Bien le bonjour !
Voilà ma première publication après de longs mois d'inscription … C'est à l'origine un oneshot, mais par soucis de présentation j'ai préféré la diviser en deux chapitres.
Cette histoire traite d'une relation entre deux hommes, et je demanderais donc aux homophobes, aux trop jeunes lecteurs et à tous ceux que cela pourrait déranger de ne pas la lire.
Les personnages de la série Comte Cain appartiennent à Kaori Yuki. Attention, spoilers, à lire après le volume huit de God Child.
Sur ce, bonne lecture !
POV Cain
Je me redresse lentement. Je regarde mes bras ... entaillés par des morceaux de verre. J'ai froid. Mon sang glacé qui s'écoule lentement de quelques plaies me fait l'effet d'une douche froide ... qui n'a pourtant pas le don de me réveiller.
Je tremble.
Je me lève et avance lentement à travers les couloirs détruits, ravagés par je-ne-sais-plus-quoi ... Une explosion, sans doute.
J'ai froid, de plus en plus froid ... et j'ai mal.
Je ressens comme un trou dans ma poitrine, qui pourtant est restée intacte. Où est donc passée la chaleur des bras dans lesquels j'avais si souvent plongé dans le sommeil ? Cette chaleur qu'il dégageait en me parlant, en me souriant, en me prenant dans ses bras ... Où est-il, lui ? Je le cherche du regard avec lassitude, mais à mon grand désespoir le couloir n'a pour compagnons que des bouts de verres ... et moi-même.
J'ai froid, encore plus froid. Mais je ne fais rien pour me réchauffer. Je l'attends. Il doit bien être quelque part après tout ! Il me trouvera, et comme à chaque fois il me sourira et me tendra la main en me disant « Je vous ai trouvé, my Lord ». Soudain j'entends une explosion ... Est-ce le château qui s'effondre ? Vais-je mourir ici, sans le revoir une dernière fois ?
Ces questions traversent mon esprit, alors que mon corps ne bouge plus, mon regard vagabondant dans la pièce, semblant perdu ... Mais alors je revois tout ce qui s'est passé les heures précédentes ...
Mort. Voilà ce qu'il est, à présent. Mort. Ce mot résonne dans ma tête ... Un manque de temps ... Deux minutes de plus et je lui disais tout. Je lui disais enfin ce qu'il attendait depuis si longtemps ... Mais le destin ne m'a pas attendu ... Pas même deux minutes ...
Je continue à errer dans ce couloir interminable. Je regarde autour de moi ... Des corps. Des dizaines de corps écrasés sous des blocs de pierre ... Lui aussi est mort. Il m'a serré dans ses bras ... Je m'y suis endormis ... Puis il s'est laissé mourir, un sourire aux lèvres, la tête dans mon cou ... Il n'est plus là. Nul part sur cette terre ... ni dans cet univers. Je sais que Riffel a beaucoup péché ... mais pas lui.
Mourir ne me servirait à rien, puisque je sais que je ne le retrouverais pas en Enfer ... Un monde sans lui ... c'est un monde sans vie ni intérêt, pour moi.
Il m'a mentit. « Je vous suivrais jusqu'en Enfer » m'avait-il dit. Tu parles ! ... Mais quel idiot je fais ... Alors qu'il n'est plus là, je trouve encore à le critiquer ... A le traiter comme un chien ... Pourtant la dernière chose que je voulais, c'était au moins qu'il reste auprès de moi. Si Dieu haïssait Cain, aurait-il put simplement exaucer son dernier vœu ? Non, il ne le pouvait pas, car il le haïssait ... Il est partit, et moi je suis resté ... seul. Sans lui, sans mon plus fidèle serviteur, sans ma raison de vivre, sans ... Riff.
Je sens des larmes couler le long de mes joues. Elles me refroidissent encore plus. Je tremble, j'ai froid. Je m'effondre soudainement et je ferme les yeux, adossé contre un mur de ce couloir ... Mourir ou pas m'est égal, à présent ... Je ne le reverrais plus. Je me recroqueville sur moi-même. Je sens de nouveau la chaleur de ses bras m'enlacer, sa tête dans mon cou, son souffle sur ma peau, ses mains sur mes bras ... Je suis bien, ainsi installé ... Puis tout devient flou.
Je sombre dans une masse noire et gluante. Est-ce la mort ? Si c'est le cas, alors je n'aurais pas à souffrir. Riff, je ...
Mais j'ouvre de nouveau les yeux ... Je tourne lentement la tête vers la droite, et une forte lumière me force immédiatement à les refermer. Est-ce le paradis ? J'en doute. Je tente de me redresser un peu ... mais j'abandonne cette idée en sentant une forte douleur dans mes avants-bras.
Non, je ne suis pas mort. Les morts ne souffrent pas ... Je n'ai même plus la force de voir la cause de ma douleur.
J'ai mal. J'ai de nouveau froid. Ses bras me manquent ... Je sens des larmes couler de nouveau sur mes joues. Cette fois elles me réchauffent un peu, car je sais qu'en vérité elles sont brûlantes. Brûlantes de ma douleur, de mon manque, de ma haine ... Ma haine contre ce père qui m'a délaissé, qui a détruit sa vie, à lui ... Si seulement Riff était encore en vie, ma haine contre Alexis serait sans doute moins puissante ... Mais c'est lui qui l'a tué. Et moi je l'ai tué, lui, mon propre père ... Oui, il est mort et avec lui toutes les chances de ramener « ma vie » de l'eau de là ...
Où suis-je ? Je viens de m'en apercevoir ... Je ne me trouve pas là où j'étais lorsque je me suis arrêté ... Je n'ose pas rouvrir les yeux à cause de cette lumière.
Mais j'entends bientôt des pas. Ils sont légers, et je prête l'oreille afin de mieux les percevoir. Le bruit d'une porte me parvint et je me crispe, toujours allongé sur ... un lit, me semble-t-il. Qui ? Qui est-ce ? Les pas s'approchent de moi et se stoppent à quelques centimètres. Un main passe sur mon front et je tressaillis, avant de me radoucir. Cette main est douce et réconfortante, elle me rappelle les siennes, il y a longtemps de cela, quand il était avec moi dans le manoir familial ... Quand il était auprès de moi, chaque soir ...
Riff, pourquoi es-tu partis ? Les larmes coulent une nouvelle fois sur mes joues. Depuis quand n'aies-je pas autant pleuré ? Des années, je crois. Je me souviens avoir pleuré, ce jour là, ce jour où j'ai crus que tu étais réellement perdu pour moi, ce jour où tu es partit en me regardant de haut, en me lançant un « Désormais, tu noueras tes lacets toi-même ... » si hautain, si blessant ... Oui, ce jour-là j'ai pleuré, mais il n'y avait que quelques larmes qui glissaient sur mes joues.
Pourtant aujourd'hui, je pleure encore. Je pleure abondamment, rongé par la tristesse, par le manque que ton absence produit en moi ... L'inconnu essuie une larme du bout de son doigt, puis pose sa main sur ma joue. Un front vient rencontrer le mien, je sursaute légèrement. Je sens un souffle léger contre mon visage, mais je n'ose pas ouvrir les yeux.
– Tu as dû vivre des choses bien horribles pour être dans cet état-là ... Si le seul contact d'une peau étrangère contre la tienne te fait sursauter, qu'as-tu donc vécu de si traumatisant ? murmure la personne penchée sur moi, d'une voix douce et inquiète.
Que faire ? Dois-je répondre ? Je ne sais pas. Je ne sais plus quoi faire, je suis perdu ... Je ne reconnais pas cette voix. Ni très grave, ni aiguë, elle ressemble légèrement à celle de Riff, mais ce n'est pas non plus la sienne. Qui est-ce donc ? J'en suis pourtant sûr : c'est un homme. J'entends alors des seconds bruits de pas. L'inconnu se redresse et je perçois une deuxième voix, plus grave.
– Il dort encore ?
– Il me semble, oui. Je le sens sursauter de temps en temps, il doit sans doute être rattrapé par certains souvenirs pas très agréables, répond l'homme à côté de moi.
– On devrais le réveiller et lui demander ce qu'il faisait là-bas !
Mon cœur manque un battement. Non, je ne veux pas ouvrir les yeux, je ne veux pas voir un monde dans lequel Riff n'est plus ! Laissez-moi dormir !
– Non, reprend l'homme juste à côté de moi. Il a l'air si fragile ... Je préfère le veiller jusqu'à ce qu'il se réveille de lui-même. Il a besoins de beaucoup de repos, à mon avis. Plus il dormira, mieux ça sera pour lui.
Il n'a fait que murmurer les derniers mots et caresse maintenant doucement ma joue. Ce geste me réconforte un peu. Ses mains ... Riff, tu le faisais souvent aussi ... Lorsque j'allais mal, tu me prenais dans tes bras et tu me caressais tendrement la joue, avec tant de douceur que ta peau était devenu mon remède, et que je finissais toujours par m'endormir, blottit contre toi ... Des larmes, de nouveau.
Vais-je donc m'arrêter de pleurer un jour ? Je suis le comte Hargreaves tout de même ! Mais en ce moment, même ma fierté a disparut sous ma douleur ... Les pas s'éloignent. Suis-je seul dans la pièce ? Je ne ressens plus aucune présence. Alors lentement, alors que mon visage se trempe de nouveau de larmes, je place mon bras sur mes yeux et sanglote. Je me recroqueville sur moi-même, et laisse toutes mes larmes couler. Enfin je dis toutes, mais je sais que dans quelques temps, elles couleront de nouveau, incontrôlables.
– Riff ... Riff ... Riff ! sanglote-je.
Soudain deux bras m'enlacent. Sans réfléchir, je me blottis contre le torse de l'homme et pleure davantage. Maintenant je ne suis plus le comte Hargreaves, héritier de toute la fortune. Non, je ne suis qu'une âme brisée par le départ de sa moitié. J'oublie toute ma fierté, du moment que ces bras ne me lâchent pas. Je m'accroche à eux et gémis ma peine, ma douleur. Mes bras me font mal mais je ne m'en occupe pas. Je vais mal. Mon cœur, en particulier, saigne abondamment.
Mes larmes redoublent d'intensité, et j'enfouis ma tête dans le t-shirt de l'homme qui, lui, me sert toujours contre lui, patient. Depuis combien de temps est-ce que je pleure ? Une minute ? Une heure ? Je ne sais plus. Petit à petit mes larmes tarissent et l'inconnu relâche un peu son étreinte. J'essuie le restant de larmes avec le dos de ma main et ouvre les yeux, relevant lentement la tête. Un sourire réconfortant se dessine sur les lèvres du jeune homme face à moi. Je le fixe de mes yeux verts tachés d'or, et plonge mon regard dans les siens, bleus comme le ciel.
– Tu vas mieux ? me demande-t-il en souriant d'avantage.
J'acquiesce doucement. Il paraît n'avoir pas deux ans de plus que moi.
– Ça fait deux jours que tu dors, je commençais à m'inquiéter. Comment tu te sens ?
Le ton familier qu'il emploi m'aurait déplu, il y a quelques jours, mais aujourd'hui je n'ai pas le droit de protester, ni de me plaindre. Il m'a sauvé ... même si ce n'est pas ce que je voulais. J'acquiesce de nouveau, lentement, pour ne pas faire de gestes trop brusques. Je sais que cela me ferait mal.
– Tant mieux, me répondit-il en souriant encore une fois. Il faut bien que tu manges un peu. Est-ce que tu peux te lever ?
Je ne réponds pas. A vrai dire je ne sais pas. Je me redresse en position assise et retiens une grimace de douleur. Mes bras ... j'ai encore mal, mais je ne suis pas surpris.
– J'ai désinfecté tes plaies, ça te fera mal encore quelques heures, puis ça passera, le temps que le produit fasse effet. Accroches-toi à mon cou, je vais te porter jusqu'à la salle à manger.
J'acquiesce et regarde une dernière fois mes avants-bras. Je sais que les entailles légères finiront par cicatriser, mais la balafre de mon cœur restera toujours ouverte et douloureuse, comme ce jour où tu m'as abandonné indépendamment de ta propre volonté. Ne t'en fais pas, Riff, je sais que tu ne voulais pas partir, à ce moment. C'est Riffel qui t'y a obligé, et tu n'as eus d'autres choix que de te plier à sa volonté. Je relève les yeux vers le jeune homme et souris. Il est rayonnant.
– Enfin tu souries ! Tu es bien mieux comme ça ! Les larmes ne te vont pas.
Lentement je passe mes bras autour de son cou. Il me soulève et je gémis de douleur.
– Excuse-moi ! Je te repose.
– Non, réussis-je à articuler. Ça va.
Il sourit de nouveau et me porte hors de la pièce ... En passant la porte, je me rends compte que la chambre dans laquelle je me trouvais m'est bien familière. Je verrais ça en revenant. Mais pourtant cela m'intrigue. Elle ressemble étrangement à celle de mon majordome. A cette pensée, mes larmes ressurgissent.
Dire que j'étais toujours stoïque, auparavant ... Riff, tu m'as bien changé ! Mon regard dévie vers le jeune homme qui me porte toujours. Son sourire s'était évanoui et il me fixait tristement, depuis quelques minutes sûrement. D'un geste rapide, j'essuie mes larmes, mais ce geste me rend une douleur aiguë. Quel idiot je fais ! Du sel sur les plaies, c'est normal que j'aie mal !
Arrivés au salon, me semble-t-il, il me dépose délicatement sur une chaise et se retourne pour partir. Je le retiens instinctivement par la manche, je ne veux plus être seul ! Ce geste, encore une fois ... Toi aussi je t'ai retenu, Riff ... Et tu m'as serré dans tes bras, comme le fait maintenant le jeune homme. « Dans peu de temps je me réincarnerais en fontaine ! » pense-je. Les larmes menacent en effet de couler de nouveau. Mais j'en aie assez de pleurer devant lui, et je les retiens. Il me sourit.
– Je reviens, je vais juste te chercher à manger. Je serais de retour dans quelques minutes, d'accord ?
Je le supplie du regard. Puis il me montre du doigt le couloir d'où nous venons.
– Tu entends ?
Je tends l'oreille. Oui, j'entends. Un bruit d'horloge. J'acquiesce.
– Dès que je t'aurais lâché, tu compteras cent vingt de ces ''Tic-tac''. Je serais là avant que tu aies fini, d'accord ?
Je souris et il part en courant. Il me rappelle quelqu'un, je le sais. Mais quoi donc ? Riff. Oui, il me rappelle Riff, physiquement et moralement ... mais Riff était beaucoup moins extraverti et gardait secrètes ses pensées, à l'inverse de ce jeune homme. Soixante ''Tic-tac''. Déjà une minute. Quatre-vingt-dix ''Tic-tac''. Je soupire et regarde dans tous les sens. Toujours personne en vue. Je ferme les yeux et cesse de compter. Décidément, la tristesse, la fatigue et la frustration m'ont rendu stupide ! Deux minutes, c'était bien trop court pour aller chercher de quoi se nourrir. Je tente alors de dormir un peu mais la douleur dans mes avant-bras se ranime et me fait ouvrir les yeux. J'entends des pas qui se rapprochent. Je tourne la tête et souris en voyant le jeune homme arriver en courant.
– Excuse-moi ! Les cuisiniers m'ont retenu et n'ont pas voulu me lâcher ! Il a fallu que je ruse pour leur échapper ! Est-ce que ça va ? Tu ne m'en veux pas trop ?
J'acquiesce et souris. Il me rend mon sourire. Je ne lui en veux pas, non. Après tout, il n'a pas mit une heure non plus, et puis je n'en suis pas mort.
– Bon, maintenant il faut que tu manges !
Il approche une petite table de moi et ose le plateau qu'il tient dessus.
– Tu penses que tu peux manger seul ?
Je lève les bras et les pose sur la table, de chaque côté du plateau. Lentement, je porte la fourchette à ma bouche. A ce moment-là je me rend compte que mes lèves sont sèches. J'avale difficilement le peu d'aliment et demande de quoi boire. Il sourit et me tend un verre d'eau.
C'est étrange ... Je ne me méfie pas de cette nourriture. Elle aurait put être empoisonnée, mais pourtant ...je l'avale sans broncher, alors qu'auparavant la seule nourriture que je daignais goûter était celle que tu avais vérifié. Je ravale mes larmes et souris au jeune homme en face de moi.
Une fois le plateau vide, il me reprend dans ses bras. Mais cette fois-ci je remarque que ses bras sont autour de ma taille. Oh, il n'a sans doute pas pensé à mal, mais cela me rappelle qu'avant, Riff, tu étais le seul autorisé à toucher mon corps. Le jeune homme me dépose alors sur le lit que j'avais quitté quelques temps plus tôt. Il remonte les couvertures sur moi mais je l'arrête et me redresse en position assise. Il me sourit.
– Au fait, me dit-il, je m'appelle Edwards.
Je souris à mon tour et réussis à articuler quelques mots.
– ... Cain, réponds-je simplement.
Un nouveau sourire ... « Décidément ce garçon ferait fortune si chacun de ses sourires étaient payant ! » pense-je. Mais je ne m'en plains pas. Il m'a sauvé la vie, alors je dois avouer que ces sourires gratuits ne me font que du bien ... Edwards me laisse seul dans la chambre, il dit que je dois me reposer ... Possible, mais je ne ressens pas encore ce besoins. J'examine la pièce. Assez petite, avec un fond de couleur crème et des murs vierges ... un bureau, une chaise, une armoire, et au centre, collé contre le mur, le grand lit dans lequel je suis allongé. Oui, c'est exactement la même chambre que celle de Riff. Je me souviens d'ailleurs qu'il passait plus de temps dans la mienne ! Souvent, le matin, lorsque Maryweather venait me chercher pour le petit déjeuner, elle ...
Maryweather ! Je l'avais oublié, ma chère Mary ! La pauvre enfant doit me croire mort, à l'heure qu'il est ... C'est sûrement une bonne chose pour elle, car elle n'aura plus à subir les répercutions de mes idioties ... Mais la savoir malheureuse, peut-être pleurant à cet instant, me fend le cœur. Ma chère Mary ... Pardonne-moi, petite sœur. Pardonne-moi de te laisser ainsi aux mains de cette famille qui a tant envié ma place durant des années ! Mais maintenant je n'ai plus le choix ... Je ferme les yeux et me laisse tomber sur l'oreiller.
C'est son odeur qui me manque le plus ... ou bien ses mains ... ou alors ses yeux ... Non. C'est lui tout entier qui me manque. Riff, si tu savais ... Si tu avais sus combien tu comptais ... combien tu comptes encore pour moi ! Les larmes aux yeux, je m'endors lentement en pensant à toi. Je n'ai jamais sus te dire ce que j'avais sur le cœur ... J'espère seulement que tu l'avais compris, ou au moins que maintenant tu comprends, toi qui me regardes sûrement de là-haut ...
Lorsque j'ouvre une nouvelle fois les yeux, je me rends compte que le matin est déjà là ... En effet le sommeil duquel je sors a été réparateur, comme me l'avait dit Edwards. Je me lève doucement, vêtu uniquement d'une chemise de nuit ... quand l'ais-je enfilé ? Je ne sais plus. Je m'approche de la fenêtre et ... La fenêtre ? Je ne me souviens pas avoir vu une fenêtre la veille ! Mais c'est peut-être l'épuisement qui m'avait joué un mauvais tour. Je m'accoude à cette fenêtre, la tête tournée vers le paysage. La chambre se trouve donc au deuxième étage ? Je vois ...
Mais tout à coup j'entends un bruit près de la porte. Instinctivement, je dis :
– Riff, tu es en retard, je suis déjà levé ! Je croyais t'avoir dis d'être là à mon réveil !
Je soupire. Mais immédiatement, je me rends compte de mon erreur, et alors que Edwards avance dans la pièce, je me retourne et lui lance un regard sûrement emplit d'excuse et de tristesse.
– Pardon, dis-je. J'avais oublié.
– Qu'as-tu oublié ? Ton passé ?
– Non, réponds-je en tournant la tête vers la fenêtre. Seulement que je n'ai plus de raison de vivre.
Son sourire disparaît et il me sert dans ses bras. Il amène doucement ma tête contre son torse, une main sur mon front. Mes yeux ne quittent pas la fenêtre.
– Ne dis pas ça, je t'en supplies ... C'est tellement triste ... Tu es en vie, mais pas cette personne que tu sembles attendre. La seule chose que tu peux faire, c'est sourire pour elle, pour que là-haut elle soit heureuse.
Il déplace sa main jusqu'à mes yeux, et je laisse alors mes larmes couler encore. Il a raison, mais je ne veux pas l'entendre. Lorsque je me mettais à pleurer, Riff, tu me trouvais toujours où que je sois. Mais c'est fini, maintenant.
– Ne pleure plus. Ça gâche ton visage. Elle n'aimerait pas que tu pleures, n'est-ce pas ?
Je sursaute. Non, Riff n'aimait pas quand je pleurais. C'est pour ça qu'il arrivait toujours à me retrouver, pour éviter que je ne pleure trop longtemps. Si Riffel était mauvais, Riff, lui, était comme un ange gardien. J'acquiesce lentement et tente de tarir mes larmes. Je sais que Edwards sourit. Et je l'en remercie. Il retire ses bras et je tourne la tête vers lui.
– Edwards, dis-je lentement, connais-tu la famille Hargreaves ?
Cette question paraît le surprendre.
– Je ... Oui, tout le monde la connaît. Et puis mon cousin a été recruté comme domestique, il y a des années de cela. Pourquoi cette question ?
– Pourrais-tu ... y apporter un message ?
Il sourit et acquiesce.
– Bien sûr. Tu veux écrire ?
– Oui, s'il te plaît.
Il me tends alors une feuille, une plume et un pot d'encre. Je le remercie et m'installe sur le bureau. Je me mets à écrire. Pour ma chère Mary. Je lui explique, dans ma lettre, que Riff n'est plus, que je l'aime fort, que je ne sais pas si je reviendrais ... Et une chose que je souligne bien : je veux qu'elle soit heureuse, que tous les biens de la famille Hargreaves lui reviennent. Je m'excuse auprès d'elle, lui disant qu'elle peut me haïr si elle le souhaite, que cette lettre est mon testament ... Et je signe. Je plis la feuille en quatre et la tends à Edwards.
– Je ne peux pas y retourner, lui dis-je simplement sans plus jeter un seul coup d'œil à la feuille pliée. Est-ce que ... Est-ce que tu pourrais la donner à Maryweather Hargreaves, s'il te plaît ?
Il sourit de nouveau.
– Bien sûr, tu peux compter sur moi.
– Remet-la-lui en mains propres, si possible ... Je n'ai pas confiance en le personnel ...
Il se dirige vers la porte mais s'arrête à quelques pas de la sortie. Il se retourne vers moi, et je le regarde, étonné.
– Je le ferais, Cain. Mais à mon retour, est-ce que je pourrais te poser certaines question ?
– ... Oui, réponds-je. Mais je ne te garantis pas de pouvoir répondre à toutes ...
Une fois de plus il e sourit et vient déposer un léger baiser sur mon front, avant de s'en aller. Le contact était agréable, je dois le reconnaître ... Je souris à mon tour. Non, il ne peut pas remplacer Riff. Il est bien trop différent. De plus, Riff est irremplaçable. Je laisse de nouveau mes yeux vert-dorés se tourner vers le paysage, laissant les souvenirs me submerger.
Je me réveille, secoué doucement par Edwards.
– Cain, tu risques d'attraper froid si tu t'endors ici, me souffle-t-il.
Je me lève de la chaise et me tourne vers lui.
– C'est bon, la jeune fille a reçu son message, dit-il alors en souriant.
Je soupire de soulagement et lui rends son sourire. Puis je ferme la fenêtre et me rassois sur la chaise. Il m'imite et se place à côté de moi, après avoir fermé la porte à clé.
– Tu es sûr que je peux ? demande-t-il.
J'acquiesce et souris une nouvelle fois.
– Bon. D'abord je vais tout t'expliquer. Nous sommes dans un internat religieux. Je te rassure, je me fiche de la religion, je veux seulement que tu restes en bonne santé. Mais pour cela, j'ai dus demander une autorisation spéciale auprès de la directrice. Ça n'a pas posé de problème, mais il m'a semblé qu'une personne s'intéressait à toi dans cet établissement.
Je sursaute. Est-ce Délilah ? Non, Alexis est mort, je l'ai tué moi-même !
– Alors je dois rapporter un minimum d'information à la directrice. Elle a peur que tu ne sois quelqu'un de mauvais, ou que tu aies des relations qui puissent nuire à son établissement. Ne t'inquiète pas, personne ne te fera de mal, Cain. Je te le promets.
Je souris.
– Je te fais confiance, Edwards, dis-je.
– Merci. Alors d'abord, est-ce que tu sais où tu te trouvais quand tu as perdu connaissance ?
– Dans ... le repère de l'organisation de mon père, c'est tout ce que je sais là-dessus.
Il marqua l'information sur une feuille.
– Est-ce que tu te souviens de tout, avant ta perte de connaissance ?
Une larme coule sur ma joue, mais je ne fais rien pour la retenir.
– Oui. Je n'ai perdu aucun souvenir ...
Il continue ainsi son interrogatoire sans me brusquer, pendant quelques heures. Je ne m'en lasse pas, je l'avoue. Il finit par poser sa feuille et me mettre au lit, toujours souriant. Il se couche ensuite à côté de moi et éteint la lumière.
Cela me fait bizarre de dormir avec une autre personne que Riff ... Car pendant des années il a été le seul à pouvoir partager mon lit. Mais à mon grand déplaisir, il n'a jamais fait que dormir, blottit contre moi ... à moins que ça ne sois moi qui étais blottis contre lui ?
– Dis-moi, Cain ...
Sa voix me sort de mes réflexions.
– Oui ?
– Cette jeune fille à qui j'ai remis la lettre ... Qui est-ce pour toi ?
– ... Ma petite sœur.
Il se redresse d'un coup.
– Quoi ? Mais alors tu es ...
Dans le noir, je baisse les yeux.
– Cain Hargreaves, ex-comte de Hargreaves et propriétaire des biens de la famille, murmure-je.
Il semble se radoucir.
– Pourquoi « ex-comte » ?
Je relève les yeux vers sa silhouette, même si je sais qu'il ne me voit pas.
– La lettre était mon testament. Je lui lègue tous mes biens ...
– Mais elle est si jeune ...
– Je sais qu'elle en est capable. Même si il n'est plus là, elle a au moins Oscar ...
Sans le voir, je sais qu'il sourit de nouveau.
– Si tu étais le comte Hargreaves, tu as dus rencontrer mon cousin ! Je l'ai vu il y a deux ans ... A ce moment-là il m'a dit qu'il avait retrouvé quelqu'un à protéger, quelqu'un à qui sourire. C'est peut-être de cette Maryweather dont il parlait !
– Il y avait tellement de serviteurs ... Comment s'appelle ton cousin ?
Je sais qu'il sourit encore. Il est fière de son cousin, je le sens.
– Riffel, dit-il.
Là mon cœur s'arrête ... Je me lève d'un bond, manquant de de tomber. Il se redresse à son tour et allume la lumière. Il me fixe avec incompréhension. J'ai les larmes aux yeux.
– Edwards, réussis-je à articuler, tu es un Raffit ?
A Suivre …
