-GRANGER !
Hermione soupira. Tranquillement allongée sur son lit, elle était en train de lire un bouquin passionnant traitant Les différents Âges de la Métamorphose. Il ne lui manquait plus que la petite musique douce et le chocolat brûlant pour que tout soit parfait. Elle décida donc d'ignorer l'appellation de son cher et tendre homologue. En tant que préfète en chef, elle se devait de montrer l'exemple en respectant chaque élève, mais avec certaines personnes, le respect ne valait pas la peine d'être utilisé, sachant que dans tous les cas, on aurait droit à une réplique cinglante ou insultante.
-GRANGER, TU VIENS TOUT DE SUITE, OU JE TUE TON ABRUTIE DU CHAT !
Ah, maintenant c'était à son chat qu'il s'en prenait. Décidément, il ne s'arrêterait jamais de l'importuner.
« Mais Pattenrond sait se défendre seul… Il n'a pas besoin de moi. » songea paresseusement la jeune Gryffondore.
Un cri de douleur suivit d'un miaulement lui confirma que Pattenrond pouvait s'en tirer sans problème. Elle tourna la page de son livre avec un sourire amusé.
C'est alors qu'une tornade blonde fit irruption dans sa chambre, sans frapper, et visiblement en colère.
-GRANGER ! Je t'ai appelé deux fois, tu aurais pu prendre la peine de me répondre ! s'exclama Drago Malefoy avec colère, une veine battant sur sa tempe.
Hermione corna sa page et ferma son livre avec lassitude. Elle soupira, mais ne se retourna pas pour autant.
-Qu'est ce que tu me veux, Malefoy ? demanda-t-elle d'un ton blasé.
-Je veux que tu empailles ce chat sur le champ ! s'emporta Malefoy. Et que tu me regardes quand je te parle ! continua-t-il, toujours hurlant. Il n'était pas habitué à se faire mépriser de la sorte, apparemment.
Cette dernière remarque étonna tout de même quelques peu Hermione. Pourquoi tenait-il à la voir ? Toutes fois, son étonnement fur vite remplacé par l'agacement.
-C'est ça, et qu'est ce que tu veux d'autre ? Un jus de citrouille sur un plateau servi par moi en tenue de femme de chambre ? rétorqua la jeune Gryffondore, sarcastique.
-Si ça te fait plaisir, mais en tous cas, je t'ordonne de l'empêcher de se jeter sur moi ! répondit Malefoy.
Hermione se retourna et lança un regard meurtrier à son homologue.
-Malefoy, redescend sur terre immédiatement, tu en as bien besoin. Tu ne m' « ordonnes » absolument rien, pour commencer...
Elle s'interrompit et vit sur la joue de Malefoy une épaisse et profonde trace de griffure, accentuée par une traînée de sang qui ne cessait de couler. Il la regardait, toujours en colère, la respiration haletante.
Hermione, toujours pleine de bonne volonté, ressentit d'abord un peu de culpabilité, qu'elle chassa bien vite de son esprit. Pour toutes les crasses que Malefoy lui avaient faites, ce n'était pas une petite blessure causée par un chat qui allait le tuer.
-Et qu'est ce que tu veux que je fasse, de toutes façons, il l'a fait, il l'a fait ! Si tu es tellement une chochote que tu vas carrément aller voir Madame Pomfresh pour une minuscule griffure, vas-y, je ne te retiens pas. Ou soigne toi tout seul. En attendant, sors de ma chambre, merci beaucoup et à la prochaine.
Le rouge vira aux joues de Malefoy. Peut-être parce qu'il avait honte de s'être fait ridiculisé aussi facilement par Hermione ? En tous cas sa fierté était visiblement trop grande pour qu'il descende voir Madame Pomfresh.
-Ce que je veux que tu fasses, murmura-t-il avec l'air d'une personne qui essaye de se contrôler, c'est que tu empêches ce chat d'aller dans MA chambre, car, dois-je te le rappeler, c'est TON chat, et tu dois le dresser !
Hermione leva les yeux au ciel.
-Je te l'ai répété au moins mille fois. C'est un chat, Malefoy, je ne peux pas l'empêcher d'aller là où bon lui semble.
-Mais tu dois bien connaître un sort qui puisse servir un minimum, avec la tonne de bouquins inutiles que tu t'entêtes à lire tous les soirs ! s'emporta Malefoy, s'énervant de plus en plus.
-Si tu veux bien arrêter de hurler, ce sera très aimable à toi, répondit Hermione avec froideur. Et non, il n'y a aucun sort qui résoudra ton problème existentiel du moment, Malefoy. Maintenant, va à l'infirmerie et dépêche toi avant de perdre trop de sang, il a quand même griffé profondément...
-Je ne te le fais pas dire ! s'écria le Serpentard avec colère.
-...et je ne voudrais pas que tu salisses nos appartements.
Hermione retourna à sa lecture, sans faire attention au Serpentard qui restait planté là, lui lançant un regard assassin.
Il était agacé. Ce qu'il détestait que Granger ait le dernier mot ! Cependant il ne se laisserait pas abattre et n'irait pas non plus à l'infirmerie, comme « une chochotte » qu'il n'était pas. Il ne connaissait pourtant aucune formule de médecine, alors qu'il était bon élève : c'était le deuxième de sa promo, avec bien sûr en tête Granger. Elle était toujours là pour lui gâcher la vie, à tous les niveaux. Mais cette fois-ci, elle ne s'en tirerait pas comme ça…
-Tu peux sortir de MA chambre, s'il te plaît ? demanda la jeune fille avec calme, les yeux posés sur les lignes interminables de son livre.
Malefoy ne répondit pas. Ce qu'il était insupportable ! C'était de la violation de domicile, à la fin !
« Enfin non, peut être pas, quand même… »
Elle ferma encore une fois son livre et se leva, pour sortir de sa chambre en bousculant Malefoy.
-Viens avec moi dans la salle de bain, lui ordonna-t-elle en traversant sa salle commune pour se diriger vers la salle en question.
-Tu n'as pas à pas me donner d'ordres ! s'énerva Malefoy tout en se dirigeant malgré tout vers la même pièce que la lionne.
Hermione résista à l'envie de lui envoyer une réplique cinglante et décida d'ignorer tout simplement sa remarque afin d'éviter une nouvelle dispute.
-Assieds-toi, lui dit-elle sèchement alors qu'elle cherchait une formule dans un gros grimoire posé sur le lavabo.
Malefoy s'assit cette fois sans broncher sur le bord de la baignoire, la bouche tordue en un horrible rictus pour s'obliger à ne rien répondre.
Hermione ferma le livre d'un coup sec, puis elle s'approcha de Malefoy. Avec des gestes maladroits, elle s'agenouilla devant la baignoire, mais les jambes de son pire ennemi prenaient toute la place, ce qui l'obligea à poser son genou gauche contre le rebord, entre les jambes de Malefoy, mais elle s'en fichait bien.
Ce dernier lui fut d'abord surpris, puis il sourit, content que sa colocataire puisse être dans une situation gênante.
Hermione, qui avait bien remarqué que Malefoy profitait de sa position embarrassante, pointa sa baguette sur le visage de Malefoy, ce qu'il n'apprécia pas particulièrement.
-Baisse ça tout de suite ! s'écria-t-il, inquiet.
Hermione le regarda d'un air désolé en rabaissant sa baguette. Il était pathétique.
-Comment veux-tu que je te soigne sans ma baguette, Malefoy ?
Il la regarda d'un air énervé, du genre «Ca va ferme-là », qui ne lui échappa pas.
Elle redirigea sa baguette vers le visage de Malefoy, et l'abaissa au niveau de sa blessure. Puis elle effleura le long de la griffure avec sa baguette, ce qui étonna très légèrement Malefoy. Il était plutôt amusé de toute la situation, qui gênait tout de même un peu Hermione. Elle s'empressa de prononcer la formule pour que sa blessure ne soit plus qu'une petite trace qui disparaîtrait dans quelques minutes, et se releva rapidement. Elle allait traverser le pas de la porte de la salle de bain, et…
-Ce serait pas mal, la tenue de femme de chambre, lança Malefoy d'une voix moqueuse. Plutôt sympa même ! Déguisée en femme de ménage, tu seras fin prête à entreprendre ta carrière.
Hermione se retourna, furieuse.
-Malefoy, tu ferais mieux de la fermer une fois pour toutes okay ? Parce que ta blessure est très facile à rouvrir.
Sur ce, elle traversa leur salle commune et rentra dans sa chambre, décidément consternée par la stupidité de son colocataire.
***
Drago souriait, encore dans la salle de bain. Il caressa sa griffure maintenant inexistante, et se promit de tuer ce maudit chat un jour où Granger ne serait pas là. De quelle manière, on verra. Le plus important pour le moment était qu'il avait pu rendre sa colocataire gênée. Il en était mort de rire. Elle était embarrassée pour des choses tellement insignifiantes ! Lui, cela ne l'avait nullement contrarié. Granger était loin d'être le genre de fille dont il rêvait –Sang de bourbe aux cheveux en bataille, cernes, intéressée uniquement par les livres, et un peu coincé sur les bords…- mais elle était plutôt mignonne. Quant à lui, au niveau des filles, il avait beau être riche et de sang pur, ce n'était pas la joie. Il avait eu quelques nuits palpitantes mais rien de plus. Il espérait cependant changer les choses. D'années en années il avait mûri, grandi, il avait changé en apparence comme en caractère. Déjà, il n'était plus trouillard et avait même le sens de l'aventure. Il n'aurait pas survécu longtemps, sans ça...
Il savait se faire respecter et se fichait bien des personnes en travers de son chemin, il s'était aussi fait des muscles, sûrement à force de servir son père dans des tâches dangereuses… Il était plus indépendant, aussi. Il avait eu des disputes violentes avec son père dernièrement, refusant d'être soumis, détestant les règles et plus que tout la dépendance. Mais pour le moment, le Seigneur des Ténèbres ne lui prêtait pas attention et il était soulagé. Il avait donc pris plus d'assurance depuis qu'il avait dit non à son père pour une soumission totale. Aussi, il avait son intelligence qui s'était développée. Cela ne l'amusait plus de ridiculiser Potter, Weasley et Granger. Pansy avait d'ailleurs changé de groupe d'amis depuis longtemps, voyant qu'il avait changé et que leur relation ne serait jamais rien de plus qu'amicale. Quand à Crabbe et Goyle, il avait compris qu'il n'avait plus besoin de deux espèces de gardes du corps pour se faire respecter. Bref, Drago Malefoy avait changé mais restait arrogant, prétentieux et assuré. Il restait un Malefoy, tout de même. N'importe qui travaillant au ministère frémissait en entendant son nom de famille. Il voulait donc profiter un maximum de cette nouvelle année pour que les filles se mettent à le remarquer, et il était heureux de constater que cela commençait déjà, avec deux conquêtes auxquelles il ne repenserait plus jamais à présent. Et il continuerait. C'était certain, il continuerait. Mais Granger l'énervait… Elle le prenait pour un gamin alors qu'il avait 17 ans, elle lui répondait, n'avait pas peur de lui, et ne se sentait pas vexé lorsqu'il la taquinait méchamment.
C'était du moins ce qu'elle laissait croire.
Hermione avait repris la lecture de son livre depuis bien longtemps, lorsqu'elle regarda l'heure. Dix-neuf heures trente. Elle avait hâte d'aller dîner dans la Grande Salle. Elle était plutôt triste en ce moment, car depuis qu'ils n'occupaient plus la même salle commune, Harry et Ron s'était un peu éloigné d'elle. Cela ne les empêchaient pas cependant de s'adorer toujours autant. Ron demandait souvent à Hermione si Malefoy ne lui gâchait pas trop la vie, et elle répondait que de toutes façons elle savait se défendre seule. Mais, en fait… Elle aurait pu répondre que non : Malefoy ne lui gâchait pas trop la vie. Oui, pour la toute première fois, Drago Malefoy n'était pas constamment sur son dos à l'insulter. L'année dernière, jamais elle n'aurait soigné Malefoy, pour rien au monde. D'ailleurs, ce serait un épisode de sa vie qu'elle se garderait bien de raconter à qui que ce soit. Mais elle avait déjà fait des constats avec ses amis : Malefoy avait abandonné les surnoms tels que « Sang-de-Bourbe », « le Balafré », « le Saint Potter », « la Belette » et « Weasmoche »… Les garçons supposaient simplement qu'il devait avoir grandit « Bien que Malefoy n'atteindra jamais plus de maturité, c'est certain ! » avait sagement déclaré Ron.
D'ailleurs, ce dernier ressentait une attirance pour elle, c'était évident, et elle ne s'en plaignait pas le moins du monde. Elle aimait Ron elle aussi, mais se sentait incapable de le lui dire...
D'ailleurs, elle avait remarqué que Ron n'était pas le seul garçon qui s'intéressait à elle à Poudlard. Deux garçons de Serdaigle, qui étaient aussi bornés que Fred et Georges et aussi solidaires, la draguaient, c'était une évidence. Mais elle n'aimait pas Edward et Alex, bien qu'ils ne manquaient pas de charme, mais leur popularité et la perspective de passer dans leur lit après à environ toutes les autres filles de l'école ne l'enchantaient guère. Ron ne cessait de pester sur eux et de leur envoyer des regards noirs.
Elle chassa toutes ces pensées de son esprit, ferma son livre, se leva et décida de prendre une douche avant de rejoindre ses amis dans la Grande salle.
Elle ouvrit sa porte et entra dans sa salle commune, et elle entendit... de l'eau couler en provenance de la salle de bain. Mince, pile au moment ou elle voulait faire quelque chose, Malefoy la devançait. Décidément, elle ne supporterait jamais cet idiot. Elle se rappela que de toutes façons, elle avait son livre de médecine magique qu'elle avait oublié dans la salle de bain et qui traînait sur le lavabo depuis des jours. Elle ouvrit la porte de la salle de bain, prit son livre, et au moment où elle allait refermer la porte, l'eau s'arrêta de couler. Ah, il avait dû l'entendre, il avait sûrement terminé. Elle ferma tout de même la porte, car elle ne tenait pas à voir Malefoy nu. Elle entendit derrière la porte la douche s'ouvrir, et des bruits de pas. Son caractère aimable la força tout de même à dire ces mots derrière la porte :
-Ce n'était pas la peine de sortir de la douche pour moi, tu pouvais continuer tu sais !
Avant même qu'elle dise un mot de plus, la porte s'ouvrit à la volée, dévoilant un Malefoy vêtu uniquement d'une serviette à la taille, l'air amusé.
-Parce que tu étais en train de caresser le doux rêve que je puisse arrêter de me laver pour toi ? Désolé de te décevoir Granger, je sortais uniquement pour prendre le savon sur le porte serviette.
Il avait dit tout ça avec un grand sourire satisfait, comme heureux d'assurer à une personne qu'elle s'était totalement trompée.
Hermione le regarda avec un air de profonde pitié.
-Le pire, c'est que tu ne te rends même pas compte que tu es pathétique dans tous tes actes, Malefoy…
Puis elle rentra dans sa chambre, sans même lui prêter attention, alors qu'il était furieux. Furieux qu'une fois de plus, elle ait pris le dessus ! Et puis… Un sentiment qu'il ne ressentait que depuis qu'il cohabitait avec Granger : Il se sentait rabaissé, ridiculisé… Quel… Quel sentiment ignoble ! Il ressentait une frustration démesurée, ainsi qu'une profonde envie de prouver à cette personne idiote qu'il n'était pas ce qu'elle avait dit de lui. Il avait envie de tout casser dans la pièce, d'exploser tous les moindres recoins… Faire quelque chose qui le libérerait de ce sentiment si énervant.
