Juste une petit mise en garde: yaoi et inceste.

Vous êtes prévenus.

Sur ceux, bonne lecture… levée de rideaux

COMME UN RÊVE

Il dut attendre plus qu'il ne l'aurait cru pour enfin entendre arriver Keikoku. Qu'est-ce qu'il avait foutu pendant tout ce temps? La chasse aux papillons?

Malheureusement, il ne connaissait pas son demi-frère si bien que ça, car au tournant, il le vit apparaître, un panier de champignons sous le bras.

C'est pas vrai, il était parti à la cueillette alors qu'il avait une mission à accomplir!

Keikoku marchait droit devant lui, et ce n'est qu'à deux centimètre de l'autre personne qu'il s'arrêta, comme venant de la remarquer. Il perdit immédiatement son air un peu niais et dans les vapes pour un aspect plus agressif:

- T'veux t'battre? Emit-il réflexivement, sans même encore avoir reconnu la personne lui faisant face.

- Je peux savoir ce que tu as fait depuis que tu as quitté le village? Demanda Shinrei aussi agressivement que son frère.

Ce dernier sembla reconnaître le son de la voix comme correspondant à celle de son servile de frère puis haussa les épaules:

- Ah, c'est toi. Ben, j'suis allé ramasser des champignons. Mais t'en auras pas, décida-t-il.

- Je veux pas de tes fichus végétaux! Et tête en l'air comme tu es, tu vas sûrement t'empoissonner avec l'un d'eux!

Il jeta un coup d'œil et vit en effet qu'un avait un chapeau rouge parsemé de petits points blancs.

Bien! Qu'il crève cet abruti! Il n'avait jamais demandé à avoir un demi-frère aussi attardé dont on ne sait d'où.

- Et ta mission, tu comptes la commencer quand! Essaya le mibu de ramener l'anarchiste à son devoir.

Peine perdue:

- Quelle mission? Haussa innocemment Keikoku les sourcils.

- La MISSION! Celle que t'a donnée le Roi Rouge! S'énerva le maîtres des eaux.

De nouveau transformation d'insouciance à machine de guerre:

- T'es qui toi pour me faire la morale! Tu fous quoi là d'abord? T'es venu m'espionner!

Shinrei soupira: qu'est-ce qu'il était paranoïaque.

Il ne répondit pas. L'autre ahuri avait raison sur un point: qu'est-ce qu'il foutait ici? Au milieu de la forêt à causer avec cet incompétent qui avait attenté à la vie de leur roi? Il eut envie de lui tordre le cou, de le lacérer et de le transpercer jusqu'à ce que son cerveau arrête de pondre des idées et des envies tordues et criminelles.

- Pourquoi tu as fait ça? S'enquit doucement Shinrei.

- Quoi? Parce que j'ai faim, répondit évasivement l'autre.

- Je ne parle pas des champignons! Pourquoi tu t'es attaqué au Roi? Tu voulais mourir?

Le bâtard resta un instant silencieux, puis:

- Non, sourit-il d'un air entendu.

- Pff, t'es vraiment inconséquent. Remercie le Roi de ne pas t'avoir fait payer de ta vie l'affront que tu as commis.

Shinrei sentait son frère un brin plus sérieux qu'à son habitude.

Il y eut un silence gêné. Le mibu aux cheveux gris pensa qu'il était allé un peu fort et se calma.

Keikoku s'assit parterre, de plus en plus alléché pas l'odeur de champignon sortant de son panier.

- Qu'est-ce que tu fais? Demanda son homologue, le fusillant du regard alors qu'il s'adossait à un tronc.

- Je te laisser causer… moi, je me repose. Allé, je t'écoute, répondit Keikoku d'une voix molle, baillant.

Le sang de Shinrei ne fit qu'un tour. C'était une blague!

Pris dans sa colère, il n'eut pas de mots assez forts pour la partager avec son cher frère. Il sortit ses armes jumelles, le défiant du regard:

- Lève-toi! Lève-toi et bats-toi! Vas-y Keikoku, et montre-moi si la confiance du Roi Rouge est bien placée en toi! Ordonna le jeune homme, exacerbé, donnant un coup de pieds dans les jambes allongées de son cadet.

Ce dernier grogna; jeta un vague coup d'œil:

- Aïe…

- Tu entends!

Il lança comme un couteau une de ses lames qui s'enfonça dans le tronc, à deux cheveux de son frère. Keikoku soupira:

- Tu lances ton deuxième canif, et t'auras plus d'arme. C'est idiot.

Shinrei, debout devant lui, les yeux emplis de mépris:

- Mais au prochain lancé, tu seras mort.

Keikoku se leva difficilement, tenant contre l'arbre, et arracha l'arme du maître des eaux.

- Comment? Tu n'as pas fait exprès la première fois de me manquer? Ria-t-il en lançant l'objet dangereux à son propriétaire; il le rangea. Quoi? Tu ne veux pas te battre en fin de compte? S'étonna le blond. T'es d'un lunatique…

Shinrei soupira. Qui c'est le lunatique ici? Il retroussa néanmoins les lèvres, se réarmant:

- En fait, je croyais que tu te désistais. Viens, je t'attends.

Le duel s'engagea mais avec aucun avantage notable. Les armes se croisaient avec fracas, faisant fuir tous les êtres alentours. Eblouis par les étincelles faites, ils agissaient par réflexes; ce combat n'avait rien de révolutionnaire par rapport aux précédents.

Ils n'en vinrent pas aux incantations de feu et d'eau. Les choses devinrent pourtant de plus en plus sérieuses. Pourtant ce n'était sûrement pas une notion que maîtrisait parfaitement le blond – le sérieux – ou alors il n'était juste pas très motivé, car il se retrouva submergé par les coups de son aîné. Pourquoi se prenait-il tant au sérieux ce dragon à neuf têtes? C'était juste un petit… exercice. Mais aussi le seul rapport qu'il entretenait avec Shinrei…

Le sang gicla, sortant du bras de Keikoku. Il ne dit rien, ce n'était pas les petits brochets d'un mibu snob qui allaient le battre.

- Pff, interrompit la planète d'Eau en rangeant ses armes après les avoir essuyées (chiffon dans ses poches), c'était donc notre dernier combat, déclara-t-il avec suffisance. Si tu n'arrives même pas à me tenir tête, comment comptes-tu survivre à l'extérieur?

Il lui tourna le dos. Keikoku n'en crut pas ses yeux:

- Pardon! Espèce de lâche! Comment oses-tu dire ça! – Mais Shinrei s'éloignait – Tu verras Shinrei, cria alors Keikoku de rage, tu verras quand je reviendrais je vous tuerez tous! Tous les mibus périront de ma main – sa voix s'affaiblit peu à peu alors qu'un désespoir se mélangeait à la colère – de ma main, je te tuerai… et deviendrais le plus fort.

Il resta ainsi un moment à terre, maudissant le Roi Rouge de ne pas l'avoir tué.

Il se traîna tant bien que mal contre le tronc et le doigt suivit la cicatrice que Shinrei avait laissée dans le bois. Puis il s'allongea de nouveau contre lui, les yeux fermés, essayant de pousser son esprit à partir, à s'échapper, pourtant sa poitrine était toujours oppressée par cette gêne qui ne l'avait jamais quitté, même qu'à ce moment, elle s'était accentuée.

Sa main rencontra son panier renversé. Il y piocha un champignon qui restait sans regarder. Seul, il l'était, et le sera toujours.

oOo

- Waiiiiiiii! On a fait une super prise! S'exclama, bouche en cœur l'ancien guerrier Daté Musamuné, trois bouteilles de saké sous chaque bras. Tout ce qu'il manque, c'est trois jolies filles bien pulpeuses… Au fait, tu t'es bien débrouillé aujourd'hui, petit.

- J'suis PAS petit! Vint immédiatement la réplique d'Akira qui marchait derrière le borgne.

La nuit était venue dans le sang et le massacre. Il était maintenant l'heure de fêter la victoire.

Le démon Kyo, en tête loin devant, toujours aussi causant qu'au premier jour, puis vint le duo en querelle, et traînant un peu la patte, le mibu Luciole fermant la marche.

- Ah bon? T'es pas petit? Je pourrais t'écraser avec mon pied, rétorqua Bontenmaru en rigolant.

Il aimait bien ces petites répliques pleines de charmes. Et le seul qui semblait bien vouloir être son partenaire de discussion était cette petite teigne d'Akira.

- Ah oui, gros balourd! Essaye un peu, défia l'orphelin en s'arrêtant.

- Oh ho, la petite peste se prend des airs de lion.

Le borgne se retourna et rit face à la demi-portion. Il imposa toute sa carrure au jeunot, qui bien que ne faisant rien percevoir, était quand même un peu impressionné.

Leurs regards joutèrent, mais avant qu'ils ne décident de se battre pour de bon, Akira reçut un coup sur la tête et une ombre les dépassa:

- Pauvres nazes, leur dit-elle tout de même avant de continuer son chemin.

Malgré sa colère et irritation, Akira ne fit que grincer des dents. Luciole le mettait toujours un peu mal à l'aise, et il était impossible de l'approcher. Il s'emblait qu'un halo obscure l'entourait, l'empêchant de véritablement se mêler aux autres. En clair, il ne pouvait le sacquer!

- Tu viens Akira, tu vas te faire distancer, appela Bontenmaru qui avait repris sa marche.

Le jeune garçon se secoua et alla rejoindre Kyo à la tête. La marche continua.

Après quelques heures de marches, le groupe s'arrêta:

- Nous y sommes, constata Bontenmaru radieux, déjà deux bouteilles en moins. On fait quoi maintenant Kyo?

La question était plutôt rhétorique, car le colosse savait parfaitement ce qui allait suivre, et il sentit un frisson d'excitation au moins aussi intense qu'à la veille d'un bon massacre.

- On va attendre le retour d'Akari, répondit le chef des quatre sacrés du ciel.

En contrebas, une ville de grandeur moyenne avec quelques lumières vacillantes. Tout autour, l'obscurité. On entendait le bruit de roulement d'une rivière à proximité.

Kyo commença à descendre vers le village. Akira le poursuivit, mais son idole l'arrêta:

- Tu restes ici, avec Luciole, décida-t-il. Vous l'attendrez.

- Mais… tenta de contredire Akira, au moment où Bontenmaru posa la main sur sa tête.

Il leva les yeux vers l'éborgné.

- Allons Akira, c'est pas pour les petits là où on va.

Les deux ombres s'éloignèrent rapidement.

- Rhoooo! Akira fit des poings.

Il rejoint Luciole qui s'était installé sans rien dire sur une branche basse, le regard rivé nulle part de bien précis.

Le jeune orphelin le regarda un instant en silence puis dit avec mépris:

- Pouah! Trop petit, tu parles! Et toi aussi, t'es trop jeune pour les accompagner? Mon œil! Qu'est-ce qu'ils sont allés faire de toute façon?

Enervé par la situation et le silence obstiné de son homologue forcé, l'orphelin donna un coup de pied non maîtrisé dans l'arbre.

- Aïïïïïïïeeuh! (;.;)

Mais il n'y avait pas que son pied qui eut craqué…

L'horizon de Luciole se fit plutôt vertical alors que son arbre se déracinait.

L'aîné des deux se releva de parterre, de dessous une myriade de branches, quelques feuilles et d'une bosse sur la tête. Il se la frotta:

- Huh? Qu'est-ce qui s'est passé?

Akira, accroupi par terre, entassant des brindilles, se retourna, grands yeux étonnés:

- Hein? Oh! Tiens, l'arbre est tombé. La foudre peut-être.

- Tu fais quoi à brouter l'herbe? Demanda le blond en s'approchant.

- Je fais un feu! Ça se voit pas? S'énerva le jeune en jetant un bout de bois, dépité.

Luciole le regarda curieusement. En un instant, d'immenses flammes s'extirpèrent du sol.

- Waaah! C'est quoi ça! Cria Akira alors qu'un brasier plus grand que lui s'éleva à ses pieds agressivement. Tu aurais pu prévenir!

Il recula et jeta un regard noir à Luciole. Ce dernier s'affala devant les flammes, les yeux vitreux.

Akira fronça les sourcils ne comprenant rien à l'attitude de son compagnon de combats. Etait-il blessé à la tête? Il n'osa lui demander. Fatigué? Il n'avait rien mangé depuis un moment à cause de sa vanité le faisant refuser toute nourriture ne venant pas de lui. De mauvaise humeur parce qu'il n'avait pas eu le droit de suivre Kyo et l'autre géant abruti? Akira pouvait comprendre ça.

- Bon, s'impatienta le jeune. On va quand même pas passer la nuit ici! Nous aussi on a le droit de fêter la bataille, non?

Excité par cette perspective, il givra le feu de Luciole, prêt à aller s'amuser. Le mibu étrécit les yeux et ralluma le feu qu'Akira ré-éteint.

Ce manège dura un moment; ils se défièrent sans mot, d'un regard: le feu restera-t-il allumé, ou bien éteint? Grands yeux bleus contre perçants yeux jaunes.

Soudain les yeux bleus se détournèrent et firent une moue:

- Très bien, bouda-t-il. Tu n'as qu'à rester ici tout seul, moi je vais retrouver Kyo, na!

Et la silhouette frêle du sacré du ciel s'effaça en direction de la petite ville.

Les épaules de Luciole s'affaissèrent:

- Génial, grogna-t-il, exprimant très bien ce qu'il pensait de ce garnement.

Ce qu'il détestait jouer à la nounou de service pendant que les deux autres cons partaient s'amuser dans les quartiers de plaisirs. Et qu'est-ce qu'il détestait devoir toujours attendre Akari qui n'était jamais à l'heure.

oOo

- J'en ai maaaaaaaaaare!

Immobilisation. Plus un être n'ose respirer alors que la forme colérique s'avance au centre du jardin peuplé de petits êtres et plus précisément vers un particulièrement imposant. Cet dernier d'ailleurs soupire et pose à terre l'enfant qu'il tient.

- Qu'est-ce qu'il y a aujourd'hui? T'es particulièrement irrité.

Shinrei fit fuir le peu de garçonnets suffisamment téméraires et reconnus courageux pour être restés deux minutes en présence d'un Shinrei furax.

- Je ne suis pas irrité!

- Non, plutôt enragé.

Taihaku se ravisa et décida de ne pas provoquer un Shinrei suffisamment énervé comme ça.

Le chef des cinq planètes soupira une nouvelle fois imperceptiblement, sourit franchement et entraîna le jeune mibu à l'écart des jardins; ils marchèrent dans les ruelles froidement éclairées et peu peuplées.

En Silence, Taihaku laissait l'autre se calmer. Un bon moment s'écoula et ils arrivèrent près d'une fontaine de marbre au pied d'un grand escalier soutenant une imposante bâtisse grandiloquente.

Taihaku s'assit alors sur les premières marches et regarda son homologue de ses yeux clairvoyants. Il n'était pas là pour tirer les vers du nez de Shinrei, et n'était pas habité de curiosité enfantine (il avait passé l'âge). Il était tout simplement son supérieur, et son rôle se limitait à ce que les hommes sous ses ordres soient dans de bons états d'esprits pour bien faire le travail demandé. Car un suicide était bien une choses qu'il n'acceptait pas parmi ses connaissances… disons agréables (catégories dans laquelle Chinmei était tout de suite exclu).

Le maître des eaux s'approcha de la fontaine pleine d'une eau scintillante et abondante. Il y trempa la main, toujours parcourue de spasmes de colère. Il fit des poings et sous ses yeux, l'eau peu à peu baissa de niveau jusqu'à ce qu'il ne reste rien de cette eau pure.

Shinrei qui fixait sa main avec dureté, releva la tête et ses yeux croisèrent ceux mi-clos de son supérieur qui ne dit rien. Shinrei soupira:

- C'est la mission, lâcha-t-il de nouveau énervé.

Taihaku ne fit aucun bruit, mais se rappela rapidement de quoi il s'agissait: Shinrei et Chinmei étaient partis surveiller quelques uns de leurs soldats partis saccager un village qui avait eu la mauvaise idée de se montrer trop amical avec la famille du shogun. Le raid s'était fait de nuit pour donner une couche de mystère et d'horreur au massacre et éviter tout témoin.

Taihaku avait trouvé un peu excessif d'y envoyer ses deux meilleurs éléments ensemble en promenade, mais les ordres étaient venus directement du palais du Yin et du Yang.

Shinrei reprit:

- Les choses se déroulèrent très bien, et Chinmei et moi observions le déroulement des événements, et sans que je comprenne pourquoi, cet idiot de Chinmei a perdu patience: il s'est joint à la fête, trouvant ça un spectacle affligeant de "voir ainsi les gens souffrir si longuement", et il les a tous fait exploser, ou imploser, ou qu'est-ce que j'en sais!

- Comment?

- Oui, il a tué tout le monde! Mibus et autres!

Taihaku haussa les épaules. Bien sûr, la version officielle qu'il eut entre les mains avaient un tout autre registre, mais il ne comprenait pas pourquoi la vérité mettait Shinrei dans un tel était.

Le jeune exécutant, se sentant incompris, soupira d'irritation:

- Les hommes ne sont pas aussi crétins qu'on semble le croire ici haut! Ils se sont quand même bien rendus compte que ceci était l'œuvre d'un fêlé dégénéré surpuissant. Bravo pour le plan: faites en sorte que cela ait l'air d'un règlement de compte entre village. Tu parles d'un fiasco.

Taihaku laissa le mibu reprendre sa respiration et n'ajouta rien, réfléchissant. La prochaine fois il irait lui-même en mission avec Chinmei, puisqu'il semblait que Shinrei ne puisse le tenir.

- C'est tout? Demanda-t-il de sa voix stable et douce.

Shinrei cilla et continua de regarder la fontaine qu'il avait asséchée.

- C'est pas suffisent? Tu veux pas aussi qu'il massacre toute une région pour qu'on commence à se rendre compte que c'est une calamité incontrôlable!

- Calme-toi. Je te demandais ça seulement pour être au courant de toute l'affaire.

Le chef des cinq planètes rejoignit Shinrei. Pourquoi était-il si agressif pour une bête histoire comme celle-ci? Ils savaient tous que Chinmei, dans une certaine mesure, était une bombe à retardement, pas besoin d'être surpris ou de faire semblant. Pourtant, il devait y avoir autre chose pour que le comportement du maître des eaux reste compréhensible. Ce qui amenait à penser qu'il s'était passé autre chose que Shinrei ne voulait pas dire. Dans ces conditions Taihaku ne pouvait l'aider que partiellement.

L'autre ne répondit pas. Le silence s'installa un moment et quand l'aîné des deux décida de se lever et partir sans bruit, Shinrei l'arrêta:

- Taihaku, j'aimerai partir d'ici, avoua-t-il avec une certaine tristesse.

Le grand blond soupira… tout comme ton frère, pensait-il. Mais tous deux savaient bien que c'était impossible.

Le soir arriva rapidement et le mibu cendré rentra dans ses quartiers, à l'écart de la populace.

Qu'avait-il aujourd'hui? Pourquoi était-il si… abattu.

Ce n'était pourtant pas dans son caractère. Il soupira. Sortir ce soir? Oui? Non? Non; il se sentait trop lourd et fatigué pour jouer à l'arrogant disciple du chef des cinq sages.

Il s'allongea sur son lit et ferma les yeux. De brefs souvenirs refirent surfaces en éclaires. Pourquoi pensait-il donc à ça. Pourquoi maintenant? Pourquoi ne pas plutôt tout oublier? S'il partait comme lui, comme Keikoku, comme Luciole… non! C'était impensable. D'ailleurs son frère n'était pas une référence. Pourtant…

Il se savait en situation contradictoire. Entre le mépris et ce sentiment mou et collant qu'il avait pour Keikoku. Mais le respect que portait Shinrei au Roi Rouge et aux mibus en général lui imposait de ne voir Keikoku que comme un paria doublé d'une erreur.

Luciole.

Il se sentit soudainement très seul. Et même s'ils n'avaient jamais été intimes, il se savait inconsciemment avoir toujours été épié, tous ses gestes jugés, toutes ses actions critiquées et rejetées. Mais tous ces regardes, jugements et paroles désagréables faisaient du blond son frère, qu'il le veuille ou non.

Shinrei déglutit et se mit sur le côté, yeux fermement clos, repoussant avec violence les assauts de souvenirs accompagnés de larmes. Un petit son sec et grave fut tout ce qui lui échappa.

Luciole…

Shinrei se recroquevilla sur lui-même comme s'il avait froid, mais les songes du passé l'assaillirent comme contrôlées d'une volonté indépendante à la sienne.

Un souvenir en particulier était des plus dur à supporter. C'était d'ailleurs le dernier qu'il avait du bâtard. Tout ça à cause d'un stupide champignon. Tout ça parce que comme un idiot, son imbécile de frère s'était véritablement empoissonné.

Un rire bref et amer fut étouffé dans les draps.

Il était revenu sur le lieu de leur dernier combat, avait fait demi-tour peu après être parti, laissant un Keikoku pour la première fois véritablement désemparé. Il était alors revenu… qu'importe pourquoi. Et il l'avait fait vomir, cet idiot, car à ses côtés se trouvait sa cueillette à l'allure des plus suspecte.

Il était comme ça Keikoku, un guerrier complètement obsédé par la victoire, dont l'obstination pouvait abattre des montagnes, mais il lui suffisait d'un seul moment d'étourderie qu'il ne savait même plus ce qu'il mangeait.

Il était comme ça Shinrei, si chevaleresque, tellement, qu'il se reprochait lui-même de l'être tant. C'était un trait de caractère qui ne se fondait pas complètement dans l'idéologie mibuienne.

Les mibus devaient être naturellement cruels pour mener à bien leur croisade. Keikoku était cruel, sans aucun doute, et bien qu'il ne soit qu'un bâtard, il semblait avoir plus hérité du caractère mibu que Shinrei. Qui donc était sa mère? Un mibu aussi? Un monstre de la forêt? Un Humain? Qui sait?

Il l'avait fait vomir, surtout grâce à lui qui, dans une panique efficace lui faisant largement ouvrir la bouche, doigts dedans, aplatissant la langue, lui obligeant d'incliner la tête.

Le blond s'était mollement débattu, sûrement ne se rendant même pas compte de ce qui se passait, mais l'essentiel, c'était qu'il aille mieux… qu'il le déteste encore plus, qu'est-ce que cela changeait?

Keikoku n'était plus du tout dans son assiette après son lavage d'estomac, mais connaissant sa capacité de récupération, Shinrei ne se faisait pas de soucis pour lui. Il lui obligea tout de même d'avaler un contrepoison que Saisei lui avait donné.

La jeune infirmière, feu guerrière, pour exprimer sa gratitude à Shinrei qui était l'un des rares à reconnaître sa présence en tant que telle, lui avait offert tout ce que son art pouvait faire comme bien. Un simple contrepoison.

Une fois son frère hors de danger, Shinrei comptait le laisser se reposer seul. Keikoku n'était pas vraiment en état de parler ou marcher: les yeux ouverts dans le vides, mais la respiration, bien que faible, était régulière et suffisante.

L'aîné savait qu'à partir de là il s'en sortirait, et lui s'en irait.

Pourtant… il hésita.

Sur son lit, le maître des eaux mit ce souvenir en pause. Pourquoi avait-il hésité? C'était à cause de cette foutue hésitation qu'il en était là aujourd'hui, à se torturer l'esprit à savoir pourquoi. Suite à ce moment l'indécision l'avait pris, car ce fut là qu'il l'embrassa.

Le corps dans ses bras était comme une poupée et il avait gentiment posé ses lèvres sur les siennes sans aucune arrière pensée. Juste sentir son corps contre le sien, sa bouche contre la sienne.

Un peu tremblant il déposa le corps du blond par terre, dans un nid d'herbes vert passé un peu rugueux.

Shinrei prit son temps pour bien le regarder, lui dégagea son front mais n'osa pas lui enlever son bandeau.

La mâchoire serrée, le cœur battant, penché par-dessus son visage. Il avait conscience sous sa peau qu'il brûlait, dû à la situation peu aisée, mais il était comme hypnotisé. Pas par son frère ou sa beauté violente, mais c'était comme si aujourd'hui, il voyait ce jeune homme en tant que tel, avec qui il partageait plus qu'un lien de sang.

Sa main se posa sur son épaule et se promena vers son torse légèrement.

Le désirait-il? Un feu ardent lui criait de faire de ce corps le sien et une envie de le faire crier de plaisir et non plus de souffrance se faisait de plus en plus physique.

Il lui embrassa le visage de baisers maladroits.

- Shi… Shinrei…!

Keikoku s'interrompit; ses yeux naturellement cruels s'agrandirent, le fixant. Il tenta de se relever, ayant presque peur, mais les fortes mains le maintinrent sous Shinrei qui l'embrassait maintenant franchement, soumettant jusqu'à la langue de Keikoku, tout en se préparant d'être repoussé, ce qui ne tarda pas.

Le blond tourna la tête, mettant un terme à l'échange, et tenta de repousser son frère, mais il était cloué au sol, et il se sentait comme vidé de toute ses forces.

Il agit exactement comme une fille, pensait l'aîné qui se disait inconsciemment qu'il serait peut-être plus facile d'aller jusqu'au bout sans trop de mal. Il contempla la nuque dénudée.

- Shinrei, qu'est-ce qui te prends? Laisse-m…

- Shhh, laisse-moi faire, l'interrompit-il, ramenant ses mains à son visage avec lesquelles il l'encercla, le caressa.

Keikoku, relâché, n'eut pas trop de mal à s'assoire. Il tourna dos à son demi-frère.

Shinrei déglutit et détourna à son tour le regard vers un point non précis de la forêt les entourant.

- Je suis désolé, lui sortit-il pour la seule fois de sa vie.

Désolé d'être ainsi un pion si subjugué par le Roi Rouge qu'il en détestait son frère pour l'avoir défié. Désolé de le soumettre à son tour à un désir qu'aucun d'eux ne comprenait.

- De quoi tu parles? Fit la voix un peu plus remplie d'émotion qu'à son habitude feignant l'incompréhension. Je comprends… Tu ne demandes qu'un due. Parce que tu m'as… contre le champignon…

Parce qu'il l'avait sauvé de l'empoisonnement? C'était la seule excuse bidon qu'il avait pu leur trouver? Shinrei secoua la tête incrédule. Pourquoi Luciole se voilait-il volontairement la face? Faire passer ça pour un acte logique et contrôlé, et non pour ce qu'il était vraiment? Lui sauver la face?

- C'est faux! Fronça Shinrei les sourcils, têtu.

Mais aujourd'hui il se demandait ce qu'il en était. Lui aussi finalement avait trouvé plus facile d'adhérer à cette situation d'échange équivalant. Pourtant à l'époque, il n'avait rien prémédité, n'est-ce pas?

Ils s'étaient séparés, l'un partit sur son chemin, l'autre resta là où il était, et où il serait toujours tenu. C'était comme si Keikoku avait fui le combat où ils auraient tous les deux perdus. Une relation incestueuse pour le blond (car personne n'était au courant que Shinrei connaissait la vérité), et la honte pour Shinrei d'avoir cédé à un bâtard détesté.

Mais bien qu'il fût soulagé de ne pas avoir violé son frère, une obscure facette de lui avait quand même des regrets à ne pas l'avoir fait.

Il se dégoûtait lui-même.

Il se leva de son lit avec agacement et agitation, mais il fut pris de vertige et se rattrapa contre le mur. Il sentait un vide se creuser à travers son buste, ou alors c'était un sentiment d'oppression; il avait du mal à respirer.

Il ne savait toujours pas ce qu'il voulait faire cette nuit. Pas dormir, pas sortir… que reste-t-il?

(à suivre…)

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