Salutations, vil manant qui s'est introduit dans cette contrée où le Sérieux est proscrit et où l'inutilité est Reine. Ici, c'est le Délire. Bienvenue, bienvenue, je vous invite à faire demi-tour, prenez donc la porte, vous savez où elle est. Non ? Non, vraiment, vous ne voulez pas partir ? Tant mieux pour moi. Tant pis pour vous. Rien de ce que vous allez lire ici n'est sensé, mais si vous décidez de rester, vous le faîtes en votre Âme et Conscience. Les petites lignes que voici vous mettent en garde : je ne suis pas Responsable de votre déchéance intellectuelle ni des nœuds que votre cerveau va se faire tout seul. D'ailleurs, rien ici n'est de ma Responsabilité. Hormis quelques personnages, un peu décalés, un peu fou-fous, un peu Cools, un Dictionnaire bipède, et deux-trois bidules par-ci par-là. Ne vous inquiétez pas. Vous noyer dans la Débilité ne va pas vous tuer - la preuve, ce n'est pas un fantôme qui vous parle, ou alors je le suis devenu à mon insu. Ceci étant dit, bon-Quoi ? Oh, vous vous demandez comment deux histoires peuvent bien porter le même nom ? Oh oh oh, comme dirait Papa Nowël, c'est d'une simplicité sans pareille, d'une facilité surprenante... Je soupçonne mon cerveau d'avoir posté un autre jet, un jour, sans mon Consentement. Ici, ici, oui ! ici, c'est le Vrai. LE VRAI. Ah, et ne soyez pas surpris outre mesure : elle a deux frères, dont le Centre du Monde est radicalement différent - et beaucoup plus Sérieux. Un vieux, un jeune. Histoire d'équilibrer la Balance. Ah, mais ils ont une autre Mère, le CrazyLittlePenguin est dans la place, poussez-vous il en prend beaucoup !
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Cessez de manger les Champignons Hallu' par les racines. On se lève, allez allez. On retrousse les manches, on met les lunettes sur le nez - ou les oreilles, comme vous voulez, mais le résultat reste sensiblement le même. Préparez-vous. Ça va commencer, et vous allez être décoiffés. Je vous conseille le spray fixant senteur radis ; un soin naturel et exemplaire quand il s'agit d'éloigner les Joncheruines : tout bénef' !
A vos balais... Prêt ?
Décollez !
PROLOGUE
Et ce sont ces choses mêmes que nous dissimulons, ces choses dont nous avons le plus peur, dont nous nous servons pour nous guider.
Les funambules qui s'élançaient hardiment sur le fil comprenaient un peu tard combien la traversée était périlleuse et combien le vent soufflait avec une force vindicative en haut, à chaque écart. Une faute signifiait la chute. Une chute souvent mortelle. Ils étaient tous ces funambules. Et leurs fils se croisaient, se divisaient, se resserraient. Certains s'entremêlaient pour ne plus jamais se quitter.
Elle était de ces funambules qui avançaient sereinement, yeux clos, tout entiers concentrés sur leur œuvre, leur route, leur fil... De ces funambules qui, au fond, étaient terrifiés par la chute. Mais elle continuait à avancer dans le vide, comme un oiseau rebelle, comme un aigle solitaire, comme une libellule trop colorée, comme une mouche lourde, comme un papillon léger près de l'étang de sa conscience. Comme un corbeau près des charognes de Soi. Les ailes battaient, vibraient, brassaient l'air et infligeaient à l'oreille un bourdonnement continu. Berceuse similaire à la disharmonie du vol bruyant des Joncheruines. Guide sonore insaisissable, vaporeux et éphémère.
Et un jour, elle avait ouvert les yeux. Elle avait vu ce qu'il y avait autour d'elle. Tout ce qu'il y avait autour d'elle, d'un regard neuf, désabusé. Elle avait noué son fil aux autres. Et le monde s'était mis à trembler et tanguer vertigineusement.
Elle avait aimé ça.
Elle en avait redemandé.
On ne pouvait nier la passion, quand on était sur le fil.
La passion pour l'inconnu et le risque.
Le moment où tout se risquait. Le moment pour tout gagner ou tout perdre. Cette dope d'un instant. Où on tenait bon. Et à chaque fois, malgré la peur du vide, malgré la promesse de chute, on revenait narguer la physique élémentaire. Tout risquer pour un instant de folie.
Une exaltation.
Une illusion de chance pour une seconde suspendue.
C'était à cela que ressemblait son travail pour le plus grand bien. À un moment de vertige, terrifiant, exaltant, sur les fils entortillés qui s'agitaient et paniquaient. Surtout là, aujourd'hui. Surtout là, maintenant.
Elle se rendit compte avec une éternité de retard qu'elle retenait son souffle. Et quand elle parvint à le reprendre, ce fut d'une manière si hésitante, si déboussolée, si fragile, que respirer lui faisait mal.
Le moment où l'équilibre était perdu.
Elle jaillit de nulle part. Désormais au centre de tout, brisée et terrible... L'angoisse. La peur. Que ferait-elle si ça ne fonctionnait pas ? Que ferait-elle si elle n'y arrivait pas ? Oui, que ferait-elle, si elle échouait ?
Elle pouvait sentir la présence ténue de sa fille derrière la porte, une présence silencieuse et immobile. Mais elle ne parvenait pas à s'y accrocher, à la capter suffisamment pour lui dire de s'en aller, lui demander d'oublier ce qu'elle allait voir. Elle n'avait d'yeux que pour Ça. Comment pourrait-elle Le comprendre ? Le décortiquer suffisamment pour Le contrôler ? Voilà le cœur du problème. Elle ne pouvait pas. Et elle le savait. Mais si elle ne pouvait pas, alors qui y arriverait ? Personne n'avait strictement aucune chance d'y parvenir. C'était à elle de réussir.
Elle n'avait jamais autant eu peur de quelque chose.
Elle appuyait sur le fil et la voilà qui vacillait.
Elle demandait une éternité de plus
pour se préparer à la chute.
Déjà, le rouge sang se diluait dans l'espace comme une fumée trop âcre. De son spectre jaillit une multitude de hiboux dont l'existence n'était pas plus longue qu'un battement de cil. Leurs plumes montaient sur le ciel et les ténèbres crépusculaires s'étendirent. Les ailes passaient, souples et rapides, puis se diluaient comme une encore dans de l'eau, comme de la poussière dans les mots qu'une plume traçait trop vite sur le parchemin. Comme des milliers d'étoiles dans un nuage. Les éclats du parchemin rencontrèrent une flamme, et la fixité implosait face au Soi.
En chute libre, elle ne savait pas trop à quel fil se raccrocher.
Ni lequel se laisserait tenir.
Et l'air manquait.
Soi se figea de douleur.
Un hibou trop joyeux lui avait mordu le cœur. Ou bien était-ce un corbeau trop persistant qui avait planté ses serres dans la chair sanguine qui tapissait tout le monde connu et perçu. Nullement éphémères, ils blessaient et obsédaient. La sensation de chute était plus étourdissante encore que celle de frôler l'irréparable. En cela, sans doute, qu'elle était une fin. Il n'y avait pas de retour en arrière possible. À un instant crucial, l'équilibriste cessait de flirter avec le vide et s'y retrouvait plongé entièrement. C'était l'adrénaline, c'était la peur dans tout ce qu'il y avait de plus primaire et animal. Et c'était le sol, beaucoup de sang sur la piste, beaucoup de cris dans l'assistance.
Un exutoire ? Un exutoire était nécessaire. Les mots jaillirent. Traducteurs imparfaits et aussi éphémères que ces oiseaux dans le Soi. Une bouche, des mots et des pensées qui filaient comme une eau entre les lèvres.
Elle s'envolait et rejoignait l'éther.
Vie. Cette aile de brume qui scintillait, s'éloignait et s'éteignait.
Vie, qu'une simple erreur pouvait saisir et figer. Arrêter.
