~Des petits grains de Sucrelune~
I. Trahison
Fin du mois d'Âtrefeu, 4E 201
« Il vous ment. »
Lui ? Un menteur ? Il lui avait avoué sa véritable histoire après que sa méfiance eût disparu, au fil de leur quête de leurs combats dans le Temple de Sorguevoix… Mais… c'est vrai qu'il avait omis (intentionnellement ?) le fait qu'il s'était échappé pour fuir le Miasme, tandis que les autres prêtres entraient dans un profond sommeil, s'effondrant par terre leurs ennemis qui s'étaient mis à envahir la demeure de la Dame des Rêves. Il avait disparu, loin des environs d'Aubétoile.
Peut-être par pure lâcheté au début, cela semblait presque évident… ! Néanmoins, il s'était aperçu de ses erreurs et avait décidé de confier le restant de ces jours dans les bras de Mara, dans la ferveur et la piété d'un prêtre. C'était une bonne chose… non ?
« Lorsque le rituel sera terminé, le crâne sera libéré et Érandur se retournera contre vous. »
La voix mielleuse qui susurrait à son oreille commençait à lui donner des maux de ventre. Personne d'autre qu'elle ne l'entendait même le Dunmer, qui se tenait à côté d'elle, en train de marmonner des prières et autres paroles d'incantation, ne pouvait percevoir les murmures du prince daedra.
Son cœur se serra, son regard posé sur le Crâne de la Corruption se posant finalement sur l'elfe noir en tenue de moine.
Essuyant son front, perlant encore de sueurs suite au duel qu'ils leur avaient été imposés contre les deux amis de l'ancien adorateur de Vaermina, ce fut avec une peur mélangée par l'incertitude qu'elle se mit à gratter sa cicatrice. Le réflexe de base, lorsque l'effroi, le désarroi et la colère montait en elle. Un artefact daedra était aussi puissant que ça ? Assez pour manipuler un être de chair et de raison, jusqu'à le rendre capable de tuer ?
« Vite ! Tuez-le. »
La barrière les séparant du Crâne disparaissait de plus en plus sous la puissance des paroles adressées à Mara, comme le temps pour prendre une décision, qui s'amoindrissait comme une peau de chagrin. Qui disait la vérité ? Entre un traître doublé d'un menteur et le propriétaire du bâton… ? Même si c'était une des principales entités de l'Oblivion… ses paroles sonnaient comme des dents de spectre de glace contre une fiole d'alchimiste : une berceuse efficace, exacerbant le doute et calmant la raison.
« Tuez-le et octroyez-vous le crâne. Vaermina vous l'ordonne ! »
Même tout le bastion des Vigiles de Stendarr n'aurait pas pu la retenir de trancher la gorge d'Érandur avec une lame conjurée. De laisser le pauvre diable chuter de l'autel, échappant des gargouillis étouffés, tremblant, frémissant comme on prend une bête faiblarde au piège. Elle l'observa dans un silence que les plus naïfs qualifieraient d'effrayant, tandis que l'elfe tendait à réciter ces dernières prières, entretenant alors l'intime espoir d'être accueilli dans les bras de la Dame Mara qu'il vénérait depuis sa trahison.
A présent, plus d'appels à la déesse, seuls les borborygmes sortaient de sa gorge, répandant une nouvelle source de sang dans le temple. La magie protégeant le bâton n'était plus et ce fut avec les mains tremblantes qu'elle le saisit et qu'elle finit par s'agenouiller à côté du mourant, animé de soubresauts, la main droite trépidante essayant de soigner la plaie béante par un sort de soin.
Elle chercha dans son sac machinalement, gardant un œil sur le Dunmer dont la vie lui filait entre les doigts à chaque seconde qui s'écoulait. Elle finit par sortir … du skooma. Une petite fiole qu'elle avait trouvée dans un repaire de bandits non loin de Blancherive et dont elle versa lentement le contenu sur la gorge du blessé, rentrant ainsi directement dans le système sanguin. Les pupilles rouges se dilatèrent aussitôt et ses tremblements finirent par presque se calmer, tandis que la respiration étouffée par son propre sang connaissait à ralentir de plus en plus.
Au moins c'est tout ce qu'elle pouvait réellement faire pour atténuer la douleur et faciliter le passage de l'elfe noir dans l'autre monde, pour rejoindre ses acolytes qu'il avait tué en sa compagnie. Un traître revenu parmi les siens, tandis qu'un nouveau allait fuir le temple par la suite, laissant ainsi derrière lui seulement des morts et des livres brûlés.
Une affaire de plus que l'archimage n'entendra jamais.
Comme toutes les autres expériences que ses collègues de Fortdhiver avaient pu commettre en toute illégalité et impunité. Mais dans son cas, c'était différent : elle avait tué plus d'une fois depuis peu, fût-ce des Altmers, des Nordiques ou même des Khajiits… ! Cependant… Érandur n'avait pas été un simple bandit de bas étage… mais un elfe qui avait aspiré à la rédemption, pour enfin retrouver la sérénité auprès de Mara.
Il avait été un homme bien, en quelque sorte. « Un bon gars » comme dirait le paysan du coin comme on en voyait par centaines lorsqu'on voyageait dans la région de Bordeciel. Tué par un mage, une unième sorcière pour la plupart des Nordiques fiers. Une raison de plus pour … éviter d'ébruiter l'affaire.
Elle soupira, après avoir remarqué qu'il n'y avait plus de bruit, si ce n'est sa respiration encore irrégulière.
« Puisses-tu aller en paix », grommela-t-elle avant de se relever, essuyant lentement le sang qui coulait de sa plaie à l'œil.
Elle se sentait presque misérable, tandis qu'elle cherchait la sortie du temple, le Crâne de la Corruption en main : que ce fût ce jour-là ou un autre, son âme à elle était prête à être accueilli en Oblivion pour les méfaits qu'elle avait commis bien sûr qu'elle en avait fait auparavant, mais là… elle avait été un vrai pantin du prince daedra Vaermina.
Son champion ? Elle crachait sur ce titre fraîchement acquis !
Pourtant, ce n'était pas le premier « noble » de la sorte qu'elle avait servi : Sanghiin avait été plus sympathique en soit, avec ses litres de bière et ses fêtards dans le Bosquet Brumeux, cette nuit qu'elle n'oublierait et surtout son lendemain, à courir après une chèvre, le cadeau de mariage pour une douce harfreuse… Ce genre de blagues était ses préférés, surtout lorsque c'était elle qui les mettait en place…
Malheureusement, cette période-là remontait … à quelques mois, selon elle. Elle n'avait plus la notion du temps depuis la réapparition soudaine des dragons dans ces contrées gelés par le souffle continuel et inexorable des vents glacials.
Le regret était à présent la seule chose qui suppurait de son être. Mais, au fond… Mélisandre, la petite brétonne de la lointaine Daggerfall, ne voulait pas quitter Bordeciel pour rien au monde. Il y régnait une liberté malsaine qui l'avait empoisonné depuis sa venue dans la région durant son enfance, pourrissant un peu plus son âme à mesure que sa dague tranchait la chair.
Un poison grouillant dans son être, dont elle n'allait plus pouvoir se passer.
Voilà voilà... Premier "texte", d'une sorte de recueil, se basant sur l'univers de The Elder Scrolls V : Skyrim (et potentiellement Oblivion pour plus tard, je pense). Je vais me focaliser sur deux de mes OCs en particulier. J'y vais à l'aveugle, mais bon... cela faisait un moment que je voulais faire ça, héhé!
