Prince des Glaces

Chapitre 1

Ils luttaient depuis des jours lorsque les portes du palais cédèrent sous les impacts conjoints des armes des Asgardiens, de leur magie et de la puissance physique brute de leurs chevaux.

La guerre avait commencé avec l'arrivée au pouvoir du nouveau roi Jotun, quelques siècles plus tôt.

Elle avait été larvée d'abord.

Les soldats des glaces n'avaient fait que quelques incursions sur Midgar, de manière épisodique, et n'avaient jamais ennuyés les populations mortelles sur place. Alors Odin, jeune roi lui aussi, avait laissé couler.

Avec les siècles, les jotuns étaient devenus plus hardis, plus déterminés. Ils ne se contentaient plus de tuer quelques bêtes et de repartir ou de vider à moitié un lac de ses poissons avant de rentrer chez eux.

Ils avaient fini par venir en force, Laufey à leur tête, Cassette de l'Hiver en main, pour semer la mort et la désolation parmi les primitives créatures qu'étaient les humains.

Odin n'avait pas pu laisser passer ça. Comment ces pauvres choses qu'étaient les mortels, à peine plus évolués que des singes, auraient-ils pour se protéger des Jotnar ? C'était impossible. Alors malgré sa famille qui venait de s'enorgueillir d'un nouvel ajout et son envie de rester auprès de sa jeune et belle épouse, Odin avait fait résonner l'Ost.

Les guerriers Ases étaient arrivés de tout Asgard pour participer à la guerre. Ils étaient jeunes, ils n'avaient plus connu de vraie guerre depuis celle contre les elfes noirs de Malekith.

Il y avait eu quelques escarmouches bien sûr. Mais rien que des guerriers accomplis comme les ases puissent appeler une guerre.

Alors ils avaient foncés tête baissée sans réfléchir, sans soucier du pourquoi, juste pour avoir les mains couvertes de sang et des trophées à mettre aux murs.

Les jotuns avaient résistés de leur mieux, ils s'étaient battus avec une férocité remarquable mais ils n'étaient pas des guerriers à la base. Ils pouvaient créer des lames de glaces bien sûr. Mais elles leur étaient autant utiles pour creuser des trous dans la banquise pour pécher quelque poisson que pour égorger un guerrier ennemi.

Les Ases les avaient chassés de Midgar. Ils avaient reculés, lentement, jusqu'à etre acculé dans le palais des glaces.

Nombreux étaient ceux qui avaient réussi à fuir et à se cacher dans les innombrables grottes de la planète avec leurs familles et leurs enfants. Les Ases ne connaissaient finalement rien des jotuns. Ils ne voulaient rien en savoir. Ils étaient juste des brutes sans cervelles qui se baladaient au trois quart nu sans la moindre pudeur et qui tuaient pour le plaisir. Pourquoi un Asgardien se poserait-il d'autre question sur ces créatures dangereuses et sadiques ?

Les portes du palais étaient tombées. Des cadavres de jotuns jonchaient le sol. Des corps d'ases finissaient de geler dans les coins. Et le bruit des armes s'étaient petit à petit tu.

« - Rends toi, Laufey. »

Le roi de la glace, vaincu, au sol, jeta un regard noir à son adversaire. Odin ne tenait debout que par pur obstination, Laufey le savait, mais il était trop blessé pour en profiter et tuer le roi d'Asgard. Un coup chanceux avait arraché un œil à l'ase mais l'épuisement qu'il voyait chez le roi n'était pas dû qu'au combat qu'ils venaient de mener.

Laufey se rendit.

Son orgueil lui hurlait de combattre encore, de mourir au combat. Mais il n'était pas seul. Il fallait qu'il pense d'abord à Jotunheim, a ses enfants…. Son compagnon était mort quelques jours avant en protégeant un groupe d'enfants qu'il avait pu mettre à l'abri avant de succomber à ses blessures.

« - Cessons là cette folie. » insista Odin.

Laufey leva les mains.

Le soulagement d'Odin fut palpable.

« - Majesté…. »

Un soldat se rua vers son roi pour le soutenir.

La guerre était finie.

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Laufey ne s'était pas assis sur son trône.
Il était certes vaincu, mais il restait un roi. Il était resté debout.
Odin n'avait pas pris davantage place sur le trône de glace.

A présent, l'heure était aux négociations.

Près de Laufey, ses deux fils ainés lui servaient de conseillers autant qu'ils étaient là pour apprendre. Un jour prochain, Byleist prendrait sans doute sa place s'il vivait jusque-là. La vie était rude à Jotunheim.

Le visage d'Odin avait été pansé mais la fatigue était toujours là. Il était même have et presque décharné par la fatigue.

Tous les Ases semblaient autant épuisées qu'effrayés. Sans cette fatigue, ils n'auraient pas perdu autant d'hommes, c'était évident. Les jotuns n'avaient été que quelques centaines. Les Ases ? Des milliers. Pourtant, ils avaient eu du mal à les vaincre. Pendant longtemps, le combat avait été indécis.

Laufey s'en était étonné. D'accord, ils devaient avoir froid. Mais au point de s'épuiser ? Jusqu'à ce qu'il entende deux mots répétés encore et encore, de bouche en bouche, sans qu'ils ne les comprennent. Il y avait de la terreur dans la voix des Ases qui le prononçaient.

« Le fantôme »

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Odin avait été quelque part heureux de cette guerre contre Jotunheim. Il allait pouvoir prouver sa valeur à son peuple, il allait pouvoir laisser son nom dans l'histoire comme son père Bor avant lui en libérant les royaumes de la menace d'une oppression quelconque.

Chasser les jotuns de Midgar avait couté cher en vies mais finalement, n'avait pas été si compliqué. Il avait suffi d'en tuer assez pour qu'ils reculent. A croire qu'ils s'inquiétaient les uns pour les autres et que voir leurs amis mourir les mettait dans la plus noire détresse.
Quelle idée ridicule ! Tout le monde savait que les jotuns n'étaient que des monstres sans émotions.

Puis ils les avaient repoussés jusqu'à Jotunheim. Ils avaient continués à les chasser, à les tuer, comme on extermine des chiens enragés, juste parce qu'ils aimaient la chasse. Petit à petit, Odin avait été écœuré par la soif de sang des siens. Les jotuns se défendaient pour tenter de protéger leurs vies et leurs familles.

Odin n'avait rien contre le fait de se battre contre des guerriers. Mais tuer des familles ? Des enfants ? Il avait été écœuré.

Mais il avait laissé faire, parce qu'on ne laisse pas un monstre en vie, même une fois qu'il s'est recroquevillé dans son trou.

Puis le fantôme était apparu.

Personne ne savait ce que c'était. Certains Ases hurlaient à la magie noire, d'autres disaient que ce devaient être les dieux de Jotunheim qui se vengeaient. Certains ne savaient pas mais se réveillaient au matin pour hurler de terreur en trouvant, à moins d'un mètre d'eux dans leur tente leur voisin et ami déchiqueté par une force aussi silencieuse que mortelle.

Le fantôme ne venait que la nuit. Peu importait que vous soyez seul ou dix dans une tente. Il pouvait tuer un homme ou trente dans la même nuit. Personne ne voyait jamais rien, personne n'entendait rien. Le guerrier allait se coucher et au matin, sa couche n'était plus qu'une immonde mare de sang, de chair et de viscères.

Mais le pire était la tête.

Toujours, elle était posée sur le haut de la couchette de campagne, presque respectueusement, le visage toujours déformé par un rictus d'abjecte terreur.

Les ases avaient vite arrêté de dormir. Le fantôme ne venait que pour ceux qui dormaient, sans se soucier de grade, d'origine ou de fonction.

Le fantôme tuait l'ennemi des glaces et le tuait de la plus terrible des façons.

La peur avait commencé à s'insinuer dans le cœur des ases.

Ils pouvaient gérer le combat, ils acceptaient la mort sur la lame de leur adversaire. Mais ça ? Ce n'était pas une mort honorable.
C'était une mort rouge masquée qui rampait la nuit et les dévorait les uns après les autres sans que personne ne soit capable de l'arrêter ou simplement, de savoir ce qu'elle était.

Les Ases avaient peur.

Les derniers jours de leur campagne contre Jotunheim avaient été aussi fébriles que terrifiés. S'ils n'avaient pas réussi à abattre le palais comme ils l'avaient fait, Odin savait qu'il aurait dû sonner la retraite sur Asgard. Ses hommes avaient trop peur du fantôme de la mort rouge.

« - Laufey…. La cassette est à nous… »

« - NON ! »

Il fallut la force conjointe des deux fils du roi pour le retenir. Les gardes autours d'Odin avaient sorti leurs armes mais attendaient, un peu fébrile, que leur seigneur leur dise quoi faire. S'ils avaient eu leur mot à dire, ils auraient éradiqués les monstres sans se soucier de rien d'autre.

« - Sans la cassette, Jotunheim va mourir. » Supplia Laufey. « Nous ne pouvons-nous séparer d'elle. »

Odin pinça les lèvres.

Ainsi donc, la Cassette était la pierre-cœur de Jotunheim ? Asgard aussi en avait une. Chaque Royaume avait une pierre-cœur. Pour que Laufey l'ai utilisé sur Midgar, il fallait qu'il soit vraiment désespéré.

« - MAJESTE ! ON L'A ATTRAPE ! »

Odin se redressa à moitié. Attrapé qui ?

« - Qui ? »

« - Le Fantôme. »

Odin bondit.

Laufey et ses fils, après un instant d'incompréhension le suivirent. Le fantôme ?

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C'est son sourire qui frappa d'abord Odin. Un sourire à la fois doux, cruel, dangereux, empli d'amusement et d'une sensualité en même temps qui promettait les plus infinis plaisirs autant que les pires souffrances.

Puis le roi d'Asgard remarqua sa taille.

La créature, enchainée entre deux guerriers lourdement armés et tenue en respect par une vingtaine d'autre était bien un Jotun.

Pourtant, il était à peine plus grand que lui.

Là où la peau des autres géants des glaces était dure et épaisse, la sienne était visiblement fine et douce comme celle d'un Ase. Les lignes claniques étaient presque argentées, les yeux d'un carmin profond et le visage aussi fin et délicat que ses cornes étaient aigues en partant à l'assaut du ciel.

A son corps défendant, Odin ne put que penser que ce Jotun, qui qu'il soit, était magnifique.

Même avec le sang qui coulait sur sa peau, il était aussi splendide que visiblement dangereux.

« - Ho, bonjour mère. »

Odin frémit. Et cette voix…. Doux, langoureuse, caressante et pourtant si âpre et si dure…

« - Loki…. »

La voix de Laufey était aussi sombre que celle du petit jotun était joueuse. Pourtant, s'il n'y avait pas eu de colère jusque-là sur le visage du petit prince, comme s'il se fichait d'être tenu en respect par la moitié de l'armée d'invasion, il y avait à présent une haine farouche qui fit frémit encore Odin. Mais de malaise cette fois.

« - Laufey ? »

« - Loki est mon troisième fils. Comme vous le voyez il est…. Différent. »

« - Soyez honnête, « mère » » et le terme même était une insulte sur sa langue. « Je suis un avorton répugnant que vous prendriez plaisir à voir mourir. »

Une douleur évidente passa sur le visage de Laufey.

« - Loki, s'il te plait…Pas ici. Pas maintenant. »

Loki renifla avant de se désintéresser de sa génitrice. Le regard qu'il posa par contre sur ses frères était plus doux, visiblement affectueux. Mais si Laufey avait lui un tout petit peu de tendresse pour le tout petit Jotun, ce n'était pas le cas de ses deux fils ainés. Le dégout qu'ils avaient pour leur benjamin était douloureux à voir.

« - Tyr ? Qu'est-ce que ça veut dire ? »

Le général passa difficilement entre les soldats qui tenaient en respect Loki. Odin ne cessa pas une seconde d'observer le fauve en habit de Jotun qui souriait encore tout en jouant des muscles dans ses liens tout en écoutant le rapport de son général. C'était presque comme s'il dansait contre les cordes. Comme s'il les utilisait comme accessoire pour une exhibition qu'il était seul à reconnaitre comme tel.

« - Ce….Jotun….est le responsable des morts de ces derniers jours. »

La surprise de Laufey était totalement sincère quand il ouvrit de grands yeux.

Un peu boudeur, Loki s'était finalement mis à jouer avec une de ses tresses.

Si quelqu'un pensait encore que les jotuns étaient juste un peuple de brutes sans cervelle, un coup d'œil au minuscule prince des glaces était suffisant pour balayer cette pensée. Si lui aussi portait un page, le sien était dans un tissu souple et fin, rebrodé d'or et décoré de perles et de dessins fait à l'aiguille avec des fils qui devaient être en or et en argent. Il portait aussi un petit boléro en fourrure grise. Sans doute celle d'un loup. Des bracelets d'or et d'argent couvraient ses bras, ses chevilles, ses poignets et ses biceps pour former des patterns compliqués mais visiblement étudié. Rien n'était accidentel dans sa tenue. Pas plus les boucles d'oreilles en rubis que le petit filet d'or et de perles qui retenait ses cheveux en arrière. Il était aussi le premier Jotun avec des cheveux qu'Odin voyait. Sa crinière noire lui tombait plus bas que les fesses alors même que ses cheveux étaient nattés, tressés et même tissés avec d'autres bijoux. Le moindre mouvement de tête du petit prince rendait un son cristallin à cause des innombrables perles d'or et de glace qui tintinnabulaient sur son front au moindre geste.

Si un Jotun normal était l'image de la force et de l'exotisme pour un Asgardien, celui-là était celle de la sensualité animale, du danger et de la féérie.

Le roi d'Asgard fronça les sourcils.
Cette petite chose avait tué à lui seul près de deux cents guerriers en moins de deux semaines ? Était-ce simplement possible ?

« - C'est une plaisanterie, Tyr ? »

« - Majesté, le sang sur lui est celui de Végun. »

Un hoquet de surprise passa d'Ase en Ase. Végun était un guerrier aussi puissant que dangereux. Il était LE guerrier dans toute sa définition.

« - Il est… »

« - Mort ? Non. Les guérisseurs tentent de remettent ses boyaux dans leur emballage d'origine mais je doute qu'il survive. Et si même il y parvenait, il lui a tranché les reins. Il ne pourra plus jamais marcher. Il serait plus miséricordieux de l'achever. »

Et Odin ne quittait pas du regard le petit Jotun qui ne le lâchait pas des yeux non plus. Il n'y avait pas de triomphe dans les yeux de la petite créature bleu malgré son sourire satisfait. Il n'y avait qu'une pure détermination adamantine. Celle d'un homme qui protège son foyer comme il peut même s'il n'est pas un guerrier.

Odin avait souvent vu ce genre regard dans les yeux des hommes du commun que des pillards attaquaient de loin en loin. Ils n'avaient qu'une fourche pour protéger épouse et enfants, mais ils étaient plus dangereux qu'un blaireau acculé.

C'était le même genre de regard. Un regard farouche, déterminé, dangereux et purement destructeur pour celui qui oserait l'attaquer.

Ce petit jotun était plus dangereux que Laufey.

C'était une certitude.