Disclaimer : Cette fic contient quelques extraits du contre « Baba yaga » qui ne m'appartient pas, tout comme Mello appartient à Tsugumi Ohba et Takeshi Obata. L'idée de faire de la mère de Mello une prostituée appartient à Lou des bois.
Message de Jeremiah : Voilà une fic assez attendue (parce que je l'ai trop promise sans la publier sans doute ! Pas taper ^^). Voici donc le premier chapitre de « Petit Prince », relatant l'enfance de Mello avant son arrivée à la Wammy's House. Ma fic « Lakmus » l'introduisait, bien que ne soit pas nécessaire de la lire pour comprendre celle-ci, surtout le premier chapitre. Je crois même qu'elle risque de spoiler un peu... Enfin bon, pour certains lecteurs c'est trop tard (toutes mes excuses à Jilano qui connaît déjà beaucoup certains personnages grâce à ses pouvoirs de déduction surnaturels et à ma langue trop bien pendue et à Lulu Murdoc et Lullyra à qui j'ai envoyé le premier jet en demandant un avis alors que ma Muse m'est revenue quelques heures plus tard T_T).
En guise d'excuse, je dédicace ce chapitre à Jilano, Lulu Murdoc et Lullyra!Je la dédicace aussi à Lou des Bois qui m'a permis de reprendre l'idée que la mère de Mello était une prostituée
qu'on trouve dans sa fic « Histoire d'enfants écorchés » !
ENJOY !
Moscou (Russie), quelque part dans la banlieue nord
Vingt-deux heures, un soir d'hiver sur la capitale Russe recouverte d'un épais manteau blanc. La neige tombait encore et ne s'arrêterait sans doute pas avant le lendemain matin. La température ambiante frôlait les moins quinze degrés et par conséquent les rues étaient presque vides. Parfois quelques personnes esseulées, couvertes de poudre blanche, apparaissaient à la lumière d'un réverbère, pressant le pas vers la promesse d'une maison chauffée, d'un repas chaud, de bonnes grosses couvertures et peut-être d'un verre de vodka.
Au coin de la rue apparu soudain la frêle silhouette d'une jeune femme d'une vingtaine d'années environ. Assez grande, mince, emmitouflée autant que possible malgré ses jambes nues dans son gros manteau, ses longs cheveux blonds ternes couverts de neige, elle avançait tant bien que mal avec ses hauts talons aiguille dans la poudre blanche, jetant de temps en temps quelques coups d'œils inquiets autour d'elle pour s'assurer qu'elle était bien seule. Se promener seule dans les banlieues de Moscou en pleine nuit était dangereux, particulièrement pour une femme. Surtout une femme comme elle.
Elle s'arrêta devant la porte d'un immeuble, s'assura une dernière fois qu'il n'y avait personne d'autre qu'elle dans la rue, composa le code et entra. Le hall était presque aussi froid que l'extérieur mais au moins il n'y neigeait pas. Tout en montant les escalier menant au huitième étage – l'ascenseur était en panne et même si il ne l'avait pas été elle n'aurait pas pris le risque de rester bloquée dedans pendant des heures – elle s'époussetait, tenant vainement d'éviter d'être plus trempée qu'elle ne l'était déjà.
Arrivée en haut, elle sorti ses clés ouvrit la porte, entra et referma derrière elle.
Son appartement était un petit deux pièces vétuste comprenant une chambre, une salle de bains, et une pièce principale. Toutes les lumières étaient éteintes – l'électricité coûtait un prix exorbitant, il fallait limiter les frais – et la seule lueur qu'on pouvait voir venait de la télévision d'occasion qu'un petit garçon regardait fixement.
-Je vais me changer, je reviens Misha* » annonça Nastia, retirant son manteau, dévoilant ainsi une jupe imprimée léopard incroyablement courte et un corset fushia au lacet en partie défait très suggestif et surtout pas très adapté au temps extérieur, avant de disparaître dans sa chambre.
Le petit garçon de broncha pas, continuant de fixer l'écran ses ses grands yeux bleus. Il resserra un peu plus l'épaisse couverture dans laquelle il s'était enveloppé pour échapper au froid – il fallait aussi économiser le chauffage. Ça grattait mais c'était bien chaud. Près de lui se trouvaient les restes de son repas : quelques miettes de ce qui avait été un sandwich et un verre qui avait été rempli d'eau.
Nastia reparu au bout de quelques minutes, dans une tenue plus décente – comprendre ici toujours très courte, voyante et inappropriée mais moins que l'autre.
-Tu regardes quoi Misha ?
-Un truc de policiers.
Vaguement intéressée, Nastia jeta un coup d'œil à la télévision. Juste au moment où l'un des personnages se faisant sauvagement trucider à la kalachnikov.
-Qu'est-ce que c'est que ces horreurs ?! Éteint cette télévision tout de suite ! Ce n'est pas une série pour un petit garçon de cinq ans ! » s'exclama Nastia, horrifiée par l'overdose de ketchup répandu un peu partout autour du corps du « mort ».
-Mais Maman, c'est trop bien ! Et puis ils étaient obligés : le témoin est mort en tombant bêtement dans les escaliers ! » protesta l'enfant.
-C'est trop violent pour toi, éteint la télé.
-Mais on va enfin savoir qui c'est l'assassin ! Je suis sûr que c'est Dimitri Barachov, le père de la victime, parce qu'il...
-Mihael, n'essaie même pas de m'embobiner en essayant de m'intéresser, éteint la télé un point c'est tout.
-Mais il n'y aura plus de lumières !
-Eh bien j'en allumerai une. Éteint !
Avec un soupir fâché, Mihael éteignit la télévision, furieux de ne pas pouvoir savoir si son raisonnement concernant l'enquête était correct. C'était une de ses occupations préférées : passer des heures et des heures devant des séries policières et essayer de deviner le plus vite possible qui était le coupable. La plupart du temps il ne se trompait pas. On pouvait même dire qu'il ne se trompait jamais.
-Quand je serais grand, je regarderai la télévision aussi longtemps que je voudrais et il n'y aura personne pour m'interrompre quand je réfléchirai » grogna le petit garçon.
-Quand tu seras grand tu n'auras pas le temps pour ça. La vie est bien plus dure que tu ne le crois Misha.
Nastia se laissa tomber sur une chaise en se frottant les yeux. La journée avait été dure. Peu de clients et des heures durant à attendre à moitié nue devant la camionnette, dans le froid mordant... Il n'y avait pas pire pour elle. Surtout que si elle tombait malade c'était la ruine assurée. La prostitution était vraiment un métier horrible. Elle reporta son attention sur son fils. C'était un beau garçon, elle en était fière. Il était si mignon, avec ses cheveux blond soleil un peu trop longs, ses immenses yeux bleu purs et sa peau pâle du fait qu'il ne sortait pas de l'appartement. Nastia ne l'avait ni déclaré pour ne pas avoir à le scolariser, n'ayant pas l'argent pour ça. Bien qu'elle s'en voulait terriblement de ne pas pouvoir donner une éducation décente à son propre fils, il lui était impossible de faire autrement. Encore une question d'argent. Quelle connerie...
Ne pouvant pas suivre de cours, Mihael avait appris à lire et à écrire seul, par simple curiosité, en essayant de comprendre comment sa mère déchiffrait ces symboles qu'elle appelait « lettres » quand elle lui lisait des histoires. Très vite, il s'était mis à essayer de terminer les phrases que sa mère commençait et pour finir c'était finalement lui qui lisait et elle qui le corrigeait de temps en temps, quoique de plus en plus rarement. L'histoire du soir, qui était un des nombreux rituels que Nastia avait instauré pour préserver une relation solide avec son fils, était devenu une leçon de lecture.
Mihael ne voyait que très peu sa mère : elle partait tôt le matin et rentrait tard le soir. Ce qu'elle faisait dehors ? Elle « travaillait ». Mihael n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle pouvait bien faire comme métier mais quand il la voyait rentrer exténuée, parfois avec des bleus, des morsures ou des marques bizarres dans le cou, il se disait qu'elle n'avait vraiment pas de chance comparé à tous ces gens, riches et beaux, qu'il voyait sur le petit écran.
Il était devant la télévision du matin au soir, ou presque, et les émissions qu'il regardait allaient de la série criminel basique aux actualités en passant par une incroyable variété de documentaires en tous genres. Il enregistrait toutes les informations qui lui passaient à portée d'yeux ou d'oreilles. Toute connaissance était bonne à prendre, mais il gardait une grosse préférence pour tout ce qui touchait à la criminalité. Ça le fascinait, sans vraiment qu'il sache expliquer pourquoi. Pas qu'il veuille devenir un « méchant » un jour, mais à la télé, ça restait eux qui avait le plus la classe quand ils n'étaient pas bidons. C'était sa seule fenêtre sur le monde extérieur (en plus des vraies fenêtres de l'appartement bien sûr, mais en hiver elles étaient recouvertes de rideaux improvisés pour éviter les courants d'air) car bien qu'il soit passionné par ce qui ce passait dans le monde entier, Mihael n'avait jamais franchi le seuil de la porte d'entrée de l'appartement.
-Ça va Misha ? Tu n'as pas froid ?
-Non ça va » répondit Mihael avec une moue boudeuse. Il détestait être coupé dans ses réflexions ou qu'on l'empêche de savoir s'il il avait raison ou non.
Visiblement, il était toujours fâché que sa mère l'ai forcé à éteindre. C'est vrai quoi, juste quand il allait savoir ! Il aurait suffit de deux ou trois petites minutes et le coupable était désigné ! C'était horriblement frustrant !
-Tiens, je t'ai ramené ça » reprit Nastia, dans l'espoir de faire oublier cette histoire à son fils.
Mihael leva les yeux vers sa mère qui lui tendait une tablette de chocolat. Il se leva d'un coup, couru vers elle et saisi doucement le cadeau. C'était du noir, pur, sans noisettes ou amandes dedans. Son préféré. Le petit garçon se leva sur la pointe des pieds pour déposer un petit bisou sur la joue froide de sa mère.
-Merci beaucoup Maman !
Nastia sourit. Voir son enfant heureux était une des seules choses qui parvenait encore à réchauffer son cœur meurtri par la vie. Elle n'avait pas eu de chance, il fallait l'admettre. A dix-huit ans, elle avait été mise à la porte de chez elle pour une histoire de drogue. La cocaïne, c'était ce qui avait détruit sa vie. C'était ce qui lui faisait paraître trente ans au lieu de vingt-quatre, ce qui lui avait fait quitter le cocon familial de force... Avant, elle avait une forte personnalité, c'était sans doute pour ça que, certaine de pouvoir mener sa vie seule et comme elle l'entendait, elle avait utilisé une bonne partie de son argent pour quitter Mourmask, sa ville natale, et rejoindre Moscou, où disait-on la qualité de vie était meilleure. Le temps du trajet, posant sur l'horizon un regard conquérant, elle avait déjà établi tout un plan qui devait la rendre riche, importante aux yeux du monde, lui faire épouser un beau mari et faire s'excuser son père. Mais la désillusion avait été violente, comme une terrible claque qui avait suffit à balayer ses doux rêves et ses belles ambitions. Elle s'était bien vite rendue compte qu'elle n'irait nulle part. La faim, le froid, la peur et le manque l'avaient poussée à se prostituer. Elle ne gagnait pas assez pour vivre correctement – elle aurait pu si elle ne dépensait pas presque tout son maigre salaire en drogue – mais c'était tellement mieux que de mourir d'un rhume, seule dans une impasse. Grâce à quelques amies du même métier, elle avait pu obtenir un appartement dans la banlieue nord. Tout semblait aller mieux. Enfin, c'était tout relatif.
De richesse elle n'avait que ses quelques roubles par jour, d'importance celle qu'on accordait à une fille de joie, de beau mari ses amants au portefeuille plein et d'excuses de son père rien du tout.
La situation s'était gâtée quand elle est tombée enceinte. De qui ? Elle n'a jamais su et elle s'en moquait bien. Le père était sans aucun doute l'un de ses innombrables clients, alors pas moyen de savoir de qui il s'agissait. Nastia n'accordait pas d'importance aux choses futiles et perdues d'avance. Ce qui avait été problématique en revanche, c'était les neuf mois de grossesse. Impossible de travailler, donc de gagner de l'argent, donc de manger et de payer la maquerelle pour la camionnette... Cette vieille femme aigrie sans une once de pitié ou de bienveillance à l'égard d'autrui qui s'attendrissait plus devant une bourse de pièces sonnantes et trébuchantes que devant le malheur d'une femme perdue se moquait bien du sort de son employée. L'argent c'était l'argent, point barre.
Là encore, c'était grâce à ses amies qu'elle s'en était sortie. Elles l'avaient aidée financièrement et ce n'était vraiment pas rien. Le pire avait pourtant été d'arrêter la cocaïne. Elle n'avait pas l'argent pour avorter et l'idée de faire ça elle-même la révulsait. Alors tant qu'à devenir mère d'un enfant, autant faire ça bien et éviter tout ce qui pouvait nuire à la santé de son bébé. Elle s'était laissée torturer par le manque et avait souffert d'un accouchement seule sur le sol de son appartement pour lui. Sa force d'esprit et sa ténacité avaient été ses seules alliées. Et là, c'était bien à elle, et à personne d'autre, qu'elle devait ces victoires. Pour une des premières fois depuis qu'elle avait quitté sa famille, elle avait pu se sentir fière d'elle.
Le temps avait largement récompensé ses efforts car cet enfant, qu'elle avait appelé Mihael (« un nom unique pour un enfant unique » répondait-elle quand on lui posait des questions), avait été le petit soleil de sa vie. Ça n'avait pas été facile tous les jours bien sûr, mais pour rien au monde elle ne voudrait retourner en arrière. Elle qui n'avait longtemps plu eu d'autre rêve que celui de garder son appartement et de rester en vie avait à présent celui de voir son fils grandir, devenir un homme, avoir une bonne situation, se marier et avoir à son tour de beaux enfants. Mais encore une fois le manque d'argent était venu compromettre ses beaux projets : elle ne pouvait pas lui payer l'école et n'avait pas vraiment le temps de lui donner des leçons. Alors, quand elle pouvait, elle lui achetait un livre ou une tablette de chocolat, l'un pour préparer dignement son avenir, l'autre juste pour le voir sourire.
Ses espoirs restaient entiers : Mihael était intelligent, curieux de tout et plein de surprises. Elle se rappellerai toujours de la fois où elle lui avait demandé si il y avait un livre qui lui ferait plaisir pour son anniversaire. Il lui avait répondu que si elle pouvait, il aimerait beaucoup lire les œuvres intégrales de Pouchkine ou Tolstoï. Il allait avoir quatre ans le lendemain et à ses cinq ans, ça avait été Dostoïevski.
Pour l'heure, elle regardait, attendrie, les yeux brillants de son petit garçon ouvrant délicatement la tablette de chocolat, sans déchirer l'emballage, en couper une moitié de carré, la partager en deux et en tendre un bout à sa mère.
-Tiens Maman.
Nastia sourit, prit le carré et le mit sans sa bouche.
-Merci Misha.
Pendant un moment, rien ne fut dit. Mihael prenait le temps d'apprécier la friandise rare qu'était le chocolat. Il adorait ça mais c'était cher, alors il se rationnait, mangeait la tablette demi carré par demi carré, profitant du goût doux et amer à la fois qui se répandait sur sa langue. Puis il remis le papier aluminium et l'emballage en place, bien hermétiquement. Il faisait toujours comme ça, croyant dur comme fer que sinon la tablette risquait de perdre du goût.
-Il va falloir que tu ailles te coucher. Va prendre une douche et au lit !
-Ooohhh... Je ne peux pas rester encore un peu debout avec toi ? » répondit Mihael avec de grands yeux de chaton triste.
-Je vais me coucher moi aussi.
-Alors je peux rallumer un peu la télé avant d'aller me coucher ?
Nastia réfléchit un peu.
-Pendant que je me lave d'accord mais dès que je sors de la douche tu éteints et tu file sous l'eau !
-Même pas un tout petit peu après que tu ai pris ta douche ?
-Non.
Le ton était tranchant et sans appel. Il y avait des limites à fixer, question d'autorité.
Mihael, qui connaissait les limites de la négociations avec sa mère, que c'était déjà bien de pouvoir regarder encore un peu la télé et ralluma le poste alors que sa mère allait s'enfermer dans la salle de bains. Quand Nastia eu fini, il éteignit sans broncher – à quoi bon ? il détestait supplier vainement – et prit sa douche avec l'application et la vitesse qui caractérisent les petits garçons de cet âge.
Quand il en ressorti, il tremblait – on leur avait coupé l'eau chaude un mois auparavant – mais était propre comme un sou neuf. D'un petit pas rapide il s'engouffra dans la chambre de sa mère. Celle-ci était déjà allongée dans le lit sous trois couvertures, manque de chauffage oblige.
La chambre était une petite pièce exiguë où le grand lit double lit prenait presque tout la place. La fenêtre, bien qu'elle laissait entrer quelques courants d'airs glacials, avait été couverte d'épais rideaux pour garder une certaine chaleur dans la pièce. Le plancher grinçait sous les petits pieds blancs de Mihael, mais ça c'était parce qu'il ne faisait pas attention. Lors de ses longues journées solitaires, il s'était amusé à faire le tour de l'appartement pour repérer les planches qui grinçaient et celles qui restaient silencieuses quand on marchait dessus. Il avait alors trouvé un moyen très efficace que se déplacer sans bruit partout où il voulait. Il avait même appris à reconnaître les planches entre elles ! Celles qui étaient bruyantes étaient très légèrement plus courbées ou disjointes que les autres.
Mihael escalada le lit un peu haut pour sa petite taille et, à quatre pattes, alla s'installer contre sa mère. Nastia sentit la chaleur de son petit garçon près d'elle et resserra son étreinte autour de l'enfant.
-Mon petit prince... » murmura-t-elle.
-Et toi t'es ma reine alors Maman » répondit Mihael, blotti contre sa mère.
Il adorait Nastia. Même si elle n'avait plus l'air très jeune, elle était belle, sa mère. Et puis elle sentait bon, elle sentait la maman. Sa peau était toute douce quand il enfouissait son petit nez dans son cou et son étreinte était chaude et rassurante. C'était une vraie maman et il l'aimait de tout son petit cœur d'enfant.
-On finit l'histoire d'hier ce soir » annonça Nastia.
-Oh non ! Elle est complètement idiote cette histoire !
-Mais non !
-Mais si ! Les sorcières et les chats qui parlent ça n'existe pas ! Et puis, la belle-mère, si elle veut se débarrasser de sa nièce, elle n'a qu'à l'étouffer dans son sommeil avec un oreiller et jeter le corps dans un fleuve, c'est pas compliqué !
-Misha ! Mon Dieu mais qu'est-ce que tu regardes toute la journée toi ! Va prendre le livre dans l'étagère.
Mihael râla un peu en allant chercher un livre intitulé « Contes et légendes traditionnels de Russie » puis l'ouvrit à la page du conte commencé la veille « Baba Yaga ». il remonta dans le lit, s'installa près de sa mère et commença :
Sans faire de bruit, la petite fille se lève, va à la porte... Mais le chat est là, maigre, noir, effrayant ! De ses yeux verts il regar- de les yeux bleus de la petite fille. Et déjà il sort ses griffes pour les lui crever. Mais elle lui donne un morceau de jambon cru...
-Attends, quand est-ce qu'elle l'a eu son morceau de jambon cru ? » s'exclama Mihael.
-Elle l'avait déjà sur elle au début de l'histoire sans doute Misha.
-Attends, tu veux dire que cette fille se trimbale toujours avec un bout de jambon sur elle ?
Nastia soupira :
-Lis.
-Bon d'accord mais n'empêche, j'ai pas lu cinq lignes que ça n'a déjà plus aucun sens !
Il reprit.
Mais elle lui donne un morceau de jambon cru et lui de- mande doucement : - Dis-moi, je t'en prie, comment je peux échapper à Baba-Yaga ?
Le chat mange d'abord tout le morceau de jambon, puis il lisse ses moustaches et répond : - Prends ce peigne et cette serviette, et sauve-toi. Baba-Yaga va te ..poursuivre en courant. Colle l'oreille contre la terre. Si tu l'entends ..approcher, jette la serviette, et tu verras ! Si elle te poursuit toujours, ..colle encore l'oreille contre la terre, et quand tu l'entendras sur la ..route, jette le peigne et tu verras ! La petite fille remercia le chat, prit la serviette et le peigne et s'enfuit.
-Mais bien sûr ! La sorcière va s'arrêter en criant « oh mon dieu un peigne ! Une serviette ! Elle m'a bien eu ! Je ne peux plus rien faire !
-Misha...
-D'accord d'accord je lis.
Mais à peine hors de la maison, elle vit deux chiens encore plus mai- gres que le chat, tout prêts à la dévorer. Elle leur jeta du pain tendre et ils ne lui firent aucun mal.
-C'est pas carnivore les chiens à la base ? Depuis quand ils mangent du pain ?
-Ça mange tout quand ça a faim ces bêtes-là.
-Si tu le dis...
La lecture se poursuivit, rythmée par les interventions de Mihael qui ne pouvait s'empêcher de trouver très bizarre le déroulement d'un conte traditionnel. Depuis quand les arbres souhaitent-ils être parés de rubans de soie ? Mais si ils grognait, c'était surtout pour le principe. Il ne l'avouait pas, mais finalement il aimait bien cette histoire.
Une fois la lecture finie et la lumière éteinte, Mihael lova contre sa mère, sentait sa peau douce et son odeur féminine si rassurantes l'envelopper dans une douce étreinte. Le sommeil les emporta vite vers des mondes meilleurs. Les rêves de Mihael étaient si doux que lorsqu'il se réveilla, il regretta de ne pas avoir pu dormir plus longtemps jusqu'à ce qu'il entende des bruits de vaisselle dans la cuisine.
Il sorti de la chambre en marchant sur les planches qui ne grinçaient pas. Celle à sa gauche puis celle un peu plus loin à droite et pour finir une dernière entre les deux. Il ouvrit la porte et sorti. Nastia avait remis sa « tenue de travail » et s'apprêtait à partir. Elle s'étonna de voir son fils debout de si bonne heure.
-Déjà réveillé Misha ?
Encore tout embrumé par ses rêves – comprenant des bouleaux enrubannés, des chats qui tissaient et des petites filles aux poches débordant de jambon cru – Mihael ne pu qu'hocher la tête. Nastia sourit et déposa un doux baiser sur le front neigeux de son petit garçon.
-Il faut que j'y aille. Je vais être en retard.
-Tu reviens quand ? » articula le petit blond.
-Ce soir, pas trop tard j'espère. Ne regarde pas des horreurs à la télévision comme hier. Je préférerai que tu relise tes livres.
-Mais c'est trop bien les séries de policiers...
-Ce n'est pas pour les enfants de ton âge. Il faut vraiment que j'y ailles, je vais être en retard. Bonne journée Misha. Si je peux, je vais voir si je ne peux pas te trouver une autre tablette de chocolat.
-Oh ouais ! Bonne journée Maman !
Nastia se redressa, lui adressa un sourire – le seul dont que Mihael garderait en mémoire – et franchit le seuil de l'appartement.
Une jeune femme entre vingt-cinq et trente ans prête à passer la porte de l'appartement, le visage un peu anguleux tout en restant doux, encadré d'une cascade de longs cheveux blonds ternes, deux grands yeux verts laissant transparaître son courage et sa force d'esprit, très belle malgré les habits trop moulants et trop courts qu'elle portait et le maquillage trop appuyé sur son visage, ce fut l'unique image relativement précise que Mihael garderait de Nastia.
Et pour cause : ce fut la dernière.
Misha* : c'est le diminutif russe de « Mickaïl » mais il est ici employé comme diminutif de « Mihael »
