Garrick jeta un dernier coup d'œil autour de lui, s'assurant qu'il n'avait rien oublié, puis sortit de sa boutique. Il serra son manteau autour de lui avant de se retourner pour verrouiller la porte. Traversant le Chemin de Traverse vers le pub de Tom, ses pas crissant sur la fine couche de la première neige de l'hiver 1981, Garrick ne croisa presque personne. Cela ne l'étonna pas : personne n'était d'humeur à faire les boutiques, ces temps-ci. Il n'avait pas eu un seul client de la semaine.

Le Chaudron Baveur était vide, lui aussi. Tom, debout derrière le comptoir en train de lire le journal, leva les yeux quand Garrick entra dans l'établissement.

— Ah, t'y vas, toi ?

Garrick hocha la tête. Il n'avait pas à demander des précisions au barman. Il n'y avait qu'un endroit où il pourrait aller, en cette froide journée du début novembre.

— Tu offriras mes condoléances.

Le fabricant de baguettes hocha de nouveau la tête, puis ressortit dans le vent froid, se pressant vers l'aire de transplanage. Il prit un instant pour sortir de sa poche l'invitation qu'il avait reçue par hibou l'avant-veille, visualisa bien l'endroit où il se rendait, puis disparut dans un bruit sourd.


Quand il réapparut, il mit un moment à s'orienter. Il n'avait jamais mis les pieds à Godric's Hollow, et la couche de neige qui tapissait le sol – plus épaisse ici qu'à Londres – reflétait le soleil mat de la fin d'après-midi et donnait au village endormi des airs de conte de fées.

Rapidement, il sut qu'il était au bon endroit quand une sorcière d'une trentaine d'années apparut derrière lui. Il la reconnaissait vaguement. Bois de hêtre et ventricule de dragon. 33,5 centimètres.

— Vous venez pour l'événement ? demanda-t-elle.

Pour une troisième fois, Garrick hocha la tête. Il offrit galamment son bras à la dame, mais ce fut elle qui les guida jusqu'au lieu du rendez-vous, car lui-même ne savait pas où il se trouvait.

Le cimetière de Godric's Hollow était déjà plein à craquer de sorciers, qui conversaient d'une voix basse et piétinaient les tombes avec le plus de respect possible. Son accompagnatrice semblait savoir exactement où elle se dirigeait, alors Garrick la suivait sans protester, adressant çà et là des hochements de tête aux sorciers qu'il reconnaissait – ceux avec qui il avait étudié, ou ceux à qui il avait vendu leur baguette.

— Emmeline !

La femme extirpa son bras du sien, lui souhaitant une agréable fin de journée, et partit rejoindre le grand homme noir qui venait de l'appeler. Un instant plus tard, ils avaient disparu dans la foule et Garrick était à nouveau seul.

Il savait où il allait maintenant, cependant, et peu de temps après il atteignait une éclaircie dans la foule. Une clairière au centre de laquelle se tenaient deux cercueils d'une couleur dorée pâle, semblant flotter sur la mer de fleurs qui étaient déposées à leurs pieds. Garrick s'en approcha à pas feutrés et tira de son sac deux bouquets, conservés magiquement. Il posa les lys blancs sur le cercueil de droite, les roses rouges sur celui de gauche.

Puis, il ferma les yeux et plaça ses mains sur le bois froid des cercueils. Il voulait en sentir une dernière fois les occupants. Pas les Potter, mais leurs baguettes, autour desquelles étaient serrées leurs mains jeunes, trop jeunes. Acajou et moustache de Fléreur d'un côté, saule et crin de Sombral de l'autre. Garrick soupira. Les deux baguettes – et les sorciers qu'elles avaient choisis – auraient dû avoir toute leur vie devant elles, pour s'épanouir et réaliser leur plein potentiel.

L'homme sentait aussi celui qui avait interrompu ce rêve. Le bois d'if et la plume de phénix, pour qui il avait prédit de si grandes choses, une telle puissance…

— Monsieur Ollivander ?

Garrick ouvrit les yeux. Devant lui se tenait un jeune homme aux cheveux bruns, des cernes sous les yeux et des trous dans les vêtements. Bois de cyprès, crin de licorne, 23,75 centimètres. Remus Lupin.

— Tout va bien ?

Garrick sourit tristement. Il voyait dans les yeux du jeune homme la douleur d'avoir perdu non seulement James et Lily Potter, mais aussi Peter Pettigrew et Sirius Black – deux autres baguettes au destin tragique –, et c'était de son bien-être qu'il se préoccupait ? Il s'approcha de lui et serra une de ses mains froides entre les siennes.

— Ce serait plutôt à moi de vous poser cette question, jeune homme.

Lupin eut un sourire triste et haussa une épaule. Garrick accrocha son regard.

— Ne perdez pas espoir, dit-il d'une voix douce mais ferme. Vous verrez, de cette tragédie naîtra un monde meilleur. J'en suis certain.