Disclaimer : Personne ne m'appartient. Sauf Yumehito et Negai.

Pairing : Au risque de repousser des lecteurs, mais je tiens à préciser avant, les personnages principaux ne sont pas ceux de Kingdom Hearts, mais des OCs et c'est une fic gen, donc je ne prévois pas de pairings particuliers. En tout cas, je peux d'avance dire que, sauf justification valable, vraiment valable, il n'y aura pas de pairings OC/Canon. Quand aux pairings Canon/Canon, je suis incapable de dire si même, il y en aura. Me connaissant, probablement pas. Mais bon, on ne sait jamais.

Rating : [T] pour le moment, mais ça pourrait progresser selon la suite des évènements.

Genre : Général


Notes : Cette note introductive va être un peu longue, parce que je tiens exactement à expliquer pourquoi ce texte est cher à mon coeur. Kingdom Hearts est ma franchise préférée en ce qui concerne les jeux vidéos. Et j'ai déjà fait plusieurs tentatives de fictions... Environ tous les deux ans depuis 2006. Ce qui coïncide plus ou moins avec la sortie de chaque jeu. Les deux premières, « Another Keyblade Bearer » et « Guren » se trouvaient respectivement sur Fanfic-fr et sur , mais je les ai désactivées lorsque j'ai posté le début de la troisième sur un petit forum obscur. Pourquoi ? Parce que cette dernière, je l'avais travaillé de manière a englobé les scénarios des deux autres. Et de même, j'ai pris l'univers d'Ame no Orchestra pour L'Orchestre des Âmes, en le retravaillant et en l'enrichissant énormément. Comme ça, j'ai l'air d'en parler comme si c'était un UA, mais ce n'est pas du tout le cas. Enfin bref, tout ça pour dire qu'il est important dans le sens où c'est l'aboutissement de plusieurs projets avortés puis fusionnés en un.

J'espère que vous apprécierez. Ah oui, je tiens à préciser que je suis assez irrégulière en ce qui concerne les updates, comme ça, vous serez prévenus.

Bonne lecture !


L'Orchestre des Âmes

NOTA — Preludio


Rêve d'une prière blanche


Bien évidemment, la douleur était encore là. Un peu partout dans les membres. Comme autant de griffes transperçants des chairs qui mettraient bien trop de temps à se soigner, si le mage du Cirque n'intervenait pas. Leur Chef d'Orchestre aux doigts de fée avec sa musique enchanteresse et ses notes aériennes. Ses yeux d'un violet clair, limpide qui n'y voyaient plus rien depuis bien longtemps. Et là, sur le sol qu'il contemplait, un regard smagardin ancré dans le sien.

Après quelques instants passés à l'observer sans ciller, il comprit que c'était là le sien. Il se sentit soudainement bien stupide à attendre que le destin décidât de le faire bouger. Puis la réalisation le cueillit de son indélicat poing, pile là où ça faisait bien mal. Pourtant, il avait toujours été là, il le sentait. En spectateur. Il se souvenait de ces iris émeraudes qui étaient les siens, sans vraiment l'être, de ces gestes qu'il effectuait sans pouvoir vraiment les contrôler, de ces paroles qu'il prononçait sans les avoir choisi, de ces gens qui provoquaient des choses en lui, sans savoir vraiment d'où cela venait.

Il cligna avec un petit soupir de soulagement. Ça, il en avait l'habitude : puisque l'autre n'y pensait pas, il le faisait à sa place. Sinon, cela finissait par piquer. L'Autre avait plusieurs fois fait le test avec la personne aux yeux gris, celle qui était avec eux depuis bien avant leur naissance. Son fil de pensées se stoppa. Il percuta. Il avait soupiré. Ça n'était pas de son ressort ça. Lui, il s'occupait des automatisme et des réflexes. Lui, il ne pensait pas. Il ne ressentait pas. Ce n'était pas de son domaine tout ça. C'était à l'Autre de faire ça. Il se contentait de sentir. Il ne soupirait pas… N'était-il pas ?

Son regard se posa à nouveau sur les points verts, se perdirent dedans. S'il cherchait bien, peut-être trouverait-il l'Autre dedans. Il s'appela doucement, encore et encore. S'arrêta, surpris d'entendre une voix chevrotante s'échapper d'entre ses lèvres. Des sons familiers, mais qui ne lui appartenaient pas. Ce n'était pas ceux là que ses cordes vocales produisaient. Et elles avaient beau être en pleine évolution à cause de la puberté, elles n'avaient jamais eu cet accent étrange, n'aurait jamais du l'avoir. Il le savait bien, c'était son domaine de s'occuper de toutes ces petites détails là. Le reste, c'était une histoire de coeur et de conscience. Ce n'était pas pour lui.

Ses doigts vinrent maladroitement pincer sa peau, comme lorsque l'Autre faisait quand il pensait rêver. Comme d'habitude, cela fit mal. Il frotta la rougeur sur la peau diaphane pour l'apaiser, se stoppa. Ces orbes émeraudes. Elles étaient sensés être d'or. Ce n'était pas lui qui avaient les yeux de la couleur de l'herbe de leur père. Non ça c'était le privilège de leur frère… Avant qu'il ne les échangeât contre cet améthyste qui privait de la vue. Le reflet posa ses doigts sur les tâches vertes., imitant son geste à la perfection. Ce n'était pas normal.

Que faisait donc l'Autre ? Pourquoi ne se réveillait-il pas pour prendre les commandes ? Lui n'était pas sensé être là ! Il paniqua lorsqu'il comprit enfin, et que la pleine conscience de sa situation d'embrassa avec douleur et l'âpreté d'une vérité aussi nue que lui-même. Il n'était pas sensé pouvoir bouger de lui-même. Ni même penser. Ou exister. L'Autre n'était pas là et… Il n'était personne de plus qu'un corps ayant égaré son coeur. Et ce n'était pas parce qu'il sentait l'organe distinctement battre à l'intérieur que cela le rassurant. Il manquait quelque chose, quelque part en lui-même. Et maintenant qu'il savait quoi, le vide se faisant d'autant plus pesant et épais, comme pour remplacer la perte de son âme.

Il voulut verser des larmes, comme lorsque l'Autre était triste. Il savait comment faire, c'était lui qui s'en chargeait. Cela faisait aussi parti de son rôle. Commander au liquide lacrymal de se mettre en route vers les canaux adéquats, c'était aussi simple que bonjour. Pourtant, elles ne sortirent pas. Elles n'étaient même pas bloquées, comme lorsque l'Autre voulait se retenir. Non. Elles n'étaient tout simplement pas là. Il ferma les yeux. Il devait lui manquer le coup de pouce de l'Autre. Tant pis.

Comment faisait-il déjà dans ce cas-là, après avoir pleurer un bon coup ? Ah oui. Serrer les dents, serrer les poings et se relever avec dignité. Parce qu'il était un prince, il n'avait pas le droit d'être faible. L'Autre ne se serrait pas laissé démonter aussi facilement. Appuyé sur ses coudes, il contempla le visage qui apparaissait mieux, maintenant qu'il s'était un peu éloigné. Ce n'était pas le sien. Ce n'était pas celui de l'Autre. Il était familier certes, mais différent. Des cils un peu plus longs, des yeux moins étirés, avec une tâche rouge à chaque extrémité et qui n'y était guère avant, des iris vert pomme et non ambre, des formes plus douces, plus fines et plus rondes, qui lui rappelait vaguement celles de leur soeur. Et ces cheveux raides qu'il sentait entre ses doigts au lieu de ses habituelles boucles souples.

Ce n'était clairement pas lui. Il se reprit. Ce n'était clairement pas l'Autre. Ça, c'était lui. Il se passa une main sur le visage. Ça, c'était vraiment lui, c'était vraiment à lui puisque l'Autre n'était plus là. Comment s'appellerait-il dorénavant ? Que ferait-il sans lui ? Que penseraient tous ceux qui l'aimait ? Devait-il partir à sa recherche et le retrouver afin qu'ils ne reformassent un même et unique être ? Et puis d'abord, où se trouvait-il ?

Une fois en position assise, il dressa la tête, appliqua de suite ses mains sur les yeux. Il n'y avait là qu'une lumière aveugle. Partout à perte de vue, une blancheur immaculée. À ses pieds, il n'apercevait plus son reflet, perdu quelque part en dessous. Il avait l'impression de flotter au milieu d'un infini nul-part. Un vertige le prit à cause de la désagréable sensation d'égarement. Il décida de garder ses paupières abaissées : quand à contempler un abysse, quitte à ce qu'il fût noir. Au moins n'était-ce pas fatiguant pour sa rétine. Et puis, il pouvait se concentrer sur ce qu'il sentait. C'était rassurant : la sensation était son domaine de prédilection après tout.

Bien que ses pieds et ses jambes fussent bien sur un sol tout ce qu'il y avait de plus plat, il avait la nette impression de flotter. D'être plongé dans un nuage, ou de se trouver en plein dans une brume vaporeuse dont les gouttes caressaient sa peau sensible. Comme si tout cet amas de lumière, de blanc ou peu importe ce que c'était, était matériel. C'était troublant. Déstabilisant au point qu'il vacilla et retomba lourdement sur son genoux quand il tenta de se mettre debout. Parce qu'il savait que l'Autre aurait eu cette réaction, il se releva en forçant un léger agacement. Il avait déjà appris à marcher, ce n'était pas le moment d'oublier.

Ce n'était pas digne d'un futur maître de la keyblade de se laisser ébranler par si peu ! Si son maître, l'eût vu ainsi, il était sûr qu'il eût essuyé maintes moqueries et piques de sa langue acérée de Clown. Il se souvenait de ses cours. S'il était né avec ce corps humain, cela voulait dire qu'il était fort. Il ne se laissera pas abattre aussi facilement. Un léger sourire se forma de manière automatique sur ses lèvres, parce qu'apparemment, c'était ainsi qu'on se donnait du courage.

Il avança à tatillons, les paupières toujours closes, les bras tendus en avant en imaginant que, vêtu de l'armure qui avait été sienne ainsi que de sa keyblade transformée en un semblant de moto, il sillonnait l'espace. Il se souvenait de la sensation de bien-être, de l'excitation et du plaisir que l'expérience avait apporté à l'Autre. Son désir de la renouveler. Encore et encore. De voyager un peu partout, de rencontrer des gens et découvrir de nouveaux mondes une fois son symbole de maîtrise acquis.

Il cligna plusieurs fois lorsque ses mains se posèrent contre une matière froide. Ses yeux se posèrent sur des poignées d'un noir aussi profond que les ténèbres dont les courbes eussent former un coeur si quelqu'un eut pris la peine de les réunir. Un peu plus haut, des vitraux polychromes semblait flotter dans l'air, comme appuyé sur le rien de la blancheur lumineuse. Sans cesser de serrer les objets, il s'avança jusqu'à être bloqué contre un mur invisible, bien plus large que ses bras écartés, et plus élevée que l'impressionnante hauteur que des années d'entraînement avaient permis à son corps d'atteindre. Toujours plaqué contre l'obstacle, il fit un pas de côté, plus un autre. Sa main glissa dans le vide. Il se retourna pour se heurter à une paroi vierge. Revint sur ses pas afin de s'assurer qu'il n'avait pas rêvé. De l'autre côté, toujours les poignées et loin dans l'atmosphère, des vitraux.

Il saisit à nouveau pour ne pas leur laisser l'occasion de s'échapper sans qu'il ne s'en aperçût. Une onde silencieuse résonna dans l'air, se propageant depuis ses mains. D'abord invisible, elle se répandit autour des courbes, atteignit le bloc et l'entoura d'une lueur dorée. L'espace se colora peu à peu de camaïeux gris qui dissipèrent la blanche obscurité.

Une porte.

Les souvenirs plus récents revinrent à lui. Le désir absolu et sans faille de protéger cette soeur pour laquelle l'Autre était parti sans un regret derrière la porte. Fil Rouge qui, entre ses mains émettait un raie de lumière pour la sceller tandis que l'Autre savait que son mentor faisait de même avec sa chère Clown Waltz. Le soulagement suivi de la satisfaction du devoir accompli, puis la terrible conscience d'une mort imminente tandis que les ténèbres les plus pures plantant leurs griffes affamées dans son corps, et la douleur. L'Autre avait combattu avant de s'appuyer épuisé contre les solides battants de la porte. Il s'était démené pour repousser les vagues incessantes des ombres. Le temps que le darkside ne sortît lentement des ténèbres et Fil Rouge avait délié son coeur.

Je ne me rendrais jamais aux ténèbres. La phrase était si profondément ancrée dans l'esprit de l'Autre que sa volonté avait imprégné son corps, de même que le besoin de protéger de protéger la jeune fille qui partageait son univers depuis leur conception. Il secoua la tête. Ils n'étaient pas la même personne. Ils ne l'étaient plus. L'Autre avait été vivant puis était mort. Il avait été avec l'Autre, il avait été Lui, puis n'était devenu personne en naissant. Ils étaient différents. Il devait se focaliser sur cette pensée. Il était inutile de se morfondre sur des évènements passés qui ne pouvait être modifier. Et maintenant qu'il était là, il fallait juste faire avec ce que l'avenir avait à lui offrir.

En l'occurrence, la porte dont il tenait les poignées. Qu'il devait d'ailleurs ouvrir pour s'échapper de cet enfer monochrome et retrouver le monde réel. Pour aller où ? Qu'y faire ? Aucune idée mais, tant qu'il n'était pas dans cet étrange endroit, cela lui suffisait. Il aurait tout le loisir d'y songer plus tard. Après tout, il avait tout le temps du monde devant lui. Ce n'était pas comme s'il était pressé, ou que quelqu'un l'attendait.

La détermination crispa, encore plus qu'elles ne l'étaient déjà, ses mains sur les poignées. Il sentit ses bras émettre une sorte de vibration qui remua quelque chose au fond de lui-même. Des réminiscences de la douce chaleur de Fil Rouge lorsque l'Autre la manipulait. Autour de son poignet, des glyphes qu'il se souvenait avoir étudier avec le Chef d'Orchestre brillait d'éclats prismatiques, dansant en une ronde presque bondissante, comme s'ils voulaient partir mais qu'un bracelet soigneusement fermé les retenait. Un fin rayon s'échappa de la rune qu'il savait être annonciatrice de voyages, traversa toutes les autres avant de se diviser en minces filaments formant les mots d'ouverture qu'il lui suffirait de prononcer pour enfin partir.

« Tu ne devrais pas faire ce que tu t'apprêtais à faire. Cette porte ne doit pas être ouverte. »

Il suspendit son geste, interdit. La voix était aussi légère qu'un écho résonnait doucement dans l'atmosphère. Son regard sonda la vacuité des lieux, à la recherche du moindre signe de vie… ou de non-vie. Il le repéra au bout d'un moment, un trouble dans l'immense canvas, qui semblait se tordre, se déchirer de l'intérieur pourquoi cracher une nuée vaporeuse d'où sorti le premier être humanoïde à pénétrer dans son existence. Ses bras tombèrent le long de son corps tandis qu'il l'examinait.

L'autre, avec son teint d'albâtre et ses cheveux couleur neige, se serait très facilement fondu au décor s'il n'était doté d'iris rouge sang, un énorme contraste avec sa pâleur presque morbide. Malgré son visage de jeune homme, il portait dans ses yeux une expérience que même les vieux sages de son monde ne possédaient pas. Il conservait cependant une étrange curiosité tandis qu'il le jaugeait comme si c'était le premier humain qu'il croisait. Ses fines lèvres s'étirèrent en un sourire lorsque peau entrèrent en contact, lorsque l'extraordinaire personnage posa une main hésitante sur son poignet pour le retourner vers lui. Il semblait soulagé.

L'albinos se baissa pour avoir le visage à sa hauteur. Ses mains descendirent le long de son bras en une légère caresse. Une fois arrivés à sa paume, celle-ci s'emplit d'une large étoffe bleu de prusse brodée de papillons d'or. Puis, il s'écarta poliment, laissant le temps à l'autre de masquer sa nudité, la honte victorieuse fourmillant dans son estomac. Son remerciement fut à peine plus qu'un murmure mais le plus grand ne sembla pas s'en formaliser. Il se contenta de sourire béatement. Finalement, il tripota la visière de sa gavroche azurée.

« Tu n'as pas vraiment eu de chance de naître ici. »

Son sourire se teinta d'une tristesse qu'il avait du mal à appréhender. Mais il pensait comprendre un peu. Si cet homme vivait dans cet endroit, il y avait réellement de quoi être triste. Enfin, il supposait ; il ne comptait pas vraiment s'attarder trop de toute manière. Il s'intéressa à nouveau à son aîné. Ce dernier avait continué de parler, sûrement plus pour lui-même parce qu'il ne semblait pas attendre de réponses de sa part, malgré yeux fixés posés sur lui.

« Tu n'as pas de nom n'est-ce pas ? Non, bien sûr que non, tu peux pas en avoir, répétait-il tout bas, Je suis un sombre idiot. Tu viens à peine de naître, tu ne peux pas en avoir. »

Finalement, il soupira, secoua la tête sous le regard vaguement intrigué du nouveau né.

« Tu as peut-être un nom par lequel tu voudrais qu'on t'appelle ? »

Tenta-t-il finalement. Le concerné ouvrit la bouche pour donner celui par lequel on l'avait toujours nommé jusqu'au départ de l'Autre. Il se ravisa. Il ne pouvait pas. Ils n'étaient pas pareils. Il fallait trouver autre chose. Peut-être un de ceux qu'il connaissait ? Il les trouvait jolis, et agréables. Pas trop compliqués. Il se retint cependant, soucieux de s'éloigner de ses anciennes attaches. Finalement, il haussa les épaules, secoua doucement la tête.

« Qui… »

Il s'interrompit, soupesant le choix qui s'offrait à lui. Vouvoiement ou tutoiement ? Que lui imposaient les conventions sociales apprises par l'Autre dès son plus jeune âge ? Il les balaya d'une pichenette mentale en se rappelant qu'étant tout en haut de l'échelle sociale de son monde, l'Autre n'avait jamais eu à vouvoyer quelqu'un, excepté le défunt père. Il se dit cependant qu'il ne pouvait se permettre de tutoyer cet inconnu qui semblait en savoir tellement plus que lui. Ce n'était guère difficile, il le reconnaissait.

« Qui êtes-vous ? Quel est cet endroit ? »

L'être caressa son menton en poussant un petit soupir avant de répondre :

« C'est une très bonne question que tu me poses là. Je suppose que cela dépend. Je suis parfois un objectif à atteindre, ou une vision fugace. D'autres fois, je ne suis qu'un fantasme passager ou l'illusion qui finira par s'effacer. Je suis celui qui, à la fois, rêve et est rêvé, il hocha légèrement la tête à ses propres paroles, Je pense qu'on peut résumer ça simplement sans se tromper : je suis un rêve. Et mon nom est Yumehito. Dans sa langue d'origine, yume veut dire rêve, et hito personne. Je suppose que cela est assez éloquent, et cela me correspondait bien, c'est pour ça que je l'ai choisi… Mais je m'égare. Désolé, cela fait tant de temps depuis la dernière visite. Quant à ton autre question, cet endroit. . . »

Il laissa sa phrase en suspens, leva sa main, sembla hésiter un instant avant de finalement sourire. Un claquement de doigts et le paysage vierge se modifia peu à peu. Une route graveleuse se traça sous leurs pieds, puis une autre perpendiculaire à cette dernière. Si bien qu'ils se trouvaient au centre d'un carrefour où se croisaient quatre larges chemins traversant un champ d'herbes démesurément hautes. Au loin, on apercevait de vagues silhouettes. Un son sec et le terrain se vit dénué de toute vie, transformé en un immense cimetière de keyblades. Nouveau bruit. Nouvelle scène. Une place ovale en plein centre d'une ville fortifiée et prospère. qu'il se rappelait avoir vu dans des livres.

Claquement. La plage d'une île paradisiaque où jouaient deux enfants. Claquement. Un château en ruine d'où émanait une aura maléfique. Claquement. Il eut un mouvement de recul en reconnaissant la grande rue pavée de dalles multicolores, bordée d'échoppe surmontée de lampions rouges voletant dans l'air, conférant à l'endroit cet air féérique que l'Autre avait toujours apprécié. Ses yeux s'étrécirent qu'il remarquait des visages familiers, mais déjà, le tout s'effaçait, absorbé par une vacuité sans aucune faille.

« Nous sommes ici et là, reprit doucement Yumehito, Nul-part et partout à la fois. Au début comme à la fin des temps. Un monde qui n'en est pas vraiment un, tout aussi vide qu'il est plein.

– Mais ce n'est pas le vrai monde non ? La réalité. Si tu as tous ces pouvoirs, pourquoi ne partez-vous pas ? »

L'être d'apparence jeune secoua la tête avec l'air résigné de ceux qui avaient renoncé à se battre. L'expression typique des perdants. Il se dit que son entourage ne les aurait jamais laissé s'afficher en publique si l'Autre n'avait pas été capable de garder un contrôle absolu de ses émotions. Il ne fit cependant pas la remarque. Les règles du jeu avaient changé après tout. L'Autre n'était plus là et, ici, il n'était pas un prince.

« Ne pouvez-vous donc pas partir ? Il y a pourtant cette porte qui mène sur l'extérieur.

– Ne sois pas idiot. Si je le pouvais, cela ferait longtemps que ce serait fait », ceci dit, il regarda longuement l'imposante porte, l'air complètement absent. Il toucha à nouveau sa coiffe avant de reprendre sur un tout autre sujet :

« Et toi, as-tu conscience de ce que tu es ?

– Un simili, un nobody, cela revient au même. Pas grand chose donc, vous en conviendrez bien.

– Pas grand chose dis-tu ? il éclata d'un rire sarcastique où le nobody pensait sentir une certaine tristesse, Pas grand chose, oui… C'est un peu ça. Mais si il serait plus exacte de dire que tu n'es personne. En tout cas, je suis sûre que son somebody, ton original devait être une personne spéciale, pour que tu naisses ici. Et puis… il désigna la porte d'un geste vague, Vu ce que tu as failli faire, je suppose que toi aussi, il se gratta la tête, écarta une des ses mèches sur un côté, Mais ce n'est pas là la question. Revenons-en à ton nom. Il t'en faut absolument un, c'est nécessaire ; laisse-moi réfléchir un peu. »

Laissant échapper un « hum » songeur, il prit son menton dans sa main sous un regard interrogateur et curieux. Il allait avoir un nom, un vrai, rien qu'à lui. Cela avait quelque chose de gratifiant et de bizarre. Une sorte de mélange de plaisir à l'idée d'en recevoir, et d'appréhension. Et si le prénom ne lui plaisait pas ? Et si cela ne lui correspondait pas ? Et si…

« J'ai trouvé ! Que penses-tu de Negai ? Ça vient de la même langue que le mien de prénom. Il signifie souhait, voeux et prière. C'est simple à retenir, facile à prononcer, joli et bien accordé à quelqu'un qui est né ici. En somme, ça te va comme un gant. »

Si l'albinos avait un point sur l'agréable simplicité de la dénomination — beaucoup plus courte que les noms de monde de l'Autre en tout cas — il restait dubitatif quand à la seconde partie.

« Vous parlez d'ici pourtant, ici, il insista sur le mot, Il n'y a que du vide. J'ai du mal à saisir l'harmonie dans cela, sinon le fait que cet endroit soit aussi vide que mon coeur. »

Yumehito posa solennellement une main sur son coeur, avec un large sourire.

« Tu dis ça parce que tes yeux sont aveugles, ils ne voient pas vraiment ce que les miens voient. Ces lieux où nous nous trouvons… C'est le coeur du berceau des rêves et des désirs. Là où ils naissent et résident. C'est un lieu rempli d'espoir. Un espoir, j'en suis persuadé, qui permettra à ces rêves de se réaliser. Ici, tout est possible, même pour ceux qui n'existent pas. Nous aussi avons nos propres aspirations après tout.

– Vous vous incluez dans ''ceux qui n'existent pas'' ?

– Je te l'ai déjà dit , son rire résonna dans le vide, Je suis un rêve. Alors, maintenant que tout cela est clarifié, pour te montrer que j'ai raison, dis-moi ce que tu veux, et tes songes deviendront réalité.

Le simili passa une main dans sa chevelure brune. Une chose était sûre : il ne demanderait pas le retour de l'Autre. La perspective de disparaître après si peu de temps réveillait en lui une injustice et puis, il y avait quelque de malfaisant à vouloir faire revenir l'esprit d'un défunt et trouver son repos éternel. Il mit quelques minutes avant de finalement demander :

– Possédez-vous le pouvoir de me ramener dans la réalité ?

– Ne me sous-estime pas s'il-te-plaît. Si je suis incapable d'escalader les pics de la sortie, cela ne veut pas dire que je n'ai pas la force de balancer d'autres gens par dessus pour les en faire sortir. La question est, le désires-tu vraiment ?

– Si je pars, je suppose que nous ne nous reverrons plus. »

Il planta son regard dans l'écarlate de ses iris. Le visage se figea, pris une expression neutre.

« Peut-être bien si tu réussis un jour à retrouver ton chemin jusqu'ici. Mais c'est peu probable donc je serai plus tenté de dire non. Tout ne dépend que de toi.

– Alors, pour le moment, je vous tiendrai compagnie, vous devez être si seul dans cet endroit. Vous aviez dit que tout était possible ici. Je réaliserai votre voeux pour un moment, c'est bien ce que vous souhaitez non ? »

On le scruta en silence durant un moment qui lui sembla interminable. Puis, finalement, l'autre éclata de rire et lui fit une bourrade dans le dos tandis que le décor se mouvait pour se transformer en un salon douillet.

« Tu es vraiment un sacré personnage pour un nobody !

– J'ai un nom maintenant, prière de l'utiliser, sinon cela ne servait à d'y réfléchir autant.

– Spécial oui, l'autre gloussa, Vraiment spécial. »