Hate list

Chapitre 1

Je ne sais pas ce qui avait pu lui passer par la tête. Vraiment.

Je sais que j'étais censé être la personne la plus proche de lui, que j'étais censé le comprendre, de long en large. J'ai entendu mille fois des voix me demander « mais enfin; comment pouvais-tu ne pas être au courant ? ». Je ne sais pas.

Reno et moi, cela faisait trois années que nous étions ensemble. Il était mon meilleur ami, mon amant, mon conseiller mais surtout mon petit ami. Nous passions beaucoup de temps ensemble, une fois par semaine je dormais chez lui. Ma mère avait accepté mon orientation; ou s'y était résignée, enfin ça revenait au même. Je connaissais tous ces amis; j'étais ami avec tous. Je connaissais sa famille, sa mère m'adorait.

Un jour, Dieu sait pourquoi, il a ouvert le feu sur ses collègues de bureau. Il avait trois années de plus que moi ; j'avais dix-sept ans, il en avait vingt. J'avais quatorze ans et lui dix-sept quand nous avions commencé à être ensemble, donc. Nous avions grandi ensemble. Il a tué huit personnes et blessé deux gravement. Je ne sais pas pourquoi il a fait ça. Je connaissais un peu ses collègues ; j'avais été deux fois à une fête de bureau; mais j'étais très jeune, par rapport à lui et ses collègues, alors nous n'osions pas trop nous montrer à des adultes ; une gêne qui me prenait sans que je ne comprenne la raison. Ses collègues étaient sympathiques, parfois un peu froid, spécial ou bourru. Il y avait Léon; un type avec un cœur en or, mais qui faisait le 'grand', Youffie; une fille qui me semblait hyperactive sur les bords, Aerith; une femme admirable, et tant d'autres. Je les appréciais, réellement, je riais toujours avec eux quand je les croisais.

Les premiers jours j'étais resté chez moi, cloitré dans ma chambre. Je restais dans mon lit et regardais une photo de Reno et moi. Nos deux cheveux en bataille, moi blond, lui roux. Nous faisons une pose de couple ; il me tenait dans ses bras, j'avais un énorme sourire, et lui son petit sourire que certains qualifieraient de 'satisfait', la vérité c'est qu'il avait juste une façon de sourire bien à lui. Je l'aimais bien, son sourire, même si je ne le verrais plus. Un jour, après une semaine je crois, ma mère avait prit la photo et l'avait déchiré. J'avais éclaté en sanglot, pitoyablement, devant les inspecteurs. Ils avaient essayé de me parler, de me faire parler, mais je n'avais jamais répondu, ni même accordé un regard à leur tentatives. Je voulais rester dans mon silence le plus longtemps possible. Ma mère m'avait hurlé, comme quoi je « devais me bouger le cul et répondre aux questions ». Je crois qu'elle pétait un câble en ne sachant que faire de moi. D'habitude, je ne m'enfermais pas. A vrai dire, je n'étais pas quelqu'un qui avait particulièrement facile pour les échanges de sentiments, mais je disais le principal, d'une façon toujours bien à moi. J'avais eut très difficile à dire je t'aime à Reno. Pour lui c'était plus facile, c'était un exubérant. Moi j'étais quelqu'un de calme, de froid avec les gens que je ne connaissais pas. Cela avait surprit Reno au début ; je l'avait clairement envoyé chier. Je ne m'embarrassais pas de beaucoup d'amitié, ça ne m'intéressait pas. Ou peut-être que c'était moi qui n'était pas assez intéressant, je préférais penser cela d'une autre façon.

Quelques jours plus tard, j'étais sorti de ma torpeur, et j'avais répondu aux questions des policiers.

« Étiez-vous au courant ? ».

« Non ».

« Comment cela se peut-il ? ». J'haussais les épaules. « Vous étiez son petit ami ».

« Et alors ? Vous dites tout à votre femme ? ». Je savais que je n'aurais pas du dire ça. Je l'ai regretté à l'instant ou c'était sorti de ma bouche. J'ai vu ses sourcils se froncer, ainsi que sa bouche. J'ai soupiré. « Honnêtement, je ne savais pas. Moi je les aimais bien... ».

« Pourquoi il a fait ça à votre avis ? ».

« Je ne sais pas ».

Je n'ai jamais su.

Le temps était passé, mais dès ce jour là, on m'avait évité au lycée. Je n'avais pas été cité, ni montré, mais quand il y avait quelque chose au lycée; une fête ou quoique ce soit, je venais avec Reno. Et il avait été montré en tort et en travers au journal.

« Un jeune homme se donne la mort après avoir tué huit de ses collègues et blessé deux autres grièvement ».

Et voila comment se résumait la mort de Reno. En quelques mots et un titre qui ne s'effacerait pas des mémoires ; tueur. Reno avait tué des gens, puis lui. Alors forcément, quand les gens avaient vu que c'était mon copain qui avait fait ça, tout le monde avait fait le lien avec moi et avait décidé que j'étais désormais pire que la gale. D'un coté, je comprenais. Je crois que j'aurais pensé ça aussi. Mais mes amis, pour la plupart, avaient décidé d'arrêter de me parler, de me fréquenter. Ça, je ne comprenais pas. Ils connaissaient Reno très bien, il venait souvent me chercher après l'école, ou après les soirées. Il me serrait dans ses bras, me disait « Tu m'as manqué » puis nous parlions un peu avec mes amis.

Pendant trois années, il avait été tout pour moi. Je pensais le connaitre. J'avais du me tromper.

Les journées s'écoulaient lentement, je me levais, ma mère ne m'adressait plus la parole depuis « l'accident », comme elle l'appelait. Enfin, je préférais ça que la plupart des gens, qui ne connaissait pas Reno, qui se permettait de dire « la tuerie ». Pour moi, ce n'était pas un de ses actes, ce n'était pas lui qui avait fait ça. Il y avait Reno-le-tueur et Reno-mon-amoureux. Je ne connaissais que le dernier, le premier m'étant inconnu. Je ne sais pas quand il avait commencé à penser à ça, quand il avait commencé à détester ses collègues et la vie. Ni quand il avait commencé à penser que la vie avec moi n'en valait pas la peine. Je crois que c'était ça qui me peinait le plus, égoïste que j'étais. Pour moi, Reno avait toujours été depuis notre rencontre une partie de moi. Et maintenant, je ne pouvais même plus parler de lui. Je ne pouvais pas me plaindre de ne plus le voir, de ne plus l'avoir dans mes bras, de ne plus l'entendre me parler. Parce qu'il était un tueur. Et personne ne doit aimer les tueurs. Alors j'avais cessé de parler de lui, d'essayer de penser à lui. Et de toute façon, en parler à qui ? Ma mère ne me parlait plus, mon père ne m'avait jamais vraiment parlé, mes amis m'évitaient et les parents de Reno étaient murés dans le silence.

Aujourd'hui était une journée normale. Je pris une douche trop chaude, un petit déjeuner rapide puis prit le bus. Je me mettais dans le fond du bus, les écouteurs dans les oreilles afin d'ignorer les autres. La moitié était des gens de mon lycée ou d'autres aux alentours. Le premier mois on me bousculait ou m'insultait tout le temps. On me demandait pourquoi je n'avais pas empêché ça, pourquoi je n'étais pas au courant. J'aurais bien répondu, mais je n'en avais aucune idée. Les deux mois d'après les gens se contentaient de me regarder avec une pointe de méchanceté. Cela m'était égal. Aujourd'hui ne sortait pas de la norme.

Je suis arrivée au lycée cinq minutes avant la sonnerie. J'aurais bien prit le bus d'après, s'il n'arrivait pas quinze minutes plus tard, et me mettait donc en retard. J'avais donc tout les jours cinq minutes à tuer. Il me fallait deux minutes pour monter à ma classe et prendre mes affaires à mon casier. J'avais le pas rapide en plus, même si j'avais de petites jambes. Je me dirigeais comme chaque jour à mon dit casier. Je ne levais jamais les yeux, je regardais le sol, comme si je faisais attention ou je marchais. Cette fois-ci, une couleur inhabituelle me fit relever la tête de surprise. Un type avec un t-shirt noir un peu vieux, élimé et une longue chevelure rouge, mit dans une queue de cheval. J'haussais un sourcil. Un original. Super. En plein mois de décembre. Il connaissait pas le froid, d'ailleurs ? Il avait surement eut des problèmes dans son ancien lycée. J'ouvrais mon casier et commençais à me prendre mes affaires. Il clappa son casier avec un peu de trop de force.

« Merde » l'entendis-je dire. Je n'avais pas envie de lui parler ; plus personne ne m'avait adressé la parole depuis trois mois, tout le monde ici savait ce qu'avait fait mon copain. Il me jeta un regard. « Tu es en sixième ? ».

« Pourquoi, je suis trop petit pour être en dernière année ? » répondis-je. C'est vrai, j'étais petit. Assez petit pour un homme. Je ne comptais plus les blagues sur ma taille. Je les détestais.

En tout cas cela le fit sourire. « C'est un point de vue ». Je lui jetais un regard noir et son sourire s'élargit. « Je suis nouveau. Je voudrais juste trouver quelqu'un pour m'aider ». Je levais les yeux au ciel.

« On se croirait dans un film américain, seigneur, ayez pitié de mon âme... ». Il eut un rire franc, alors que cela n'avait pas été mon but, de le faire rire. Juste que je trouvais ça terriblement cliché. « Tu sais pas qui je suis ? Laisse tomber ». Je m'en allais déjà.

« Je ne te pense pas si célèbre ». Il me suivait en plus.

« T'as entendu parler du mec qu'a tué ses collègues ? ».

« Faudrait vivre dans une grotte pour ne pas en avoir entendu parler ».

« Voila. Ben c'était mon copain. Personne ne me parle, ça me va aussi. Pas besoin de tuer tes futurs chances de faire partie d'un vrai groupe populaire dans ce lycée en me parlant ».

« Pourquoi je ferais partie d'un groupe populaire ? ».

« T'es grand. T'as l'air athlétique. Tu seras surement l'un des sportifs ». Ma voix était neutre. Je faisais juste des évidences physiques un futur fait.

« Ça change quoi que c'était ton copain ? C'est pas toi qu'a fait ça. T'as rien fait ».

« Tu as la réponse dans ta question. C'était mon copain. C'est un fait, une relation que l'être humain fait. Tiens, prend un pommier. Une pomme est pourrie. Ben t'auras plus confiance aux autres pommes ». Il m'arrêta avec une main sur mon bras.

« C'est quoi cette comparaison à cinq francs cinquante ? ». Cela m'arracha un sourire. « Je suis Axel. Je suis pas comme tout le monde ». Je lui montrais ses cheveux du doigt.

« Sans blague. Je suis Roxas ».

« Je suis en 6B ».

« Aussi. Viens, on a maths. Pour bien commencer ».

« Tu détestes aussi les maths ? ».

« Qui les aime ? Même le petit copain du tueur n'aime pas ». Cela nous arracha un sourire. Je pouvais rire de cette situation avec lui.

« C'est comme ça que les gens t'appellent ? ». Je hochais la tête. « Super sympa ». J'haussais les épaules.

« On s'habitue à tout ».

A partir de ce jour-là, Axel et moi avons commencé à parler tout les jours, dès qu'on le pouvait, se faisant parfois engueuler en plein cours. Comme je l'avais prévu, il était rentré dans le club de foot de l'école et s'y était bien intégré. Son coté 'hors-du-commun' faisait rire beaucoup, mais de la bonne façon. Il était « rafraichissant », une tache de rouge parmi du gris. Bien sur, il eut droit à la question « mais pourquoi tu restes avec le copain du psychopathe ? ». Il avait répondu que j'étais sympa, que je n'avais rien fait et que je ne méritais donc pas mon surnom. Ma première réaction, en entendant ça, fut de lui hurler dessus pour m'avoir défendu. Ce qu'il ne comprenait pas très bien. D'ailleurs je ne comprenais pas très bien non plus. Je crois que j'avais tellement eut l'habitude de la méchanceté des gens que je la prenais pour acquise et définitive. Je crois que je ne concevais plus de me faire des amis dans ce lycée. Alors qu'au fond, j'y avais droit. Moi je n'avais rien fait et même si une partie de moi voudrait défendre Reno jusqu'à la fin, je savais que je devais me taire, par respect de la famille des morts. Je les avais beaucoup apprécié, alors je comprenais.

Un jour, des mois plus tard, j'étais en train de parler avec Axel, assis sur un banc, quand l'un des joueurs de son équipe débarqua.

« Hey Axel » fit-il. Autant faire comme si je n'existais pas. Je ne savais pas si c'était mieux de me faire ignorer ou de me faire maltraiter.

« Salut » lui répondit-il. Il me jeta un coup d'œil, je lui fit un geste de laisser tomber. « Qu'est-ce qu'il y a ? ».

« Tu sais venir samedi ? Au lieu de dimanche. Y'a en quelques uns qui font des trucs dimanche, impossible pour eux de venir ». Je me mordis la lèvre ; j'avais proposé à Axel de passer la journée ensemble dans un parc d'attraction. Je me préparais déjà à l'entendre dire oui à l'autre et à annuler notre projet. Je n'aurais qu'à faire quelque chose d'autre ce jour là, tant pis. Exceptionnellement, la météo serait assez douce pour la saison.

« Euh, nan désolée mec. Je fais quelque chose samedi, pas moyen d'annuler ». Je relevais la tête de surprise. Il lui tapa sur l'épaule.

« Allez dis, on a besoin de toi. Qu'est ce qui est plus important que le football ? ». Huh. Je le sentais mal celle-là. Il fit un geste de tête vers ma direction. Et enfin, le type daigna me regarder. « Nan ? ». Son ton relevait plus d'une exclamation qu'une question. Génial. Moi qui me demandait si je préférais être ignoré ou être remarqué, ben j'aurais la réponse dans la minute.

« On va dans un park, désolé mec. Ça ne serait pas correct. Mais si tu veux, dimanche je viens chez toi et tu m'expliques les tactiques ». Je ne sais pas pourquoi, mais j'avais l'impression qu'il n'avait entendu que les deux premières phrases et pas la dernière.

« Sérieusement, pourquoi tu traines pas avec nous ? ». Génial. Je vis Axel froncer des sourcils.

« Pourquoi vous agissez tous comme ça ? C'est pas lui qui a tiré à ce que je saches ».

« Il couchait avec. Je suis sur qu'il était au courant ». Je voulais le rectifier, mais je me dis que c'était inutile.

« Rien à voir. Tu dis tout à ta copine toi ? ». Je vis l'autre faire une grimace.

« Enfin, tant pis. Si tu veux te taper le psychopathe, on te retient pas ».Je levais les yeux au ciel et était prêt à prendre mes affaires pour m'en aller.

« C'est sur que c'est mieux que de se taper des salopes ». Là, je fus surpris. Et je crois que le mec aussi. Mais pas dans le même sens.

« Axel, c'est bon... » fis-je. Je sentais qu'il était énervé. Axel était quelqu'un de bien; il ne se basait jamais sur les 'on dit' mais voulait tout vérifier soi-même Et donc, il avait trouvé que j'étais sympa. Que j'étais pas le psychopathe dépressif qu'on prétendait. C'est vrai que j'étais quelqu'un de froid au premier contact, mais après, cela se calmait.

« Viens, on s'en va » me dit-il. Je voyais le visage de l'autre devenir de plus en plus rouge. Si jamais Axel ne venait pas un jour à l'école, je sentais que j'allais avoir des ennuis. Nous primes nos affaires et nous nous dirigeâmes vers la bibliothèque.

« Ils vont pas être contents sur toi » me contentais-je de dire. Je le vis hausser les épaules. Il était très grand mais aussi très mince. Je me demandais souvent s'il avait déjà fait du rugby ; je ne le voyais vraiment pas faire ça. Axel frôlait la maigreur et même si j'avais pu remarquer, lorsqu'on se changeait pour le cours de gym, qu'il était musclé, je trouvais ça parfois presque effrayant. Mais ça faisait partie de son caractère. S'il avait été gros, je crois qu'il n'aurait pas été pareil. Je crois qu'il m'aurait dit la même chose ; « Si tu avais été grand Roxie, le monde ne tremblerait pas devant ton caractère ». Apparemment, les petits ont des caractères plus... méchants ? Je ne me trouvais pas méchant. Juste parfois antipathique. Parfois.

« Pas grave ça. Ils sont casse-couilles parfois ». Cela me fit sourire.

« Tu veux louer un livre ? ».

« Ouais. Sur « comment apprendre à Roxas à faire du football » » me répondit-il avec un grand sourire.

« Ah. Ah. Ah. Moi, jamais ».

« T'aurais peur qu'on te confonde avec la balle, c'est ça ». Je lui tapais dans le bras avec mon poing. «T'as vraiment pas de force, je te jure. C'est effrayant ».

« C'est toi qu'est effrayant, fil de fer va». Cela nous fit rire.

Les jours qui suivirent, l'équipe de foot râla effectivement sur Axel. Il semblait ne pas s'en soucier. En même temps, à part aux entrainements et à certains cours, il n'était pas très souvent avec eux. Ça aurait surement été une autre paire de manches si c'était moi qui lui avait râlé dessus. Beaucoup nous disait inséparables. Nous étions désormais en mars et depuis son arrivée, en décembre, il était vrai que chaque jour, l'un attendait toujours l'autre sur le banc devant le lycée, ou devant la classe. Une profonde amitié était née entre nous, en très peu de temps. Je ne crois pas m'être jamais lié si vite. Nous parlions beaucoup ; même si nous étions tout le temps ensemble, même les silences étaient réconfortants ou compréhensifs. Moi, le silence ne me dérangeait pas. Je ne le voyais pas comme un 'trou', mais Axel ne supportait pas le silence plus de vingts secondes. Après ce délai, il commençait à parler, parler, dire tout ce qui lui passait par la tête Ce qui était parfois assez surprenant.

Samedi arriva vite et donc notre sortie au park. Nous avions décidé d'aller à Aqualandia ; c'était un park aquatique couvert. Et vu qu'il ne ferait pas trop froid, nous pouvions y aller sans risquer de choper la crève. Nous nous retrouvâmes donc devant le park après deux heures de train. Axel eut un gros sourire enfantin en voyant de loin le park.

« Tu es déjà venu ? » me demanda t-il.

« Oui, mais y'a un an et demi ».

« Ca devait être bien ». J'hochais la tête. J'étais venu avec Reno; on s'était vraiment bien amusés c'était vrai. Cependant, je gardais ce souvenir pour moi. Je ne parlais jamais de Reno à Axel. Je savais qu'il me défendait, mais de là à parler de l'auteur de la tuerie, je ne savais pas s'il avait l'esprit aussi ouvert. Cela faisait six mois depuis sa mort. Je crois que son deuil ne s'était pas encore totalement fait, mais c'était en bonne voie. Je pensais en avoir pour des années, mais peut-être que le fait qu'il ait tué des gens changent ici la donne. Même si mon esprit persistait à penser que cela ne pouvait pas être de sa volonté. L'autre partie de moi savait que c'était lui, que il avait une tendance à péter des câbles, que peut-être un incident était arrivé au boulot, que je n'avais pas été assez présent,... Bien sur, les deux réponses que mon esprit me proposait n'étaient pas valorisantes pour moi ; j'avais parfois pensé que tout était de ma faute. J'étais censé être son copain, depuis trois ans. J'étais censé être toujours à ses cotés n'est-ce pas ? Nous avions eut une dispute la semaine d'avant, j'attendais qu'il se calme. Peut-être que si j'avais été le voir plus souvent après, peut-être qu'il n'aurait pas tiré sur ses collègues ?

Une pichenette sur mon front me sortit de mes pensées. Je relevais les yeux et vit Axel, l'air inquiet devant moi.

« Ça va ? ».

« Oui oui. Pas de problèmes ». Il se mordit les lèvres.

« Tu étais venu avec Reno, c'est ça ? ». Je fus surpris qu'il le devine. Je me contentais de baisser la tête et d'hausser les épaules. « Je suis désolé, tu sais. Tu me parles jamais de lui ».

« Pourquoi je le ferais ? ». Ce fut son tour d'hausser les épaules.

« C'était ton ex » se contenta t-il de dire. C'était le première fois que quelqu'un parlait de Reno avec moi et le considérait comme mon ex. Je l'avais toujours appelé « mon copain » et les gens l'avaient toujours appelé comme ça. « Mon ex », c'était beaucoup moins indissociable, beaucoup plus différent, que « mon copain ». C'était mon ex parce que lui, l'avait choisi. Parce qu'il avait estimé qu'une vie ensemble ne valait surement pas la peine, que peut-être je n'étais pas assez pour le réparer. « On peut en parler si tu veux. Cela ne me gêne pas. C'est normal que tu aies de la peine ».

« Ça va maintenant. Ça va mieux avec le temps ». Je lui fit un petit sourire, qu'il me rendit. « Allez viens maintenant. Allons nous amuser ».

Nous allâmes payer nos entrées puis nous dirigeâmes vers les vestiaires. Axel me suivait, vu que j'étais déjà venu. J'ouvris une des portes à droite.

« Je vais ici, on se retrouve après devant la porte des vestiaires ? » lui dis-je, mettant déjà mon sac à l'intérieur. Je me retournais et vis qu'il m'avait suivit. « Mais, qu'est-ce que tu fous là ? ».

« Ben, t'as vu comme chaque cabine est grande ? On a de la place pour deux. Je suis pas gros à ce point là » me répondit-il comme si cela coulait de source. Il mettait déjà son sac à coté du mien sur le petit banc de la cabine et il alla fermer et verrouiller la porte.

« Euh... ». Je n'arrivais pas à parler. Je ne sais pour quelle raison, cela me gênait. Je n'avais pas mon maillot sur moi. « Je vais devoir me déshabiller, tu sais ». Il me jeta un lourd regard.

« Et ? ».

« Ben uh... Je dois me déshabiller quoi ». Je devenais de plus en plus rouge. En plus je bégayais. Génial. Il haussa un sourcil.

« Je crois que je survivrais à la vue de ton gambas. J'ai le même En plus gros, bien sur ». Il eut un gros sourire mesquin. Je pris mon essuie et lui tapais dessus avec force.

« Tu crois ça ?! » hurlais-je. J'étais vexé. Il hurlait de rire.

« Tu veux qu'on compare, blondinet ? ». Il enleva son t-shirt et garda son petit sourire hautain. Je lui remit un coup d'essuie.

« Pas besoin. Je suis meilleur que toi, sur tout les points » me contentais-je de répondre. Mes joues étaient désormais rouges de honte et d'énervement.

« Je suis sur que non ». Il se rapprocha de moi. Très fort. « Absolument sur ». Là, par contre, j'étais gêné. Je ne savais pas comment réagir et comment interpréter ce rapprochement. J'avais parfois difficile avec l'humour pervers d'Axel. J'haussais alors juste les épaules et entreprit de me dégager pour rechercher mon maillot. Je vis son sourire s'élargir encore mais je ne relevais pas.

« Dépêches toi, sal roux ». Je vis ses yeux former des soucoupes. Je ne l'avais encore jamais appelé comme ça. Bien sur, j'y avais mit une note plus ironique que réelle. Je ne savais même pas s'il était roux. Mais je ne trouvais pas de mot dans la langue française pour décrire une personne aux cheveux rouges. Une rougeâtre ? Une rouge ? Une rougesse ? Une rougeaux ?

« Je te jure que tu vas payer dès qu'on sort de ce vestiaire ».

« Pas cap ».

Nous nous déshabillâmes plutôt calmement. Nous allâmes dans les douches installées et je vis Axel esquisser un sourire mauvais dès que nous sortîmes. Oh, je le sentais pas.

« Tu m'as mit au défi, tu sais. Il ne faut jamais me mettre au défi. Mais ça, tu vas l'apprendre seulement maintenant. Ou dans cinq secondes ». Je compris trop tard. Il s'était déjà abaissé, et je sentis mes pieds perdre contact avec le sol. Il me portait dans ses bras.

« Mais lâches-moi ! » hurlais-je. La plupart des personnes ici se retournèrent sur nous. Que c'était gênant ! Mais bien sur, MON gêne ne lui venait pas à l'idée. Enfin, en hurlant, c'est vrai que je me faisais encore plus remarquer.

« Quoi ? Ça te perturbe à ce point d'être aussi haut ? C'est vrai, avec ta taille rase-motte, ça doit être perturbant ». J'enrageais, je commençais à bouger mes pieds dans tout les sens. « Sers à rien. Si je te laisse tomber, tu t'éclates par terre. Aie aie aie. La chute sera dure ». J'avais presque la bave aux lèvres tellement j'étais vexé. Je n'aimais pas qu'on me porte ainsi ; j'avais l'impression d'être une fille. « Sur ce, tu vas payer ».

Je sentis plus que je ne vis mon lancer. Je passais d'une atmosphère agréable à une eau, certes pas froide, mais néanmoins surprenante. J'entendis mon derrière faire un petit bruit en atterrissant dans l'eau, puis ma tête fut plongée dans l'eau. Je remontais vite à la surface en nageant comme un dératé.

« Je te le ferais payer » meuglais-je. Je m'essuyais le visage comme je pus avec ma main gauche tandis que j'essayais de nager de la droite. Mes cheveux blonds pendaient mollement sur mon front.

« Viens, je t'attends » ricana t-il.

« Un jour. Quand tu t'y attendras pas. Peut-être pas demain, peut-être pas la semaine prochaine, peut-être pas dans six mois. Mais un jour, je me vengerais ». Je sortis en même temps de la piscine, avec un regard noir vers sa direction.

« T'es tellement pas impressionnant, Roxas ». Nous rimes et il me tapa dans le dos pour que nous avancions vers les attractions.