Les illusions perdues. 1

Un homme au regard ombrageux sentit une colère sans pareille résonner dans tout son corps. Il aurait dû se douter que rien ne se passerait comme prévu, que Harry allait se perdre seul dans son coin. Il le connaissait assez maintenant pour savoir qu'il ne demanderait de l'aide à personne. Pourquoi ? Marre de tout probablement. Enfin ça c'était son avis, il savait assurément qu'il ne se trompait pas, mais ça n'engageait que ses propres pensées et convictions.

Deux mois qu'il avait disparu, ce satané gamin ! Et qu'il venait de seulement mettre la main dessus.

Deux mois qu'il le cherchait seul de son côté. Deux mois où il l'avait bien cru perdu à tout jamais. Que faisait-il donc dans cette maison tout seul au milieu de ce coin rempli d'appartements impersonnels de la banlieue de Londres ? Cet idiot avait compté sans lui, jamais il n'aurait abandonné ses recherches, il aurait continué des années s'il l'avait fallu, il l'aurait retrouvé coûte que coûte et rien ni personne n'aurait pu l'en dissuader.

-Vous m'avez fait courir, Potter, parla Snape en s'approchant de Harry. Mais je vous ai retrouvé, ajouta-t-il avec un air de satisfaction dans la voix même si le jeune homme ne l'entendait pas.

Snape se pencha sur la forme recroquevillée sur un canapé défoncé. Le cœur du dormeur battait faiblement, mais au moins il battait, pensa le maître des potions en recouvrant le garçon de dix-neuf ans de sa cape noire avant de penser l'emmener loin de cet endroit glauque.

Sans aucune peine il le souleva, puis il activa le portoloin qu'il avait cru devoir emporter et disparut avec le survivant dans ses bras.

Il venait de le retrouver et on était fin novembre, il faisait très froid. Le garçon n'était plus conscient et il ne savait pas depuis combien de temps.

Un autre mois passa et Harry Potter ne se réveillait toujours pas. Snape le veillait jour et nuit. Il l'avait mené à l'infirmerie de Poudlard en sachant que c'est ce que le gamin aurait voulu. Pomfresh avait râlé comme de bien entendu, mais il avait eu l'aval du directeur et quand bien même celui-ci aurait refusé il l'aurait soigné chez lui, Impasse du Tisseur, à Spinner's end, envers et contre tous.

Severus Snape, maître des potions à Poudlard, une école de sorcellerie située en Ecosse, délaissa ce jour-là l'infirmerie et son occupant pour se rendre dans un endroit très discrètement. Il remonta la rue d'un vieux quartier d'un pas décidé, on était en janvier, déjà . Un jour médiocre où le vent soufflait fort comme pour balayer le village de sa poussière et accentuer le froid de l'air. L'homme s'était rendu dans une maison pour y rencontrer un sorcier qui, il le savait, ne reverrait plus jamais.

Le médicomage l'avait reçu aimablement, l'avait écouté et avait lâché son verdict impitoyable après l'avoir ausculté plusieurs minutes avec sa baguette magique. Les examens qu'il avait pratiqué sur lui avaient été formels.

-Je suis désolé, monsieur Snape, lui avait dit le médicomage en le regardant remettre sa chemise avec commisération, alors que Severus ne pensait qu'au verdict implacable qu'il venait de lui annoncer.

Comme si vraiment il l'était, avait pensé l'ancien mangemort en enfilant ensuite sa cape.

-Voulez-vous que je vous prescrive quelques potions antidouleur ?

-Inutile, avait-il répliqué agacé et acerbe, dites-moi plutôt combien de temps ?

-Pourquoi voulez-vous savoir…. ?

-Combien de temps ? Avait-il répété d'une voix froide et lasse.

-Un an et demi, peut-être moins, je suis désolé pour vous.

-Arrêtez de dire que vous êtes désolé, vous n'y êtes pour rien que je sache !

- Vos poumons se détruisent, monsieur Snape, lui avait aussi dit le médicomage, et votre cœur s'affaiblit…..une potion pourrait peut-être…...

Il n'avait rien dit, se taire plutôt que de faire voir sa faiblesse face à la nouvelle qui n'était pas une surprise pour lui, bien qu'il aurait préféré se tromper sur ce coup-là.

-Les vapeurs de potions ? Insista le médicomage tout en sachant que c'était impossible.

-Non, un sortilège de magie noire.

Evidemment que c'était un sortilège de magie noire ! Quoi d'autres sinon ? Pendant la bataille il en avait reçu mais dans le feu de l'action il n'avait pas pensé que l'un d'eux se manifesterait plusieurs mois après. Il avait bien pensé qu'un sortilège pourrait le tuer sur le coup, mais des mois plus tard, non.

Il allait finir sa vie comme il l'avait commencé. Misérablement seul. Il ne voulait personne, aucune pitié, aucun regard attristé, personne ne se préoccuperait véritablement de lui de toute façon. Et si Harry…non, il devait se taire et continuer comme avant, c'était le mieux qu'il pouvait faire pour eux deux.

Snape avait payé le médicomage puis il était sorti. Il en avait assez entendu et pleurer sur son sort n'allait certainement pas l'aider à passer ce cap difficile.

L'homme marcha un moment, la tête ailleurs. Le vent balaya près de ses pieds quelques rares flocons de neige qui tombaient, il amena aussi quelques saletés qui traînaient sur le trottoir. Le professeur n'entendait pas les enfants jouer ni les gens discuter entre eux. Il devait leur paraître bizarre avec sa cape qui le recouvrait jusqu'aux pieds et son air sombre. A vrai dire il s'en foutait, rien à faire de ces imbéciles qui caquetaient à qui mieux mieux.

Il venait juste d'avoir quarante ans, il s'était promis de profiter un peu de la vie et voilà que tout s'arrêtait net pour lui. Pas de chance vraiment, mais peut-être qu'il payait là le prix de ses erreurs !

Le maître des potions s'assit sur un banc et tant pis si des curieux le regardaient à travers les fenêtres. Leurs avis lui importaient peu, il avait d'autres chats à fouetter.

Snape souffla de lassitude. Comme il aimerait revenir en arrière et revivre une certaine journée. Ce jour par exemple où il avait succombé au charme d'un Gryffondor entreprenant. Seule et unique fois où il avait fait l'amour avec Harry. Cela avait été merveilleux et magnifique quand il y pensait, et il y pensait souvent. Mais aujourd'hui, oui, aujourd'hui, le souvenir était encore plus vivace dans son esprit, presque comme s'il sentait encore la main de son amour caresser sa peau, et ses lèvres sourire sous les siennes.

Ils ne s'étaient pas fait de promesses ce jour-là, pas avec la bataille contre Voldemort qui arrivait à grand pas. Il avait même menti, que Merlin lui pardonne et Harry aussi. Lui Severus Snape avait menti en disant qu'il n'était pas libre de tout engagement. Pieu mensonge pour que le jeune homme ne mise pas son avenir sur lui s'il se sortait vivant de la guerre.

Il voulait que Harry découvre la vie avec quelqu'un de son âge et surtout quelqu'un de sociable, tout le contraire de lui. Il voulait que sa vie soit heureuse, tout simplement. Il avait quarante ans, que ferait un gamin de vingt ans avec lui ?

Son cœur s'était brisé quand il avait lâché ces mots-là, froidement, dans le silence pesant de la Salle sur Demande.

-Il y a quelqu'un dans ta vie ? S'était écrié Harry qui n'avait su garder son calme et qui ne semblait pas croire ce que l'homme lui disait. Donne-moi son nom, avait-il ordonné deux secondes plus tard en se redressant de colère.

Et lui comme un grand benêt pris au dépourvu avait donné le seul nom qui lui était venu à l'esprit. Lucius Malfoy. Il aurait pu en rire s'il n'avait vu le visage ravagé de Harry à l'entente de ce nom.

-Ouais, souffla le jeune homme après un long moment de silence. Contre lui je n'ai aucune chance, n'est-ce pas ?

Harry ne lui avait pas posé la question de savoir pourquoi alors il avait passé la nuit avec lui s'il était déjà amoureux d'un autre homme. Peut-être que s'il avait posé la question il aurait envoyé paître ses bonnes idées et qu'il aurait répondu la vérité, qui sait !

Toujours est-il qu'il n'avait pas répondu à l'affirmation de Harry, se rappela-t-il en se levant de son banc pour reprendre sa marche. Jamais mensonge ne lui avait paru aussi….douloureux. Sans compter qu'il avait fallu mettre Lucius au courant de ça et que celui-ci lui avait hurlé dessus parce qu'il passait à côté du bonheur, et sciemment en plus.

-Qu'il soit plus jeune que toi, est-ce vraiment important, Severus ?

-Pour moi ça l'est.

-Tu ne lui as même pas demandé son avis, hein !

-Pourquoi faire ? C'est ma décision.

-Décision que tu regretteras un jour, mon ami.

-Acceptes-tu de m'aider quand même ?

-Je vais le faire, mais note bien que c'est à contrecœur !

-Je sais, et je t'en remercie.

Snape se mit à l'abri d'une venelle et transplana aux abords de Poudlard. Il resta quelques secondes pour reprendre ses esprits puis reprit sa route. Il faisait très froid en écosse, il resserra sa cape autour de lui et entra dans le château pour se réfugier dans ses chers cachots.

Aujourd'hui il n'avait pas le temps de s'étendre sur sa pauvre carcasse car là-haut, allongé dans un lit à l'infirmerie, le survivant tentait désespérément de revenir à lui. Son combat contre le Lord Noir avait été très éprouvant et voilà des mois qu'il était dans un état comateux mais réparateur, fort heureusement.

Le corps du gamin avait repris des forces mais le mental semblait vacillant d'après les examens qu'il avait pu faire. Quoi d'étonnant après le duel sanglant, sa retraite forcée et les longs mois allongés sur un lit ?

Snape frissonna, il ranima la cheminée, regarda ses appartements et ses affaires accumulées au cours de ses années à Poudlard, seul lieu où il se soit vraiment senti chez lui, comme Potter d'ailleurs, ou plutôt Harry.

Magnifique Potter qui avait ranimé son cœur éteint sans le savoir. Doux Harry dont il prenait soin depuis des mois. L'amour de sa vie qui ne saura jamais à quel point il était amoureux de lui. Et Lucius ? Fier Lucius qui avait perdu sa femme et qui faisait semblant de partager sa vie avec lui pour tromper les autres.

Snape prit quelques fioles dans ses poches avant de monter à l'infirmerie pour voir son ange et se jura de garder le secret sur son état de santé et sa visite au médicomage. Personne ne devait savoir qu'il était en sursis. Il devra cacher sa fatigue aux yeux de tous ou dire simplement que la fabrication des potions le tenait éveillé très tard. La douleur il en fera son affaire. Il devra aussi mettre de l'ordre dans ses papiers et faire comme si tout allait bien.

Que de regrets il laissera derrière lui, que de regrets il laissera dans son cœur, que d'amertume, et le pire dans tout ça est que personne ne le regrettera vraiment. Lucius peut-être, et son filleul Draco, et il l'espérait un peu, Harry.

Ce soir il devra veiller très tard pour finir les potions qu'il avait en cours, il devra aussi faire un chaudron d'antidouleur pour Harry et pour lui et ensuite il ira le veiller comme chaque nuit depuis qu'il l'avait ramené ici.

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Me revoilà avec une nouvelle fiction. J'espére qu'elle vous plaira autant que les autres malgré un début un peu sombre. Ceux qui me connaissent savent que les héros s'en sortiront, plus la peine que je leur explique comment je fonctionne, on se connait bien.

Je précise que ma bêta est TiteNana, et j'en profite pour la remercier de son travail.

A dimanche.