« Pardon, pardon… je suis désolée ! »

La panique perçait dans la voix d'enfant mais sa mère ne l'écoutait pas. Figée d'horreur devant l'accident, elle n'entendait plus rien, tétanisée par ce qu'elle venait de découvrir. Pourquoi ?

« Maman… pardon… »

Les larmes de la petite coulaient sans s'arrêter, l'effroi se lisait sur son visage et elle sentait son cœur avoir des ratés : qu'avait-elle fait ?

« Papa… je suis désolée… »

Sans un mot, le père prit l'enfant dans les bras et regagna l'intérieur de la demeure, laissant sa femme sur la chaussée. Il fallait au moins que l'un d'eux reste avec la petite.

« Tout va bien ma puce… »

Il la serra contre lui. Non, bien sûr que tout n'allait pas, mais elle était trop jeune pour qu'il la laisse s'en faire de la sorte.

« Tout va bien », lui chuchota-t-il à nouveau.

La gamine s'agrippa à lui, terrorisée.

« Pardon… », répéta-t-elle une nouvelle fois.

Il inspira profondément :

« Ce n'est pas ta faute. »

Si, bien sûr que si, c'était entièrement sa faute et elle le savait. Qu'importe ce qu'il lui dirait, qu'importe ce qu'il ferait, c'était sa faute.

Ses larmes ne se tarissaient pas mais la peur et l'émotion avait fini de pomper le reste d'énergie de l'enfant et elle s'assoupit dans les bras de son père qui la porta à son lit.

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« Il n'y a… rien à faire. »

Avait été les premiers mots de sa femme lors de son retour au bercail.

« Rien ?, répéta-t-il.

- C'était trop tard », répondit la femme.

Un silence pesant s'empara du salon, l'homme déjà âgé semblait accablé et son épouse n'était pas en meilleur état.

« Où est-elle ?, demanda-t-elle.

- Elle dort, dans sa chambre », lui offrit-il.

Elle se leva de son fauteuil et son mari la suivit jusqu'à la chambre.

La petite assise sur son lit, un ourson en peluche étroitement serré dans ses bras, pleurait en silence. Tremblante, elle n'accorda pas un regard à ses parents lorsqu'ils ouvrirent la porte.

« Ma puce… », tenta son père sans succès.

Mais il avait beau l'appeler, l'enfant ne réagissait pas, ne se tournait pas vers lui et continuait de pleurer en murmurant parfois des excuses.

Soupirant, la femme tira une baguette de bois de la poche intérieur de sa veste, s'approchant de la gamine elle la pointa sur elle.

« Qu'est-ce que tu fais ?, paniqua l'homme.

- C'est pour son bien… », le rassura la mère.

« Oubliettes »


Accroupit près d'un chat, l'enfant émettait des sons semblables à des miaulements tandis qu'appuyé contre le mur les bras croisés et les sourcils froncés, son père l'observait, quelque peu agacé.

Sa femme vint le rejoindre et jeta un œil au petit.

« Que fait-il ?, demanda-t-elle.

- Toujours la même chose… il « parle » à ce chat ! », lâcha l'homme.

Décroisant les bras, il s'approcha du gamin et le saisi par le bras, le forçant à se lever et à le suivre.

« Minou…, gémit le petit pendant que l'animal détalait.

- Ça suffit ! Un chat ne parle pas ! », s'emporta le père.

L'enfant lui jeta un regard lourd de reproches avant de se dégager de l'étreinte de l'homme.

« Je mens pas », dit-il juste.

Avisant leur nouveau runespoor domestique dans un coin de la pièce, le petit s'y précipita pour échanger des sifflements avec.

Cette fois-ci, l'exaspération paternelle laissa place à la surprise, vite remplacé par une vive excitation.

« Chérie !, interpella-t-il sa femme. Regarde ça. »

Sous l'appel de son mari, la mère s'était désintéressée de l'animal caché sous un meuble pour reporter son attention sur le garçon.

« Est-ce que c'est…, commença-t-elle.

- Du Fourchelang ! acheva l'homme, réjouis.

- Mais alors…, continua-t-elle.

- Peut-être peut-il vraiment parler au chat, termina-t-il. »

Il jeta un coup d'œil à la bête effrayée tapi sous l'armoire puis haussa les épaules.

« Le principal est qu'il parle aux serpents ! C'est un vrai petit Serpentard, pas de doute là-dessus. Notre digne héritier ! »

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« Notre fils est un fourchelang ! »

Avait fièrement annoncé la mère à des amis de longue date.

« Vraiment ? demanda leur interlocuteur, intéressé. C'est un don qui se fait rare et qui est très noble.

- En effet, quelle surprise nous avons eu ! Nous qui le pensions… »

Il laissa sa phrase en suspens. Ils ne pouvaient pas avouer avoir pensé leur fils attardé. Sûrement pas devant d'autres personnes en tout cas.

« Nous pensions qu'il feintait ces discussions lorsque nous l'avons distinctement entendu parler la langue des serpents la fois dernière, exposa la femme, quelle fierté pour nous. Notre fils est promis à un grand destin. »

Un sourit poli fleurit sur les lèvres de leurs amis.

« Il ne fait aucun doute en effet qu'il fera de grandes choses plus tard, acquiescèrent-ils, pensez-vous le faire rejoindre nos rangs lorsqu'il en aura l'âge si le Maître revient un jour ?

- Bien entendu ! Et le plus tôt sera le mieux, s'exclama le père, bien que le Maître soit lui-même fourchelang, il n'y en aura pas trop de deux dans notre cercle. »

Il ne faisait aucun doute pour le couple que leur enfant était à part et méritait une place de choix de le cercle des fidèles.

Sans se soucier le moins du monde des invités, le garçon jouait avec le serpent à trois têtes, lui adressant parfois quelques mots.

« Oui… notre fils saura se montrer digne. »