Titre du chapitre : Felix et Lovinus.
Résumé : Romulus ne s'était pas gêné pour s'accaparer des territoires et voler les enfants des autres nations. Il adorait ses enfants adoptifs et n'avait jamais eu aucun remords à ce sujet. Seulement, les Dieux venaient de le châtier en s'en prenant à sa véritable descendance ! T_T. UA Ange et démon.
Univers Alternatif : Ange et démon. Normalement, tout est expliqué dans cette histoire au fur et à mesure qu'elle avance dans son scénario.
« Papa, on pourra le voir quand notre petit frère ?, demanda Antonius, porte-parole de ses enfants.
Pas encore, mes chers petits. On doit faire toute une cérémonie d'abord.
J'ai jamais vu de bébé nation, dit Hercules avec curiosité et avec toute la subtilité requise pour arriver à le voir.
Je vous l'amènerai dès que tout le cérémonial sera terminé.
Est-ce que nous devons participer ?, s'en inquiéta Francius.
Non, les enfants. Je suis le seul concerné.
Comment est-il ?, demanda Paullus.
Je veux le voir ! Il a trois jours !, déclara Horus.
Pas encore ! »
Romulus paniquait complètement depuis qu'il avait vu sa descendance naturelle, mais faisait en sorte de bien paraître devant ses enfants adoptés et chéris. Il ne voulait surtout pas les inquiéter ou les affoler. Il ne voulait surtout pas les traumatiser sur la magie de la naissance, alors qu'il l'était complètement en étant un adulte. Il n'aurait pas dû leur annoncer la naissance prochaine de leur petit frère et fanfaronner au moment de l'accouchement.
L'oracle lui avait dit que ce serait un garçon. Un très bon présage en ces temps difficiles pour sa nation. Romulus se sentait fatigué, proche de la fin, il détestait se sentir aussi impuissant devant l'inéluctable. Il avait été heureux de savoir qu'il aurait un successeur naturel pour la partie Italienne de son territoire.
Que de bonheur pendant 9 mois d'attente !
Seulement Romulus n'avait plus le cœur à se réjouir. Les Dieux avaient sévi et avaient maudit sa descendance. Ils l'avaient châtié pour sa tendance à s'approprier les enfants des autres et pour ses crimes passés. Il en était certain.
Il n'y avait pas un bébé, mais deux ! Romulus aurait pu en être le plus heureux des hommes, mais non. Il y avait « portentum *» (*prodige néfaste).
Romulus délaissa ses enfants pour revenir dans la chambre où séjournait le berceau de ses bébés.
Sa femme était morte en couche. Quant à la sage-femme, dès qu'elle avait eu la prétention de vouloir noyer les nouveau-nés, Romulus lui avait coupé la gorge.
Complètement horrifié et paniqué devant l'apparence des bébés, Romulus avait ramené le berceau dans son domaine personnel et avait interdit à ses enfants de les voir.
Qu'allait-il faire ?
Selon la tradition Romaine, il devait se débarrasser des enfants, les abandonner ou les tuer, car il représentait un danger pour l'harmonie du monde. Seulement, ils étaient des nations. Romulus le sentait. Ses nouveaux enfants se partageaient la péninsule italienne. Ils étaient ses successeurs. Ils ne devaient pas leur faire de mal et surtout il ne le voulait pas et ne le pourrait pas.
Il s'approcha pour contempler les difformités de ses jumeaux.
Le premier né avait les cheveux châtains, possédait de grands yeux rougeoyants et était recouvert de lanières de laine noire qui semblaient constituer une fourrure. Il émanait de l'enfant une sorte d'aura négative, sombre, noire, pesante et agressive.
Le plus jeune avait une teinte de cheveux plus clairs, des grands yeux pétillants et se plaisait contre son jumeau. Il dégageait de la chaleur, de la joie de vivre et pleins d'émotions positives qui contrebalançaient les émanations de son frère. Il n'en était pas moins difforme. Ses pieds étaient regroupés en une queue de poisson aux nuances mordorées, de petites ailettes dorées le couvraient et, sur son cou, des petites saillies laissaient à penser qu'il pouvait respirer sous l'eau.
Romulus avait eu peur que le cadet soit mal à l'aise à l'air libre, mais il semblait s'en accommoder si on le laissait dans un linge humide et frais.
On lui avait dit qu'avoir un bébé à charge serait une source d'ennuis constants, mais il ne pensait pas que des jumeaux étranges allaient le tracasser autant à la minute même où ils naîtraient.
Romulus ne voulait pas consulter un médecin, mais plutôt un oracle pour avoir des réponses et décider quoi faire.
Il avait fait la liste mentale de tous les lieux de culte qu'ils connaissaient à Rome et de tous les prêtres qu'il pourrait soudoyer, menacer, intimider, etc...
La grande nation de Rome avait finalement décidé d'aller voir ceux qui officiaient au temple de Vénus Felix et de Romae Aeterna pour la simple et bonne raison qu'ils accepteraient d'avoir l'avis supplémentaire de l'oracle de Delphes au cas où leurs prédictions seraient néfastes pour les jumeaux. Ils étaient sérieux et s'occupaient de l'organisation de son anniversaire le 21 avril, ce qui faisait que Rome avait eu l'occasion de discuter de manière privilégiée avec eux de politique, de religion et d'état de nation. Il les avait déjà consultés pour sa famille, puisqu'ils étaient tous nés sous l'influence de Vénus.
Ce serait le plus simple.
Il couvrit ses deux Némésis en couche-culotte et s'apprêta à partir.
Evidemment, dès qu'il fit un pas hors de la chambre, cinq paires d'yeux enfantins regardèrent avec grand intérêt le landau.
« Le regarder avant que ce soit le moment porte malheur, les avertit-il. Je vais à l'une des cérémonies avec lui. Soyez sages en m'attendant. »
Ses enfants se cachèrent les yeux, ce qu'il trouva absolument adorable.
Le landau protégeait efficacement ses bébés du soleil, mais également des regards trop curieux. En entrant dans le temple, Romulus demanda à voir l'Oracle le plus rapidement possible pour une affaire très urgente. En patientant, il entendit le plus jeune produire des petits gémissements agréables à l'oreille, mais que Romulus avait fini par interpréter par : « Je me dessèche, papa chéri, change-moi le drap, s'il-te-plaît. Je t'aime. ». Le père inquiet chercha une arrivée d'eau avant que le plus âgé ne se mette à grogner et à s'agiter l'air de dire « Qu'est-ce que tu fous, enfoiré ? T'as intérêt à t'occuper comme il faut de mon petit frère, père indigne ! Bâtard, va ! ».
Discrètement, il ré humidifia son plus jeune fils, ce qui calma les deux enfants. Romulus s'était aperçu que des évènements surnaturels semblaient entourer les jumeaux, mais il préférait fermer les yeux dessus pour le moment. Il y avait plus urgent, comme les réponses de l'oracle.
Etre la nation Romaine avait quelques avantages comme celui de pouvoir être reçu par un oracle quasiment dans l'immédiat.
Il avait été dans le feu de l'action, mais maintenant qu'on lui demandait de rejoindre l'Oracle dans une salle privée, il angoissait de nouveau pour l'avenir de ses deux êtres si fragiles.
« Quelle est votre question ?, demanda l'Oracle.
Je vais devoir vous expliquer. Vous savez ce que je suis. Je représente le peuple romain et tous les territoires de l'Empire.
Oui, bien sûr. Nous nous sommes déjà parlé. Vous êtes un être fascinant.
On m'a prédit la naissance d'un fils. Seulement ce sont des jumeaux…
Toutes mes félicitations. Est-ce que l'enfant supplémentaire est une fille ?
Ce sont deux garçons.
Il arrive que la voix des Dieux soit difficile à entendre. Il n'y a peut-être que l'un d'eux qui sera digne de vous succéder et cela a faussé l'interprétation.
Ce qui m'inquiète le plus, c'est leur apparence physique. »
Romulus prit le petit garçon colérique entre ses bras pour le montrer à l'oracle, le reposa en l'entendant geindre de s'être fait déranger, puis lui montra son deuxième garçon calme et heureux d'être contre son père.
Les traits de l'Oracle se plissèrent comme s'il réfléchissait intensément.
« J'aimerai avoir des réponses. Ils représentent deux parties de l'Italie chacun, ils sont importants. Ce sont mes enfants. Je ne sais pas vers qui me tourner…
Le premier ressemble à un Lares avec sa fourrure de laine. »
Romulus regarda l'aîné des jumeaux avec surprise, ne s'attendant pas à ce qu'il soit une sorte d'entité spirituelle protectrice de la famille et des maisons de celle-ci. Avec toute sa négativité, il était surprenant qu'il ne veuille que du bien à son entourage.
« … et le second à un siren. Méfiez-vous de lui. Son apparence est trompeuse. Il pourrait vous faire faire tout ce qu'il veut.
Je croyais que les siren étaient des femmes-oiseaux, fut surpris Romulus.
Il existe aussi des chimères humain-poisson qui ont les mêmes pouvoirs. »
Ce petit côté charmeur du cadet serait donc trompeur et dangereux. Les sirènes avaient pour habitude d'attirer les hommes, plus particulièrement les pêcheurs, et de les tuer. Romulus eut alors très peur pour l'avenir du cadet. S'il avait ce genre de tendance, il n'aurait d'autres choix que de s'en débarrasser.
« Sont-ils nés sous l'influence de Neptune ?, l'interrompit le prêtre dans ses pensées.
Oui…
En fait, il vaudrait mieux que vous posiez des questions aux prêtres de Neptune, pas à ceux de Vénus, en ce qui concerne leur bien-être.
Je ne les connais pas très bien et j'ai peur de ce qu'ils pourraient me demander de faire.
Je le comprends. Laissez-moi les examiner. Devant vous, bien entendu. Avez-vous leur date et leurs heures de naissance ? »
Romulus lui donna tous les renseignements nécessaires en surveillant tous les faits et gestes de l'homme sur ses enfants. Leur planète dominante était effectivement Neptune, mais également Vénus avait fait son apparition pour leur naissance.
Romulus en fut soulagé, parce que ses jumeaux étaient ainsi en partie sous la responsabilité du temple de Vénus Felix, et sa démarche était donc valide. Ses autres enfants avaient tous vu le jour sous la bénédiction de Vénus, mais pas ceux-ci qui avaient attiré les foudres de Neptune.
« C'est que je craignais, dit enfin le vieil homme.
Dîtes-moi en plus, dit Romulus avec les larmes aux yeux.
Vous auriez dû n'avoir qu'un fils, comme la prédiction le disait. Votre enfant s'est séparé en deux entités dans le ventre de sa mère.
Si on les remet ensemble, va-t-il redevenir normal ?, s'inquiéta Romulus.
Non. Ce n'est plus possible maintenant. Vos fils ont commencé à vivre de manière trop indépendante et ils refuseront de ne faire plus qu'une et même personne. Le délai est passé.
Est-ce que c'est de ma faute ?, s'en voulut Romulus d'avoir attendu aussi longtemps avant d'avoir vu un prêtre.
Non. Ils étaient déjà dans cet état à la naissance. Vous n'avez rien à vous reprocher.
Est-ce que c'est dangereux pour eux ?
Non. Enfin, pas vraiment. Ils sont plus fragiles que des bébés ordinaires. Il faut qu'ils restent très proches l'un de l'autre. Ne les mettez jamais dans des pièces différentes. Ils se protègent mutuellement par leur présence contre des entités malfaisantes.
Des entités malfaisantes !, s'affola Romulus. Sont-elles invisibles ? Que pourraient-ils leur arriver ?
Rien, du moment qu'ils restent ensemble. Il faudra bien leur faire comprendre qu'ils sont dépendants l'un de l'autre. Normalement, ils ne voudront pas être séparés, même pour quelques heures. Le Lares ne le permettra pas, prendra un comportement infernal et vous fera des caprices, tandis que le siren se mettra à pleurer toutes les larmes de son corps pour vous attendrir.
Dire que je pensais que mes enfants adoptifs étaient déjà des gros manipulateurs en puissance.
Autre chose. Si l'un d'eux meure, l'autre également. Leurs vies sont étroitement liées.
C'est compris. Je veillerai sur eux comme sur la prunelle de mes yeux. Ce qui m'inquiète, c'est qu'ils sont des entités spirituelles. Je ne sais pas quoi faire.
Dans certains cultes romains et grecs, des prêtres se divisent en deux entités pour effectuer certaines tâches. C'est souvent le cas dans le culte de Neptune. C'est pour cette raison que je vous conseillais d'aller les voir.
Vous voulez dire que c'est un peu comme la part masculine et la part féminine d'une personne. »
Le prêtre mit du temps avant de se décider à répondre.
« Oui.
Mais ce sont deux garçons ! Est-ce qu'ils devraient être de sexes opposés ?, s'affola Romulus pour qui l'incertitude sexuelle était son pire démon.
Normalement, oui. Seulement…
Oh… Ils sont anormaux, se plaint Romulus.
Dans leur cas, la séparation a été d'abord physique avant d'être spirituelle. C'est pour cette raison qu'ils sont du même sexe.
Qu'est-ce qu'il faut faire pour eux ? Ils ne peuvent pas rester ainsi !
Il faut leur mettre autour du cou une amulette avec le signe de Neptune qui les forcera à prendre apparence humaine. Seulement, ils n'ont que quelques jours, ils pourraient ne pas le supporter. Je pense qu'ils se feront à l'idée de prendre forme humaine d'eux-mêmes… »
Romulus prit une grande inspiration, cherchant une solution pour ses enfants. Son fils cadet poussa un profond soupir qui bien qu'ennuyé paraissait élégant et, sous ses yeux ébahis, prit forme humaine de lui-même. Il était devenu un bébé comme il faut pour être présenté à ses frères impatients.
« Au moins l'un des deux vous obéit… Je n'aurais pas pensé que ce serait le siren. Il se sentait peut-être trop mal en dehors de l'eau.
Hé, fils ! L'aîné ! Fais pareil que ton petit frère avant de faire mourir ton père d'une crise cardiaque ! »
Un grognement ignoble monta de la gorge du tas de laine noire, comme s'il râlait et jurait en même temps.
« Romulus. Il ne faut pas manquer de respect à un Lares, car autant il est capable de protéger votre maison des attaques extérieures autant il peut la saccager de l'intérieur. Il a besoin de sentir aimé et respecté pour avoir envie de remplir sa fonction.
Ah. Pardon… euh…
Comment s'appellent-ils ?
Je préférais attendre l'avis d'un oracle avant de le faire.
C'est tant mieux.
Pour quelle raison ?, s'enquit Romulus.
Je ne sais pas comment les nations fonctionnent, mais il me semble que vous vous faîtes souvent la guerre et que vous avez des rancœurs. Si l'une des nations que vous avez offensée… »
Oh, Dieux vengeurs ! La liste était beaucoup trop longue.
« …sait se séparer en deux entités, elle pourrait maltraiter vos jumeaux.
Genre vendetta sanglante avec deux petits êtres innocents et sans défense. C'est déjà prévu au programme. J'ai installé toute une armada pour veiller sur mes chers enfants. Deux de plus ne feront pas une grande différence…
L'attaque concernerait leurs âmes et pourrait se faire à distance.
Y a-t-il un moyen vraiment efficace pour éviter ce genre de blessures qui me semblent incurables ?
Oui… »
Le prêtre prit une grande inspiration, jeta un coup d'œil prudent au Lares récalcitrant. Oh, celui-là n'allait pas être un enfant commode. Pourtant, il aurait juré que la siren serait plus difficile à maîtriser.
« Il est tellement évident que vos fils, du fait qu'ils soient de vrais jumeaux, sont des entités divisés qu'il faudrait prendre une mesure exceptionnelle et drastique pour les protéger.
Comme quoi ?, demanda Romulus sur le qui-vive.
Faire croire qu'ils sont des faux jumeaux, dit le prêtre comme s'il sous-entendait quelque chose.
C'est-à-dire ? Ils se ressemblent beaucoup trop.
Il faudrait faire passer l'un d'eux pour une fille, le temps qu'ils sachent se défendre eux-mêmes.
C'est hors de question ! »
Son aîné grogna de plus belle. Apparemment, être pris pour une fille ne semblait pas l'enthousiasmer. Romulus réfléchit à toute vitesse pour donner un nom à ses enfants, avant qu'une catastrophe surnaturelle survienne.
Il prit dans ses bras le plus jeune et l'appela Felix, comme l'était la Venus de ce temple. Felix était un nom masculin également. L'enfant ne serait pas trop mécontent à l'arrivée. De toute façon, il avait l'air plus accommodant que son frère aîné.
Quant à l'autre, petit corniaud qui avait déjà saccagé plusieurs draps en les déchirant, il décida de l'appeler :
« Lovinus... Lovi chéri, s'il-te-plaît, fais comme ton frère avant qu'une femme de ménage ne te prenne pour une pelote de laine remuante et te fasse du mal. Papa est très inquiet pour toi, mon amour. »
Il suffisait de le prendre par les sentiments. C'était noté.
Ah, ses jumeaux chéris lui avaient fait voir des belles à la naissance.
« Je vais venir avec vous, jusqu'à votre maison, pour m'assurer que vos enfants adoptifs réagissent bien à leur venue…
Ne me dites pas que vous ne m'avez pas tout dit.
Pour faire simple, Lovinus représente la part sombre et Felix la part lumineuse de la personnalité d'origine. Ils vont bien évidemment se développer contre des êtres normaux par la suite, dit immédiatement l'Oracle pour le rassurer. Seulement, il est rare qu'on s'attache à une part sombre et que l'on lui préfère une part lumineuse.
Vous voulez dire que je serai capable de préférer l'un de mes enfants et de rejeter l'autre, s'en offusqua Romulus qui avait toujours chéri équitablement tous ses fils adorés.
Oui, même vous. Vous pourriez ne pas aimer Lovinus.
Ah, bon…
Ce pourrait être pareil pour vos enfants. Ils auront nettement tendance à préférer Felix.
Je croyais que comme Lovinus était un esprit protecteur, il serait adoré par sa famille.
C'est le fait d'être une part sombre. C'est toujours cet aspect de la personnalité que l'on refoule chez soi, alors chez un enfant qui en est un concentré pur…
J'ai compris. Je ferai attention. J'en parlerai à mes enfants. Il n'y a pas un moyen pour contrebalancer toute sa négativité.
Il faudrait un Lares positif parmi votre famille. Il aurait un instinct protecteur envers Lovinus assez immédiat. Je me doute que vous l'êtes, parce que sinon vous auriez déjà complètement rejeté Lovinus.
Ah, parce que nous aussi…
Chaque être possède une part sombre et une part lumineuse. Le problème de votre enfant, c'est la séparation physique de ses deux parts.
D'accord. Y a-t-il autre chose à savoir ?
J'aimerais vous poser une question, mais je suis quasiment sûr que vous ne me répondrez pas.
Allez-y.
La légende de la fondation de Rome est-elle fondée ? »
Romulus se tut subitement, préférant ne pas ressasser des souvenirs malheureux. L'Oracle n'insista pas et abandonna ses consultations pour le raccompagner chez lui. Romulus ne cessait alors de penser à Remus, son propre jumeau, disparu bien trop tôt à la suite d'un pari idiot. Il avait du sang de nation sur les mains et les Dieux le lui rappelaient avec la naissance étrange de Felix et Lovinus. Il s'était dit qu'il aurait appelé son fils Remus pour se racheter. En fait, il n'était pas plus mal que la famille oublie ce fratricide. Romulus ne voulait pas que l'histoire se répète, surtout que la vie des jumeaux était liée au point de recevoir les mêmes atteintes physiques.
Quand il entra dans la maison, ses enfants étaient dans l'entrée en train de l'attendre bien trop sagement. Depuis quelques jours, ils étaient excités par la naissance de leur frère et en étaient devenus nerveux, mais moins remuants.
« Bonjour, les enfants, dit l'Oracle.
La cérémonie est terminée. On peut le voir ? », demanda aussitôt Horus qui n'en pouvait plus d'attendre.
L'Oracle fit un signe entendu avec Romulus. Le père déposa le berceau à terre, s'inquiétant de la réaction de ses enfants.
« Oh, mais il y a deux bébés ?, dit immédiatement Francius. Tu ne nous l'avais pas dit, papa.
Eh, oui. Je voulais vous faire la surprise. Un garçon Lovinus et une fille Felix. »
Oh, ça lui écorchait la gorge de dire que Felix était une fille, mais c'était pour le bien des jumeaux.
« Ils vont être aussi beaux et charmeurs que vous, petits coquins, puisque Vénus les a béni eux aussi. Par contre, ils sont sous l'influence dominante de Neptune.
Ils ne sauront pas se battre ?, l'interrogea Antonius plus inquiet qu'autre chose.
Euh… »
Romulus se tourna vers l'Oracle.
« Je n'ai pas encore fait leur horoscope, mais il est clair qu'ils ne seront pas de forts guerriers sur le plan individuel. Je veux dire par là qu'ils seront plus des stratèges. C'est Minerve qui les guide et non Mars.
Oh…, fit Hercules qui avait l'air d'apprécier le concept.
Je vais enfin avoir des enfants intelligents », dit Romulus pour charrier son petit monde.
Evidemment, ses enfants protestèrent. Romulus leur fit signe de se taire, quand il entendit Lovinus râler encore une fois.
« Il fait pas un drôle de bruit ?, s'inquiéta immédiatement Francius. Il n'est pas malade ?
Non, il a tendance à faire cela. Felix chantonne quant à elle. »
Romulus sortit tout d'abord Lovinus pour que ses enfants soient émerveillés et gardent une bonne image de l'aîné.
« C'est le garçon ? », dit immédiatement Horus en ayant un mouvement de recul involontaire.
Aïe, ça commençait mal. Hercules et Paullus avaient eu la même réaction qu'Horus. Par contre, Antonius et Francius s'approchèrent pour le toucher.
« Oh, il est tout doux. »
Lovinus ouvrit les yeux et déplia ses petites mains, apparemment satisfait que ses deux frères se penchent vers lui. Il bailla un peu et il sembla être un peu plus calme que les heures auparavant, fixant ses nouveaux visages avec curiosité.
Romulus sentit le bébé être plus détendu et il jeta un œil en biais à Antonius et Francius. Ils devaient avoir une part lumineuse de type Lares pour se sentir aussi à l'aise avec Lovinus.
Ses autres enfants finirent par regarder Lovinus et lui tendre le petit doigt de la main pour que celui-ci le serre.
Tout d'un coup, il entendit Felix babiller pour attirer l'attention vers lui.
Loin de son comportement habituel, Hercules se précipita vers Felix. Ah, il y en avait un avec un côté siren négatif dans le lot, s'il avait bien tout compris.
Horus s'approcha également en souriant, apparemment plus intéressé par celui-ci que par Lovinus.
Romulus sentit Francius bouger pour aller rejoindre ses frères. Seulement Lovinus émit une protestation…
« Je crois qu'il t'aime bien Francius. Tu peux rester encore un peu avec lui. Felix lui ressemble beaucoup et elle a déjà deux personnes autour d'elle. C'est beaucoup pour un bébé. »
Francius hocha la tête et se concentra à nouveau sur Lovinus.
Antonius semblait curieux, mais n'avait pas forcément envie de rejoindre le landau où séjournait Felix.
« Je peux prendre Lovinus dans les bras ? », demanda Antonius.
Romulus fut surpris par la demande de son fils adoptif qui n'avait même pas huit années physique. Il n'aurait jamais pensé que la négativité de Romano attire à ce point Antonius.
« Viens par-là, Antonius. Il faut que je le tienne en même temps que toi. »
Romulus ouvrit son bras libre pour laisser Antonius se mettre contre lui. Il lui passa Lovinus en lui disant de bien faire attention à sa tête et il mit son bras en doublon pour soutenir celui d'Antonius.
« Il est léger.
Tu verras, tu le trouveras bientôt trop lourd et trop chaud, dit Romulus en surveillant ses autres enfants qui regardaient Felix. Vous ne la prenez pas sans moi, c'est compris ?
Oui, papa. »
Lovinus bailla et bougea ses doigts, se détendant de plus en plus. Romulus n'avait jamais vu un bébé aussi angoissé et alerte. La présence d'Antonius semblait avoir un effet bénéfique sur lui. Il devait se sentir plus en sécurité en sa présence.
Romulus entendait Felix gazouiller dans son coin, ce qu'il trouvait bien agréable.
Lui aussi se sentait plus détendu, maintenant que ses enfants adoptifs avaient accepté leurs petits frères de cœur. Il allait falloir veiller sur eux plus que ses autres enfants, mais Romulus s'en sentait vraiment capable.
Le prêtre semblait observer les liens qui les reliaient entre eux de manière très attentive. Romulus finit par coucher les bébés dans la même pièce, comme il lui avait été conseillé. Il avait bien averti ses autres enfants qu'il ne fallait pas séparer les jumeaux.
« Alors ? On dirait bien qu'ils vont s'entendre ?, dit Romulus pour détendre l'atmosphère, une fois qu'il fût seul avec le prêtre.
Votre famille est bien équilibrée effectivement, ce qui va faciliter l'intégration de votre fils Lovinus. Je ne me fais pas de souci pour Felix. Seulement… »
Le prêtre eut une mine pensive, comme s'il hésitait à lui parler de quelque chose d'important.
« Seulement ?, l'encouragea Romulus.
L'un de vos enfants adoptifs vous maudira pour l'avoir inclus dans votre famille quand viendra le moment.
Pourquoi ?, s'en alarma Romulus. J'ai été un bon père ! Je me suis bien occupé d'eux. Ils sont comme mes propres enfants ! Ils ont dépassé ce stade depuis un bon moment ! On s'adore ! D'accord, je les gâte trop ! Mais je suis comme ça… »
… Depuis qu'il avait perdu son frère Remus par sa faute.
« … Que pourrait-il me reprocher ? Lequel c'est ?
L'un d'entre eux va sûrement tomber amoureux de l'un de vos enfants naturels, ça va lui causer de gros soucis moraux. Il se sentira comme un mauvais grand frère et…
Oh, ce n'est que ça ! Tant que l'autre est d'accord, je ne vois pas le problème.
Ce sera réciproque, et à lui aussi, ça lui causera de gros soucis moraux...
Tant mieux ! Tout le monde est heureux au final, se réjouit Romulus qui était resté bloqué sur la notion de réciprocité.
Ça ne vous gêne pas que deux de vos fils…
Ils n'ont aucun lien de sang… Et entre deux hommes, c'est monnaie courante à Rome. »
Le prêtre soupira, se disant qu'il serait très difficile à expliquer à la nation romaine que les mœurs changeront d'ici le Moyen-Âge. Une relation homosexuelle serait alors vue comme un péché mortel. Ce serait encore plus aggravé par la différence d'âge entre les deux personnes, la responsabilité de l'un par rapport à l'éducation de l'autre, le fait qu'ils étaient vus comme des frères, malgré qu'ils ne le soient pas par le sang. De plus, c'était sans compter que Lovinus ressemblerait à un démon maléfique quand il serait suffisamment grand pour voir différemment Antonius son tuteur officiel.
Que les Dieux anciens leur viennent en aide !
