Titre: Banale

Auteur: Moi (jusqu'à preuve du contraire)

Résumé: Luffy est un garçon joyeux, plein d'entrain et de rêve dans son monde tel que nous le connaissons. Mais en serait-il de même dans notre réalité désabusée?


Il ferma les yeux, tentant de se raccrocher une fois de plus à son rêve. Peine perdue. A croire que même son imaginaire l'abandonnait. Il eut un rire sinistre devant ses sombres pensées. S'ils le voyaient, lui, l'imbécile constamment heureux et plein d'entrain, réclamant de quoi manger pour compenser toute l'énergie qu'il dépensait dans des idées qu'il était le seul à comprendre. S'ils voyaient à quel point ce garçon que tout le monde adorait sombrer dès que les regards le quittaient. Cela faisait bien longtemps qu'il avait conscience que ce monde n'avait plus rien à lui offrir. C'était un monde bien trop terne, sans aucune couleur ou saveur : un monde sans rêves.

Seul Ace, ou Sabo, auraient pu le comprendre, mais tout deux étaient morts à ses yeux, bien trop loin de lui dans son rêve comme dans sa « réalité ». Plus personne à présent ne pouvait voir la nuance de désespoir qu'il ne parvenait à annihiler qu'en oubliant cette foutue réalité qui l'emprisonnait plus sûrement que les barreaux d'une prison.

Beaucoup l'avaient pris pour un imbécile, un gentil garçon sans doute un peu trop naïf pour son propre bien. Mais c'était mieux ainsi. C'était mieux de se persuader, de ne pas savoir, de ne pas voir toutes les horreurs banales de son monde. Mieux valait les oublier.

Mieux valait oublier sa triste réalité d'orphelin pour s'inventer un père criminel envers et contre tous. S'inventer une aventure où il était plus qu'un enfant atrocement banal devant lequel la vie défilait sans s'arrêter à ce pauvre petit déchet d'humain.

Ses rêves, enfant, de devenir un fier pirate à la recherche du plus grand trésor de l'humanité n'auraient jamais abouti dans ce monde dénaturé par la modernité. Alors il s'était enfermé dans ses rêves, tout donnant lieu à son aventure intérieure. Le départ de son frère, la rencontre de ses « amis », tout venait s'incorporer à son rêve, déteignant sur sa triste réalité.

Bien sûr, quelques personnes s'en était rendues compte, et avait tenté de le détourner de ses chimères, de le rappeler de son état semi-éveillé. Il s'en était simplement détourné. Comment reprendre une vie où la seule chose intéressante était de ne pas rater son déjeuner, alors qu'il pouvait se créer l'histoire du capitaine d'un navire fendant les flots sans jamais s'arrêter, avec le cœur emplit de l'espoir d'accomplir ses rêves plein d'argent et de gloire ?

Mais il savait, malgré son air de débile fini qu'il offrait à la face du monde, que la réalité nous rattrape toujours. Et il ne l'acceptait pas. Revenir maintenant le détruirait, il le savait.
Il était sûr de sa décision.

Quand Luffy se sentit basculer en arrière, il songea qu'il avait peut-être enfin réussi à s'échapper de la réalité qui lui servait de prison. Qu'il allait sans doute enfin atteindre cette liberté absolue dont il avait tant rêvé.
Qu'il accomplissait son rêve.


Lorsque la nouvelle se répandit dans la ville, il n'y eut aucun étonnement de la part des habitants. Ce n'était pas la première fois qu'on entendait parler de jeunes désespérés se jetant du haut des immeubles.
C'était juste une histoire banale.