Traitors

Prologue

Il était là, comme tous les jours depuis le début du procès. Chaque jour durant, il s'asseyait à la même place, au milieu de la salle, légèrement sur le côté, parfait pour avoir une vision d'ensemble. Pour se fondre dans la masse plus facilement il avait opté pour une casquette de fabrication anglaise, sombre et suffisamment couvrante pour dissimuler sa chevelure si reconnaissable.

Comme tous les matins il était légèrement en avance, souhaitant éviter la foule qui, depuis déjà deux mois, se fascinait pour cette sordide affaire. Une journaliste célèbre et adulée, reconnue pour son flair et sa pugnacité à dévoiler les secrets de nombreuses entreprises, accusant son non-moins célèbre et richissime mari de maltraitance sur leur unique fille, voilà qui avait de quoi affoler les populations. Il gigota sur sa chaise inconfortable et se maudit d'avoir, une fois de plus, oublié son petit coussin. Pestant intérieurement, il se redressa en entendant les portes grincer. Les honnêtes mais avides de révélations habitants de Londres se bousculaient à l'entrée de la salle d'audience et bientôt celle-ci fut pleine de chuchotements.

Derrière la table des juges, les portes latérales s'ouvrirent pour laisser venir les jurés, le président de l'audience, l'accusé, la victime et l'accusation. Ses poings se serrèrent, comme tous les matins et Draco Malefoy vrilla son regard d'acier sur l'accusé.

Fier et droit, l'air sûr de lui, Cormac McLaggen s'avança vers son siège de velours rouge. Il était serein et rien dans son attitude ne traduisait une quelconque inquiétude. Il était un homme respectable et n'avait commis aucune entorse à la loi, il en était sûr. Son épouse, toute célèbre qu'elle était ne pouvait rien contre lui. Il avait les plus puissants lobbies à ses côtés, une plaque commémorant son statut unique, délivrée par les Américains eux-mêmes et son assurance à toute épreuve d'être dans son bon droit. En somme, rien n'inquiétait Cormac en ce matin de novembre 1960, sur son avenir et celui de son entreprise.

Pourtant, c'était bien lui qui était là depuis bientôt deux mois, à écouter chaque matin ses amis et ceux de sa femme se déchirer et laver leur linge sale en public. Il était fatigué de ces simagrées et n'aspirait qu'à une chose : retrouver le confort de sa villa du côté de Hyde Park, entendre les excuses larmoyantes de sa femme et être enfin débarrassé de tous ces soucis. Lorsque sa fille entra il se concentra et, comme tous les matins, chercha les traces d'une quelconque maltraitance sur sa peau. Son visage fin n'exprimait rien, elle paraissait absente du débat. En la voyant il ne ressentit rien. Rien d'autre qu'une légère démangeaison dans un coin de son esprit, celle qui apparaissait à chaque fois qu'il restait trop longtemps focalisé sur elle. Il n'avait pourtant pas outrepassé son rôle de père ! C'était à ni rien comprendre.

Hermione Granger triturait nerveusement l'ourlet de sa jupe. Elle, connue pour son courage et son côté tête brûlée, était pourtant désemparée. Elle ne comprenait pas. Pourquoi depuis deux mois n'avait-elle été appelée à la barre qu'une seule et unique fois ? Pourquoi ne parlaient-ils pas à sa fille ? Les jours passaient et les cernes se creusaient sous ses yeux noisette. Son visage, autrefois enjoué et chaleureux, n'exprimait plus rien aujourd'hui qu'une terrible lassitude doublé d'une tristesse évidente. Elle pensait faire le poids face à ce géant de l'industrie mais il n'en était rien ; il allait l'écraser comme une vulgaire mouche. Elle était perdue, impuissante face à la comédie aux accents terriblement ironiques qui se jouait devant ses yeux depuis deux mois. Et son mari, cette ordure, était bien confortablement installé, comme vaguement intéressé de ce qui se passait, sans plus. Elle le reconnaissait bien là, lui le gentleman séducteur et désinvolte qui l'avait séduite par son érudition. Jamais troublé, jamais ébranlé, toujours impeccablement fixé sur son piédestal doré. Son regard glissa sur l'avocat de son mari qui, comme chaque matin, était prêt à se pavaner comme un paon devant un jury épuisé de cette affaire, avide d'en finir. Elle s'arrêta sur la silhouette de sa fille. Si jeune et déjà si meurtrie. Elle avait espéré que cette naissance à la veille de l'Armistice, était symbole de renouveau, de jours plus heureux. Elle avait eu raison au début mais depuis maintenant deux ans elle déchantait. Elle s'était voilé la face, avait été faible. Qu'importe, elle aurait sa vengeance, foi d'Hermione Granger.