CHAPITRE I

Trois mois, 15 jours, 14 h trente minutes et 25 secondes. Putain, voilà qu'il se mettait à compter les mois, les jours et les heures depuis la dernière fois que Blay avait posé les yeux sur lui. Pour tout dire, depuis qu'il avait accepté de servir Layla pendant ses chaleurs. Ah, elle l'avait bien eu avec son air de chien battu, avec son ton implorant. Son "Il faut que tu me serves, pour que je puisse avoir quelque chose qui est mien. Pour que tu puisses avoir quelque qui est tien". Et son "Toi et moi n'avons pas de famille. Toi et moi sommes tous les deux seuls au monde. Il faut que tu me serves. Fais-le et renverse le cours du sort. Fais-le pour que nous ayons tout les deux un futur qui, en partie du moins, sera nôtre. Il faut que tu me serves, Qhuinn... Je t'en supplie... Fais-le". Et lui, qu'est-ce qu'il avait fait ? Il avait accepté. Tout ça à cause de cette vision de sa fille. Il avait accepté et maintenant, il avait perdu le seul être qui faisait battre et qui détenait son coeur. Il avait perdu Blay. Il n'y avait plus aucun espoir.

Il frappa le mur extérieur du manoir alors qu'il espionnait son pyrocant assis sur le canapé avec sa pute de cousin. Puis son regard tomba sur la chevalière qui ornait sa main droite. La voir au doigt de Blay lui avait brisé le coeur. C'était un cadeau de Saxton, d'après se qu'il avait entendu quand tout le monde s'était extasié devant l'anneau en or blanc. Personne ne s'était soucié de sa présence, de ce qu'il pouvait ressentir et de ce qu'il pouvait penser. Ah si ! Il y avait eux trois personnes : Mary, Vishous et Butch. Ils l'avaient regardé avec tristesse. Comme s'ils partageaient tous ce qu'il ressentait. L'autre pute l'avait regardé avec un sourire triomphant qui lui avait donné envie de vomir. Et lorsqu'il avait commencé à marcher dans sa direction pour lui arracher la gorge de ses dents, Vishous s'était mis sur son chemin. L'avait intercepté à temps et l'avait emmené ailleurs.

Il se souvenait encore des paroles que le vampire aux yeux de diamant lui avait dites.

— Ne fais pas le con, gamin. Si tu arraches la gorge de ton cousin, non seulement tu seras dans la merde, mais Blay ne te le pardonnera jamais. Aies confiance en l'avenir, Qhuinn. Tu vas avoir une fille avec Layla et...

— Ne me parle pas d'elle. Je ne veux plus entendre son nom. Plus jamais !

— Comme tu veux, gamin.

Puis il s'était dégagé de l'étreinte du vampire et était monté dans sa chambre. Et le chemin pour y parvenir avait été long, très long. Voir infini.

Et depuis ? Ah ! Depuis, il se contentait de regarder Blay en cachette. Se délectant de la vue

de son rouquin. Bon sang, il ne se lasserait jamais de l'admirer. D'admirer sa beauté. De vouloir glisser ses mains dans ses cheveux qui avaient poussés au point d'effleurer le col de sa chemise noire. Et jamais, il ne pourrait avoir le loisir de le faire. Non, jamais.

Mais ce soir, avant de partir en patrouille, il allait le prendre. Il fallait qu'il éteigne le feu sauvage qui brûlait ses entrailles depuis plus de trois mois.

Assis sur le canapé auprès de Saxton, Blay sentit un picotement familier lui traverser l'échine. Qhuinn était en train de l'espionner. Il le savait, car il sentait la brûlure de son magnifique regard dépareillé et parce que lui seul pouvait faire réagir son corps de cette manière. Violent, chaud, dévastateur. Depuis trois mois qu'il se refusait à le regarder, de peur de plonger dans ses yeux et surtout de peur qu'il ne remarque qu'il l'aimait toujours. Qu'il voulait toujours de lui. Et c'était une véritable torture pour lui. Être proche de celui que l'on aime et de ne pas pouvoir le regarder ni le toucher le rendait complètement fou. Alors, il se perdait dans les bras de Saxton pour essayer de l'oublier, sauf que c'était bien pire. Il devait se mordre la lèvre pour s'empêcher de crier "Qhuinn" lors de l'orgasme.

Mais là, en se moment, il n'avait qu'une envie. C'était de tourner la tête vers la terrasse pour le regarder. Et il se faisait violence pour ne pas le faire. Tout comme il ne ferait pas le premier pas vers lui. Il l'avait fait plusieurs fois avant de se faire rembarrer par Qhuinn. Donc non, il attendrait qu'il le fasse. Mais le connaissait, il allait mettre du temps pour le faire. Sauf que du temps, il n'en avait plus. Il arrivait à saturation. Il avait besoin de Qhuinn à ses côtés comme il avait besoin d'air pour respirer.

Se fut Saxton qui le tira de ses pensées.

— Blay, tu m'écoutes ?

— Mmmmmm, pas vraiment… J'étais ailleurs. Tu disais ?

Saxton sourit.

— Tu reprends tes patrouilles ce soir.

— Oui.

Il allait pouvoir se défouler. Quatre jours sans combattre et il était un peu rouillé. L'imbécile, s'il avait été un peu plus concentré, il aurait vu ce putain de lesser avant. Mais non, son cerveau avait été occupé par Qhuinn qui patrouillait avec Rhage. Se demandant se qu'il faisait. Et paf, le lesser lui était tombé dessus et lui avait tiré une balle dans la cuisse.

— Avec lui ? demanda Saxton.

Il se crispa violemment sur le canapé. Et voilà, encore cette question. Est-ce qu'il allait patrouiller avec Qhuinn ? Mais cette fois, ce n'était pas le cas. Wrath l'avait mit en binôme avec Phury et Zsadist se soir.

— Non, je suis avec Phury et Zsadist.

Un soupir de soulagement s'échappa des lèvres de Saxton. Eh bien oui, il n'aimait pas quand Blay patrouillait avec Qhuinn. Car à chaque fois, il revenait dans un état lamentable et passait ses nerfs sur lui, en le prenant brutalement. Non que cela le gêne, mais il n'avait pas la carrure d'un guerrier. La dernière fois, il avait manqué de lui briser le bassin. Mais là, depuis cette terrible nuit, lors des chaleurs de l'Élue Layla, Blay ne le regardait plus et il était apaisé. Plus calme. Il devrait peut-être sans vouloir s'en réjouir, car il avait le guerrier roux pour lui et uniquement pour lui. Il n'y avait plus le fantôme de Qhuinn entre eux deux.

— Vous partez à quelle heure ?

Blay le regarda.

— Dans deux heures. Pourquoi ?

— Je crois que je sais comment t'occuper pendant ces deux heures, lui dit Saxton en se penchant sur lui pour l'embrasser.

Blay aurait voulu s'écarter de son amant, car il n'aimait pas trop quand Saxton l'embrassait devant Qhuinn. Mais que pouvait-il y faire ? Saxton était tendre, doux, tout se qu'il aimait, non ? « Non, tu te mens à toi-même », lui dit ça conscience. « Tu aimerais être prit brutalement. Et par une seule personne. Celui que se refuse à toi ». Putain ! Elle avait raison.

Il s'écarta de Saxton et le regarda pendant un petit moment. Il n'était pas vraiment motivé pour faire quoi que ce soit.

— Désolé, Sax pas ce soir, lui dit-il.

— Comme tu veux, mon bel ange. Tu m'enverras un texto pour me dire quand tu seras de retour. Je t'attendrais dans ta chambre.

— Comme tu veux.

Ils se levèrent tous les deux et lorsqu'ils quittèrent le salon, Blay avait l'impression d'avoir laissé son coeur sur le canapé.