PROLOGUE
Le procès contre la famille Malfoy, visant à évaluer son rôle dans l'ascension de Voldemort, et la protection qu'elle avait accordé aux Mangemorts, avait débuté une semaine plus tôt. A la barre avaient défilé des témoins, qui avaient accusé tour à tour Lucius de meurtre, et Draco Malfoy d'actes de torture et de barbarie. Seule Narcissa était relativement épargnée, on lui reprochait essentiellement son indifférence, le crime de non assistance à personne en danger en fait. Les échanges – ou plutôt les diatribes des accusateurs – étaient abondamment relayées par la presse, la Gazette du Sorcier était même allée jusqu'à lancer un appel à témoin. Grassement rémunéré pour inciter les plus timides à parler… En réalité, le tribunal se retrouvait pris d'assaut par des sorciers qui n'avaient jamais eu affaire directement aux Malfoy, et ne savaient d'eux et de ce qui se tramait dans leur manoir que ce que les journaux en disaient. Ou pire, leurs informations provenaient de l'oncle de la cousine du meilleur ami de mon frère, quelqu'un digne de confiance, toujours.
Les juges écoutèrent avec une moue résignée et un certain agacement l'énième témoin de ce procès fleuve et cathartique. La cour se retrouvait partagée devant le spectacle navrant qui se jouait sous leurs yeux. Certains adhéraient totalement à l'image d'une famille malfaisante, coupable de tous les vices, et chaque témoignage confirmant ce portrait était accueilli avec bienveillance – quoiqu'avec lassitude. Mais la majeure partie des juges avaient cette désagréable impression – pire, une certitude – d'assister ou d'être les outils d'un lynchage. Les Malfoy étaient des boucs-émissaires, c'était très clair : ils étaient connus, riches, avaient été influents, n'étaient pas totalement innocents, cela allait de soi : les trois portaient la Marque. Mais pour les juges, leur seul vrai tort était d'être vivants – alors que nombre de Mangemorts avaient péri – et entre les mains du Ministère – alors que nombre de Mangemorts avaient fui. Le nombre ridicule des témoins, leurs gesticulations, les pressions médiatiques et politiques en faveur d'une punition exemplaire – avec des instructions – des recommandations – pour une peine de confiscation des biens des accusés… Des lâches qui jugent des salauds. La formule d'Auguste Nott avant son suicide spectaculaire était restée dans les esprits. Et les juges s'en souvenaient en écoutant la litanie des exactions soi-disant commises par les Malfoy.
Lucius, Draco et Narcissa Malfoy restaient assis droit sur leurs sièges, gardant une dignité que les témoins de l'accusation ne réussirent jamais à entamer malgré leurs imprécations. Lucius semblait à la fois hagard et résigné à la peine de prison qui serait très certainement son lot, mais de temps en temps il fixait son regard gris sur sa femme et son fils, et ceux qui le surprenaient à cet instant ne pouvaient que noter le faible espoir qu'eux au moins échapperaient à Azkaban. Narcissa peut-être. Mais Draco ? Lorsque ses yeux se fixaient sur le visage blanc de son fils, l'espoir disparaissait, il fermait lentement les yeux et reportait son attention sur le procès.
Après les innombrables témoins qui tenaient leurs informations de tiers, vinrent à la barre des témoins plus crédibles. Ollivander pour commencer. Oui, il a été détenu au manoir Malfoy. Oui, il a été torturé. Non, pas par les Malfoy directement. Par Vous-Savez-Qui. Non, les Malfoy ne l'ont pas aidé. Oui, leur hospitalité laisse à désirer. Non, il ne sait pas si les Malfoy ont exécuté d'autres prisonniers. Il était isolé des autres, il ne sait pas ce qui leur arrivait.
Après Ollivander, quelques autres sorciers qui furent détenus au manoir défilèrent. Oui, ils ont été torturés. Non, pas par Lucius. Par Bellatrix Lestrange et son mari, la plupart du temps. Et par Draco, quelques fois, sous la surveillance de Bellatrix Lestrange. Ou sur ordre direct de Vous-Savez-Qui.
Puis Dean Thomas fut appelé à la barre. Oui, il était retenu prisonnier. Il ne savait pas où il se trouvait, ce n'est qu'après sa libération qu'il a appris qu'il s'agissait du manoir Malfoy. Il est arrivé en même temps qu'Harry Potter et a été enfermé immédiatement. Il est aussi sorti très vite.
Puis Luna Lovegood témoigna. Ah oui, c'était une cave. Une cave bien entretenue, pas d'humidité et aucun Leprechaun dans les angles. C'est grâce à ce détail qu'elle a su qu'elle se trouvait chez les Malfoy. Mmh ? Ah non, elle n'a jamais eu de souci avec ses geôliers. Elle ne pouvait pas sortir, c'est tout. Ils ne lui ont jamais fait de mal. Oui, elle a vu Draco Malfoy durant sa captivité. Il venait chercher des prisonniers, et ce n'est jamais tombé sur elle. En effet, certains prisonniers ne sont pas revenus. Non, elle n'a jamais été torturée. En fait, c'est comme si personne ne la remarquait. Le sol était un peu dur pour dormir, mais à part ça, ça allait. La nourriture était excellente. Elle s'inquiétait surtout pour son père, voyez-vous. Elle espérait qu'il ne serait pas attaqué par les Licornes Grises d'Avalon en son absence, c'était toujours elle qui arrachait les marguerites dont ces bêtes raffolaient. Oui, c'est Harry Potter qui lui a permis de s'enfuir. Et Dobby. Oui, c'était un elfe de maison. Un elfe libre, pourquoi ?
Les juges levèrent les yeux au ciel après son témoignage, avant d'appeler – enfin – Le Témoin Idéal : Harry Potter. Lorsqu'il entra, un silence religieux tomba sur la haute salle ronde. Dans les gradins, les spectateurs – exceptionnellement, le procès Malfoy fut ouvert au public – se levèrent, et les juges durent se faire violence pour ne pas se lever également. Il n'y eut pas d'applaudissements, mais un léger brouhaha tandis que le public se rasseyait finalement. Les Malfoy avaient les yeux rivés sur lui. Lucius se prit à espérer, à nouveau… Mais Potter avait un visage dur, fermé, et presque méprisant. Il s'installa devant la barre, tournant le dos aux accusés. Puis l'interrogatoire commença.
Oui, Draco a permis l'entrée des Mangemorts à Poudlard. Non, ce n'est pas lui qui a tué Albus Dumbledore. Je le sais car j'ai assisté à la scène. C'est le professeur Severus Rogue qui l'a tué. Il l'a fait parce que Dumbledore le lui a fait promettre sous Serment Inviolable.
L'interrogatoire fut interrompu quelques minutes tandis que le public et la cour ingurgitaient cette information nouvelle. La principale accusation de meurtre pesant sur Draco venait de tomber. Le calme revenu, les questions reprirent.
C'est exact, Draco était chargé de tuer Albus Dumbledore. Il ne voulait pas, ou il ne pouvait pas. Je l'ignore. Non, c'est parce qu'il ne l'a pas fait que le professeur Rogue l'a fait à sa place. Je ne sais pas s'ils étaient pressés. Oui, je comprends, vous voulez m'entendre dire que s'ils avaient eu tout leur temps, Draco Malfoy aurait certainement changé d'avis et tué le directeur. Mais ce n'est pas ce qui s'est passé. Il ne l'a pas tué, qu'il n'ait pas pu, pas voulu ou qu'il n'ait pas eu le temps n'y change rien, il ne l'a pas tué dans les quelques minutes où il était censé le faire.
Oui, j'ai été capturé, avec Hermione Granger et Ronald Weasley, par les Rafleurs. Nous sommes arrivés au manoir Malfoy en même temps que Dean Thomas, et le gobelin Gripsec. Oui, j'étais soumis à un sortilège qui modifiait mon visage. Non, les Mangemorts ne m'ont pas reconnu tout de suite. Bellatrix Lestrange a demandé à Draco Malfoy de nous identifier. Je ne sais pas si Draco Malfoy m'a reconnu. Mais il ne pouvait que reconnaître Hermione et Ron, et en déduire mon identité. Il a dit qu'il n'était pas sûr. Il avait l'air… effrayé.
Exact, j'ai volé deux baguettes lors de notre fuite du manoir Malfoy. Celles de Draco Malfoy, et de Bellatrix Lestrange. Oui, c'est celle de Draco que je porte et que j'utilise actuellement. Oui, c'est avec la baguette de Draco Malfoy que j'ai combattu Voldemort. C'est d'ailleurs grâce à ce vol que j'ai pu le vaincre. Parce que Draco Malfoy a désarmé Albus Dumbledore, et s'est de ce fait rendu maître de sa baguette. Voldemort a violé la tombe du directeur pour la récupérer. Parce que… c'était peut-être une satisfaction supplémentaire, de détruire sa sépulture et d'utiliser sa baguette pour faire le mal alors que Dumbledore l'utilisait pour faire le bien. Mais le vrai maître de la baguette de Dumbledore était Draco Malfoy, en lui volant sa baguette, j'étais assuré que la baguette que tenait Voldemort ne lui obéirait pas complètement. C'est ce qui m'a permis de vaincre. Oui, je l'affirme, c'est aussi grâce à Draco que j'ai pu gagner.
Narcissa Malfoy m'a sauvé la vie. Oui. Je me suis rendu à Voldemort, dans la Forêt Interdite. Il m'a lancé un Avada. J'ai survécu après une brève période de… je ne sais pas exactement. Une période d'absence. Lorsque j'ai repris connaissance, j'ai entendu Voldemort demander à madame Malfoy de confirmer ma mort. Elle s'est approchée, m'a demandé si Draco était vivant, je lui ai discrètement signifié que oui. Elle a alors menti, elle a prétendu que j'étais mort en sachant que je ne l'étais pas. On m'a ramené à l'école comme preuve de sa victoire, ce qui m'a permis de reprendre le combat contre lui, pendant que les autres s'occupaient des Mangemorts. Si elle n'avait pas menti, Voldemort m'aurait tué. Définitivement. Non, je ne voudrais pas tenter ma chance une troisième fois, mademoiselle Ombrage.
Lucius Malfoy ? Je ne sais pas. A part durant les évènements du Département des Mystères, je n'ai pas eu affaire à lui. Je ne sais pas, non. Il a déjà été jugé pour cela. Non. Je ne sais pas. Je ne sais pas. Je l'ignore. Ce que je suppose n'a pas d'importance, mademoiselle. Peut-être, mais la vérité, c'est que j'ignore si Lucius Malfoy procédait à des tortures ou à des meurtres sur les prisonniers détenus à son manoir.
D'autres questions furent posées, des questions auxquelles les témoins qui furent rappelés à la barre ne purent répondre que par des suppositions et des hypothèses. Les juges furent bien obligés de les écarter – si les suppositions d'Harry Potter n'avaient pas d'importance, celles des autres témoins en avaient encore moins. Son témoignage eut le mérite d'assainir au moins ce point.
Le procès fut ajourné, le temps de délibérer. Le verdict tomba quelques jours plus tard, en présence des représentants du Ministère, des journalistes, du public, des derniers membres de l'Ordre du Phénix, et de la famille Malfoy, évidemment.
Aucune charge nouvelle ne fut rajoutée au casier judiciaire de Lucius Malfoy, il lui faudrait cependant retourner en prison pour purger le restant de la peine prononcée à son encontre lors de l'affaire du Département des Mystères.
Contre Draco Malfoy, les charges d'actes de tortures et de barbarie furent retenues, mais avec les circonstances atténuantes suivantes : actes commis sous la contrainte, aide certes involontaire mais décisive dans la victoire finale, et excuse de minorité. La peine fut la privation temporaire de ses droits à posséder une baguette magique, et interdiction de quitter le territoire.
Aucune charge ne fut retenue contre Narcissa Malfoy, elle était donc libre.
Un dernier coup de maillet mit un terme au procès de la famille Malfoy, à peine audible dans le tumulte provoqué par le public outré de ces peines perçues comme indulgentes. Dans le chaos, des Aurors et les quelques membres de l'Ordre du Phénix conjuguèrent leurs efforts pour tenter de ramener le calme dans la salle et évacuer la famille Malfoy sans incidents.
