Coucou à tous!
Eh oui, après une petite "pause" dans l'inspiration, caly revient avec une fic sans prétention sur notre duo favori! (je tiens d'ailleurs à remercier les derniers reviewers qui ont commenté récemment mes autres textes, vous êtes vraiment des amours )
Cette fic comptera 6 chapitres) et n'est pas du tout spoiler; en fait, cette mini histoire n'est rattachée à aucun fil rouge majeur de la série. L'intrigue policière (pour laquelle je ne suis pas du tout douée) ne sera qu'en arrière plan, accordant le devant de la scène à nos deux chouchous en pleine forme!
Alors en réécoutant l'autre jour deux musiques cela m'a inspiré une saynète sympathique entre Jane et Lisbon: et si nos enquêteurs, pour le besoin d'une affaire, s'adonnaient à la danse? Que peut donner une danse "en couple" avec un emmerdeur comme Patrick Jane?
Comme d'habitude, je ne peux m'empêcher de faire la part belle à l'humour (ben oui, on ne se refait pas..) et comme mes derniers textes étaient malgré tout assez "sombres" de par leur contexte, j'ai souhaité changer un peu de registre...par contre, pas de guimauve...juste cette relation à la fois drôle et touchante qui unit nos héros!
Lisbon, Jane, salsa, tango, effronterie et complicité...ça donne CA!
Je me suis permise de broder un peu autour du passé de Lisbon: pour moi cette petite brunette au tempérament de feu logeant pas très loin du Mexique pourrait fort bien avoir un peu de sang latino dans les veines! Donc...à voir!
Bonne lecture à tous: la suite sera postée régulièrement si cela vous plait…
NB: le professeur de danse de cette fic rend hommage au magistral personnage joué par Antonio Banderas dans le superbe film Dance with me . Je ne peux voir que lui dans cette scène...mais il n'y a aucun autre lien avec le film, donc pas de problème si vous ne connaissez pas
Chapitre 1 : dancing or not dancing ?
Un air de salsa s'élevait dans la grande salle d'entrainement dont les murs étaient ornés de miroirs éclatants. Au centre de la pièce, plusieurs couples de danseurs évoluaient au rythme de la musique et des indications ponctuées par Pierre Dulaine, le célèbre professeur de danse de salon qui animait ce prestigieux cours réputé dans toute la Californie. Les bruits de pas sur le parquet ciré impeccable témoignaient du sérieux avec lequel tous les apprentis se prêtaient plus ou moins gracieusement à leur tâche artistique : certains étaient déjà d'un très bon niveau, à en juger les figures de plus en plus complexes qu'effectuaient plusieurs danseurs. D'autres à l'inverse paraissaient beaucoup plus novices. C'était le cas par exemple d'un étrange duo composé d'un homme blond élégant et d'une jeune femme brune vêtue d'un chemisier blanc et d'une longue jupe noire très sobres. Tous deux avaient justement l'air de peiner à exécuter correctement le pas de deux imposé.
« Aïe… Bon sang Jane, vous ne pouvez pas faire attention ! râla pour la énième fois la brunette qui avait le malheur d'avoir le mentaliste comme partenaire du moment.
- Désolé ! » se contenta de répéter Jane en reprenant timidement la pose.
Vêtu de son habituel costume trois pièces bleu, le consultant tentait désespérément de danser une salsa cubaine avec une Lisbon excédée qui s'était reculée et se tenait à présent les mains sur les hanches pour réprimander son partenaire.
« Cela fait la cinquième fois que vous me marchez sur les pieds, à croire que vous le faites exprès ma parole !
- Ce serait très puéril!
- Ce serait surtout très « Janien » ! rétorqua Lisbon tout en attrapant de nouveau la main dudit Jane.
- Et puis je vous avais prévenue que j'étais un piètre danseur, murmura confus l'homme blond qui reposa néanmoins sa main gauche sur la taille de la jeune flic pour reprendre la danse interrompue
- Ça je le vois merci ! déplora Lisbon. Mais dois-je vous rappeler qui a eu la brillante idée de prétendre prendre des cours de danse ici ?
- Voyons, je vous ai déjà expliqué que c'était le meilleur moyen de trouver notre assassin, dit-il à voix basse alors qu'ils avaient repris leur salsa plus qu'hésitante. Tous les indices nous mènent à cette école où la victime fréquentait régulièrement le cours Dulaine.
- Je regrette amèrement d'être revenue si tôt de New-York ! Quelques jours de plus et je n'aurais rien eu avoir avec cette enquête… » déplora la brunette en levant les yeux au ciel tandis que Jane esquissa un petit sourire tout en faisant tournoyer sa partenaire.
En effet, une semaine plus tôt le CBI avait hérité d'une nouvelle affaire de meurtre : une jeune femme avait été retrouvée poignardée, abandonnée dans un jardin public du Sud de Sacramento. Cho avait été officiellement chargé de l'affaire étant donné que Lisbon, en tant que chef d'équipe, avait dû se rendre trois jours à New-York pour assister à un congrès obligatoire sur les forces de l'ordre et leur implication politique. L'agent asiatique s'était montré professionnel et efficace, comme à son habitude, loyalement secondé par ses trois collègues qui s'étaient répartis les tâches. Ils avaient alors découvert que la victime, Ellen Marshall, menait une vie en apparence bien paisible, partageant son temps entre son métier de coiffeuse et sa passion pour la danse de salon. Rien dans la vie de la jeune femme n'aurait laissé présager de prime abord une fin si terrible. Alors que Van Pelt et Rigsby étaient venus interroger les membres du cours Dulaine, Cho et Jane s'étaient quant à eux intéressés à la vie professionnelle de la victime. Etrangement Cho avait décidé de faire équipe avec le mentaliste, souhaitant sans doute garder un œil sur l'intenable consultant qui avait la fâcheuse habitude de provoquer des incidents. Surtout quand Lisbon n'était pas là pour le modérer quelque peu...
Après plusieurs jours d'investigation, l'équipe n'avait que très peu avancé mais l'instinct de Jane avait encore une fois parlé. Selon lui, tout était lié aux prestigieux cours de danse que suivait Ellen Marshall. Il avait alors eu la brillante idée d'infiltrer la classe du professeur Dulaine et avait eu pour cela besoin d'une partenaire…toute trouvée en la personne de Lisbon, fraichement rentrée de New-York!
« Rappelez-moi pourquoi j'ai accepté de m'embarquer dans cette galère ! geignit Lisbon qui posa une main sur l'épaule de Jane, dont elle contournait le corps au rythme de la musique cubaine.
- Parce que vous étiez la seule de l'équipe, avec moi, à n'être jamais venue ici, permettant ainsi une enquête sous couverture.
- Mwé…acquiesça-t-elle de mauvaise grâce tandis qu'elle poussait Jane à exécuter correctement la bonne chorégraphie. Vous auriez pu tout aussi bien venir avec Cho ! »
A la simple idée de s'imaginer danser la salsa avec le placide agent Kimball Cho, Jane ne put retenir un petit rire, s'attirant par là-même un autre regard noir de la part de Lisbon.
« En outre, vous avez de vraies dispositions pour la danse, lui fit-il remarquer d'un air narquois. Si moi j'ai la grâce d'un éléphant, vous en revanche vous débrouillez fort bien !
- Ce n'est pas en me flattant que vous me ferez oublier vos inepties, le reprit-elle en le toisantdurement tandis qu'ils enchainaient des pas plus rapides au rythme endiablé de la salsa.
- Allons Lisbon, à votre retour de New-York, vous mourriez d'envie de nous rejoindre sur l'affaire et comme vous aviez, très aimablement d'ailleurs, décidé de laisser Cho finir de mener son enquête, vous aviez du temps libre, ironisa le mentaliste qui tentait toujours de respecter les pas imposés par la danse.
- Mais cela fait maintenant presque une semaine que nous sommes ici et nous ne progressons pas d'un iota.
- Vous parlez de l'investigation ou de la danse, chère amie ? fit-il avec un sourire ironique qui eut le don d'agacer encore plus sa partenaire, celle-ci lui écrasa alors « involontairement » le pied, provoquant un gémissement de douleur chez Jane.
- Oh pardon, cher ami, je n'ai pas fait exprès, rétorqua-t-elle du même ton ironique qu'il avait employé précédemment.
- Sauvage… » murmura Jane qui fit tournoyer gracieusement une seconde fois sa partenaire dont la jupe virevoltait au vent.
Le duo cessa quelques instants de parler pour s'adonner complètement à la danse qu'ils travaillaient durement depuis plusieurs jours. Lisbon avait beau ne cesser de râler, elle devait reconnaître au fond d'elle-même qu'elle avait toujours aimé la danse, surtout sur les rythmes latinos. Tout en poursuivant sa chorégraphie, la jeune femme laissa son esprit vagabonder vers des souvenirs d'enfance devenus évanescents mais qui ce soir étaient réveillés par la musique. Voir les corps se mouvoir avec élégance et sensualité était une passion que la jeune Térésa avait très tôt partagé avec sa mère, qui était elle-même une excellente danseuse. Seule fille au sein d'une fratrie de garçons, la petite Térésa avait développé à bien des égards un côté garçon manqué que sa mère avait tenté de nuancer quelque peu. La danse s'était alors imposée tout naturellement, les origines hispaniques de Magdalena Lisbon y étant sans doute pour beaucoup. Pendant plusieurs heures, mère et fille avaient partagé de merveilleux moments artistiques, faits d'éclats de rire, de concentration, de difficultés et d'amour. Quand Magdalena mourut dans un accident de voiture, Térésa, alors âgée de douze ans, avait décidé de tirer définitivement un trait sur cette passion à jamais associée à une mère aimée et disparue. Et voilà qu'elle se retrouvait aujourd'hui à renouer avec cette activité qu'elle avait tant aimée jadis le problème étant qu'elle le faisait avec le seul partenaire auquel elle aurait aimé dissimuler cette partie là de son passé !
La musique cessa soudain, sortant Lisbon de ses rêveries elle aperçut alors Jane qui l'observait avec un sourire narquois, comme s'il avait été capable de suivre tout le cheminement de ses pensées. Impossible : elle n'avait jamais parlé à quiconque de cette passion qu'elle avait partagée avec sa mère ! Jane lâcha alors la main de son équipière et se recula de quelques pas, applaudissant l'assemblée comme il était coutume de le faire à la fin de chaque cours.
« Mesdames, Messieurs. Vous avez encore bien travaillé, ce fut un régal pour les yeux, s'exclama joyeusement Pierre Dulaine qui avait à cœur de toujours encourager ses élèves. Ce sera tout pour ce soir. Je vous retrouve demain, même heure. Bonne soirée à tous ! »
Les différents participants le saluèrent en retour et se dirigèrent vers les casiers où chacun pouvait récupérer ses affaires certains même passèrent par les vestiaires pour se changer avant de partir. Lisbon et Jane s'apprêtaient à faire de même pour s'adonner comme tous les soirs à leurs échanges cordiaux avec les autres pour tenter d'en apprendre plus. Mais une voix les interpella.
« Térésa, Patrick ! Attendez s'il vous plait ! ».
Un peu surpris, les deux concernés se retournèrent vers le professeur qui venait de leur parler. Pierre Dulaine, dans son costume noir impeccable, s'approchait d'eux en souriant.
« Pourrais-je vous parler une minute ?
- Bien sûr, répondit poliment la jeune femme, s'attendant plus ou moins à des reproches de la part de l'enseignant.
- Je vous ai bien observé tous les deux et je crois que vous êtes loin d'exploiter tout votre potentiel. Vous pourriez être de bons danseurs mais vous n'êtes pas toujours très concentrés sur ce que vous faites, tenta d'expliquer Dulaine le plus gentiment possible.
- Vous croyez ? répliqua Jane d'un air moqueur tandis qu'il glissait sa main dans la poche de son pantalon.
- Tout à fait, reprit le professeur sans se laisser démonter. La danse en couple est une communication de tous les instants entre les deux partenaires. Mais il est préférable en général de le faire uniquement par les mouvements, si vous voyez ce que je veux dire…
- Pas vraiment, fit Lisbon en haussant les sourcils d'incompréhension.
- Voyons, Térésa, Monsieur Dulaine souligne ici le fait que tu parles beaucoup trop en dansant, répliqua aussitôt Jane, tout en sachant qu'il allait s'attirer les foudres de son équipière.
- Vous n'étiez pas en reste non plus, Patrick, lui fit remarquer Dulaine de manière taquine tandis que Lisbon se tournait violemment vers celui qui la tutoyait pour la première fois.
- Je veux bien l'avouer, mais vous savez comment sont les amoureux n'est-ce pas ? poursuivit Jane tout sourire alors qu'il passait son bras autour de la taille d'une Lisbon qui demeurait muette de stupeur.
- Ah, tiens donc, acquiesça l'enseignant qui passa sa main sur le front, comme pour imprimer l'information. Je n'étais pas certain du lien qui vous unissait tous les deux.
Quand Jane se retourna vers celle qu'il tenait étroitement, il croisa deux iris noirs de colère et ne put réprimer un sourire moqueur en voyant que sa boutade provoquait exactement la réaction de fureur qu'il avait présagée.
« Eh bien, nous non plus à vrai dire, ne put-il s'empêcher de rajouter malicieusement tout en retirant son bras de la taille de la jeune femme.
- Nous sommes désolés, Monsieur Dulaine, nous nous montrerons plus concentrés à l'avenir, enchaîna Lisbon, confuse de se faire encore une fois remarquer.
- Je n'en doute pas, Térésa, fit l'enseignant pour la rassurer. Si vous aviez encore quelques instants, j'aurais aimé revoir certains points avec vous deux.
- Nous avons tout notre temps à vrai dire, hein ? fit le mentaliste en se tournant vers sa partenaire qui, en son for intérieur souhaitait ardemment que cette mascarade prenne vite fin. Mais d'un autre côté ils étaient là pour enquêter.
- Tout à fait, consentit finalement à répondre la jeune femme dans un sourire forcé.
- Excellent, s'exclama le professeur tout enjoué. Surtout que vous êtes particulièrement douée, Térésa. Je vous regardais effectuer la salsa tout à l'heure, vous maitrisez tout à fait le rythme. C'est évident que vous avez déjà fait de la danse, n'est-ce pas ? »
Cette fois Lisbon sentit deux paires d'yeux fixés sur elle et elle savait qu'il serait totalement inutile de mentir en ces circonstances.
« Oh…eh bien, oui, balbutia-t-elle, mal à l'aise, mais il y a très longtemps.
- Je le savais, ponctua Jane tout sourire avant de se tourner vers leur interlocuteur. Je sais même quelle est sa danse préférée ! »,
Cette fois Lisbon fut bien trop surprise pour se montrer en colère : comment diable Jane pourrait-il savoir cela ? Elle n'en avait jamais parlé à personne…sauf à sa mère bien sûr ! Puis elle se ressaisit soudain il s'agissait certainement d'un coup de bluff de la part du mentaliste qui tentait de prêcher le faux pour savoir le vrai, comme d'ordinaire.
« Quant à vous Patrick, quelque chose me dit que vous n'êtes pas aussi mauvais danseur que vous le laissez paraître.
- Ah bon ? Qu'est-ce qui vous fait penser cela ? le questionna Jane, intrigué.
- Votre posture, votre façon de vous tenir et d'arquer correctement vos jambes avant chaque figure, déclama Dulaine sur un ton amusé.
- Non mais vous l'avez-vu danser ? fit Lisbon outrée en désignant son équipier de la main. Une taupe en échasses se débrouillerait mieux que lui !
- Je ne pense pas non…, conclut le professeur de manière énigmatique en lançant un regard narquois à un Jane qui demeura silencieux. Attendez, je reviens. »
Tandis que Lisbon se tournait de nouveau vers son voisin, Pierre Dulaine délaissa quelques instants le duo pour se diriger vers son bureau, une petite pièce au fond de la grand salle.
« A quoi jouez-vous ? Pourquoi lui faire croire que nous sommes en couple ? murmura furieusement Lisbon en attrapant violemment le bras de son équipier.
- Pour tester ses réactions à votre égard, répondit-il tout aussi doucement en veillant à ce que Dulaine, qui leur tournait le dos au loin, ne les entende pas. Je voulais voir si cet homme profitait de son lien avec ses élèves pour tenter de les séduire. Après tout s'il était proche d'Ellen, il est l'un de nos suspects principaux.
- Pfff…n'importe quoi, Pierre Dulaine est unanimement respecté, c'est quelqu'un de bien, le contra aussitôt Lisbon.
- Je vois que vous êtes déjà sous le charme, ironisa le consultant en levant les yeux au ciel.
- N'importe quoi. Quel intérêt aurait-il eu à tuer une de ses meilleures élèves ?
- C'est justement ce que je cherche à découvrir, très chère ! » termina Jane en tournant la tête vers le bureau d'où ressortait Dulaine, un CD dans la main.
Lisbon se redressa à son tour, délaissant le visage angélique qu'arborait à cet instant son démoniaque partenaire. Parfois elle avait envie de l'assommer avec le volumineux règlement du CBI !
« Tenez, écoutez ce disque et choisissez la musique qui vous semble la plus appropriée, fit le professeur en tendant au couple un petit carré blanc avec une jaquette décorée de flammes.
- Appropriée à quoi ? demanda la flic, un peu perplexe.
- A vous deux ! répondit tout naturellement Dulaine. Je suis convaincu que beaucoup de non dits peuvent êtres éclairés par la danse. Mais il faut pour cela que vous soyez en harmonie, ce qui ne semble pas être votre cas… »
Embarrassée, Lisbon jeta un regard confus à un Jane qui au contraire affichait un air satisfait.
« Qu'est-ce qui vous fait penser cela ? demanda de nouveau ce dernier, intrigué.
- Oh, eh bien je dirais la manière courroucée dont votre amie ne cesse de vous regarder, du malin plaisir que vous éprouvez vous-même, Patrick, à la mettre dans l'embarras et le fait que vous ayez ressenti le besoin de me mentir sur la vraie nature de votre relation alors que je ne vous demandais rien ! »
Pierre Dulaine s'était exprimé posément et avec la bonhommie qui lui était coutumière. Il tenait toujours dans sa main le disque qu'il était parti chercher, relégué pour l'instant au second plan de la discussion.
« Perspicace et charmeur, vous avez tout pour réussir, le félicita Jane en hochant la tête.
- Un peu comme vous je suppose ! » rétorqua Dulaine sans hésiter.
De toute évidence, Jane jaugeait son interlocuteur du regard tentant de le décrypter tandis qu'à leur côté Lisbon ne savait plus trop s'ils devaient continuer à jouer la comédie ou non.
« Que pouvez-vous nous dire d'Ellen Marshall ? » demanda alors de but en blanc le mentaliste sans transition aucune.
A l'évocation de la jeune femme décédée récemment, le visage de Pierre Dulaine se crispa un peu, laissant apparaître une profonde tristesse.
« Pardon ? finit-il par dire d'un ton suspicieux. En quoi cela vous regarde-t-il ? »
Après avoir analysé la réaction du professeur, Jane se tourna vers sa patronne et contre toute attente prit une décision bien surprenante.
« Monsieur Dulaine, nous sommes du CBI et nous enquêtons sur la mort de mademoiselle Marshall, lui expliqua alors le consultant.
- Jane…, tenta désespérément de s'interposer Lisbon, qui ne comprenait pas la manœuvre de son équipier en train d'anéantir leur couverture.
- Oh, je vois…vos collègues sont déjà venus m'interroger, se contenta de répondre sobrement Dulaine, une fois la première surprise passée.
- Oui, mais nous tenions à vous rencontrer en personne, intervint Jane qui ne lâchait pas l'homme du regard.
- En vous faisant passer pour un couple d'apprentis danseurs, c'est digne d'une série policière, ne put s'empêcher de faire remarquer Dulaine.
- A vrai dire, je suis plus pour les arrestations dans les formes mais ma collègue ici présente, ou plutôt devrais-je dire ma patronne, aime bien les missions sous couverture, surenchéritJane en lançant un clin d'œil taquin à Lisbon pour la narguer.
- Espèce de …, commença Térésa, outrée des mensonges de son consultant.
- …et comme vous le voyez, elle n'est pas du genre commode ! » conclutJane une main dans la poche.
Lisbon toisait de manière virulente le blond à ses côtés : elle hésitait entre assommer Jane avec la chaine-hifi ou l'envoyer valser contre l'un des miroirs de la grand-salle. Puis elle se dit que finalement, toute proportion gardée, elle réglerait plus tard ses différends avec lui et jugea plus professionnel de se recentrer sur l'enquête en cours. Elle inspira profondément pour recouvrer son calme et se retourna vers le spectateur muet de la scène.
« Alors Monsieur Dulaine, que pouvez-vous nous dire sur Ellen Mitchell ? » reprit-elle avec sérieux et maîtrise sous le regard attendri du consultant, fier de la droiture de cette femme.
Le professeur soupira en haussant les épaules et porta sa main droite sur la hanche.
« Ellen était une jeune femme adorable et une remarquable danseuse. Elle savait se montrer persévérante sans jamais en oublier la base essentielle de toute bonne chorégraphie : la passion, commença à exposer Dulaine qui s'assit sur une des chaises leur côté. Elle progressait chaque jour un peu plus, gagnant en maturité et profondeur. Elle savait cerner l'essence de chaque danse et puiser au fond d'elle-même la bonne émotion à exprimer.
- Quel éloge ! intervint le mentaliste. Vous sembliez fasciné par cette femme.
- Je l'étais, avoua sans détour Dulaine. Mais pas de manière romantique. Le danseur en moi était fasciné par ses capacités mais aussi son intégrité.
- Vous n'éprouviez aucun sentiment pour Ellen ? chercha à savoir l'enquêtrice, un peu gênée de devoir poser cette question à un homme qu'elle estimait beaucoup sans vraiment savoir pourquoi.
- Pas ceux que vous pourriez penser, expliqua posément l'enseignant. J'avais vingt ans de plus qu'elle et j'aime profondément mon épouse Anna.
- Je veux bien le croire, commenta Jane en hochant la tête, s'attirant ainsi un regard soulagé de la part de Lisbon à ses côtés.
- Je vois dans mes cours défiler bon nombre d'artistes talentueux et il m'arrive même de dénicher quelques fois la perle rare de demain. Mais Ellen…était différente.
- Dans quel sens ? demanda Lisbon.
- Un esprit compétitif est essentiel pour pratiquer une activité à haut niveau et il arrive parfois que cette pugnacité pervertisse un peu l'humanité des concurrents. Commencent alors les conflits, les coups bas, les manœuvres retorses, surtout à l'approche des grands concours comme celui de la semaine prochaine. Je ne connais que trop bien les coulisses de ce genre de manifestations…
- Pratiques douteuses que vous avez toujours évitées et combattues » compléta le mentaliste d'un ton sérieux et sincère, montrant par là-même qu'il croyait Dulaine digne de son estime.
Ce dernier acquiesça en plongeant ses yeux chocolat successivement dans les regards des deux enquêteurs.
« Ellen voulait réussir sans trahir pour autant les valeurs auxquelles elle croyait. Alors elle travaillait très dur, prenant de nombreux cours pour se perfectionner.
- Combien de fois par semaine la voyiez-vous ? demanda Lisbon.
- Quasiment tous les jours, depuis plusieurs mois, répondit Dulaine sans détour.
- Il n'est est pas question dans ses finances, ses séances supplémentaires devaient pourtant avoir un coût et son seul salaire de coiffeuse demeurait assez mince.
- Monsieur Dulaine ne lui faisait pas payer les suppléments, devina Jane. N'est-ce pas ?
- En effet, quand on voit tant de passion, de talent et d'intégrité en quelqu'un on ne peut pas le laisser perdre.
- C'est tout à votre honneur ! » commenta très aimablement une Lisbon charmée tandis que Jane ne put retenir un petit sourire moqueur.
Un peu contrariée, la jeune femme se tourna vers lui en arborant un air réprobateur tandis que son équipier lui adressait un regard angélique qui en disait long.
« Quoiqu'il en soit, je n'ai pas tué Ellen, je peux vous l'assurer, poursuivit Dulaine en haussant les épaules.
- Je suis d'accord, cet homme est bien trop honorable et accorde à la vie humaine bien trop de valeur pour s'adonner au crime, confirma Jane en se tournant vers son équipière qui demeurait un peu gênée quant à l'attitude fort peu professionnelle de son consultant.
- Je vous remercie, dit le danseur en souriant, amusé quant à lui par les méthodes inhabituelles de cet étrange enquêteur.
- Je vous en prie » contrefit le consultant.
Devant ce cérémonial de bonnes manières entre hommes bien éduqués, Lisbon ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel. Et dire qu'à cette heure, elle pourrait être chez elle à regarder un bon film…
« Quoiqu'il en soit, si je vous ai retenus quelques instants, c'était à la base pour vous prêter cela, reprit Dulaine en leur tendant le CD qu'il avait ramené de son bureau et qu'il tenait toujours dans sa main.
- Oh ! Regardez Lisbon, des musiques de tangos, votre danse favorite ! s'exclama le consultant tout sourire en s'emparant du disque.
- Pas du tout ! » répliqua un peu trop vivement la brunette, encore une fois attrapée par la clairvoyance de son intenable équipier.
Comment diable Jane avait-il deviné que son amie adorait le tango ? Elle n'avait jamais évoqué le moindre indice à ce sujet et n'avait jamais donné au mentaliste des raisons de penser une telle chose.
« Evidemment, la reine des danses, ponctua Dulaine admiratif. Mais qui n'est pas à la portée de n'importe qui. Cela étant dit, avec un peu d'entraînement… je crois que vous devriez l'essayer tous les deux !
- Pardon ? s'exclamèrent Jane et Lisbon de concert.
- Oui, c'est le type même d'échange passionné qui vous conviendrait parfaitement.
- Je n'avais pas vu les choses sous cet angle, ironisa le mentaliste. C'est…
- …une idée totalement ridicule, l'interrompit Lisbon qui arracha le CD des mains de Jane pour le rendre à Pierre Dulaine.
- Pourquoi cela Térésa ? demanda l'enseignant.
- Oui, pourquoi cela Térésa ? répéta le blondinet en insistant bien sur le prénom de sa patronne, un sourire agaçant sur le visage.
- Dois-je vous rappeler que nous sommes officiers de police et que notre simple présence ici est due à une enquête, et non à un désir d'apprendre toutes les danses de salon imaginables ?
- Justement, votre enquête n'est pas terminée et je suppose que vous allez continuer à infiltrer mes cours encore quelques temps.
- Tout à fait, fit Jane qui reprit le CD des mains de sa partenaire alors qu'elle le regardait avec fureur. Au moins jusqu'au concours de la semaine prochaine.
- Peut-être, mais nous nous contenterons des cours collectifs pour nous fondre dans la masse, rétorqua la jeune femme qui récupéra pour la seconde fois le CD.
- Vous devez apprendre à mettre un peu de fantaisie dans votre vie, Lisbon, sinon je vous prédis une grosse dépression dans les deux années à venir.
- Croyez-moi si je devais céder à la déprime, je l'aurais fait après une semaine de collaboration avec vous, ironisa la jeune femme qui se tourna vers le spectateur de cette étrange scène. Merci Monsieur Dulaine, mais nous n'aurons pas besoin de ce disque. »
Et tout en prononçant ces mots, elle reposa le boitier rectangulaire entre les mains du professeur sous les yeux rieurs de Jane. Pierre Dulaine observa quelques secondes cet étrange duo fait de feu et de glace puis finit par dire :
« Vous savez quel est votre problème à tous les deux ?
- S'il n'y en avait qu'un…Marmonna Lisbon d'un ton bourru.
- Vous ne faites pas totalement confiance au profond lien qui vous unit indéniablement, commenta Dulaine en les fixant tour à tour. Vos caractères respectifs vous empêchent d'être au diapason alors qu'en alliant vos qualités, il est certain que vous formez un duo inégalable.
- C'est exactement ce que lui disent ses chefs quand elle les supplie de me renvoyer, ironisa une fois de plus le mentaliste.
- La demande de renvoi est l'option que je propose les bons jours, rétorqua tout aussi sardoniquement la brunette, la plupart du temps j'implore le droit de pouvoir vous noyer dans une baignoire !
- Vous voyez ? Un duo inégalable…, conclut Jane sans en prendre ombrage.
- Mais il semble que vous vous contentiez trop souvent du statut de collègues alors que vous devriez être de vrais partenaires ! »
Cette fois les deux enquêteurs prirent de plein fouet la remarque de Pierre Dulaine qui poursuivit sur sa lancée :
« C'est exactement ce qu'il se passe lorsque vous dansez. Vous demeurez deux individus qui se contentent d'évoluer côte à côte de manière mécanique. Vous ne vous appuyez pas assez l'un sur l'autre. Par exemple, Térésa, vous voulez tout contrôler alors que dans la danse, c'est l'homme qui doit mener.
Croyez-moi il vaut mieux qu'il n'ait pas le total contrôle ! persiffla-t-elle.
Il n'a pas tort, vous refusez de céder les rênes à qui que ce soit, Lisbon, que ce soit au travail, dans la danse ou dans votre vie.
Jane, un conseil...bouclez-là ! » dit sèchement la jeune femme en posant un regard furibond sur son voisin.
Quant à vous Patrick, reprit Dulaine tout aussi posément, vous n'êtes pas en reste. Vous devez utiliser votre force pour guider votre équipière, et non pour la dominer.
Il ne me domine pas/ Je ne la domine pas » répondirent en chœur les deux équipiers.
En écoutant Jane et Lisbon parler à l'unisson, Dulaine ne put retenir un sourire satisfait.
« Vous voyez que vous pouvez être au parfait diapason quand vous le voulez ! C'est pour cela que je suis certain que la danse, et particulièrement le tango, vous conviendrait totalement si…
- Monsieur Dulaine, je ne voudrais pas paraître impolie mais nous devons retourner travailler, voulut couper court Lisbon. Pouvons-nous compter sur votre discrétion afin de ne pas dévoiler notre couverture ? »
Conscient que la jeune femme ne voulait plus approfondir le sujet, Dulaine acquiesça doucement.
« Oui, je ferai tout ce que je peux pour vous aider à coincer le meurtrier d'Ellen.
- Excellent ! Dans ce cas, à demain Monsieur. »
Quelque peu irritée par les bêtises de son consultant, par les remarques de cet enseignant et par une enquête qui piétinait trop longuement, Lisbon salua promptement son interlocuteur et se dirigea vers le banc où elle avait posé son sac avec ses habits de rechange. Elle ne prit même pas le temps de se changer au vestiaire que déjà elle quittait la salle d'entraînement, laissant en plan les deux hommes. Jane ne put s'empêcher de sourire devant le tempérament de feu de son équipière.
« Vous aimez la faire tourner en bourrique n'est-ce pas ? commenta Dulaine qui posa son regard malicieux sur l'enquêteur élégant qui se tenait à ses côtés.
- Croyez-moi, je connais les limites et elle sait me remettre à ma place quand il le faut.
- Je n'en doute pas mais pourquoi toujours chercher la confrontation avec elle ? Tout ne serait-il pas plus simple si vous jouiez franc jeu ? demanda Dulaine, un peu perplexe.
- Plus simple, mais beaucoup moins passionnant n'est-ce pas ? »
Jane se tourna vers l'enseignant en lui adressant un sourire complice : après tout, la danse était affaire de confiance mais aussi de passions, de tensions qui existaient entre des partenaires. Pierre Dulaine comprit fort bien ce que voulait dire le mentaliste et ne put que lui donner raison d'une certaine manière. Aussi sans autre préambule, il tendit de nouveau à Jane le disque qu'il tenait entre ses mains et dit, d'un ton amusé :
« Si vous tenez tant que cela à vous confronter à votre équipière, réglez vos différends par la danse, transformez le tango en duel!
- A ce détail près que je ne sais pas danser, fit remarquer Jane d'un ton narquois en pointant son index vers le précieux CD.
- Vous et moi savons parfaitement que c'est faux, lui fit remarquer Dulaine sans se laisser démonter. Je suis même persuadé que vous êtes particulièrement doué mais que comme d'habitude vous avez fait illusion. »
A la fois amusé et intrigué par ce personnage qui avait su mettre partiellement à jour le mentaliste, Jane demeura quelques secondes silencieux, se contentant d'observer l'homme pour lequel il sentait monter en lui une vraie estime.
« A mon avis, le titre qui vous conviendrait parfaitement à tous les deux est le numéro 8, reprit Dulaine tandis que Jane s'empara du disque pour y lire la jaquette.
Hum…le Tango de Roxanne…intéressant » se contenta de dire Jane, en pleine réflexion.
Cette fois Pierre Dulaine ne put retenir un éclat de rire devant cet étrange enquêteur qui l'amusait autant qu'il l'intriguait. Sans rien ajouter de plus, le consultant prit congé poliment tout en emportant avec lui le précieux disque. Une fois seul, Dulaine secoua la tête : que voilà un étrange duo ? Mais qu'un couple comme celui-là, fait de feu et de glace, pourrait donner lieu à une danse passionnée!
TBC...( si ça vous plait, hihi!)
