1. En route pour la Colonie...

Mon cauchemar commençait de la façon suivante:

J'étais en haut d'une colline, face à une magnifique vallée. Devant moi, des bosquets d'arbres, une rivière qui serpentait autour d'hectares de fraises déployés sous le ciel bleu. En face, la vallée se prolongeait jusqu'à l'océan. Entre moi et la rive bleue, le paysage était parsemé de bâtiments dont l'architecture rappelait la Grèce Antique.

J'étais à l'endroit que je préférait au monde : la Colonie des Sang-Mêlé.

Jusque là, rien de cauchemardesque, me direz-vous. Sauf que la Colonie que j'avais en face de moi était légèrement différente à celle de mon souvenir : les fraises étaient peu nombreuses, les feuilles moins vertes, les pégases volants absents. Personne ne jouait sur le terrain de volley ou se promenait à la lisière des bois. Tout était silencieux. Pire : le pin de Thalia, à côté duquel je me tenais, était morne, triste, et ne dégageait plus cette aura de tranquillité habituelle.

La scène de mon rêve changea : j'étais maintenant dans la Grande Maison, où Chiron et Dionysos, le directeur de la Colonie, étaient en grande conversation.

- Monsieur D. cet arbre a été empoisonné, et nos défenses se voient affaiblies ! disait le centaure. Sans la protection magique qu'il nous offre, nous sommes perdus !

J'ai cru mal comprendre. Mais Chiron ne pouvait que faire référence au pin de Thalia. Qui avait été empoisonné, apparemment. Thalia. Ma meilleure amie, ma grande sœur, ma salvatrice... Elle était déjà morte pour nous protéger, Luke et moi. Maintenant, elle était sur le point de mourir à nouveau ! Je ne pourrais pas supporter de la perdre une nouvelle fois.

- Je suis certain que c'est de l'œuvre de Cronos, continua Chiron. Il doit avoir un complice parmi les habitants de cette Colonie...

- C'est ce que je pense aussi, répondit le dieu du vin. Un traître. Quelqu'un qui aurait envie de rejoindre le Seigneur des Titans ! Quelqu'un dont la résurrection de Cronos profiterai amplement !

- Vous avez un suspect en tête ?

- Je crois que lorsqu'on a perdu un être cher, on serait prêt à tout pour le récupérer !

- Monsieur D...

- Comme lorsqu'on a perdu un père ! cria Dionysos.

Chiron resta sans voix.

Au début, je n'ai pas capté l'accusation du dieu. Qui avait perdu un père ?

Puis ça me revint : Chiron était le fils de Cronos, on l'avait tous appris en cours d'Histoire Grecque. Dionysos était en train de dire qu'à cause de ce lien de sang, Chiron voudrait voir Cronos renaître, et détruire l'Olympe ! Alors que le centaure était le premier à nous défendre, nous, demi-dieux. Il avait été le premier à me dire que malgré les apparences, les dieux s'occupaient de nous. L'année dernière, il avait promis qu'on traquerait Luke pour l'empêcher d'aider le Seigneur des Titans ! Jamais il ne servirait la cause de Cronos, je le savais. L'accusation n'avait aucun fondement.

- Vous avez une semaine pour faire vos bagages et vous en aller, Chiron, le temps que je désigne un nouveau directeur des activités.

Là dessus, je me suis réveillée.

º-º-º-º-º

Je m'empressai de m'habiller et de descendre pour le petit déjeuner. Il fallait que je rentre à la Colonie, et vite. L'heure était grave.

Dans la cuisine, mon père discutait avec ma belle-mère, qui préparait des crêpes. Nous étions à quatre jours de la fin des cours, donc de mon retour prévu à la Colonie.

- Papa, ai-je commencé. Tu sais que toute l'année, j'ai été très bonne en cours. J'ai toujours eu des notes excellentes.

- Sauf en littérature, a pointé mon père.

- Sauf en littérature, ai-je du admettre. Mais on en a déjà parlé ! C'est à cause de ma dyslexie !

- Je sais, Annie.

J'ai passé outre l'utilisation du surnom, et j'ai continué ma plaidoirie :

- Bon... J'ai été très bonne élève toute l'année, et toutes mes notes sont excellentes...

- Tu as quand même raté l'examen de maths le plus important à la fin du deuxième trimestre !

- Il y a eu une attaque ! ai-je protesté une nouvelle fois. Sans le Chien des Enfers et l'empousai, j'aurais eu la note maximale !

- Je te taquine... me dit mon père, un grand sourire aux lèvres.

De l'autre côté de la table, ma belle-mère éclata de rire.

- Annabeth, ton père ne comprend pas. Moi oui. Qu'est-ce que tu veux demander, comme service ?

J'ai hésité, car aborder le côté « mythologique » de ma vie en face de ma belle-mère me mettait mal à l'aise. Elle a complètement mal interprété ma gêne. Avec un sourire terriblement niait, elle s'est écriée :

- Tu veux sortir avec un garçon pour la fête de fin d'année ?

- QUOI ?! avons crié mon père et moi.

Puis la conversation avec le moins de sens de l'histoire a commencé :

- Annabeth, tu ne cois pas que...

- Mais ça va pas ! Je voulais juste...

- ...treize ans c'est...

- ...savoir si je pouvais partir...

-... un peu jeune, quand même, pour...

- ...quelques jours avant...

- ... sortir avec des garçons !

- ... pour la Colonie !

S'en est suivi un long silence. Ma belle-mère a repris la parole :

- Donc tu ne veux pas de rencard pour la soirée de fin d'année ? (Elle avait presque l'air déçue.)

- Non, ai-je dis. En plus, on ne peut y aller qu'à partir de la troisième. Moi, je veux partir tout de suite à la Colonie.

- Tout de suite ? a demandé mon père. Du genre, tout de suite, maintenant ?

- Ben pas maintenant, mais après le petit déjeuner, oui. De toutes façons, mon sac est déjà prêt ! (Ce qui était faux, mais je savais déjà ce que j'allais prendre)

Mes parents se sont regardés, on j'ai eu l'impression qu'il communiquaient silencieusement. Alors que mon père allait prendre la parole, mes demi-frères ont déboulé dans la cuisine, en faisant le plus de bruit possible. Comme deux tornades, ils se sont installés de l'autre côté de la table.

Ma belle-mère leur a servit des crêpes, et est restée près d'eux. Je lui étais reconnaissante de me laisser discuter seule avec mon père.

- Annie... Pourquoi tu veux partir aujourd'hui ? Tu ne peux pas partir dans une semaine, comme prévu ?

Le sujet était délicat, on le savait. Toute l'année, après chaque attaque, on essayait de ne pas en parler. Je priais (façon de parler) pour que les monstres ne décident pas d'attaquer la maison. Ma belle-mère ne me le pardonnerait jamais. Moi non plus, d'ailleurs. Je ne voulais qu'il arrive quelque chose à Mathieu, Bobby ou mes parents. Mais là, je devais l'aborder, le sujet.

Malgré moi, je lui racontai mon rêve. Je lui expliquai qu'il fallait que j'aille à New York le plus rapidement possible, que la Colonie avait besoin de moi. Il fallait que je parte.

Finalement, mon père accepta. Il savait que la Colonie était tout pour moi. Il fallait se rendre à l'évidence : même s'il ne me donnait pas l'autorisation de partir, je m'échapperai.

Pendant que ma belle-mère emmenait les jumeaux à l'école, je montai prendre mon sac. Il s'agissait du sac à dos Aqualand que j'avais récupéré l'année dernière, lors de ma quête avec Percy et Grover. Il n'était pas très beau, mais j'y tenais.

Dedans, j'avais mis ma casquette d'invisibilité des Yankees, une gourde de nectar, un carré d'ambroisie, deux drachmes d'or (les seules qu'il me restaient), mon portable, mon livre d'architecture et trois T-shirt de la Colonie. Je ne pouvais pas emporter plus d'affaires : j'allais sûrement devoir combattre pendant le voyage, et je m'imaginais mal le faire avec toute une valise.

J'allais sortir quand, au dernier moment, j'attrapai le dernier mail que m'avait envoyé Percy, que j'avais imprimé. Ensuite, mon père m'a emmenée à la station de bus, où je montai dans le premier qui prenait la direction de l'est.

º-º-º-º-º

Percy. Je mourrai avant de lui avouer, mais il m'avait manqué, et malgré tout ce qu'il se passait, j'avais hâte de le revoir.

L'année dernière, quand je l'avais rencontré, il m'avait paru insupportable. Il était lent d'esprit, il ne savait pas se battre, il était le nouveau chouchou de Chiron, il réduisait à néant mes espoirs qu'il soit Le demi-dieu que j'attendais... Bref, il avait tout pour me déplaire.

Mais finalement, nous étions partit tous les deux en quête, avec Grover, pour retrouver l'éclair de Zeus, dont Percy était le présumé coupable.

Je m'étais rendue compte que Percy n'était pas lent d'esprit, il avait juste un manque total de connaissances sur la mythologie grecque. Il avait appris à se battre comme s'il était né pour ça, il était le meilleur épéiste que je connaisse, après Luke. Il était plus courageux que nombre des demi-dieux de la Colonie.

Il faut croire qu'à force de frôler la mort ensemble, nous sommes devenu amis. À la fin de l'été, personne n'aurait pu se douter que Percy et moi nous détestions (plus exactement, que je le détestais) un mois plus tôt.

Au cours de l'année, nous avions échangé quelques mails, mais nous ne nous étions pas téléphoné : nous savions que cela ne ferais qu'attirer les monstres vers nous, et donc vers notre famille.

º-º-º-º-º

Ironiquement, mon bus allait jusqu'à Denver. La coïncidence m'a fait sourire : l'année dernière, nous avions fait escale à Denver nous y avions rencontré Arès.

Il fallait dire que le trajet, qui durait 17 heures, était bien moins drôle sans compagnons. Du coup, je passai mon temps à lire, somnoler ou regarder défiler le paysage. À un des arrêts, un monstre a essayé de m'attaquer. Je dis bien essayé car il s'est très vite fait pulvériser par mon poignard.

J'arrivai enfin à destination. J'y pris directement un train pour New York, où j'ai passé deux jours. Note pour plus tard : demander à Zeus la permission de voyager par avion. Je l'avais déjà fait, mais Percy m'avait contaminé : j'avais maintenant peur de me faire griller en plein vol, alors qu'a la base, une fille d'Athéna ne craignait rien.

Les deux jours de voyage furent interminables.

Je fis connaissance des autres voyageurs. Je dormis. Je tuai une horde de monstres à Chicago. Je rêvai une nouvelle fois de la Colonie. Je terminai mon livre j'en achetai un autre pendant l'arrêt à Cleveland, où trois autres monstres m'attendaient. Je m'inquiétai – encore – pour mon ami Grover, disparu depuis l'année précédente à la recherche du dieu Pan. J'achetai des sandwichs au wagon bar. Je pensai à la Colonie. Je dormis encore.

Finalement, je suis arrivée à New York vers six heures du matin. J'avais décidé de m'arrêter chez Percy, pour qu'on aille ensemble à la Colonie et pour le revoir plus tôt. Bizarrement, je me voyais mal rentrer à la Colonie pour la sauver sans Cervelle d'Algues.

Je pris un taxi pour aller de la gare au nouvel appartement des Jackson. Le conducteur n'a pas eu l'air de se formaliser de mon air de SDF, avec mes cheveux emmêlés et mes vêtements sales. À force de voyager dans une train, avec des monstres à mes trousses, mes cheveux étaient plein de feuilles et ressemblaient à un tas de paille.

Une fois chez Percy, à sept heures vingt-huit, je réfléchis à la manière de l'aborder. Comment lui expliquer ma présence ? J'espérai qu'il ait fait des rêves, lui aussi. Je me décidai à monter et sonner à sa porte. Puis je déclinai cette idée : comment expliquer à Sally – que je ne connaissais pas – pourquoi je débarquais chez elle à cette heure-ci ?

À sept heures trente-trois, j'étais à la fenêtre de Percy. Aujourd'hui, je suis incapable de vous dire pourquoi j'ai monté les escaliers de secours, mais je l'ai fait, avec ma casquette de Yankees sur la tête. Percy était à peine réveillé, et il sortait de son lit. Je dois l'avouer, j'ai regardé. Mais sans le faire exprès !

Toujours est-il que Percy n'était plus le petit garçon maigrichon qui était arrivé à la Colonie un an plus tôt, pleurant en appelant sa mère. Il avait maintenant des muscles plus développés.

Soudainement, il dirigea son regard vers moi – ou vers sa fenêtre. Un moment, je crains qu'il me repère, mais je me rappelai que j'avais ma casquette d'invisibilité sur la tête.

Cependant, je savais par expérience que même avec la casquette, mon ombre – quoi qu'atténuée - était repérable. Je n'avais jamais compris pourquoi, car les rayons du soleil ne devraient pas être perturbés par ma silhouette, invisible. Je me décidai donc à redescendre et à attendre Percy en bas.

º-º-º-º-º

Après une vingtaine de minutes, Percy a ouvert la porte de son immeuble, l'air contrarié. J'étais adossée à celui d'en face. Alors que je rattrapais Percy, celui-ci est arrivé à son arrêt de bus, et a salué quelqu'un.

Non, pas quelqu'un. Quelque chose. Percy avait salué un monstre qui mesurait près de deux mètres, qui était couvert de cicatrices, et qui n'avait qu'un œil. Un cyclope. Comme s'ils étaient amis.

À cause de cette chose, je n'ai pas pu parler à Cervelle d'Algues. Je me suis contenté de monter dans le bus sans toucher personne, ce qui n'étais pas gagné, et suis descendue en même temps que Percy et Machin, en face de leur collège.


Après plus de 7 mois, je suis de retour avec le deuxième tome du point de vue d'Annabeth!

Pour ceux qui viennent d'arriver: c'est basiquement "la Mer des Monstres" mais du point de vue Annabeth, et j'avais déjà fait ça pour "le Voleur de Foudre", Bien évidemment, pas besoin de lire ma première fic pour lire celle-ci (mais si vous voulez, vous pouvez! :D )

J'ai pris un peu d'avance sur l'écriture, pour ne pas vous faire attendre aussi longtemps entre chaque publication. Pour commencer, le vais publier toutes les deux semaines, le temps que je finisse l'écriture. Après je verrais si je passe à une fois par semaine.

Bref... Merci à tous ceux qui ont lu le premier tome et qui ont demandé le deuxième!