Troisième fic sur Bleach et seconde concernant le pairing GinxRukia dans mon annuaire, vous voilà introduit à The Fortress. Lecture que je veux déconseille si vous êtes une âme sensible ou bien un mineur après, eh bien, je ne peux vous empêcher de le faire. Extrême violence, torture, abus, tentatives de suicide et tout les aspects ce joli monde bien sombre seront au rendez-vous. Vous êtes donc prévenus.
Dans cette fanfiction, bien différente de "Rehab" (je m'excuse d'ailleurs aux lecteurs qui attendent un prochain chapitre, mon imagination va et vient. Je publierais tôt ou tard une suite.), Gin Ichimaru n'est pas l'amoureux transi de Rukia. Il représente la figure du bourreau, de l'homme qu'elle haïra le plus au monde, donc ne venez pas ici en vue d'une romance fleur bleue. Ce n'est pas le sujet.
Certains l'auront peut-être déjà remarqué mais le sujet de cette fic est très inspirée par "Eden" d'obsessmuch, une fanfic extraordinaire que je vous conseille absolument de lire si vous êtes suffisamment tarés pour le faire. Et c'est le cas. Je pars de ce postulat de départ, mais m'éloignerais très certainement de ce modèle. Le but n'est absolument pas de faire un stupide et bête plagiat.
Bonne lecture.
The Fortress
Chapitre 1
.
.
.
"Être soi-même l'artisan de son malheur ; se déchirer le coeur de ses propres mains ; et tandis qu'on souffre ces douleurs insupportables, sentir à chaque instant qu'on peut les faire cesser d'un mot et que ce mot soit un crime ! ah ! mon amie !..."
Les Liaisons Dangereuses, de Pierre Choderlos de Laclos
.
.
.
Étendue sur le dos dans le sable, je n'ai d'autre choix que de laisser mes yeux planer le long de la voûte céleste qui domine Las Noches. Un, deux, trois… sept nuages errent au coeur de cette surface bleutée que certains auraient qualifié d'idyllique.
Un rire crève la surface de mes lèvres, lorsque cette pensée remonte à mon esprit.
Las Noches n'a rien d'idyllique. Tout au contraire.
En attestent les plaies béantes qui creusent désormais mon corps – ouvertes, elles rejettent des litres et des litres de mon propre sang hors de ma chair. Elles causent, minute après minute, ma perte imminente.
Cette pétasse aux cheveux violets aura pris bien du plaisir à me cribler de blessures profondes et se prendre pour plus puissante qu'elle ne l'est en réalité, quand bien même j'ai eu sa peau la première. Je souris amèrement. En attendant, je ne vais tarder à la rejoindre dans les limbes sombres de la mort.
Et cette idée me terrifie.
Je ne suis pas de ceux qui acceptent leur fin avec dignité – et Kami-sama seul sait combien j'ai essayé. Chassez la feinte sérénité, et le naturel revient au galop. C'est bien ce que Gin Ichimaru m'a enseigné en une journée bien particulière colorée par le désespoir, et, avec le temps, j'ai digéré la notion, l'ai acceptée à part entière.
Je ne veux pas mourir.
Je ne peux pas.
Je ne veux pas.
Où sont-ils, tous ? Chad, Uryuu, Renji, Ichigo… ? Sitôt que Cirucci Sanderwicci, tel est le nom de cette femme gonflée d'arrogance, m'est tombée dessus avec délectation, ravie à l'idée d'arracher ma vie sans importance et de pouvoir se délecter de mes hurlements de souffrance, ils ont disparu de mon champ de vision. Certainement attaqués par d'autres adversaires. Partis. Peut-être gravement blessés. Peut-être en vie. Peut-être morts.
Non.
Il ne faut que j'y pense.
Il ne faut pas que je me laisse envahir par le désespoir.
Mes garçons sont en vie. Ils vont bien. Probablement ont-ils remporté leurs combats respectifs et accourent-ils pour me secourir, ou bien se sont-ils lancés à la recherche d'Inoue. Je l'espère. Je l'espère vraiment du fond du coeur. Tout va bien. Ils vont revenir et me sauver, m'emporter loin de cet enfer de chaleur et de bestioles avides de sang. Je ne vais pas mourir. Tout ira bien.
La chaleur démentielle m'écrase de plus en plus. Je ne me sens pas bien et mon front, ainsi que le creux de ma gorge se recouvrent de plus en plus d'une sueur malsaine. Je pense que la fièvre me gagne, ce qui n'est en rien pas étonnant au vu de la charcuterie morbide de mes blessures.
Et ce ciel, ce ciel factice qui darde sur ma personne un œil impitoyable… Que je déteste cet endroit presque robotique.
« Va en enfer, Aizen… » je gronde, la voix cassée par la souffrance qui m'habite.
Car la douleur… ah, la douleur…
D'un côté, celle-ci troue ma poitrine, cinglante, griffe les parois de mon esprit et s'imprime dans ma chair à vif – si insupportable que me vient, par-ci par-là, le souhait vivace d'en finir. De ne plus ressentir du tout, de ne plus se battre contre cette bête sauvage qui me lacère l'intérieur. Puis je me ressaisis. Je m'administre une gifle intérieure, et la fureur, la volonté, la peur de perdre les miens rejaillissent en mon sein tel un torrent imparable.
Tout ira bien.
Calme ta respiration, Rukia, détends tes épaules. Enroule tes doigts autour de Sode No Shirayuki et réfléchis. Réfléchis. Il n'y a que ça à faire, de toute façon.
Je hais être aussi faible. Aussi soumise à l'inaction, comme c'est le cas ici.
Retrouvez-moi, je vous en supplie. Sauvez-moi.
Des frissons de fièvre se déferlent violemment dans ma colonne vertébrale, et ma vision se fait de plus en plus floue. Je vais mourir. Abandonnée par tous au coeur de ce désert absurde.
C'est stupide. STUPIDE.
Pourquoi ne viennent-ils donc pas ? Cela fait des heures.
L'angoisse me serre la gorge comme l'étau d'un serpent.
Sont-ils morts ?
« Merde… » je crache dans un souffle désarticulé, sentant des larmes animées par l'horreur me grimper aux yeux.
Ne les reverrais-je donc jamais ? C'est impossible. Je ne peux y croire, je ne dois pas y croire de toute façon. Aucune preuve ne m'a été apportée mais alors – ? M'ont-ils oubliée ? Crue morte ?
J'exhale un sanglot amer. Non, je ne peux y croire. Quelque chose a dû les retenir, quelque chose d'important, et qui expliquerait leur absence. Ils ne m'ont pas abandonnée. Ils ne sont pas morts. Tout va bien.
Et moi qui crève d'envie de me saisir de mon zanpakutô, bondir sur mes pieds et m'élancer à leur suite afin d'en avoir le coeur net… Moi qui me meurs… Moi qui ne me relèverais sans doute plus jamais…
Quelle idée insensée était-ce, que d'envahir la terre des Hollows en un si maigre nombre… Nous ne sommes que des gamins, pas suffisamment expérimentés face à l'armée cruelle et dénuée de toute pitié que compte Aizen à ses pieds, pas suffisamment dégourdis pour nous débrouiller nous-même en situation d'urgence… J'aurais dû les en empêcher… J'aurais dû raisonner Ichigo, le persuader que nous reportions notre tentative de sauvetage de quelques jours, de quelques semaines… Nous aurions été si forts, préparés à toute éventualité.
Mais Inoue est notre amie… Aucun de nous n'avait le coeur à l'abandonner dans ce trou à rats.
J'espère qu'elle va bien. Qu'elle a souri de tout son coeur lorsque Ichigo et les autres l'ont découverte et délivrée de sa prison aux murs blancs. Mieux vaut qu'elle vive et que je meure. Jamais elle n'aurait mérité pareil traitement au sein de cet univers.
Je clos les paupières. Merde. Je vais donc mourir.
Quelle fin minable…
Au revoir Ichigo – ne te sens pas trop coupable lorsque vous découvrirez mon cadavre, je suis certaine que vous n'avez pu en faire autrement. Au revoir Renji, et invite à dîner cette fille de la Cinquième division, gros bêta, elle te dévore littéralement des yeux. Au revoir Byakuya, ne te renferme pas dans sa solitude après ma mort, ouvre-toi au contraire davantage à tous ces gens qui te veulent juste du bien. Au revoir Uryuu et Ishida, j'espère que vous survivrez à cette aventure. Au revoir Inoue, tu as toute ma bénédiction pour embrasser cet idiot d'Ichigo. Au revoir Ukitake-taïcho, nous nous reverrons probablement bientôt. Au revoir le Seireitei. Au revoir ma chambre. Au revoir Sode No Shirayuki, cette vie à tes côtés fut extraordinaire. Au revoir, au revoir tout le monde…
Des pas.
Ils se répercutent dans ma tête et me poussent à ouvrir en grand les yeux. Oh mon dieu, faîtes que ce soit Ichigo, Renji, Chad ou bien Ishida. S'il vous plaît.
Je me concentre.
Ce sont bien des pas, un peu étouffés par le sable. Deux personnes s'avancent à ma rencontre, et leur démarche est étonnamment tranquille.
Tranquille ?
Mon estomac se tord subitement à cette pensée. Ça ne ressemble à aucun de mes garçons, eux qui auraient au contraire accouru jusqu'à mon corps, fous d'inquiétude. Cette attitude paisible me saisit d'inquiétude.
Qui… ?
« Ne ressemble-t-elle pas ainsi à une poupée cassée, notre petite Kuchiki ? »
Non. Je me glace.
Cette voix. Traînante, imbibée d'une moquerie à faire froid dans le dos, dont la profonde méchanceté est masquée par une bienveillance feinte. Oh mon dieu. Pas cette voix.
« Surtout à un bout de viande juste bon pour être mastiqué. » rétorque un autre homme, agacé.
J'ai la gorge nouée, les mains moites, la vue troublée par la terreur. Mes entrailles se resserrent douloureusement.
Cela n'annonce rien de bon.
Je voudrais être capable de me relever et courir le plus loin possible d'eux. Ou bien juste ramper, mais m'éloigner, absolument m'éloigner de ces deux voix… Problème, mon corps ne répond plus. Oh mon dieu, oh mon dieu, oh mon dieu… Comptent-ils me tuer ? Rire de moi ? Me maltraiter ?
Quoi qu'il en soit, ma peur devient irrationnelle.
« Voyons, fais preuve d'un peu de délicatesse, Nnoitra ! Tu risques d'effrayer la demoiselle. »
« T'es aveugle ou quoi ? Elle est d'jà morte de peur, ça se lit sur ses traits. »
« Je ne comprends pas. » s'amuse l'ex-capitaine, toujours hors de mon champ de vision. « Pourquoi donc nous craindrait-elle ? Nous sommes si gentils. »
« Et armés de gros couteaux. »
Mes mains tremblent frénétiquement. Mon coeur bat à la chamade sous ma poitrine. Je respire de plus en plus mal. Malgré tout, je tente de conserver une expression froide face à la menace, mais les larmes mal retenues au coin de mes yeux me trahissent déjà. Seigneur, que je suis faible.
Une ombre gigantesque apparaît au coin de ma vue, et masque le soleil en s'accroupissant à ma hauteur. Et je demeure immobile, affaissée dans le sang et le sable, seulement capable de manoeuvrer mon regard et donc soutenir le sourire jubilatoire qu'arbore Gin Ichimaru.
Nous y sommes donc.
Cela fait des mois que je ne l'ai pas vu – bien que sa personne s'intègre régulièrement au sein des cauchemars que je fais depuis notre petite conversation peu de temps avant mon exécution –, et sa carrure est demeurée la même. Trop longue et trop mince, presque ridicule, soutenue par des mèches grises lui tombant sur le front et des paupières constamment plissées. Je crois n'avoir jamais vu ses yeux. Il est revêtu d'un long uniforme blanc, et ses sandales baignent dans le sable doré tandis qu'il m'observe fixement.
Je déglutis.
Son attention m'a toujours – toujours – rendue mal à l'aise.
Sans que je ne la voie venir, une gigantesque lame courbée vient subitement effleurer ma joue, me faisant violemment tressaillir. Putain. Je ferme les paupières dans l'espoir de me calmer, tandis que la pointe du zanpakutô court le long de ma pommette, glacée, mais les rouvre aussitôt en entendant le dénommé Nnoitra grogner sur ma droite :
« Celle-là est bonne. Je peux la sauter ? »
S'il en est encore possible, mon coeur s'emballe davantage. Oh non, non, non.
Pas ça.
Non.
Jamais.
Je ne veux pas mourir ainsi, dénudée et souillée par un quelconque Hollow. Du peu que j'en voie, cet homme est pire qu'un animal.
Mes poings se contractent dans le sable. De toute façon, quand bien même il tenterait de me toucher, je ne me laisserais pas faire. Quoi qu'il arrive, je les combattrais jusqu'à mon dernier souffle.
« Cette éventualité ne semble pas plaire à la petite Kuchiki, comme tu le vois. » sourit Ichimaru. « Que dirais-tu d'attendre le verdict que posera Aizen sur sa personne ? »
« Qu'Aizen aille se faire foutre… » grommelle l'Arrancar de dépit.
Puis je le sens se figer, comme si les mots venant de sortir de sa bouche n'étaient absolument pas appropriés. Et, effectivement, ceux-ci ne le sont pas. Il vient d'injurier leur « maître » sous le nez du plus fidèle acolyte d'Aizen.
Le sourire d'Ichimaru s'étire jusqu'à usure, et je le devine plus froid, plus cruel que la seconde précédente. C'est à glacer le sang.
« Tant de mauvais mots dans ta bouche, ne penses-tu pas que je devrais te la laver au savon ? » déclare-t-il comme si de rien n'était, mais sa voix regorge de sous-entendus plus sombres que je discerne sans mal.
J'entends Nnoitra reculer d'un pas, mal à l'aise.
« J'le referais plus. »
« M'en voilà ravi. » Son visage émacié se tourne vers moi. « Tu parais bien mal en point, petit oiseau. »
Il rit de moi. Encore. C'est ainsi qu'il agira pour toujours avec moi.
« Allez en enfer… » je lui crache d'une voix presque inaudible mais néanmoins débordante de hargne.
Il rit méchamment.
« Rancunière ? »
Je suis si fatiguée… Si proche de la mort…
« Laissez-moi tranquille… » je soupire, mes paupières dodelinantes.
Et je préférerais crever plutôt qu'ils me gardent en vie dans cet enfer ensoleillé. Plutôt qu'ils fassent de moi leur prisonnière, leur esclave.
Avant de sombrer, je sens juste une poigne épaisse – certainement celle de Nnoitra – agripper le col de mon uniforme par derrière et commencer à me traîner ainsi dans le sable, ignorant mes plaies qui hurlent, ignorant ma pâleur maladive.
Et je le sais pertinemment, brisée par l'horreur et la crainte, qu'ils me conduisent à Aizen.
.
.
.
C'est une douce chaleur qui me pousse à remuer les jambes, pivoter un peu ma nuque douloureuse puis soulever les paupières. C'est si agréable. Je me sens enlacée dans un cocon de sucre et de douceur, réchauffée par une émanation qui détend chacun de mes muscles, éteint chacune de mes inquiétudes. Une lueur orange m'éblouit légèrement, nimbant mon corps tout entier, et il me faut environ dix secondes pour réaliser que ce n'est rien d'autre que l'incroyable pouvoir médical dont est dotée Inoue.
Ce qui veut dire que…
L'espoir fond en moi comme neige au soleil, et je me mords l'intérieur de la bouche.
Ce qui veut dire qu'ils ne sont pas parvenus à la libérer. Merde. Où se trouvent-ils, bon sang ?
L'arc de lumière meurt, et je prends conscience de ma position actuelle. Affaissée en chien de fusil contre un carrelage bleuté et extrêmement inconfortable, et mes cheveux noirs me recouvrant le visage. Je me sens mieux. Guérie. Il n'apparaît plus la moindre trace des plaies trouant ma peau jusque-là. Deux bras m'aident à me relever sur mes jambes, et m'enlacent subitement.
Un peu hébétée, je serre malgré tout très fort Orihime contre moi. Elle a nettement maigri depuis la dernière fois que nous nous sommes vues, et ses cheveux ne brûlent plus du même feu qu'auparavant. Je la devine à la fois craintive et forte, et me demande si être emprisonnée en ces lieux maudits m'aurait moi-même rendue aussi différente.
« Ça me fait plaisir de te voir, Kuchiki-chan. » chuchote-t-elle. « Même si les circonstances ne sont pas telles que je l'aurais espéré. »
« Moi aussi, moi aussi… est-ce que… ? » J'ouvre ma bouche puis la referme, stupidement maladroite. « Est-ce que tu vas bien ? »
Un court silence s'installe entre nous, puis Orihime murmure d'une voix atone :
« Je ne sais pas. »
Je me sens alors idiote d'avoir posé cette question – évidemment, qu'elle ne va pas bien. Cela fait des semaines qu'Inoue est enfermée dans l'ombre sinistre de ces murs, et je n'ose pas imaginer combien elle a dû se sentir seule, combien elle a dû endurer ces derniers temps.
« Je suis désolée, Inoue. »
Un sourire tranquille étire les lèvres de mon amie, tandis qu'elle croise lentement les bras.
« Ne t'inquiète pas pour moi, d'accord ? Tout va pour le mieux. »
Je prends une ample inspiration et hoche la tête, osant la croire juste un petit peu.
Mes yeux se détachent de sa personne et voguent de part et d'autre de l'immense salle où nous nous trouvons. Manifestement, elle constitue le coeur de Las Noches, au vu du vaste monde en sillonnant la surface – Espadas, serviteurs, Numeros… La plupart gardent leur regard braqué sur nous, un mauvais sourire aux lèvres. Un gigantesque trône surplombe la pièce, encore vide pour le moment. Un frisson de mauvais augure me saisit alors – où se trouve Aizen ?
Si le pouvoir d'Orihime avait débarrassé chez moi toute trace de peur, celle-ci rampe à nouveau en moi. Où sont mes garçons ? Vont-ils venir nous sauver ? Je ne comprends plus rien – rien – à ce qui se déroule dernièrement. Pourquoi Ichimaru et Nnoitra n'ont-ils pas mis fin à mes jours alors qu'ils en avaient l'occasion ? Suis-je désormais la prisonnière d'Aizen ? Oh mon dieu, cela signifie donc que je ne retournerais jamais à la maison ?
La panique déferle en moi et emmêle mes pensées. Je me sens au précipice de la crise d'angoisse.
Que me veulent-ils ? Pourquoi me préfèrent-ils vivante plutôt que morte ? Je leur suis inutile, alors qu'ils ils possèdent Orihime comme moyen de pression vis-à-vis d'Ichigo, par conséquent pourquoi moi ?
Je ne comprends pas leur logique.
Je ne comprends pas.
Je ne comprends rien à rien.
Dirigée par l'instinct, je tâte mes doigts contre la ceinture de mon uniforme et n'y trouve que du vent. Ils m'ont subsisté mon zanpakutô. Évidemment. Il faut que je trouve une solution, que je m'échappe de cette prison à ciel ouvert. J'en suis capable. Il ne peut en être autrement, impossible que nous demeurions leurs prisonnières.
J'ai peur.
Si peur.
J'aimerais partir en courant, bousculer ces quelques personnes sur mon chemin et me ruer au-dehors, courir, courir, courir dans le sable chaud jusqu'à retrouver le Manoir Kuchiki et me réfugier dans les bras de mon grand frère. Je veux par-dessus tout retourner à la maison et m'y savoir en sécurité.
Arrête, Rukia. Je m'attribue une claque intérieure, furieuse contre moi-même.
Pourquoi ne puis-je pas me montrer courageuse ? Pourquoi suis-je désespérément si faible ?
Ils ne m'ont encore rien fait, et je suis déjà là, à trembler comme une feuille. Tout va bien. Inoue ne paraît blessée en aucune manière, alors pourquoi serait-ce le cas avec moi ? Pour une fois dans ma vie, je dois me montrer courageuse, non seulement par égard à ma dignité mais aussi à Orihime, qui est supposée être mille fois plus apeurée que moi.
Ce qui n'est absolument pas le cas, bien étrangement.
Et je ne peux pas partir.
Il faudrait être présomptueux pour supposer que je puisse vaincre tous ces adversaires redoutables à l'aide de quelques incantations. Non, je ne le puis. Ça ne servirait à rien, sinon à leur donner une justification pour me faire du mal et rire de ma faiblesse. Je dois me montrer plus intelligente que ça. Garder absolument la tête froide.
« Inoue, sais-tu ce qui est arrivé à Ichigo, Renji, Chad, Ishida ? »
Elle secoue négativement la tête, puis semble apercevoir quelque chose par-dessus mon épaule. Aussitôt, son regard se pare d'ombres et ses épaules se rétractent de crainte, réaction que je saisis aussitôt dès que le Cuarta Espada se plante entre nous dans toute sa grandeur. Très élancé, le visage diaphane éclairé par de larges prunelles d'un vert surprenant, Ulquiorra Schiffer impressionne. Entièrement tourné vers la prisonnière placée sous sa responsabilité, il ne m'adresse pas le moindre coup d'oeil. Bien que retenue à environ 98%, je repère immédiatement l'importance gargantuesque de son énergie spirituelle.
Sa paume écrase presque Orihime. Elle croule sous son regard hypnotique.
« Retournons dans tes appartements, femme. »
Elle effectue un hochement de tête, vide de toute trace de protestation, et commence à le suivre. Et moi, à paniquer. Mon sang ne fait qu'un tour. Je ne veux pas la perdre en ces lieux si hostiles.
« Où l'emmenez-vous ? » je clame sans réfléchir, m'interposant entre l'Arrancar et mon amie.
Celui-ci me considère le plus froidement du monde.
« Hors de mon chemin, shinigami. »
« Pourquoi souhaitez-vous nous séparer à tout prix ? C'est mon amie ! »
« Aizen-sama en a décidé ainsi. Je n'ai donc aucun compte à vous rendre. Cette femme a accompli son devoir en guérissant vos blessures et a désormais l'obligation de se retirer, voilà tout. »
C'est tellement cruel ! Sitôt que je l'ai retrouvée, je dois la voir disparaître de mon monde ! Cela fait des mois que nous rêvons de cet instant, Ichigo et moi, la serrer entre nos bras et la rassurer de notre mieux, et voilà que…
Je ne peux pas renoncer.
Il est de ma responsabilité de la protéger, exactement comme Ichigo l'aurait fait s'il avait été présent à ma place.
« Laiss – », et ses doigts blancs se verrouillent autour de ma gorge.
Suffocation. Peur. Peur. Peur.
Il me soulève sans la moindre peine du bout du bras, ses yeux vides braqués sur ma figure devenue livide. Ma respiration est bloquée. Complètement. Je. Ne. Peux. Plus. Respirer. J'en ai besoin. J'en ai BESOIN.
Ma bouche s'entrouvre à la recherche d'oxygène, mais rien. Mes pieds battent convulsivement à quelques centimètres du sol, et je griffe au mieux le poing refermé autour de moi mais il ne lâche, ne lâche pas, et je – je…
Laisse-moi respirer connard – laissemoirespirerlaissemoirespirerlaissemoirespirer. Je t'en supplie, je ferais N'IMPORTE QUOI.
Lointains sont les hurlements d'Inoue, je crois qu'elle essaye de le persuader de me reposer, mais il ne le fait, ne me lâche pas, et je suffoque, je –
Sa main se délie, et je m'écrase à genoux à ses pieds en crachant mes poumons.
Oh mon dieu. Oh mon dieu. Oh mon dieu.
Mes mains massent ma gorge endolorie. Je n'arrive plus à réfléchir. Aussi paniquée que furieuse, j'avale quelques lampées d'air, avant d'oser relever la tête pour lui cracher à la figure, toujours au sol.
« Ne posez plus jamais vos mains sur moi, espèce de monstre ! »
Mon exclamation se répercute dans tous les coins de la salle du trône. Ils nous observent tous.
Ulquiorra , immobile,laisse s'écouler dix à quinze secondes, un temps suffisant pour que je croie qu'il compte m'épargner, avant de tendre subitement sa paume sur le côté. Y apparaît une boule rayonnante d'un vert hypnotisant – et je comprends qu'il s'agit d'un cero. Qui n'est rien d'autre qu'un instrument de mort chez les Hollows, d'exécution.
Et qu'il s'apprête à me le rejeter à la figure.
« NON ! » hurle Orihime, horrifiée, tandis que je demeure figée par terre, yeux écarquillés à l'extrême.
Le pire, c'est que je ne trouve aucune trace de colère au fond de ces yeux verts. Juste un abîme sans fond. C'est glaçant d'en prendre conscience. Cet être ne possède aucune émotion, ne peut par conséquent pas être raisonné… On ne peut lire en lui, car il n'y a rien à lire en lui. Une coquille vide, voilà tout ce qu'il constitue… Et il se tient sous mes yeux, indifférent à mon effroi. Une coquille vide qui s'apprête à me tuer.
Terrifiée, je dresse un bras devant mon visage. Mais c'est stupide, il me tuera quand même.
« Ulquiorra. »
Cette voix calme mais autoritaire s'abat, sauvant ma pauvre vie, arrêtant le cours du temps. L'effet est immédiat. Orihime se tait, Ulquiorra abaisse sa main, la salle entière se noie d'un silence assourdissant.
Incrédule, je tourne la tête et croise le regard envoûtant de Sôsuke Aizen en personne. Ses deux comparses, Ichimaru et Tousen, le cernent, l'un ricanant et l'autre complètement désabusé face à la situation. Il exerce sur son public une aura impériale, débarrassé de la bonhomie étant sienne lors de ses heures en tant que capitaine de la Cinquième division, mèche barrant son front, petit sourire soi-disant bienveillant ceignant la ligne mince de ses lèvres.
Mes yeux se rétrécissent.
Cet homme…
Je le hais.
Il m'a manipulée, isolée, tourmentée, violentée, terrorisée. Par sa faute, j'ai vécu les heures les plus sombres de mon existence, reculée dans cette tour immonde, soumise à la crainte de mourir, la solitude, la culpabilité, l'impuissance. Il m'a considérée du haut de sa taille d'homme avec toute la condescendance du monde ce jour-là, dominant ma petite forme repliée à genoux contre le sol terreux et tremblante de peur. Il m'a soulevée à l'aide du collier encerclant ma gorge et enfoncé son poing entre mes seins afin de recueillir ce qui était sien. Je ne représentais qu'un objet inanimé à ses yeux.
Je le hais tellement.
Les choses que j'ai à lui reprocher pourraient s'étendre sur des kilomètres et des kilomètres.
« Tu ne voudrais pas abîmer notre otage. » reprend-t-il malicieusement.
Ulquiorra s'incline profondément, main plaquée contre sa poitrine et l'autre solidement enroulée autour de l'avant-bras d'Orihime.
« Pardonnez-moi, Aizen-sama. La shinigami m'a manqué de respect, aussi ai-je pensé – »
« Tu n'as aucune crainte à te faire. Nous la corrigerons à notre manière. » le coupe sans scrupule le tyran.
Je tique. À l'entente de ces mots emplis d'une menace sourde, je sens un frisson de mauvais augure dévaler ma colonne vertébrale. Que comptent-ils donc me faire ?
« Bien. » se contente de dire l'Arrancar.
« Toi et l'humaine pouvez vous retirer. » Ulquiorra et Orihime se volatilisent aussitôt dans un Sonido des plus impressionnants. De la sueur froide dévale ma nuque lorsque les prunelles ambrées d'Aizen tombent finalement sur moi. « Rukia Kuchiki, debout. »
La façon particulièrement méprisante qu'il a de me jeter cet ordre – un ordre ! – éveille à nouveau ma colère. Je ne suis pas son chien. Nul ne s'adresse à moi de cette façon, pas même Sôsuke Aizen. Ce monstre s'est appliqué il y a moins de six mois à désintégrer entre ses mains une partie de ma vie et a usé de mon corps comme d'une…. d'une boîte !
Non.
Ma résolution est prise.
Je ne lui obéirais pas. Il en va de ma fierté de Kuchiki et de l'amour que je porte à mon frère, à mes amis, à mes supérieurs.
Obéir serait les trahir. Certains me traiteront d'idiote, de folle, de bravache mais…
Jamais, jamais !
Je ne peux m'y résoudre. Je me dois agir comme Ichigo l'aurait fait à ma place, tête haute.
Ils ne me soumettront pas.
Sans doute persuadé de mon obéissance, Aizen se détourne sitôt l'ordre lâché d'entre ses lèvres, et s'en va occuper le trône jusque-là vide, suivi de ses deux comparses de toujours. Manifestement subjuguée par la scène, la foule massive nous observe en silence. Quelques murmures étonnés ou moqueur s'élèvent cependant lorsque je demeure résolument plantée sur mes genoux.
« Rukia Kuchiki. Debout. » mord la voix d'Aizen, et je sais qu'il compte me menacer, m'effrayer, me soumettre.
Alors j'abaisse le regard et me concentre de toutes mes forces sur les carreaux bleus du sol. Je ne l'écoute plus. Quoi qu'il arrive, je ne le ferais pas et qu'importe s'ils me tuent pour cet affront. Un, deux, six, neuf, douze, quin –
Une douleur démentielle agrippe mon cuir chevelu, m'arrachant un hurlement de douleur et je me sens entraînée à toute vitesse dans un shunpo adroit jusqu'au pied du trône. Des larmes remontent jusqu'à mes yeux, incontrôlables, mais je refuse de les laisser couler sur mes joues. On ricane tout autour. De moi, de ma faiblesse. Son sourire démoniaque dévorant son visage, Gin Ichimaru me domine et retire ses longs doigts de ma tignasse noire, par laquelle il m'a tirée avec une telle force que quelques cheveux noirs demeurent au creux de sa paume.
« On essaye de jouer aux dures, petite Kuchiki ? » rit-il.
Je lève un regard scandalisé vers lui.
« J'essaye de suivre mes convictions, êtes-vous en mesure de comprendre ça ? » j'halète sans réfléchir. « Oh non, j'oubliais que vous n'en possédez aucune, espèce de traître ! »
Son sourire ne vacille pas d'un iota. Je m'attends au pire, anxieuse.
Et le pire vient, bien malheureusement.
Comme nous nous affrontons encore du regard, lui à demi-abaissé sur moi qui me relève péniblement à genoux contre le carrelage, un sifflement inquiétant derrière moi aiguise mon attention. Ça ne manque pas. La seconde suivante, le zanpakutô rengainé de Tosen s'abat à pleine vitesse contre mes omoplates et me repousse violemment contre le sol, où je me cogne tout aussi fort la mâchoire. Un second hurlement m'échappe, bien malgré ma volonté.
« Vous ne souhaitez pas vous lever comme un être décent ? » déclare avec amusement Aizen depuis son trône. « Très bien, alors vous ramperez pour moi. »
Un peu sonnée, je demeure une seconde de trop écrasée sur le ventre. Après cela, c'est trop tard. La sandale d'Ichimaru entre en collision avec mes côtes, dont l'une d'entre elles s'enfonce dans mon poumon – ça fait si mal. Le zanpakutô de Tosen gifle si fort l'une de mes jambes qu'il la brise sur le coup. Je ne sais pas quand j'ai commencé à pleurer, mais je l'ai fait. Sanglotante sous cette averse de coups plus meurtriers les uns que les autres, pitoyable. Et pas si courageuse, après tout.
La douleur est inimaginable. J'en deviens complètement folle, abandonnant peu à peu toute forme de dignité. Elle me révèle telle que je suis en réalité : faible.
La main d'Ichimaru se resserre à nouveau autour de mes cheveux, afin de me relever à genoux. Et, ainsi, Tosen peut mieux percuter ma joue de son sabre. Je n'ai même plus la force de crier, seulement de gémir au milieu du sang qui envahit ma bouche et de mes dents brisées des « s'il vous plaît, s'il vous plaît… ». J'ai déjà renoncé à mes convictions.
Mais ils n'en ont pas fini. Ils n'en ont jamais fini. Ils ont beau être différents, leurs attaques se coordonnent parfaitement. Ils ne se gênent pas, mais dansent ensemble cette valse diabolique dont je suis la victime. L'un attaque, l'autre enchaîne à la seconde près.
Et j'ai peur, si peur…
Ils vont me tuer. C'est une certitude.
Jamais je ne reviendrais à la maison.
Trop de douleur…
Je ne peux plus…
En supporter…
Davantage…
« C'est assez. »
Les coups cessent, et je ne suis plus qu'une petite forme détruite à même le sol. Le visage imbibé par les larmes et le sang, les membres en miette. Je pleure en silence, recroquevillée sur moi-même, et je sais que je n'ai jamais souffert à ce point-là jusque-là.
Je veux juste retourner à la maison.
Je veux que mon frère me serre dans ses bras jusqu'à ne plus respirer.
Je veux que mes garçons viennent me sauver. Mais ils ne le feront pas, ils sont partis et je suis seule.
Si seule et si faible.
« M'obéirez-vous, Rukia Kuchiki ? »
J'ignore où je trouve la force de ricaner, malgré ma mâchoire constellée de coups, mais c'est bien ce son qui émane d'entre mes lèvres explosées. Du haut de son trône, il me contemple avec tout le dédain du monde.
« N-Non… »
Je referme les paupières, épuisée.
Un court silence, puis :
« Gin, tu sais quoi faire. »
Dans ma demi-conscience, je sens les bras osseux de l'ex-capitaine de la Troisième division me soulever du carrelage. Il nous conduit hors de la salle, remonte un couloir blanc avant que sa voix malicieuse ne ricane au creux de mon oreille.
« Nous allons bien nous amuser ensemble, n'est-ce pas ma petite Kuchiki ? »
Mes entrailles se serrent et… je…
J'exhale malgré moi un gémissement de terreur. À sa merci.
.
.
.
N'hésitez pas à laisser une review - positive ou négative, cela va de soi -, ce serait aimable à vous.
