Titre: Innocence

Rating : T

Disclaimer : Assassin's Creed est la proprieté d'Ubisoft, le scénario m'appartient.

Note d'auteur : Vous êtes autorisés à vous plaindre, à me taper même, parce que j'ai fait silence radio pendant un bon moment.

Allez, maintenant que j'ai plus de vie, je fais mon grand retour. Bonne lecture !

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L'après-midi touchait à sa fin. Le soleil déclinait doucement dans les montagnes, faisant grandir l'ombre menaçante des hautes murailles de Masyaf.

Ses tours abritaient des siècles de connaissances, de préceptes et d'idéaux. Chaque mur avait vu passer son lot de grands hommes, qui s'étaient élevés puis étaient retombés. Ses pierres avaient été foulées par nombre de combattants, courant fièrement vers la mort. Ce lieu avait une aura paisible, ancienne et suffocante à la fois. Il y régnait une vie permanente, parfois même chaleureuse, mais quelque chose de macabre laissait un frisson mauvais dans le dos des visiteurs.

Pour les hommes et les femmes, qui voyaient chaque jour des voyageurs aux desseins mystérieux passer les imposantes portes de la cité, cette forteresse prenait une toute autre dimension. Certains y voyaient un havre de paix, un temple de connaissance et de sécurité. D'autres s'y sentaient enfermés, et aspiraient à partir à la moindre occasion.

Mais la majorité des occupants n'y voyaient qu'un refuge. Ni réconfortant, ni oppressant. Une simple valeur sûre à laquelle ils pouvaient se raccrocher.

Al Mualim était un homme à l'image de ce lieu.

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Dans la plus haute tour, un homme vêtu d'un long manteau noir orné d'arabesques blanches faisait face à la grande vitre donnant sur la cour. La scène était majestueuse. L'homme se tenait droit, presque raide au milieu des tentures d'Assassins blanches et rouges qui ornaient les murs. Entre les imposantes bibliothèques, il surplombait l'immense escalier se trouvant dans son dos.

Le dirigeant de l'Ordre de Masyaf était plongé dans ses pensées.

Il y avait trop à faire. Cela faisait presque dix ans maintenant que l'homme avait eu accès au rang de mentor, mais chaque jour, la tâche lui semblait de plus en plus importante... et irréalisable.

La Troisième Croisade... qui, en apparence, opposait les Croisés et les Sarrasins. En vérité, sous ce conflit, les Assassins et les Templiers réécrivaient l'Histoire. Al Mualim souhaitait tout de même préserver la paix, du moins pour les civils qui n'avaient rien à voir avec les ambitions de quelques fous. Les moyens qu'il employait n'étaient pas toujours réellement louables, mais les meneurs, ceux qui ne pouvaient plus être ramenés dans le droit chemin, devaient être exécutés. L'Ordre oeuvrait en silence selon ces enseignements, protégeant la paix et tentant de sauver des vies, mais à quel prix ?

« La fin justifie les moyens. »

C'était toujours ainsi qu'Al Mualim clôturait ses ruminations, se mettant à l'abri de remords et de la moindre remise en doute. Il n'y avait pas de place pour cela.

Le matin même, il y avait eu un nouvel « arrivage » d'apprentis. Ils allaient de cinq à dix ans, et étaient presque tous issus d'Assassins vétérans. Ils savaient donc qui ils étaient réellement, et ce qu'on attendait d'eux. Du moins, dans les grandes lignes...

On avait consacré la matinée à leur apprendre la triste vérité, leur incessant combat contre les Templiers, les valeurs de l'Ordre...

« Maître ? »

... l'entraînement moral et physique qu'ils auraient à subir - il commencerait dès le lendemain -, la nécessité de sans cesse se surpasser, et enfin, toute la peur de ne pas être à la hauteur. Sur ces pensées, le vieil homme passa les doigts dans sa barbe emmêlée, déjà longue et grisonnante.

« Maître ! »

Al Mualim baissa un regard courroucé vers le sol en sentant une petite main tirer nerveusement sur son manteau.

« Que se passe-t-il, Abbas ? »

Un enfant qui semblait âgé de sept ou huit ans tirait sur le manteau noir d'Al Mualim depuis presque une minute. Il était mince, avait des cheveux châtains en bataille et ses traits tirés témoignaient d'une grande fatigue. Sa tunique - qui avait sans doute un jour été blanche, sous les couches de terre et de poussière - avait grand besoin d'être changée, et ses bottes miteuses avaient vu passer beaucoup de porteurs avant lui. Il avait l'air d'avoir monté toutes les marches quatre à quatre. D'une voix aigue, il déclara, haletant :

« Il y a une bagarre sur la colline d'entraînement ! Les aînés n'arrivent pas à démêler l'affaire ! »

Soupirant, le vieil homme congédia sèchement l'enfant, qui s'empressa de retourner à la colline en courant. Al Mualim le suivit lentement, d'une démarche majestueusement boiteuse. La chose n'avait pas l'air très importante en soi, mais visiblement les nouveaux arrivants causaient déjà des problèmes. Il valait mieux qu'il se déplace en personne, afin d'établir des règles claires dès le début et d'éviter ce genre de scandale à l'avenir.

En marchant, il saluait d'un signe de tête les Assassins de passage qui s'étonnaient de le voir quitter son bureau. Fort heureusement Al Mualim était encore assez vigoureux pour se rendre facilement hors de la cité à pied, malgré son visage marqué par l'âge et ses muscles fatigués. Il passa rapidement les portes et se retrouva sur l'allée de pierre délimitant l'entrée de la cité. Il se situa mentalement le lieu où les nouvelles recrues avaient été envoyées pour leur premier entraînement de lutte, et s'y dirigea naturellement, avançant dans les hautes herbes. Cependant, il n'eut pas besoin de les chercher bien longtemps, il se laissa guider par le vacarme retentissant caractéristique d'une bande d'enfants en pleine nature. Au flan d'une des collines bordant la forteresse, un cercle épais s'était formé autour de la source de toute cette agitation. Il y avait une masse d'enfants gesticulants, qui criaient des encouragements, des noms incompréhensibles et des insultes, des adultes qui tentaient en vain de calmer la foule, et quelques adolescents adossés contre les arbres alentours qui semblaient prendre des paris. Toutefois ces derniers s'éloignèrent rapidement en voyant arriver leur mentor.

A son approche, le brouhaha du groupe ne cessa pas, ce qui était une grande première. Le Maître imposait le respect, et les Novices se taisaient toujours à son passage, baissant la tête de peur de sortir de ses bonnes grâces. Il n'haussa pas la voix pour autant ; il réservait sa colère aux responsables du litige, et il était curieux de les voir en plein combat. La foule s'écarta progressivement, mais la masse se refermait presque immédiatement derrière lui, continuant de crier, et nullement perturbée par sa présence. En jouant des coudes, il finit par atteindre le centre du rassemblement, et leva un sourcil étonné.

Deux enfants, l'un à peine plus âgé que l'autre, s'appliquaient à se battre de la façon la plus désordonnée possible. Ils se roulaient à terre, la foule suivant le mouvement autour d'eux comme une ombre indiscrète. Ils se donnaient tantôt des coups au visage, tantôt des coups de genoux. Un instant, l'un d'eux semblait prendre le dessus. Il coinçait son adversaire sous lui à l'aide de ses cuisses, l'immobilisant pour mieux le marteler, mais cela ne durait que quelques secondes avant qu'ils inversent les rôles.

Curieusement, ils étaient les seuls à ne faire aucun bruit. Ni cri de haine, ni gémissement de douleur malgré les coups violents qu'ils s'assénaient mutuellement. D'ailleurs, les regards réprobateurs et les paroles de leur public semblaient ne pas les atteindre, ils étaient dans un autre monde.

Soudain, Al Mualim décida de mettre un terme à tout cela. Il s'avança vers les deux garnements et les sépara, difficilement. Il appela en renforts les rares adultes qui tentaient de calmer la foule, agacé de se sentir diminué devant deux agitateurs. La masse se dispersa d'elle-même, sentant poindre les ennuis en voyant la mine renfrogné du Maître.

Les deux enfants se retrouvèrent chacun empoignés par deux adultes. L'autorité silencieuse d'Al Mualim n'avait visiblement aucune emprise sur eux, car ils continuaient à se débattre et à se fixer comme des chiens enragés.

Sans dire un mot, le Maître laissa passer quelques minutes, au bout desquelles les enfants haletaient en s'observant hargneusement, mais avaient visiblement renoncé au combat. D'un geste, il fit signe aux adultes de se retirer, et détailla les enfants.

Le plus jeune, ou du moins le plus petit, était brun. Ses cheveux en bataille tombaient par mèches légèrement trop longues sur ses yeux noirs. Sa peau était assombrie par le soleil, et une ride de colère marquait son front, le vieillissant. Il était solidement campé sur ses pieds et bombait le torse, comme prêt à parer à une véritable tempête.

L'autre était plus grand mais avait l'air moins trapu, mais surtout, plus calme. Ses cheveux châtains pointaient en épis désordonnés. Des yeux clairs, presque dorés, tranchaient avec ses traits fatigués. Ses sourcils restaient froncés du mécontentement d'avoir été séparé de son adversaire, mais il attendait nonchalamment la suite, les bras croisés sur sa poitrine.

La première rencontre d'Altaïr et de Malik s'était visiblement mal passée.

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« Rentrez à la forteresse, vous avez assez fait parler de vous comme ça.

- C'est lui qu'a commencé ! crièrent d'une même voix les enfants.

- Silence ! Ce soir vous ne dînerez pas. Et demain, je demanderais personnellement à Labib de ne faire preuve d'aucune compassion envers vous, jusqu'à l'épuisement ! Ça vous apprendra à faire preuve d'un peu plus de maturité. »

Ils s'exécutèrent sous le regard courroucé du Maître, qui résistait à la tentation furieuse de les punir plus sévèrement. Pour plus de sûreté, il les raccompagna, sous les yeux inquiets des Novices restants. Un seul regard furieux du Maître suffit à les rappeler à l'ordre. Rougissants, ils rejoignirent le reste du groupe, qui avait préféré fuir la scène du scandale au plus vite.

Sans faire cas des deux jeunes qui s'en allaient, accompagnés de leur mentor, la « visite » continua. Le plus âgé des Novices, qui était allé prévenir Al Mualim, avait suvi d'un oeil narquois le conflit, ravi de voir leur nombre diminuer. Il serait moins difficile de tous les écraser s'ils étaient moins nombreux. Abbas laissa un sourire mauvais orner ses lèvres, tandis qu'il faisait mine d'écouter.

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Pendant la longue ascension vers la forteresse, Altaïr et Malik s'ignorèrent royalement, gardant un silence fier et détournant ostensiblement la tête lorsque leurs regards se croisaient. De la poussière tombait de leurs vêtements alors qu'il marchaient, créant un sillon terreux derrière eux. Les préceptes dont on leur avait parlé le matin même auraient voulu qu'ils se serrent la main et ne compromettent pas la Fraternité, mais le conflit était encore trop frais pour penser à une réconciliation. Ils traînèrent donc les pieds jusqu'à l'entrée du bâtiment, auquel ils étaient presque parfaitement étrangers.

Les dortoirs des apprentis se trouvaient en bas de petits escaliers en colimaçon, à quelques mètres de l'escalier principal de la forteresse. Ils furent surpris de constater à quel point les couloirs y menant pouvaient être froids, presque sinistres. Ou alors ce n'était qu'une impression ? Pourtant, il faisait encore jour, et les grandes ouvertures laissant pénétrer le soleil - qui achevait sa descente à l'Ouest - contribuaient à apporter un peu de lumière. Mais il n'y avait même pas les tentures rouges des Assassins pour relever le gris des pierres. Leurs pas claquaient contre le sol et résonnaient à leurs oreilles. Les ouvertures se firent de plus en plus rares, et finirent par disparaître. Dans ces couloirs, la progression semblait longue, et avait l'air de descendre de plus en plus, comme si on s'enfonçait dans les fondations de la forteresse. Enfin ils arrivèrent dans un dernier couloir se terminant en impasse, un nombre de portes impressionnant sur chaque mur. Cet endroit ressemblait à un véritable labyrinthe. Pour faciliter la tâche des veilleurs de nuit, Al Mualim plaça les deux enfants au fond du couloir, dans une chambre à lits jumeaux. Intérieurement Malik eut une pensée pour son frère, qui allait devoir dormir tout seul dans une autre pièce. Tant pis, il s'arrangerait pour aller le retrouver. Il n'était pas question qu'il passe la nuit avec ce type !

« Prenez le temps de réfléchir. »

Al Mualim estima qu'il avait déjà assez perdu son temps et verrouilla la porte de l'alcôve, remontant prestement à son bureau pour continuer à ruminer. Ces deux garnements étaient fils d'Assassins importants, aussi il s'étonnait de les voir jouer les agitateurs dès leur premier jour. « Peu importe » songea-t-il.

Derrière la porte qu'il venait de fermer, un étonnant jeu de regards venait de débuter. Altaïr avait pris place sur la paillasse de droite, Malik sur celle de gauche. Ils se faisaient face et se fixaient, sans un mot.

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A suivre