Father Unknow
Bonjour, bonjour ! Bon, je n'abandonne pas 'Les Enfants de l'Ombre', loin de là, mais appréciant NCIS au moins autant qu'Harry Potter, je ne vois pas très bien pourquoi je me priverais d'écrire aussi là-dessus. Sans compter que cette fiction sera beaucoup plus courte que l'autre, et que je l'ai déjà plutôt bien entamée.
'Father Unknow' met en scène Gibbs et Tony dans une relation père/enfant, ainsi que Tony et Abby dans une relation un peu frère/sœur. Si j'arrive à écrire quelque chose de vraiment satisfaisant, peut-être que j'écrirais une suite, j'ai déjà une idée.
Disclaimer : évidemment, rien de tout cela ne m'appartient (ou presque !)
1
A une vingtaine de kilomètres de Washington, une voiture grise fonçait à vive allure sur la route presque déserte, zigzaguant entre les véhicules quand ceux-ci apparaissaient, apparemment décidée à battre son record de vitesse – et peut-être d'infraction. Elle fit une embardée pour prendre un petit chemin qui longeait un vaste pré, roulant toujours aussi vite en dépit de l'état de la route, visiblement peu fréquentée, et s'immobilisa finalement au bout de cinq cents mètres, dans un dérapage parfait, à deux mètres des premiers policiers.
Anthony DiNozzo descendit aussitôt de la voiture avec une faible nausée et respira goulument tout l'air qu'il put dans l'espoir de dissiper son envie de vomir. Côté conducteur, son patron affichait un petit sourire moqueur.
« Pas assez cramponné à ton déjeuner, Tony ? »
« Tu conduis comme un dingue ! »
« Depuis le temps, j'aurais pensé que tu t'étais habitué… »
« Comme si c'était possible » lâcha le plus jeune en extirpant de la voiture son sac à dos.
Gibbs sourit à nouveau en sortant son propre matériel. A l'arrière, Ziva faisait de même, au téléphone avec Ducky pour tenter de lui expliquer à quel moment Palmer, qui conduisait, s'était trompé de route et quelle était celle qu'il devait emprunter à présent. Un travail d'une difficulté qu'elle n'aurait jamais imaginé. Alors que Gibbs accélérait le pas pour rejoindre les policiers qui avaient occupé la scène de crime jusque là, Tony le ralentit pour observer, ravi, le désarroi de sa collègue face aux compétences de Palmer pour l'orientation.
« Je suis sûre que tu le savais ! » articula silencieusement Ziva en le foudroyant du regard.
Pour toute réponse Tony lui adressa un sourire goguenard et, se tournant vers McGee qui sortait à son tour de la voiture, il lança :
« Alors McGuignol, ça va ? Tu survis ? »
L'autre se contenta de grommeler une vague réponse à peine anglaise, tout au contrôle de sa nausée persistante. Peut-être Tony y parviendrait-il un jour, peut-être pas, mais lui en tout cas ne s'habituerait jamais à la conduite de son patron. Ja-mais. Ziva raccrocha pour le regarder tituber un peu avant de parvenir à enfin marcher droit, mais son succès fut de courte durée.
« Vous attendez une invitation ? » leur hurla Gibbs depuis la scène de crime.
Ses agents se précipitèrent aussitôt, mais ce n'était pas la chose à faire. La vision qui les attendait fit hoqueter McGee et Tony eut un mouvement de recul. Seule Ziva parvint à rester stoïque, mais ses yeux légèrement écarquillés en disaient long. Face à eux se trouvaient le cadavre d'un jeune marine que l'on avait roué de coups de couteau, ou de quelque chose approchant, et que l'on avait ensuite presque éventré. De quoi redonner immédiatement la nausée aux agents qui venaient tout juste de s'en défaire.
« La vache… » parvint à articuler l'italien.
« Sergent chef William Bellford » annonça Gibbs sans se départir de son habituel ton bourru, comme si la vision du cadavre ne le choquait pas, ou bien qu'il faisait tout comme. « Vingt-huit ans. En permission de huit jours depuis avant-hier, il n'est jamais arrivé chez lui. Sa petite-amie l'a attendu toute la nuit avant de prévenir la police. Il a été retrouvé ce matin par la jeune fille là-bas » dit-il en désignant une adolescente repliée sur elle-même contre un arbre, à une dizaine de mètres.
« Elle sait quelque chose ? » s'enquit Ziva.
« C'est le problème » répondit le chérif qu'elle et les autres n'avaient pas remarqué derrière leur patron. « Elle se borne à rester muette. On a tout essayé, elle ne veut même pas dire son nom. Tout ce qu'on a réussis à en tirer, c'est un nom, mais on ne sait même pas à qui il appartient. Quand on lui demande si c'est celui de l'assassin, de son père, ou d'un ami, elle se tait à nouveau. »
« C'est quoi ce nom ? » s'informa Gibbs.
« Malcom Keyes. »
En une fraction de seconde, Gibbs vit le regard de son agent senior se modifier, alternant successivement surprise, inquiétude, joie, et de nouveau inquiétude. Et lui-même, en quelques secondes, se souvint aussi. Malcom Keyes. Un nom qui évoquait tant de souvenirs, des bons comme des mauvais, qui semblaient perdus depuis longtemps et que d'un seul coup ce chérif inconnu faisait remonter à la surface en une fraction de seconde…
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Décembre 1986.
Gibbs arrêta sa voiture devant le collège dans un crissement de pneus et bondit presque hors du véhicule. La gardienne, que ses arrivées n'impressionnaient plus depuis le temps, lui ouvrit la grille avant même qu'il ne le lui ordonne et le regarda traverser la cour aussi vite que s'il avait été pourchassé par quelques dangereux personnages. Décidément, ce marine était bizarre !
En quelques secondes Gibbs traversa l'établissement jusqu'à l'infirmerie, chemin qu'il connaissait par cœur à présent, et s'immobilisa devant. Il poussa la porte sans frapper et dévisagea les trois personnes présentes dans la pièce avec une colère qui ne devait rien au plus jeune des protagonistes. Ou plus exactement, qui indirectement lui devait tout. A lui, ce gamin de onze ans qui se cachait presque entièrement derrière un homme d'une quarantaine d'années aux cheveux grisonnants, au visage taillé à la serpe et à la haute stature. Gibbs devait reconnaître qu'il avait bien choisi sa cachette, car il était invisible derrière l'homme. La troisième personne était l'infirmière, une jeune femme d'une trentaine d'années que les entrées fracassantes de Gibbs impressionnaient toujours et terrifiaient même à l'occasion.
« Tony ? Tony ! »
Le petit garçon apparut de derrière l'homme et avisa rapidement l'air furieux de Gibbs. Avec ses cheveux châtains ébouriffés et ses yeux clairs rougis par les larmes qui coulaient encore sur ses joues, il semblait terrifié et en attente d'un éclat de voix.
« O… Oui ? » murmura le petit garçon.
Gibbs se précipita sur le petit et s'agenouilla devant lui.
« Tu vas bien ? » s'enquit l'adulte d'une voix où perçait pour la première fois de l'inquiétude.
Tony hocha la tête, toujours à demi dissimulé derrière l'autre homme.
« Qu'est-ce qu'il y a, Tony, qu'est-ce qu'il y a ? » s'inquiéta brusquement Gibbs en tendant une main vers l'enfant qui tremblait légèrement.
« R… rien… tu… »
« Je… ? » demanda Gibbs d'un ton encourageant aux accents paternalistes.
« Tu… tu m'en veux pas, hein ? » demanda l'enfant d'une voix tremblante, les mains crispées sur la manche de l'homme.
La terreur évidente de Tony frappa Gibbs de plein fouet. Elle avait quelque chose d'attendrissant mais aussi de blessant. Etait-ce lui qui lui faisait peur à ce point ? Ou la perspective de le décevoir, de le déranger encore une fois le gênait à ce point ?
« De quoi je pourrais t'en vouloir ? » demanda gentiment le marine. « Y a aucun risque, idiot. »
Tony en sembla soulagé et un faible sourire se dessina sur son visage encore rouge de larmes. Gibbs lui passa la main dans les cheveux et le petit garçon essuya ses larmes d'un revers de manche.
« Suis pas un idiot » protesta-t-il faiblement.
« C'est pas vraiment l'impression que tu donnes » répondit gentiment le marine.
Son sourire s'effaça lorsqu'il se tourna vers l'infirmière.
« Que c'est-il passé cette fois ? »
La jeune femme prit son inspiration.
« Il s'est battu avec Cody Marshall. Il a appelé son grand-frère et Tony s'est fait mal au bras. Je crois qu'il est cassé, et nous voulions l'évacuer, mais il a refusé de bouger tant que vous n'étiez pas là. »
« Et il a bien fait ! » approuva Gibbs d'un ton sans réplique.
Il leva enfin les yeux vers l'autre homme derrière lequel Tony s'était planqué.
« Merci » murmura-t-il avec un imperceptible mouvement de tête vers l'enfant. L'autre acquiesça avec un sourire et se tourna vers Tony.
« C'est bon maintenant, hein ? »
« Oui… »
« Je vais y aller alors, d'accord ? »
« D'accord. A demain, hein ? »
« Oui » sourit Malcom Keyes en lui ébouriffant tendrement les cheveux. « A demain mon grand. »
Tony desserra son emprise sur la manche de Malcom et lui adressa un petit sourire lorsqu'il quitta la pièce. Gibbs sourit et prit le petit par l'épaule.
« Va m'attendre dans le couloir deux minutes. »
Tony s'exécuta sans demander son reste et Gibbs se tourna vers l'infirmière.
« Où sont Cody Marshall et son frère ? »
L'infirmière eut soudain l'air paniqué.
« Ne… »
« Où sont-ils ? » répéta Gibbs avec colère.
Ces sales gosses avaient osés lever la main sur Tony ? Eh bien il allait rendre visite à leurs parents, il allait leur expliquer sa manière de voir les choses, qui se résumait en peu de choses au fond : Ne. Pas. Toucher. A. Tony. Sans compter qu'il savait que le frère du dénommé Cody avait quatre ans de plus que les garçons, et qu'il risquait de s'énerver énormément si il tombait sur celui-ci. Hors il se doutait bien que s'en prendre à deux gamins de onze et quinze ans ne serait pas du goût de Shannon.
« Cody a le nez cassé et Tyson s'est pris un coup de pied… à un endroit particulièrement fragile de son anatomie, je dirais. »
Gibbs écarquilla les yeux de surprise. Il ne dit rien mais son regard à la jeune femme.
« C'est Tony » dit-elle. « Il s'est défendu. »
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« Gibbs ? »
« Hm ? »
« J'pourrais avoir une glace ? »
Gibbs leva les yeux au ciel en souriant néanmoins. Ils sortaient des urgences où Tony avait hérité d'un plâtre et d'une nouvelle bonne humeur qui semblait dissiper son chagrin de la matinée.
« Chocolat-vanille ? »
« Nan ! » protesta Tony avec une moue dégoûtée. « Chocolat-pistache ! T'es fou ou quoi ? »
Gibbs sourit davantage. Il roulait calmement sur le chemin de la maison, Tony assis à l'arrière.
« Dis-moi Tony… »
« Oui ? »
« Keyes est resté longtemps avec toi ? »
Le visage souriant du garçon se ferma.
« Jusqu'à ce que t'arrive. »
« J'ai vu ça, mais quand tu étais dans le bureau de la directrice… »
« J'y suis pas allé » le coupa Tony en se concentrant sur le paysage.
Gibbs lui jeta un drôle de regard dans le rétroviseur. Comment ça, il n'était pas allé chez la directrice ? Pourtant, à chaque bagarre c'était une obligation…
« Malcom a pas voulu. »
« Tu l'appelles 'Malcom' ? » sourit Gibbs en dissimulant sa surprise face à la décision de l'enseignant.
« Quand il est pas là. Y m'a dit que je pouvais mais je le fais pas. »
Gibbs s'abstint de demander 'pourquoi' au garçon, c'était parfaitement inutile. Depuis trois ans, Gibbs voyait Tony au désespoir, incapable de communiquer avec des personnes autres que Shannon et lui, Jethro, à qui il racontait pourtant tout, ou presque, leur parlant sans peur aucune de ses cours, des livres et des films qu'il lisait et voyait, de la fille de l'autre classe qu'il trouvait jolie, des bêtises qu'il rêvait de faire et de celles qu'il avait déjà faites. Mais aux autres, non, il ne parlait pas… excepté à Malcom Keyes.
L'enseignant était arrivé en ville trois mois plus tôt et aussitôt son calme et l'attention dont il entourait Tony avaient tissés un lien entre eux, un lien que le garçon craignait d'entacher par un quelconque manque de respect. Ce comportement perpétuellement inquiet avait tendance à énerver Gibbs. A quand le retour du petit Anthony qu'il avait connu ? De ce gosse impossible qui à huit ans rêvait déjà de faire les casse-cou lors de fêtes réservés 'aux grands', n'en manquait jamais une et que les commentaires des plus âgés sur la gente féminine semblait avoir déjà profondément marqué ? C'était ce guignol qu'il avait connu, non cet enfant terrifié. Mais le petit farceur semblait avoir disparu depuis longtemps, en même temps qu'Ashley DiNozzo, et il ne restait désormais plus qu'un enfant-adulte constamment sur ses gardes et bien trop renfermé. Bien trop renfermé…
Dans ces conditions, l'apparition de Malcom Keyes était survenue comme un miracle. Lui, faisait ressortir des pends de l'ancienne personnalité d'Anthony, lui parvenait à faire parler, sourire, rire Tony en-dehors de la maison. Quelques mois plus tôt, c'était une chose que Gibbs et Shannon n'espéraient plus. Aujourd'hui, c'était un rêve devenu réalité…
Aujourd'hui.
« Malcom » répéta Tony à mi-voix, le regard perdu. Ou peut-être pas si perdu que ça, puisqu'il ne lâchait pas la jeune fille des yeux. Elle avait les cheveux emmêlés, parsemés de mèches rougeâtres dont la couleur avait un peu disparu, les traits tirés, le visage fermé, mais même à cette distance il devinait la souffrance dans ses yeux qui fixaient un point sur le sol. Ses vêtements semblaient usés, elle-même paraissait à bout de forces. Quel était son passé, à cette pauvre gamine ? Qu'avait-elle vécu qu'y pu la plonger dans un tel état de détresse ?
Le regard de Tony croisa brièvement celui de Gibbs, et l'agent senior s'éloigna vers l'adolescente sans un mot. Le flic s'apprêtait à protester, les autres agents regardaient leur collègue avec des yeux ronds, mais Gibbs les devança.
« Laissez-le faire. »
L'agent senior était arrivé devant l'adolescente à présent, et s'était agenouillé pour mettre son visage à sa hauteur. Il hésita quelques secondes, ne sachant pas trop par où commencer, comment gagner la confiance de cette gamine à l'aspect presque sauvage. Finalement, il tira son portable de sa poche et murmura :
« Malcom à changé de numéro depuis 95 ? »
Lentement, les yeux clairs de la jeune fille se levèrent vers lui, chargés d'incompréhension et d'étonnement. Tony esquissa un bref sourire.
« Moi aussi je l'ai connu. De 86 à 93, il s'est occupé de moi, et on a continué à se donner des nouvelles durant des années. On a perdu contact en 2000. Je ne croyais pas le revoir un jour… » soupira-t-il.
L'adolescente se raidit, sur ses gardes, et lui décocha un regard méfiant, visiblement habituée à ce qu'on lui mente. Mais Tony s'y était attendu. En 1986, il aurait sans doute eu la même réaction en pareille situation. Il plongea la main dans sa poche intérieure et en sortit son portefeuille, dans lequel il fourragea quelques instants sous les yeux intrigués de la jeune fille, avant d'en sortir une photo cornée et un peu jaunie à cause de ses trop longs séjours au fond de ses poches. Le cliché représentait un jeune homme de dix-huit ans environ, les cheveux châtains en bataille, striés de mèches aux couleurs agressives, qui tenait fièrement un diplôme universitaire d'une main, alors que son autre bras était enroulé autour des épaules d'un homme de haute taille, au visage taillé à la serpe, aux cheveux gris et à l'air bienveillant – et peut-être, fier ?
« C'est lui, n'est-ce pas ? » demanda Tony dans une question purement rhétorique. Le regard que lui adressait à présent la gamine en disait suffisamment long : elle le croyait à présent, et mieux, elle sentait confusément qu'ils appartenaient au même monde étroit, presque inexistant, des enfants perdus auxquels Malcom Keyes avait su apporter une écoute, une aide précieuse, sans prix, une bouée de sauvetage qui les avait sauvés de la noyade, à un endroit où personne d'autres n'avait pu les repêcher.
« Oui » dit simplement l'agent d'une voix posée. « Moi aussi. » Il fit une pause, plongea son regard dans celui de l'adolescente. « Je vais l'appeler, je te le promets, mais il faut que tu me donnes son numéro. »
Sans un mot et sans le quitter des yeux, la jeune fille lui tendit son poignet et mima quelqu'un qui écrit. Tony sortit immédiatement de ses poches un stylo qu'il lui donna sans s'offusquer de son silence. L'adolescente marqua la série de chiffres sur son poignet et le lui montra. Il nota le numéro dans son téléphone, le composa.
« Allo ? » fit une voix ensommeillée.
« Malcom Keyes ? » s'informa Tony en déglutissant difficilement, la gorge nouée par une émotion aussi déplacée que puissante.
« Lui-même, mais vous êtes au courant qu'il n'est que neuf heures du matin et que nous sommes dimanche ? »
« Anthony DiNozzo, vous vous souvenez ? » demanda plutôt l'agent senior, une angoisse terrible le gagnant subitement. Et s'il l'avait oublié ?
Mais le silence ne dépassa pas les deux secondes.
« Tony ? Mais q… comment… ça fait un bail ! Comment vas-tu ? »
L'agent fut réellement désolé de le couper dans son entrain, tant le soulagement et le bonheur l'animaient.
« Moi ça peut aller, merci. Mais je suis sur une scène de crime, là, et j'ai comme seul témoin une de vos protégés. Une gamine d'à peu près 13 ans, avec des cheveux blonds et des mèches, et qui refuse de parler à quelqu'un d'autre que vous. »
Il y eut un bref silence, et Tony craignit un instant que la communication ne soit coupée, mais Malcom dit brusquement :
« Dis-moi où vous retrouver, j'arrive dans moins d'une heure. »
« Bureau du NCIS, Washington. »
« Très bien, j'arrive. »
« Comment elle s'appelle ? » eut le temps de demander Tony, reconnaissant les prémices d'un raccrochage en règle comme Gibbs en avait le secret.
« Laura Dicks. »
