Bonjour à tous et à toutes,

Je décide enfin à publier une fiction sur Edward / Bella. Alors que les vacances d'été commencent, je vais avoir plus de temps à consacrer à ce site, que je délaisse totalement en cours d'année, je l'avoue (études obligent…). J'espère que vous apprécierez !

Synopsis : Célèbre reporter de guerre, Bella Cullen se fait enlever en Colombie lors d'une mission de terrain. Le monde entier s'émeut de sa disparition. Quinze ans plus tard, elle est subitement relâchée, faisant ainsi renaître l'espoir chez ses proches de retrouver une vie normale. Mais rien ne se passe comme prévu…

Bonne lecture de ce premier chapitre… On se retrouve en fin de page ;) !

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Chapitre 1

Edward

Je me concentrais uniquement sur le claquement répétitif de mes pas sur le carrelage aseptisé de l'hôpital de Seattle. Mes mouvements étaient lents, saccadés, comme si je portais le poids du monde sur mes épaules. Et finalement, ce que j'endurais en ce moment se rapprochait bien de l'apocalypse mondiale.

Je marchais, encore et encore, déambulant sans but dans cet endroit où l'odeur de la mort et de la douleur encerclait tout un chacun. Des cernes noirs s'étalaient sous mes yeux verts, et je songeai avec amertume que cela faisait bien longtemps, des années oserais-je dire, que je n'avais pas eu de sommeil réparateur…

La veste de mon costume était chiffonnée, et je ne me rappelais plus depuis combien de temps je la portais. Deux jours, peut être trois. Je savais que je faisais peur à voir. Et j'aurais du écouter ma sœur et ma mère. Rentrer chez moi, dormir quelques heures, prendre une douche… Voir mon fils.

Une vague angoisse familière s'empara de moi en songeant à lui. J'aurais tant aimé pouvoir le soutenir, mais j'étais déjà perdu dans ma propre peine. Mes idées s'embrouillaient, et mes sens me hurlaient de me rouler en boule dans un coin, et de ne plus en sortir jusqu'à ce que ce cauchemar s'arrête enfin. Mais j'étais l'adulte, et lui l'enfant. Je ne pouvais pas me permettre d'agir tel un égoïste.

Je sentis mon portable vibrer dans ma poche de costume, et je l'attrapai machinalement. Je lus le nom de l'appelant qui s'affichait sur l'écran tactile, et déglutis péniblement. Emmett Swan. Le calme avant la tempête.

« Allo… »

« Ed, le médecin veut nous parler. »

Mon cœur loupa un battement, tandis que je sentais des sueurs froides couler le long de mon dos.

« Déjà ? » Murmurai-je, en passant nerveusement une main dans mes cheveux déjà ébouriffés.

« Oui. Ils… Ils veulent que tu sois là. On t'attend dans le service des soins palliatifs. »

« On ? »

« Oui. Papa est arrivé dans la matinée. »

J'hochai la tête, même si je savais pertinent qu'Emmett ne pourrait pas le voir.

« D'accord, j'arrive. »

Et je raccrochai. Mes mains tremblèrent, et je sentis mon estomac tressauter d'angoisse. Je dus m'appuyer contre le mur blanc, car je sentais que mes jambes étaient flageolantes. D'un point de vue extérieur, je devais ressembler à un homme aux supplices. Mais la souffrance que je ressentais était factice. J'avais l'impression que l'on avait poignardé mon cœur de toute part, alors qu'en réalité, j'aurais été physiquement capable de courir de marathon de New York dès demain.

« Monsieur ? »

Je me retournai, et tombai nez-à-nez avec une infirmière anxieuse et compatissante. Elle devait avoir l'habitude de voir trainer des gens désespérés dans ces couloirs lugubres.

« Avez-vous besoin d'un peu de sucre ? Vous êtes très pales. »

« Non… Non, merci. Je… Il faut que j'y aille. »

Elle m'adressa un regard compatissant, et posa une main délicate sur mon avant bras.

« Si les choses vous semblent sans espoir aujourd'hui, demain sera un nouveau départ. » M'assura-t-elle, avec une telle conviction que j'y crus presque.

« Merci de votre sollicitude. » Répondis-je, avant de filer le plus rapidement possible.

Tel un robot, je me dirigeai vers l'ascenseur. Les portes s'ouvrirent rapidement, et je m'engouffrai dans la cage en fer. Elle était bondée, et je me sentis encore plus mal. Je comptai les secondes mentalement pour essayer de détendre mes muscles crispés, et je soufflai lorsque l'ascenseur atteignit enfin l'étage des soins palliatifs.

Dès que je mis un pied sur le sol, le silence m'entoura. L'endroit était si solennel… Comme un service des pompes funèbres. Je fourrai mes mains dans les poches de mon pantalon noir hors de prix, et avançai lentement dans le couloir, jusqu'à la salle d'attente. Des infirmières m'observaient, aguicheuses, mais je n'en avais que faire. J'avais fini par m'habituer aux regards lubriques des femmes sur moi.

Je vis enfin la silhouette d'Emmett, reconnus celle de Charlie légèrement voutée… et mon père également. Je fronçai les sourcils. Mon père était certes le chef de chirurgie de l'hôpital de Seattle, mais il n'avait jamais été affecté à ce service. Mon cœur s'emballa. La situation devait être encore plus désespérée que prévue pour qu'il fasse le déplacement pendant ses heures de travail.

Emmett finit par m'apercevoir, et tous les trois se dirigèrent vers moi. J'essayai de lire leur expression, mais ils affichaient tous un visage neutre. Ils essayaient tant bien que mal de contrôler leur émotion, et ils y arrivaient bien mieux que moi, apparemment.

Mon père s'approcha de moi, et ses yeux bleus perçants me scrutèrent, inquiet. Nous faisions exactement la même taille, et il pouvait me fixer droit dans les yeux. Dans un geste réconfortant, il serra ma nuque, comme lorsque j'étais enfant. Certes, j'avais presque trente cinq ans, mais j'avais tellement besoin de soutien que je laissais faire.

« Edward… Depuis combien de temps n'as-tu pas mangé ? Ou même dormi ? »

« Je… Je ne sais pas. » Répondis-je, la voix rauque.

Il pinça ses lèvres fines, et je savais que je faisais exactement la même chose lorsque j'étais énervé. Cependant, il ne dit rien.

« Bonjour Edward. »

Je tournai la tête vers Charlie. Sa main était tendue vers moi, et je finis par la serrer. Je savais bien qu'il ne m'avait jamais vraiment porté dans son cœur, mais en ces moments de douleur, il était assez intelligent pour mettre ses a priori de côté.

« Charlie. » Répondis-je faiblement, exténué.

« Le docteur Denali nous attend dans son bureau. » Reprit mon père.

Il dut lire la panique dans mes yeux, car il resserra son emprise sur moi.

« Respire, fiston. Nous sommes là, d'accord ? Tout va s'arranger. »

Ses paroles rassurantes m'apaisèrent légèrement, bien que mon sang continuait de bouillonner dans mes veines. Il fallait que je me calme, je le savais. Mais mon intelligence semblait me faire faux bond depuis quelques jours.

« Où est Elias ? »

« Il est avec Esmée et Alice. Il est entre de bonnes mains, on s'occupe de lui. »

J'acquiesçais. Si mon fils était avec ma mère et ma sœur, j'étais sur que tout irait pour le mieux. Je bénis le ciel d'avoir une famille si soudée autour de moi. Je ne sais comment j'aurais pu géré cette situation si j'avais du en plus m'occuper d'Elias et de son chagrin. Mes propres pensées m'horrifièrent, mais j'étais dans un tel état de mal être que plus rien ne me faisait réellement réagir.

Je sentis mon père et Emmett poser chacun leur main sur mes épaules, et nous nous dirigeâmes ensemble vers le bureau du Dr Denali. Le corps médical nous observait en silence. Tous savaient ce que nous faisions là. Tout comme le reste du monde, d'ailleurs. Ma famille était l'image moderne du martyr, à mon plus grand désespoir.

Les lettres dorées apposées sur la porte du bureau attirèrent mon regard. Je les fixai, sans trop savoir pourquoi. Mon père frappa un coup sec sur la porte, puis tourna la poignée sans attendre de réponse. Il agrippa fermement mon avant bras, m'incitant à le suivre dans ce bureau qui scellerait la fin ou le début de mes espoirs d'avenir heureux.

Le Dr Denali était assise derrière son bureau, des lunettes rondes posées sur son nez aquilin. Ses cheveux blonds étaient savamment arrangés dans un chignon strict. Un badge était accroché sur sa veste blanche, et je pouvais clairement discerné ce qui était écrit dessus. « Kate Denali, neurologue ».

Elle m'adressa un léger sourire, mais je fus incapable de lui rendre. Elle ne sembla pas m'en tenir rigueur. Je connaissais bien Kate. C'était une jeune femme brillante, sérieuse, et agréable. Je savais qu'elle était la meilleure dans son domaine, mais cela n'empêcha pas mon angoisse de continuer à me paralyser le cerveau.

« Carlisle, Edward. Messieurs Swan.» Nous salua-t-elle. « Prenez un siège ».

Nous nous exécutâmes, sans un mot. Le silence devint rapidement pesant.

« Bien. Les examens de Madame Isabella Cullen nous sont revenus ce matin du labo. J'ai eu le temps de les analyser avec mes confrères. Je peux vous assurer avec certitude que sa vie n'est pas en danger. Ses fonctions vitales sont bonnes, malgré les mauvais traitements qu'elle a reçu pendant toutes ses années et…»

« Mauvais traitements ? » Coupai-je alors mon amie, me redressant subitement sur mon siège.

« Edward, tu te doutais bien que… » Tenta de m'apaiser mon père, mais cela eut l'effet inverse.

« NON! Je veux savoir que tu veux dire par mauvais traitements ! » Rugis-je, la colère m'envahissant.

Le silence s'installa de nouveau, et une envie de secouer Kate me prit subitement à la gorge.

« Très bien, Edward. Dans le dossier d'Isabella… »

« Bella. » Rectifiai-je automatiquement, comme une vieille habitude.

« Dans le dossier de Bella, il est inscrit que seul son mari – toi – ainsi que son médecin généraliste – donc vous Carlisle – peuvent entrer dans le secret médical en cas de souci de santé majeur. »

« QUOI ! » S'exclama alors Emmett, outré. « Vous rigolez, j'espère ! Je suis son frère, vous n'avez pas le droit de nous cacher ce genre d'informations ! »

« Je suis navrée, Monsieur Swan, mais Madame Cullen avait pris ses dispositions auprès de l'hôpital. Je ne peux y déroger sans l'accord de la principale concernée. »

Emmett se tourna brusquement vers moi, les yeux fous.

« Ed, dis-moi que c'est une blague… » Supplia-t-il.

Je le regardai, impuissant.

« Bella et moi s'en étions occupés il y a des années, après la naissance d'Elias… Je… Je pensais que jamais nous n'aurions besoin de nous servir de cette déclaration, mais… »

Le chagrin m'étrenna à nouveau le cœur, et je vis Emmett accepter fatalement la situation.

« Puisque c'est ce que Bella voulait, nous allons respecter ses vœux. » Finit par tonner fermement Charlie.

J'observai mon beau-père en silence, admiratif devant son calme. Il se leva de sa chaise, fixa longuement Kate, puis se détourna. Il serra fermement mon épaule, et je fus ému de ce simple geste. Je sentais que les minutes qui allaient suivre seraient épouvantables. Heureusement que mon père était présent. Cela me forçait à garder une face humaine correcte.

Emmett soupira lourdement, puis suivit son père en trainant des pieds. Il me pressa le bras en passant, et nous échangeâmes un regard lourd de circonstances. Ses yeux marron, si semblables à ceux de ma femme, étaient poignants de douleur, mais aussi de détermination. Il lui ressemblait tellement, que s'en était presque difficile de le regarder. Et il le savait bien.

Le bureau de Kate fut enfin seulement occupé par elle, mon père, et moi. Elle se gratta la gorge, fit glisser sa main sur un dossier épais comme jamais, et finit par l'ouvrir. Mon père posa sa main sur mon genou droit, alors que je cachai mon visage à l'aide de mes mains. C'était surement un des moments les plus atroces de ma triste vie.

« Es-tu prêt, Edward ? »

J'eu un rire jaune… Etait-je prêt à savoir ce que ma femme avait subi pendant ses quinze années de captivité ? Etais-je prêt à ensuite expliquer tout cela à mon fils qui ne se rappelait même plus de son visage ? Non, définitivement non… Mais je n'avais tout simplement pas le choix. Alors j'hochai la tête, toujours silencieux.

« Bien. Bella ne sera plus en quarantaine à partir de ce soir. Elle n'a aucun virus, et n'a attrapé aucune infection en Colombie. »

« Cela veut-il dire que je pourrais la voir ? Je veux dire… Sans que nous soyons séparés par une vitre ? »

Kate hocha la tête.

« Oui, cela veut dire exactement cela. Cependant, nous ne savons pas l'étendu de ses séquelles psychologiques. Nous avons fait divers scans de son cerveau… »

Je devins blême en entendant les paroles de Kate. Ma femme était-elle devenue folle ? Kate sortit plusieurs scans du dossier volumineux, et mon père se leva à son tour pour les observer, une barre soucieuse entre les deux yeux. Je les observai, impuissant à comprendre leur charabia médical.

« … et, il semblerait que la partie de son cerveau correspondant à la mémoire ait été endommagée. Nous n'avons encore aucune confirmation, nous devons attendre qu'elle se réveille du coma artificiel dans lequel nous l'avons volontairement plongée. »

« D'accord… D'accord. » Murmurai-je plus pour moi-même que pour les autres.

« Elle risque d'être très confuse, voire agressive à son réveil. Et ce serait tout à fait normal, Edward. Il faut que tu t'y prépares. Elle a subi un choc extrêmement fort. Elle sera déboussolée de se retrouver enfin dans le monde réel. »

« Est-ce qu'elle pourra se rappeler de nous ? Ou d'Elias ? »

« Nous ne savons pas encore, mais nous nous en rendrons vite compte. »

J'hochai la tête, ravalant mes larmes. Ce n'était pas le moment de s'apitoyer sur mon sort. Ce n'était pas moi qui avais été retenu en captivité pendant quinze ans par des fous furieux. Kate se rassit, mon père en fit autant, et elle arbora immédiatement une mine plus grave. Mon souffle devint aussitôt haché.

« Ce que je viens de te dire n'est que la partie visible de l'iceberg, Edward. »

« Vas y. Dis moi tout. Je suis assez fort pour tout entendre. » Claquai-je, les muscles bandés.

Kate m'observa un long moment, pesant le pour et le contre. Elle jeta un coup d'œil à mon père, et cela sembla la convaincre définitivement.

« Nous avons découvert des traces de coup de fouet sur son dos. Certaines ont bien cicatrisé, d'autres non, et elle gardera les cicatrices à vie. »

J'haletai en imaginant mon amour se faire battre. Je fermai les yeux, dévasté, alors qu'un sentiment de culpabilité s'emparait de mon corps. Rationnellement, je savais que je n'y étais pour rien. Cependant, je n'étais plus rationnel lorsqu'il s'agissait de Bella…

« Edward ? » Murmura mon père, doucement, presque tendrement.

« Con… Continue » Finis-je par murmurer en soulevant enfin mes paupières.

« Bella a… Elle a une cicatrice un peu particulière sur son avant bras gauche. »

Je fronçais les sourcils, attendant que Kate continue. Je voyais bien qu'elle essayait de contrôler ses propres émotions.

« Des lettres ont été tracées au couteau sur sa peau, et à de nombreuses reprises, de manière répétées au même endroit. Là également, les cicatrices sont indélébiles. »

« Quel mot ? »

« Edward. »

« Par… Pardon ? »

Les yeux de Kate commencèrent à s'embuer, mais elle les ravala aussitôt, reprenant son rôle de médecin professionnel.

« Nous supposons qu'elle devait souvent répéter ton nom lorsque… lorsque ses tortionnaires la torturait. Le mot Edward a été gravé sur sa peau… »

Je me relevai brusquement, les yeux exorbités, nauséeux. Je n'entendis pas mon père m'appeler, ni Kate essayer de me raisonner. Je sortis précipitamment du bureau de Kate, et me retrouvai nez à nez avec Emmett. Mon expression dut lui faire peur, car il s'écarta hâtivement de moi. Je courrai alors à travers le couloir, et régurgitai tout ce que j'avais avalé depuis deux jours dans une des poubelles. Des perles de sueur roulaient sur mon front, et je tremblai comme une feuille. C'était trop dur… J'entendis alors des pas derrière moi.

« Edward, mon chéri… Je sais que c'est très difficile, mais… »

« NON, PAPA ! TU NE SAIS PAS CE QUE C'EST ! TA FEMME N'A PAS ÉTÉ TORTURÉE, D'ACCORD ? TU NE SAIS PAS CE QUE JE RESSENS ! » Hurlai-je alors contre mon père.

Il se figea un instant, mais ne fit aucun commentaire. Il ne me fâcha même pas. Au contraire, il me prit dans ses bras protecteurs et fermes, et passa sa main dans mes cheveux, comme lorsque j'étais enfant. Je posai mon front contre son épaule rassurante, et retint de toutes mes forces mes larmes de couler.

« Pardon… » Soufflai-je.

« C'est déjà oublié, Edward. Ne t'en fais. Et tu te trompes, je sais ce que c'est d'avoir peur pour les gens qu'on aime. J'ai eu peur tellement de fois lorsqu'il s'agissait de ta mère, ou pire, de toi… Mais nous devons être forts pour elles, d'accord ? »

« Je sais… Mais, ça fait tellement mal. »

« Cela va passer, fiston. Je te le promets. Mais d'abord… Revenons voir Kate, d'accord ? »

Je m'écartai légèrement de mon père, et hochai la tête, n'osant pas le regarder dans les yeux. Il ne sembla pas apprécier mon malaise, car il prit ma tête entre ses deux mains.

« Ne baisses jamais les yeux devant moi. » Tonna-t-il. « Tu es incroyablement courageux, et ça, personne ne peut le remettre en cause, même pas Charlie. » Tenta-t-il de plaisanter.

Cela marcha, puisque j'arrivai à sourire légèrement, bien que mes yeux restent mornes. Je vis Charlie et Emmett dans le dos de mon père, assez loin pour respecter notre intimité. Cependant, je pouvais clairement déceler l'angoisse sur leurs traits fatigués. Ils me connaissaient bien. Ils savaient que je perdais rarement mes moyens. Après tout, j'étais avocat. Je savais gérer les situations de crise en temps normal… Sauf lorsqu'il s'agissait de Bella, évidemment.

« Retournons y. » Finis-je par articuler, le cœur au bord des lèvres.

Mon père encercla alors mes épaules, protecteur. Je baissai les yeux, évitant à tout prix le regard déchirant d'Emmett. Après tout, cela devait être horrible pour lui aussi. Bella était sa sœur jumelle. Nous reprîmes rapidement place devant le bureau de Kate, qui me sourit gentiment.

« Je suis désolé, Kate. Je me suis senti un peu… dépassé. »

« Ne t'en fais pas, c'est normal… Veux tu que l'on reprenne ? »

« Oui. »

Elle se replongea un instant dans le dossier. Puis releva ses yeux vers moi. Et je sus que ce qu'elle allait me dire serait pire que tout. Pire que la mort.

« Nous avons remarqué que Bella avait d'autres traces de coupures, notamment sur la poitrine, et sur ses cuisses. »

Mon estomac fit de nouveau le tour du grand huit, et je serrai compulsivement mon pantalon.

« Kate… Ne me dis pas que… » Suppliai-je alors, en agrippant mes cheveux.

« Je suis désolée, Edward… Il semblerait qu'elle ait été abusée. »

« Non… Tu mens… » Gémis-je alors, prostrée dans ma douleur.

« Edward, je sais que c'est dur. Mais tu m'as demandé de ne rien te cacher. »

Je crus que mon cœur allait s'arrêter de battre, tellement je me sentais mal. Ma Bella, mon amour. Amnésique. Battue. Violée. Et seule pendant quinze ans. Sans moi pour la protéger. J'imaginai ces monstres jouer avec son corps de poupée. J'imaginai ses cris déchirants dans le silence de ma tête.

Puis je craquai. Des sanglots énormes s'échappèrent de ma poitrine, et j'eus l'impression d'avoir cinq ans à nouveau. J'avais mal… Tellement mal que j'aurais voulu m'arracher le cœur moi-même pour ne plus rien ressentir. Je devins alors hermétique au monde extérieur. Je sentis mon père me forcer à me lever, mais je voyais des points noirs danser devant mes yeux. Je sentais les larmes couler sur mes joues creuses. J'entendais des sons autour de moi, sans en comprendre le sens.

Puis je vis ma mère, assise dans la salle d'attende de l'étage des soins intensifs. Elle leva les yeux vers nous lorsqu'elle entendit mes gémissements de douleur, et je vis ses yeux verts s'humidifier eux aussi. Je ne savais pas ce qu'elle faisait ici, mais je me sentis immédiatement un peu mieux.

Arrivé devant elle, mon père me lâcha, et je tombai à genoux devant la première femme de ma vie. J'enfouis mon visage sur ses cuisses, et crispai mes bras autour d'elle, cherchant désespérément quelque chose à quoi me raccrocher.

« Maman… » Gémis-je.

Esmée caressa tendrement mes cheveux, et une de ses mains vint se loger sur le haut de mon dos, sous ma chemise, à même ma peau transpirante.

« Je sais, mon bébé, je sais… »

« Bella…. Elle… Elle… »

« Chut, Edward, calme toi. Respire doucement. Pense à elle. Pense comme elle est belle. Pense comme elle sera heureuse de te voir. Ne pense pas au reste. »

« Je… J'aurais préféré qu'elle soit morte plutôt qu'elle vive toutes ces épreuves. » Avouai-je douloureusement.

« Mais elle est vivante, mon chéri. Elle s'est montrée très forte. »

« Je veux tellement être fort pour elle à mon tour… Mais, je me sens… impuissant, et dépassé. » Haletai-je, le visage toujours caché.

« Tu as le droit d'être triste. Tu as le droit de pleurer, mon chéri. Tout le monde est là pour te soutenir. Tu n'es pas seul dans cette épreuve d'accord ? Et tu seras fort… Tu l'es déjà. »

J'inspirai l'odeur réconfortante de ma mère, puis finis par relever mon visage de son giron. Elle plongea ses yeux dans les miens, et je vis qu'elle avait pleuré aussi. Elle caressa ma joue, et me sourit, réconfortante au possible.

« Papa ? »

Une voix rocailleuse me sortit de ma torpeur, et automatiquement, je me recomposai un visage plus présentable. Une façade que je maitrisais à merveille. En voyant mon changement d'attitude, ma mère me sourit, et me serra la main. Lentement, je me redressai, prêt à affronter de nouveau le monde horrible dans lequel nous évoluions. Je vis alors mon fils de seize ans, le visage bouleversé de me voir ainsi. Je lui souris faiblement, tentant de reprendre le contrôle de moi-même face à Elias.

Je me rapprochai doucement de lui, et plongeai mes yeux rougis dans les siens apeurés. Ses yeux si semblables à ceux de sa mère. Si électrisant de beauté.

« Est-ce que Maman va mourir ? »

Je posai ma main sur sa joue légèrement piquante. Il ne s'était pas rasé, une fois de plus.

« Non. Je te promets qu'elle va aller bien. Tu sais que je ne mens jamais. »

Il hocha la tête, hésitant. Je revoyais Bella dans chacun de ses gestes. C'était tellement attendrissant, et douloureux à la fois de la voir à travers lui.

« Alors… pourquoi tu pleures ? »

« Parce que je suis triste, Elias. Maman a traversé des choses très difficiles. Il faudra être patient avec elle. Je peux compter sur toi ? »

Il acquiesça, encore incertain quant au futur, mais je voyais que j'avais réussi à le rassurer pour le moment. J'observai sa frimousse encore adolescente. Selon ma mère, il était mon porté craché. Cependant, moi, je n'y voyais que ma femme. Elias avait indiscutablement son caractère réservé et généreux.

« J'étais chez Mamie… » Marmonna-t-il soudainement. Je sentis une pointe d'angoisse dans sa voix.

« Oui, je sais. Et ? »

« Il… Il y avait des journalistes. Beaucoup de journalistes. »

Evidemment qu'il y aurait la presse aux premières loges. Après tout, le Président des Etats-Unis m'avait déjà contacté en personne. Je n'avais pas encore réalisé l'ampleur de la chose, trop obnubilé par Bella, mais je savais que les prochains jours seraient décadents.

« Ecoute, je ne veux pas que tu t'inquiètes de ça. Je m'occupe de gérer la presse et les curieux. »

« Mais… Cela va durer longtemps ? »

« Maman est très connue, tu sais. Elle… Elle est restée très longtemps en captivité, et elle pourrait détenir des secrets importants pour le gouvernement. Alors, les journalistes vont sans doute parler de nous pendant un petit moment… Mais je le répète, je ne veux pas que tu t'en fasses pour ça. C'est mon rôle de m'en occuper. Pas à toi, Elias. »

« Alors, je ne peux rien faire ? »

Je lui souris, ému et attendri par cette graine d'homme presque aussi grande que moi désormais.

« Tu aides déjà, Elias. Allez, viens… »

Je le pris alors dans mes bras, et étonnamment, il se laissa faire. Il s'agrippa même à ma chemise blanche. Je regardai par dessus son épaule, et vis qu'Emmett et Charlie nous observaient de loin. Je tentai de leur sourire, mais je ne sus si je réussis. Dans tous les cas, le message fut passé.

« Monsieur Cullen ? »

Je me détachai d'Elias, et me tournai vers l'homme qui nous avait interrompu. Il portait une blouse de l'hôpital, et inspirait sérénité.

« Oui, c'est moi… »

« Il est désormais possible de voir votre femme. »

Mon cœur loupa un battement, et inconsciemment, je raffermis ma prise sur l'épaule de mon fils.

« Elle s'est réveillée ? »

« Non, pas encore, mais cela ne saurait tarder. Elle n'est plus en quarantaine. »

« Très bien… Elias, tu vas rentrer avec Mamie et Tante Alice. »

« Quoi ? NON ! Le médecin a dit que… »

« Elias ! Stop. Je… Je ne veux pas que tu voies ta mère ainsi, d'accord ? »

Il fronça les sourcils de mécontentement.

« Mais… C'est ma mère ! Je veux la voir !»

« Elias » Intervint alors Carlisle. « Je t'assure que tu n'as pas envie de voir ta mère dans cet état. Elle est très faible. Attends au moins qu'elle se réveille. Fais confiance à ton père. Tu sais qu'il ne te mentirait jamais, mais il a raison de t'empêcher de faire ceci pour le moment. »

Elias observa un instant mon père, pesant le pour et le contre, puis finit par abdiquer.

« D'accord. » Maugréa-t-il.

Je lui souris pour le rassurer, alors que j'étais moi même au bord de la rupture nerveuse.

« Tu me jures qu'elle ira bien ? » Me demanda-t-il, angoissée de perdre à nouveau sa mère.

« Je te le jure. »

Il hocha la tête, et ses yeux se perdirent dans le vague. Il me cachait quelque chose.

« Elias ? »

Il se gratta la gorge, tout comme Bella le faisait lorsqu'elle était inquiète.

« Tu crois qu'elle va m'aimer ? » Murmura-t-il, afin que seul moi puisse l'entendre.

Je fus tellement touchée par ses paroles, que je faillis m'effondrer une nouvelle fois.

« Elle te préfère surement à moi. » Tentai-je de plaisanter.

« Ah… »

« Elias, ta mère t'aime plus que tout. Tu ne dois pas en douter, tu m'entends ? Ne laisse personne dire le contraire. » Repris-je, avec plus de fermeté cette fois.

Il sembla convaincu par mes paroles, et un premier sourire illumina son visage d'adolescent. Il s'éloigna ensuite de moi, et se rapprocha de ma mère. Esmée l'accueillit tendrement avec elle, et je sus que tout irait bien pour lui. J'attendis qu'ils s'éloignent, et laissai tomber mon masque. Le chagrin devait à nouveau transcender mon visage. Je reportai mon attention sur le médecin.

« Amenez-moi voir ma femme. » Lui dis-je, plus déterminé que jamais.


TA-DAAAAM… *se ronge les ongles en attendant vos impressions*

Que pensez-vous de ce premier chapitre ? Accrocheur ou pas ?

Merci d'avoir lu, on se retrouve bientôt… avec Bella ;)