidera pas à accoucher ! gronda River.
- Merci, dit-il en hochant la tête.
Il se tut alors, fronça les sourcils, et la regarda à nouveau.
- Attend, je peux savoir pourquoi ?
Elle lui renvoya un regard incrédule.
- Parce que tu es mon père ! Réfléchis deux seconde à l'endroit d'où va venir le bébé !
Elle fit un geste vague vers le vas et se renfrogna.
- Ce serait beaucoup trop bizarre. Permet-moi de garder un minimum de dignité malgré tout, merci.
- Tu sais, j'ai changé une couche ou deux.
- Autre corps. Ca reste à débattre.
- D'accord, capitula Rory en se grattant nerveusement l'arrière de la tête. Amy pourrait le faire.
- Quoi ? s'exclama Amy, pourquoi moi ?
- Au moins, tu sais ce qui va se passer, souligna le Docteur, tu l'as déjà fait.
Elle écarquilla les yeux, la bouche tordue entre sarcasme et stupéfaction.
- C'est tellement masculin ! J'étais à sa place la dernière fois ! Il y a une énorme différence entre accoucher et aider quelqu'un à accoucher !
Exaspérée, River laissa retomber sa tête dans la montagne d'oreiller.
- Oh, pour l'amour de dieu, il faut bien que quelqu'un le fasse !
Le Docteur fut soudain frappé d'une illumination.
- C'est ça ! s'exclama-t-il, faisant sursauter les autres. Je connais quelqu'un qui peut nous aider. Je reviens dans quelques minutes.
- Attendez !
Amy lui attrapa le bras et le fusilla du regard.
- Vous ne pouvez pas nous laisser, pas maintenant !
Le Docteur prit la main d'Amy dans la sienne et plongea au plus profond de son regard débordant de panique.
- Amy, dit-il doucement. Je sais que mes antécédents ne jouent pas en ma faveur. Mais pour rien au monde je ne ferais ça de travers.
Voyant que ses mots ne dissipaient pas son inquiétude, il serra davantage sa main et ajouta :
- Amy, si tu ne peux pas croire en moi sur ce point, alors fait confiance au TARDIS. Elle sait ce qui se passe et elle sait de quoi ou de qui nous avons besoin. Elle aime River, probablement même plus qu'elle ne m'aime, moi.
Il posa son front contre celui d'Amy, et darda ses yeux dans les siens.
- Jamais elle ne pourrait ne serait-ce qu'envisager de la laisser tomber.
Amy se recula et acquiesça. Il la lâcha alors et courut donner un rapide baiser à River avant de sortir de la chambre. Il était certain d'avoir renversé une ou deux lampes au passage, seulement il était parfaitement conscient que, cette fois, si ses cinq minutes venaient à durer plus de cinq minutes, pas une seule des personnes rassemblées dans cette chambre ne le lui pardonnerait.
Il eut à peine fermé les portes du TARDIS derrière lui qu'il entendit le frein tourner de lui-même, et la salle fit une embardée alors que le TARDIS décollait toute seule. Le Docteur fut projeté au sol, mais cela ne l'inquiéta pas. Il leva le regard vers la console et eut un grand sourire en voyant les cadrans et les aiguilles s'ajuster d'eux-mêmes tandis que le rotor temporel montait et descendait furieusement. Il savait qu'il n'y avait rien à craindre.
Le TARDIS prendrait toujours soin de son enfant.
-o-o-o-o-
Le bruit produit par la dématérialisation du TARDIS avait à peine disparu qu'ils entendirent à nouveau le bruit des moteurs, cette fois de plus en plus forts. Bien que les stores soient encore fermés, ils pouvaient entendre le Docteur parler et en quelques secondes il réapparut dans la chambre, à bout de souffle. Juste après lui, une jeune femme de couleur entra et balaya la pièce du regard avec stupéfaction.
- Je dois dire, de tout que j'ai pu voir avec vous, je pense que cette situation bas tous les records d'étrangeté. Amy, River et Rory, je suppose ? ajouta-t-elle avec un sourire en les pointant du doigt à chaque fois.
Le Docteur acquiesça.
- Ouaip. Tout le monde, Docteur Martha Jones. Martha Jones, tout le monde. Elle a voyagé avec moi.
Martha leur fit un petit salut à chacun, puis claqua ses mains, visiblement un peu nerveuse.
- D'accord, alors ce n'est pas vraiment mon domaine d'expertise, mais je sais ce qu'il faut faire. Travailler avec UNIT vous apprend à savoir faire un peu de tout. Docteur, vous et Rory vous ramenez le matériel médical qui se trouve dans le TARDIS, quoi que ce soit. Amy, toi et moi, on va faire en sorte que River soit installée un peu plus confortablement…
-o-o-o-
River correctement installée et sous sédation légère, ils en étaient à ce moment terrible où il n'y avait rien à faire à part attendre et s'inquiéter. Tout se passait bien plus vite que cela n'aurait dû, et le Docteur ignorait si cela était dû au traumatisme, à la biologie de Seigneur du Temps, ou au fait que, peut-être, le sommeil de River avait été trop profond pour qu'elle se rende compte que le travail avait déjà commencé.
Bien vite, la raison pour laquelle le Docteur n'avait pas été autorisé à assister à la naissance de ses précédents enfants devint évidente. Il ne fallut que dix minutes, que le Docteur passa à faire anxieusement les cent pas dans la chambre dans un marmonnement ininterrompu comme quoi tout allait très bien et qu'il n'y avait absolument aucune raison de paniquer, pour que River devienne si agitée par son comportement qu'il se retrouva jeté dehors sans cérémonie. Ainsi, il se retrouva assis sur le canapé, dans le salon des Pond, tandis que les cris devenaient de plus en plus fréquents et plus forts.
Après deux heures qui lui semblèrent durer des jours, le Docteur entendit River hurler « SORS D'ICI ! » et il fut rejoint dans son exil par Rory, complètement livide. Celui-ci trébucha et s'effondra sur le canapé.
- C'est absolument terrifiant là-dedans, dit-il d'une voix cassée. D'où est-ce qu'ils peuvent bien sortir toutes ces absurdités du « miracle de l'accouchement » ?
Le Docteur ne put se retenir plus longtemps :
- Comment va-t-elle ?
Rory déglutit et entreprit de rassembler ses pensées.
- Heu, je crois que Martha a dit qu'il était quasiment temps de pousser.
Le Docteur ne sut pas vraiment s'il se sentait mieux ou encore plus mal. Néanmoins, il était agréable d'avoir quelqu'un avec qui partager l'agonie de l'attente. Et c'était aussi agréable de savoir ce qui se passait. Il avait depuis longtemps renoncé à poser des questions à Amy quand, de temps à autres, elle passait en coup de vent pour aller chercher de l'eau, des serviettes et diverses autres choses.
Les deux hommes tentèrent de se distraire du mieux qu'ils purent, ce qui s'avéra être un échec cuisant. Ils firent trois des plus courtes et désastreuses parties de Tour Infernale possibles, abandonnèrent l'idée d'une partie de cartes quand ils se rendirent compte qu'aucun d'entre eux n'arrivait à se concentrer suffisamment pour savoir au tour de qui c'était, et, finalement, ils décidèrent que faire les cent pas était toujours mieux que rien.
Puis, ils entendirent Martha dire qu'il fallait pousser et tous deux allèrent aussitôt se coller contre la porte de la chambre.
Le Docteur resta là pendant une éternité, les yeux fermés, les cœurs battant, à se concentrer uniquement sur les cris de River et les encouragements d'Amy et de Martha. Il ne pouvait arrêter le flot des souvenirs : chaque fois qu'il avait fait cela, chaque premier cri, chaque premier sourire, chaque premier pas, chaque premier mot. Il pensa à chacun d'entre eux. A tout ce et tous ceux qu'il avait perdu, tout ce qu'il pensait ne plus jamais retrouver. Et pourtant. Des amis, des beaux-parents, une femme, un bébé. La chaleur envahit une part de ses cœurs qu'il croyait congelée à jamais. Jusqu'à cet instant, il se demandait s'il pourrait recommencer. Désormais, il savait ce qu'il aurait déjà dû comprendre avec Jenny : peu importe ce qu'il avait ou ce qu'il avait perdu, il gardait l'âme d'un père et s'avérait incapable de ne pas aimer un de ses enfants.
Enfin, parmi la cacophonie qui régnait dans la chambre, il entendit un nouveau son une nouvelle voix, hurlant de tout ses poumons face à ce nouveau monde lumineux et froid.
Il attrapa son bras quand ils se croisèrent. Elle s'immobilisa, ferma les yeux et inspira profondément.
- Je ne vais pas essayer de t'arrêter, dit-il doucement, ce qui la fit ouvrir les yeux et froncer les sourcils. Si c'est vraiment ce que tu veux, si c'est vraiment ce que tu as besoin de faire…
Il soupira et humidifia ses lèvres avant de continuer :
- …alors, je ne chercherai pas à t'arrêter et je n'en parlerai plus.
River détourna le regard. Il leva la main pour la poser sur sa joue et la forcer à le regarder.
- Mais quoi que tu décides de faire, il te faudra vivre avec.
River posa sur lui un regard vide et dit d'une voix dénuée de toute émotion :
- Madame Kovarian sait que tu es toujours en vie. Elle n'abandonnera jamais. On sait qu'elle n'a pas encore dit au reste du Silence que tu es vivant, mais on sait aussi qu'elle le fera si on lui en donne l'occasion. Elle est trop dangereuse pour être laissée en vie.
- Et c'est la seule raison qui te pousse à le faire ? demanda-t-il, son regard cherchant le sien.
Elle retira doucement son bras de sa prise.
- Je n'ai jamais prétendu une telle chose.
Elle se tourna alors et partit dans le couloir, droit vers le bureau de Kovarian.
Et il la laissa faire.
Le soulagement, la joie, la stupéfaction l'avaient trop épuisé pour qu'il entre aussitôt. Il s'assit donc là, affalé contre la porte tandis qu'ils nettoyaient l'enfant et, finalement, la porte s'ouvrit sur Amy, qui le regarda en souriant. Il avait l'impression de ne plus avoir le contrôle de son propre corps quand il se leva et entra dans la chambre.
C'est alors qu'il les vit. River, heureuse bien que clairement épuisée et, dans ses bras, un tout petit être rose clamant à grand cri qu'il ne se plaisait pas du tout là-dehors, alors s'ils pouvaient le renvoyer d'où il venait, merci. Le Docteur s'effondra quasiment sur le lit à coté d'eux et leva la main pour caresser la tête de son fils. Son fils, depuis combien de siècles n'avait-il pas prononcé ces mots ?
- Tu es magnifique, dit-il à River en rayonnant.
Il l'embrassa tendrement, puis retourna son attention vers l'enfant dans ses bras.
- Chtt, chtt, je sais, je sais, ce n'est pas très amusant là-dehors, hein ? Mais tu vas t'y habituer, je te le promets.
Le petit garçon cessa de crier et les regarda avec de grands yeux marron. Non, noisette. Les yeux d'Amy. Le nez de River, ses fines lèvres et même, bien qu'un tout petit peu, son propre menton. Cela allait bien mieux au nourrisson qu'à lui, d'ailleurs. Il était parfait. Et minuscule. Sans doute à peine deux kilos, estima-t-il. Il leva le regard vers Martha :
- Est-ce qu'il va bien ?
- Je ne vois rien de négatif, répondit-elle en souriant. Je pense que ça ira, même s'il est très petit. Il est peut-être un peu faible, mais rien de vraiment inquiétant. Il respire bien, son cœur bat correctement.
Le sourire du Docteur glissa lentement jusqu'à disparaître.
- Son cœur bat correctement ?
Les sourcils de Martha se froncèrent de confusion.
- Oui, tout va bien.
- Non, rétorqua le Docteur alors que son air inquiet ne faisait que s'accroître. Son cœur bat correctement. Au singulier.
- Oui, pourquoi… fit Martha avant d'ajouter, comprenant enfin : Oh.
Le Docteur était déjà debout et avait attrapé le stéthoscope qu'elle portait toujours autour de son cou, pendant qu'Amy et Rory se tenaient côte à côte à l'autre bout du lit.
- Peut-être n'en a-t-il qu'un ? suggéra Amy.
River secoua la tête et serra davantage le nourrisson contre sa poitrine.
- Non, il en a deux nous l'avons vu avec le scanner.
Le Docteur pressa le stéthoscope contre le torse de son fils, qui protesta avec force au contact du métal froid.
Il devint alors livide.
- Son cœur gauche ne fonctionne pas.
Il vérifia de l'autre coté.
- Le droit bat un peu trop vite.
Il jeta le stéthoscope et attrapa le scanner médical de River, posé sur la commode. Il parcourut rapidement les informations avec une irritation grandissante.
- Ce n'est pas ce dont j'ai besoin, marmonna-t-il en laissant tomber le scanner.
Il courut hors de la chambre et revint une minute plus tard avec un petit objet rectangulaire en verre, de la taille d'une feuille de papier ordinaire et entouré d'un cadre doré. Aussitôt, des motifs circulaires complexes apparurent à la surface du verre, tous illuminés comme sur un écran, tandis que les parties en verre restées vide n'étaient pas éclairées. Le Docteur fit glisser son doigt sur la vitre et les cercles se mirent à se déplacer. Ils bougèrent, se modifièrent, dansèrent les uns autour des autres. Ils se séparaient et se rassemblaient à nouveau pour former de nouveaux motifs, toujours circulaires, mais jamais arrangés de la même manière. Les doigts du Docteur tapaient et glissaient sur la vitre, contrôlant apparemment le flot des informations.
Il humidifia ses lèvres et étudia l'écran, de plus en plus préoccupé.
- Son cœur gauche s'est arrêté il y a un bout de temps. Je dirais que le problème remonte au moment où nous nous sommes échappés du vaisseau. Nous ne l'avons pas remarqué en venant ici parce qu'il s'était remis en route et essayait de se soigner tout seul. Toutefois quand le travail a commencé ça a stoppé le processus, car normalement c'est l'énergie régénératrice de la mère qui prend le relais pour faire en sorte que l'enfant ne soit pas blessé pendant l'accouchement.
Le Docteur leva les yeux pour étudier la réaction de River. Elle tenait son fils serré contre elle, et le regardait avec une inquiétude évidente et un espoir désespéré. Elle attendait qu'il ait terminé pour se réjouir ou s'effondrer. Il regarda à nouveau l'écran.
- Pendant le travail, son cœur endommagé s'est complètement arrêté et l'accouchement, ajouté à la difficulté de faire fonctionner son corps avec un seul cœur, a surchargé son système pour s'efforcer de le maintenir en vie. Son second cœur a été endommagé et il se bat toujours pour le maintenant en vie tout seul.
- Qu'est-ce qui se passe maintenant qu'il est né, demanda Amy d'une voix étouffée. Est-ce qu'il va recommencer à se soigner tout seul ?
Sur la vitre, les cercles se mirent à bouger à une telle vitesse que personne à part le Docteur ne parvint plus à les distinguer.
- Son corps est trop faible, dit celui-ci en essayant de maîtriser sa voix. Il ne peut pas à la fois soigner ses cœurs blessés et pomper suffisamment de sang pour compenser l'arrêt du cœur gauche.
- Qu'est-ce qui va se passer, qu'est-ce que ça veut dire ?
- Est-ce qu'il va se régénérer ou quelque chose comme ça ?
Le Docteur regarda les Pond, dans tous leurs états, puis River, qui savait lire les informations sur la vitre aussi bien que lui, même à l'envers.
Il baissa alors à nouveau les yeux vers la plaque de verre. Après un autre flot rapide d'information, les cercles s'arrêtèrent presque, et dérivèrent lentement autour du cadre.
- Docteur ?
Le vieil homme déglutit difficilement et fit face à ses meilleurs amis.
- Je ne sais pas. C'est sans précédent. Si cela était arrivé sur Gallifrey, nous aurions la technologie pour le soigner. Et ce n'est pas du jamais vu qu'un bébé se régénère, mais là… son corps n'arrive pas à se soigner tout seul. S'il ne peut pas se soigner, alors peut-être qu'il ne peut pas se régénérer.
- Vivra-t-il ? demanda une nouvelle voix.
Tout le monde se tourna vers River, qui n'avait pas prononcé un seul mot depuis que le Docteur était arrivé avec le scanner. Celui-ci ravala ses larmes, et lui répondit avec sincérité :
- Je ne sais pas.
Amy, cependant, restait déterminée à trouver un moyen d'arranger tout cela.
- Alors que fait-on ? Comment arranger ça ? Docteur, que peut-on faire ?
- La seule chose que nous puissions faire, maman, dit doucement River en caressant la tête de son fils. L'aimer tant qu'il est là.
- Suis-je censé croire que vous allez la laisser faire ?
L'immeuble trembla une nouvelle fois, mais Kovarian ne sembla pas le moins du monde perturbée.
- Nous savons tous les deux que vous ne le permettrez pas. Tout comme vous n'auriez pas laissé Amy le faire.
Sauf que j'ai laissé Amy le faire, pensa-t-il en haussant un sourcil. Il avait su dès le moment où il avait quitté la pièce, laissant Amy seule avec la femme qui lui avait volé son enfant, ce qui allait très certainement se passer. Et il n'avait rien à y redire. La culpabilité d'Amy était bien la seule chose qu'il ait jamais regretté concernant cet événement.
- Vous semblez bien sûre de vous pour quelqu'un qui a déjà été tuée une fois.
- Et pourtant je suis là, rétorqua-t-elle avec un sourire glacial.
Elle ne sourcilla même pas quand un peu de poussière tomba du plafond sur son bureau.
- Pourquoi donc devrais-je m'inquiéter ?
- Elle est déjà en prison pour meurtre, Kovarian, ricana le Docteur avant de tourner les talons pour sortir. Alors autant que ce soit pour une bonne raison.
Il n'eut pas besoin de regarder derrière lui pour savoir que Kovarian avait perdu le sourire.
Il en avait encore des cauchemars, parfois.
Il regardait l'énergie dorée sortir de ses mains et recouvrir le petit corps comme des vagues, couler sur lui comme la poussière dans le vent, avant de se dissiper dans l'éther.
Il n'était pas seulement blessé.
Il était aussi trop petit, trop jeune, trop prématuré.
Et peut-être, peut-être, un peu trop humain.
Le Docteur aurait pu se vider de toute son énergie que cela n'aurait rien changé. De toute manière, le corps de son petit garçon ne savait pas que faire de cette énergie.
Quand il revint dans le bureau, River pointait son arme droit vers la tête de Kovarian.
- Je t'avais dit qu'il ne te laisserait pas faire ça, dit-elle en lui souriant par-dessus son épaule. C'est un homme bien trop bon.
River plissa les yeux et resserra sa prise sur son arme.
- Vous êtes encore tellement certaine que je vais l'en empêcher, dit-il froidement. Pour tout ce que vous en savez, je pourrais très bien être là en spectateur.
- Pourtant nous savons tous que ce n'est pas le cas.
- Mon cœur, fit River alors qu'il croisait son regard par-dessus l'épaule de Kovarian. Sors d'ici. Tu ne pourras pas m'arrêter.
Il ne fit pas le moindre mouvement.
- Je ne suis pas là pour t'arrêter, répéta-t-il et il vit ses yeux s'agrandir de surprise. Tu avais raison, elle est trop dangereuse pour rester en vie.
Kovarian se mit alors à rire fortement.
- C'est comme ça que vous vous le justifiez ? Une mesure préventive ?
Les lèvres du Docteur s'étirèrent légèrement.
- Ce n'est pas une mesure préventive. C'est faire justice.
- Les morts sur ce vaisseau étaient malheureuses mais inévitables, soupira-t-elle. Ce n'est pas la première fois que votre intervention entraine des dommages collatéraux, Docteur. Je suis surprise que cela vous préoccupe tant. J'aurai plutôt imaginé que vous seriez trop occupé à jouer les familles heureuses. Comment va le petit bâtard ?
River fit un pas en avant, son blaster dirigé droit entre les yeux de Kovarian.
- Mon fils, cracha-t-elle, est mort ! Et c'est votre faute !
Le silence tomba pendant quelques secondes.
- Est-ce vrai ? Voilà qui est dommage. Nous espérions pouvoir nous servir de lui.
- Pour une personne aussi certaine qu'elle ne fera pas tuer, vous employez beaucoup d'énergie à la provoquer.
Kovarian croisa son regard, bien qu'elle n'ose pas se tourner complètement. L'arme de River était toujours dirigé vers elle et si elle était certaine de ne pas être tuée, elle semblait moins certaine quant à être blessée.
- Je vous le répète, je sais qu'elle ne me tuera pas, dit-elle avant de se tourner à nouveau vers River. Tu as peut-être été un assassin confirmé un jour, Melody, mais je vois bien qu'aujourd'hui tu ne l'es plus. Désormais, tu as une conscience.
Elle croisa les mains derrière le dos et continua :
- Tu peux te persuader qu'il faut que tu me tues, ou que ce n'est que justice, ou que c'est pour le plus grand bien, ou toute autre baliverne qui t'aide à dormir la nuit. Mais tu sauras toujours que ce n'était qu'une vengeance appliquée de sang-froid et tu ne pourras jamais fuir cette vérité.
- Peut-être bien.
Alors que Kovarian s'apprêtait à se tourner à nouveau, elle se figea sur place en entendant River armer son blaster. Le Docteur regarda sa femme avec attention.
- Elle suit mon code moral, dit-il d'une voix neutre, mais n'allez pas imaginer une seconde qu'elle y croit nécessairement. Vous l'avez transformée en psychopathe, Kovarian. Vous l'avez entrainée à tuer sans remord, avant de lui donner plus de raisons qu'elle n'en avait besoin pour vous haïr. Elle a peut-être fait du chemin depuis, mais elle pourrait parfaitement vous tuer dans l'instant et ne jamais ressentir la moindre culpabilité.
Son masque tomba alors et dévoila tant de tristesse et d'inquiétude que River fronça les sourcils de confusion.
- Et quelque part, je crois que c'est encore pire, soupira-t-il.
Kovarian eut un soupire théâtral.
- Donc, d'une manière ou d'une autre, vous ne la laisserez pas me tuer. Mais il faut visiblement que je meurs, donc on dirait que nous sommes dans une impasse… ah !
Le coup de feu l'empêcha d'en dire plus.
Les yeux écarquillés, River regarda Kovarian la dévisager, la bouche et les yeux grands ouverts, la main pressée sur la blessure transperçant sa poitrine, avant de se retourner et rester sans voix en voyant l'arme dans la main du Docteur.
- Vous ! s'étouffa-t-elle. Comment est-ce que… mais vous…
Elle s'effondra au sol, aspirant l'air vers ses poumons blessés.
Le Docteur s'avança et se pencha pour lui murmurer à l'oreille :
- Je vous l'ai déjà dit, les gens biens n'ont pas besoin de règles.
Quand il voulut se relever, la main de Kovarian jaillit et se crispa sur sa chemise, le ramenant de force à son niveau.
- Vous pouvez appeler ça comme vous le voulez, Docteur, cracha-t-elle, commençant déjà à tousser du sang. La revanche, la justice, gronda-t-elle, la main tremblante. Mais vous savez la vérité. De toutes manières, vous avez mon sang sur les mains.
Impassible, le Docteur la fixa et hocha la tête.
- En effet. Mais au moins il n'est pas sur les siennes, ajouta-t-il, le front plissé.
La prise de Kovarian s'affaiblit et elle tomba, là, haletante. Quelques secondes plus tard, elle n'était plus avec eux.
River le dévisageait toujours, sous le choc, quand il plongea ses yeux dans les siens. Son arme était depuis un moment tombée au sol. Il tendit la main, elle la prit, et son regard ne quitta jamais le sien tandis qu'elle enjambait le corps de Kovarian.
-o-o-o-o-
La Terre semblait toujours tellement tranquille, vue de si loin.
Ils étaient assis en silence, les jambes ballant à travers les portes ouvertes du TARDIS, des couvertures drapées autour de leurs épaules tandis qu'ils se serraient l'un contre l'autre et regardaient le monde tourner en contrebas.
- L'aurais-tu fait ? demanda-t-il, après une éternité.
Elle le dévisagea, épuisée d'avoir tant traversé.
- Je ne te juge pas, clarifia-t-il en la serrant davantage contre lui. Juste par curiosité. L'aurais-tu fait si… si je ne l'avais pas fait ?
Elle tourna encore son regard vers l'extérieur et soupira. Elle resta silencieuse pendant quelques temps, puis répondit finalement d'une voix faible :
- Je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas.
Il n'ajouta rien, et le silence tomba à nouveau.
- Merci de ne pas l'avoir dit, reprit-elle.
- Ne pas avoir dit quoi ? demanda-t-il en se tournant vers elle.
Elle cligna des yeux face aux étoiles.
- La seule chose que tu aurais pu dire pour m'en empêcher. Je le savais déjà. Et je n'aurais plus répondu de rien si tu l'avais dit.
Il plongea le visage dans ses cheveux bouclés et ferma les yeux.
- Et c'était quoi ?
Elle secoua légèrement la tête et eut un rire amer :
- Pourquoi veux-tu que je te le dise, pour avoir une raison supplémentaire de te reprocher de l'avoir tuée ?
- Non, murmura-t-il contre ses cheveux. Parce que je ne me souviens pas de ce que c'était. Et ça me terrifie.
Elle se recula et il fut forcé de la regarder. Ses yeux se remplissaient déjà de larmes et il se souvint alors juste avant qu'elle ne le lui dise :
- Que la tuer ne le ramènera pas.
-o-o-o-o-
Amy et Rory étaient là pour les accueillir quand ils revinrent. River salua ses parents d'un signe de tête rapide avant d'aller directement se coucher. Le Docteur ne le lui reprochait cependant pas, le deuil pouvait être épuisant.
- Est-ce que… est-ce que tout a été réglé ?
Le Docteur ne put se résoudre à les regarder en face alors qu'il leur posait cette question. Il ne leva le regard que pour voir Rory acquiescer.
- Martha a parlé à certaines personnes à UNIT. Elle a pu s'adresser directement à Kate. Elle va s'assurer que ce soit fait dans le plus grand secret.
Le Docteur hocha la tête.
- Merci. Je ne… commença-t-il avant le baisser les yeux. Je n'aurais pas pu le faire à nouveau.
- Êtes-vous sûr que c'est ce que vous voulez vraiment, le questionna Rory en avançant pour mettre une main sur son épaule. Il est si petit, et… enfin, sûrement personne ne saura pour lui. Ne préfèreriez-vous pas l'enterrer, plutôt ? Ca semble si incorrect de…
Sa voix se cassa quand il croisa le regard du Docteur.
- Non, ce n'est pas ce que je veux, dit-il tout bas, mais si quelqu'un le trouvait… je n'ose imaginer, conclut-il en prenant une profonde inspiration.
Rory hocha la tête et serra son épaule d'un geste rassurant.
- Et les cendres, où voulez-vous…
Le Docteur ferma les yeux et prit une inspiration soigneusement contrôlée. Rory secoua la tête :
- Peu importe. Plus tard.
Après une petite tape dans le dos, il tourna les talons et rentra à l'intérieur.
Le Docteur observa alors Amy. Elle le dévisageait avec la même expression inquiète depuis qu'ils étaient revenus et il savait qu'elle attendait que Rory parte pour lui poser la question qui la taraudait :
- Est-ce qu'elle l'a fait ?
Il soupira. Il se sentait si vide, si fatigué, et si vieux.
- Non.
Amy inspira profondément et laissa ressortir l'air dans une grande expiration. Elle croisa les bras et parcourut le jardin du regard, dans une attitude soudain quasiment professionnelle.
- Je ne pensais pas qu'elle le ferait. Mais cela signifie que cette femme est toujours là, dehors, alors faut-il s'inquiéter de…
- C'est moi qui l'ai fait.
Amy se figea, la bouche entrouverte tandis qu'elle le dévisageait.
- Vous… ?
Il fronça les sourcils et tendit la main vers elle, comme implorant.
- Il le fallait. Je ne pouvais pas… Cela aurait été comme si elle gagnait. Si River l'avait fait… cela aurait été comme si, finalement, ils avaient vraiment réussi. Je ne pouvais pas la laisser devenir l'assassin qu'ils ont toujours voulu qu'elle soit. Je ne pouvais tout simplement pas.
Amy s'avança et le prit dans ses bras. Il lui retourna son étreinte, enfouissant son visage dans ses cheveux tout en retenant un sanglot. Tout cela était éreintant. L'attaque, l'accouchement, son fils, son deuil, le deuil de River, la mort de Kovarian… il était épuisé. Il était tellement épuisé.
- Hé, dit doucement Amy contre son oreille. Vous êtes un homme bien, vous le savez ?
Il rit avec amertume.
- Amelia Pond, je suis tout sauf ça.
- Vous êtes un homme bien, répéta-t-elle plus fermement.
- Je suis un assassin.
- Je sais.
Elle se recula et colla son front contre le sien.
- Tout comme moi.
Il écarquilla légèrement les yeux. Il le savait. Bien entendu, il le savait. Cependant, ils n'en avaient jamais vraiment parlé.
- Amy, ce que tu as fait… ça n'a pas d'importance, ça ne compte pas…
- Mais votre mariage avec River compte, lui ?
Il n'ajouta rien à cela. Elle leva alors une main et caressa sa joue.
- Nous ne pouvons pas trier et choisir nos vérités, cher Homme Débraillé, peu importe combien nous le désirons. Je sais que vous n'êtes pas un héros. Mais vous n'êtes pas non plus quelqu'un de mauvais. Nous sommes bien plus que la somme de nos péchés, conclut-elle avec un petit sourire.
Il sourit également malgré lui, les larmes brouillant sa vision.
- Amelia Pond. Quand as-tu donc acquis tant de sagesse ?
Il la prit à nouveau dans ses bras et la serra contre lui, tandis qu'il s'autorisait à pleurer. Il pleura pour son fils, pour ce qu'il avait perdu au fil des siècles, pour le bébé d'Amy et l'enfance de Melody, pour les vies qu'il avait détruites.
Le Docteur était beaucoup de choses. Un meurtrier, un sauveur, un père, un veuf, un mari, un homme qui avait voyagé loin, vu beaucoup et perdu plus encore. Mais dans ce jardin, ses cœurs encore à vif et sa conscience alourdie de culpabilité, les bras d'une jeune écossaise autour de ses épaules, il avait bien plus conscience de ce qu'il n'était pas, que de ce qu'il était.
Il n'était pas haït de tous.
Il n'était pas seul.
Fin
Voilà voilà. J'espère que vous avez apprécié ! Si vous avez la moindre suggestion, correction, ou remarque en général, n'hésitez pas.
Je profite pour vous conseiller le compte Twitter de "malohkeh_" qui s'est lancé dans la traduction des livres officiels DW jamais publiés en français. C'est très récent donc il n'y a pour l'instant qu'une traduction, celle du premier conte issu de l'ouvrage Time Lord Fairy Tales, (Les Contes de fée des Seigneurs du Temps,) mais d'autres devraient très vite arriver.
N'hésitez pas à aller voir, à faire tourner l'information à tout ceux qui pourraient être intéressés, et à retweeter lson message avec le lien si vous avez vous-même twitter, car malgré son sérieux et la qualité de son travail, c'est un petit compte qui a beaucoup de mal à percer.
