Sairens

Chapitre 1 : Obsidienne

Les peuples du Nord. En tout temps, leur existence est synonyme de guerres, de conquêtes, ou tout simplement de pouvoir. Cette histoire remonte bien avant la division de ses peuples. Bien avant la naissance des Greuthunges et des Tervinges. Bien avant l'expansion de leur royaume vers les terres de l'Ouest et de l'Est. Bien avant qu'ils ne deviennent les fédérés des peuples romains. Cette légende remonte à l'essence même de la création de ses peuples. Lorsqu'il n'existait qu'un seul et même peuple. Une nation originaire. Un empire se prenant pour les Dieux des contrées du Nord. Un peuple, fils d'Odin : Les Goths.

Les Goths ont une origine ancienne. Une existence prenant naissance bien avant le III ème siècle. Bien avant qu'ils n'éluent domicile sur les bords de la Mer Noire. Bien avant qu'ils ne deviennent des conquérants. Ils ont été avant tout des hommes. Des hommes aux besoins rudimentaires. Cherchant un moyen de vivre, de se nourrir et de se reproduire. Luttant contre le froid, la faim et même la mort. En un mot : contre l'extinction.

Cette légende remonte au temps où les Goths avaient élu domicile dans les steppes glaciaires. Bien en amont de la localisation qu'on leur attribut actuellement. En ce temps, la civilisation nordique avait des avis bien différents sur les Goths. Des barbares pour certains, des libérateurs pour d'autres. Des guerriers sans peur ni sans failles aux yeux des jeunes enfants, des adolescents. Jeunes qui en grandissant, en vieillissant, s'engageaient dans les rangs de cette armée. Pour la gloire d'une nation. Mais tous ne pensaient pas des éloges à l'égard de ses soldats. Pour les paysans, ils ne représentaient rien de bon. Uniquement des êtres ne comprenant que le langage le plus primaire ... Le langage de la guerre. Les conquêtes de ce peuple se sont en tout temps soldées par une chose pour leurs adversaires : la mort. Après plusieurs décennies, le résultat est toujours le même. Les villages du Nord tremblent face à la menace Goths. Personne ne semblait assez fort pour les arrêter dans leur quête. Dans leur nécessité à gagner du terrain vers les terres du Nord et bientôt de l'Ouest, du Sud et même de l'Est. Personne n'osait les défier.

Pour autant, ils ne sont pas des Dieux comme ils aimaient s'en clamer. Ils n'étaient pas réellement les fils d'Odin. Ils possèdent même une peur. Mais est-ce réellement le cas? Ou cette menace est-elle simplement là, suite à une ignorance? Une mauvaise interprétation. Cette menace se présenta sous le terme de Sairens. Personnes ne savaient réellement comment les reconnaître. Savoir réellement qui étaient les Sairens. Diverses contes mythologiques présentent les Sairens comme étant des êtres mi-femme, mi-poisson. D'autres encore comme des femmes prenant des allures d'anges car elles sont dotées d'une paire d'ailes. Mais pas pour les peuples du Nord. Pas pour les Goths. Ceux-ci ont une croyance bien fondée sur les Sairens. Ce sont des femmes dotées d'une beauté exceptionnelle et d'un aura telle que chacun s'arrête de parler et parfois même de respirer en leur présence. La légende raconte même qu'elle pourrait corrompre l'homme au plus profond de lui. Le rendre esclave de ses envies. Le rendre inerte. Incapable de penser par lui-même. Un véritable fléau. Surtout pour des hommes de guerre. Une menace a éradiqué.

Les Goths ont alors trouvé une solution lorsque les premiers dires ont accouru à leurs oreilles. Ils ont fait ce qu'ils savaient le mieux faire. Tuer. Ces barbares provenant des contrées Baltique ont tous simplement pourchassé les Sairens. Celles-ci ne s'attendaient guère à ce genre de traitement, à ce massacre inhumain. Plusieurs femmes ont subit les foudres des Goths. Sans pour autant savoir si elles étaient réellement une Sairen ou non. Elles étaient dans leur demeure, pouponnant pour certaine leur progéniture, passant du temps avec un homme pour d'autre ou tout simplement endormies. Toutes furent décapitées et jetées aux flammes. Suite à cette chasse aux sorcières, le nombre de Sairens diminua drastiquement. Pour autant, les Goths savent qu'ils en existent encore. Grâce à une chose. Une mélodie. Le chant des Sairens. Le chant de l'amour. Ou plutôt le chant du Diable comme aime l'appeler les Goths. Ce même chant qui retentit lors des soirs de nuits noires comme pour guider les navires vers le port. Pour autant, la chasse s'est aujourd'hui ralentie. Pour quelle raison? L'envie du pouvoir. De la domination.

Le chef des Goths, Kanzaki le conquérant, ne voit aucun intérêt à les pourchasser. Il préfère concentrer toutes ses forces sur l'expansion de son royaume. Sur des choses lui semblant plus importantes. Et surtout plus légitime. Il n'a pas toujours pensé de cette manière. Mais il a fini par reconnaître son manque de discernement. Sans jamais le reconnaître à voix haute, il est reconnaissant aux Sairens. A une d'entre elles en tout cas. Pour lui avoir sauvé la vie. Il lui a donné secrètement sa parole de cesser ce génocide. Et il a tenu parole. Et ses hommes aussi. Enfin c'est ce qu'il pense en tout cas. Mais ce que le souverain ne sait guère est que son propre fils continue sa chasse. Et c'est là que débute l'histoire qui marquera un tournant dans la vie de plusieurs personnes de ce peuple. Une légende qui a été jusqu'à aujourd'hui racontée à nos enfants. Une légende triste et injuste mais une légende qui a révolutionné le peuple des Goths, et même la terre entière. Soyez prêts à découvrir la seule chose qui ait pu vaincre les Goths dans leur soif de puissance.


La fraîcheur du matin. Celle-ci n'apporta pas une brise légère. Elle apporta un homme. Perché sur son cheval, celui-ci remonta ce qui pouvait être apparenté à une allée. Cette allée n'était ni en pierre ni en bois. Elle était recouverte de sang. En y regardant de plus près, ce n'était pas des l'absence de cailloux ou d'herbe qui démarqué ce chemin. Mais plutôt des corps d'hommes. Tous alignés les uns à côté des autres. Le cavalier sourit légèrement à ce qu'il voyait. C'était son oeuvre. Il prit quelque instant pour s'imprégner de cette vision jouissif puis revint au présent. A l'origine de sa présence ici-même. A plusieurs jours de sa demeure. Il porta son regard sur un petit groupe de femmes et d'enfants pleurant leurs morts. Tout en descendant de son cheval, il fit un discours. Un discours sonnant comme le glas aux oreilles de celles pouvant le comprendre.

- Voilà ce qui arrive lorsque l'on ose défier le Prince de l'Obsidienne. Que cela vous serve de leçon Paysans.

Il reprit à l'intention d'un de ses soldats encerclant les paysans.

- Donnes l'ordre de tuer les enfants en bas-âge et les mères. Ils ne feront pas de bons esclaves. Réserves-moi les plus belles jeunes femmes. Que je puisse célébrer correctement ma victoire.

Le garde hocha la tête et s'avança vers une femme et son enfant. Le Prince remonta sur son cheval et s'éloigna de sa position. Non sans entendre des cris d'horreurs derrière lui. Les derniers cris avant la mort. Une douce mélodie à ses oreilles. Il arrêta son cheval devant une tente et s'engouffra à l'intérieur. Un homme en armure s'inclina et désigna une femme à genoux sur le sol.

- Mon prince. La femme dont je vous ai parlé.

- Es-tu sûr qu'elle fait partie de ce peuple Nagi?

- Je l'ai moi-même vu à proximité de l'un des nôtres. Nous n'avons pas pu le sauver. Elle l'a tué, je peux le jurer sur ma propre vie.

Le Seigneur attrapa par les cheveux la jeune femme et la souleva sans difficulté.

- Père se chargera personnellement de toi. Tu as chanté pour la dernière fois ton chant du Diable.

Le Seigneur observa plus attentivement la jeune femme et sourit à pleine dents.

- Mais peut-être pourrais-je obtenir un peu de plaisir avec toi. Avec un bâillon dans la gorge, il te sera impossible d'émettre le moindre son. Même si t'entendre hurler de douleurs aurait pu m'apporter une certaine satisfaction.

Nagi déglutit légèrement sachant le traitement de son Seigneur. Une fois les pires tortures, un viol plus que probable et inhumain, la jeune femme ne sera plus qu'un cadavre. Par ailleurs, il reprit plus difficilement. Il espérait ne pas perdre la vie face à sa prochaine annonce.

- Je crains que votre plaisir ne doive attendre mon Seigneur.

- Et pourquoi cela?

- Un messager de notre Roi est arrivé quelques temps avant votre ... Inspection. Kaihō shimasu semble avoir signalé à votre père votre décision de la congédier.

Le Seigneur repoussa violemment la jeune femme qui s'écrasa au sol. Il la pointa du doigt.

- Bâillonnes-là et enfermes-là avec les autres esclaves. Je m'occuperais d'elle après m'être chargé de cette maudite Kaihō shimasu. "La libératrice" n'était pas assez bien pour elle, il a fallu qu'elle se donne un nom dans la langue de nos Pères? Cette femme ... Eh bien qu'attends-tu pour réaliser ma demande Nagi! Que je ne passe mes nerfs sur toi peut-être ?

Nagi déglutit difficilement face à l'aura de son maître. Il s'inclina et exécuta l'ordre de son Seigneur. Une fois seule, le prince laissa parler sa colère.

- Crois-moi chère sœur que je te tuerais lorsque Père aura rendu son dernier souffle. Ou je ne m'appelle plus Reito Kanzaki.


A plusieurs lieux de cela, une jeune femme fixait la fenêtre. Elle avait un très mauvais pressentiment. L'éclatement de la foudre ne pouvait d'ailleurs pas être un bon présage. Elle ferma légèrement les yeux lorsque l'éclair apparut à ses yeux. Tout en se décalant légèrement de la fenêtre, elle laissa parler ses craintes. Bien que celles-ci avait déjà été énoncées plusieurs heures auparavant.

- Vous n'auriez pas dû envoyer cette missive Père. Reito risque de vraiment mal le prendre. Qui sait dans quelle colère il regagnera notre demeure. Et qui sait ce qu'il fera aux personnes croisant son chemin. Il aurait été plus sage d'attendre son retour Mon Roi.

Le roi, assis sur son trône, secoua légèrement la tête.

- Pourquoi me parles-tu de sagesse? Ton frère était sensé suivre tes directives Natsuki. Tu es l'aînée après-tout.

La jeune femme sourit légèrement. Son père pouvait être buté. Pourquoi ne voyait-il pas la vérité en face? Elle énonça alors ce qu'elle savait être une certitude.

- Reito est le futur chef des Goths. Il peut agir comme bon lui semble.

- Tu sais que c'est faux!

Celle-ci sursauta face à la colère de son paternel. Elle se retourna et fixa son souverain.

- Pourquoi nier l'évidence? Je suis dans l'impossibilité d'assurer ma descendance. Qui plus est, je ne veux pas de cette place. Et pour finir ...

- Pour finir?

- Je suis peut-être plus âgée mais je ne suis pas l'enfant légitime. Vous le savez autant que moi Père.

Le roi soupira légèrement et se releva. Il remonta l'allée de son trône et se plaça à proximité de sa fille. Le silence prit alors place. Seul le tonnerre le perturbait de temps à autre. Le Roi soupira légèrement puis posa une main sur l'épaule de sa fille.

- Reito amènera notre peuple à la déchéance s'il est seul à prendre les décisions. Voilà pourquoi tu dois accepter de le seconder ma fille.

Natsuki rigola amèrement. Même sous la menace de l'exécution ou de l'exil, elle ne serait pas capable de réaliser cette demande. Elle ne pouvait pas mentir à son père. Et encore moins lui donner de faux espoirs.

- Il n'acceptera jamais mes propositions. Et je n'accepterais jamais de le seconder.

- Et qu'en est-il de notre peuple?

- Le peuple suivra le Prince de l'Obsidienne comme il aime se faire appeler.

Le roi secoua la tête. Il ne savait pas si c'était une punition d'Odin. Avoir deux enfants l'avait comblé de joie. Bien que ceux-ci s'entendaient à merveille dans leurs plus jeunes années, la soif de pouvoir avait peu à peu endurci ses enfants. Il ne pouvait pas prendre parti. Car il ne savait pas lequel de ses enfants avaient la meilleure approche. Quelque soit la méthode employée, tout ce qu'il désirait était l'expansion de son peuple. Mais aussi son unicité. Ce qui semblait remis en question au vue de la guerre silencieuse entre ses deux héritiers. Il resserra légèrement sa prise tout en se rapprochant de l'oreille de sa fille.

- Tu as tes hommes. Ils te sont fidèles. Le peuple se divisera et cela amènera à la guerre. Une guerre interne. Nous ne pouvons pas donner cette opportunité à nos ennemis.

Natsuki essaya d'alléger le ton grave de la discussion. Bien qu'elle n'y croyait guère, elle ne voulait pas apporter plus de soucis à son vieux Père. Il était assez fatigué par les actions de son fils.

- Le temps est notre meilleur allié Père. Reito s'assagira avec le temps. Et quand il sera prêt à m'écouter, je le conseillerais. Alors cessez de vous tourmenter.

Fin du chapitre 1