Bonjour bonjour !

Ça faisait longtemps que cette idée d'OS sur Sirius et Lily me trottait dans la tête, et j'ai fini par la coucher sur word il y a quelques mois (avec un soupçon de Sirius et de Bellatrix, parce que j'adore jouer sur leur relation ambigu). Je sais que le pairing peut paraître atypique, mais la relation qu'ils ont tous les deux m'a toujours fascinée, quelque part. Je suis pas sûre d'avoir exploité mon idée comme je le voulais, mais cet OS me prend vraiment à cœur alors n'hésitez pas à me donner votre avis dessus !

Disclaimer : tout appartient évidemment à JKR et l'image est de viria13 sur DeviantArt (allez voir son travail si vous vous ennuyez, c'est une pro des fanarts HP !).

Là-dessus, et bien...

Bonne lecture ! (Et je m'excuse d'avance pour les fautes, s'il en reste)


T'as jamais su différencier l'amour de l'attachement, l'attachement de l'amour.

La part de chien en toi s'attache relativement vite, mais se détache tout aussi relativement bien.

Pour le reste, tu sais que tu aimes James.

Tu aimes James comme un père, comme un frère, comme une mère ou une sœur, aussi. Tu l'aimes tellement que ça te ronge de partout et que t'en perdrais les pédales s'il venait à disparaître. Tu l'aimes tellement que même si t'aimes Remus et Peter, que même si t'aimes les parents de James, et bien dans le fond tu les détestes tous, parce que t'es égoïste et que t'aimes encore moins partager James, ton meilleur ami, ton frère de cœur, ton frère de meute, qu'un souffre-douleur comme Rogue ou qu'une fille comme Lily.


Toi et James, vous aviez toujours tout partagé, hein ?

Un simple compartiment au début, et puis, le choixpeau avait fait le reste.

'Hm hum', qu'il avait fait en se posant sur ta tête. 'Hum hum', qu'il avait continué de faire.

Et puis, les images avaient cavalé dans ta tête, ta petite tête si bien recouverte par ce couvre-chef rapiécé, et tu t'étais demandé, alors, ce que ça ferait si tu rejoignais James - sa petite tête à binocles et ses cheveux mal coiffés. Vous aviez partagé votre compartiment ensemble, il avait l'air marrant. Plus marrant que la serpillière et la carotte qui avait occupés le bout de la banquette, en tout cas.

Mais derrière ça, derrière James et le fait de t'être trouvé un bon pote, derrière toute la maison Gryffondor, ce n'était plus une quelconque tradition, que tu brisais, en devenant un lion. C'était les espoirs de la Noble et très Ancienne Maison des Black. C'était provoquer la fureur des cousines, endurer les ragots et pire encore : endurer la fureur d'Orion et Walburga. Qu'ils seraient furieux, alors, s'ils apprenaient tes incartades... tu étais l'enfant prodige, le préféré de Bellatrix : tu devais aller à Serpentard.

C'était inscrit dans tes gènes, dans le moindre de tes mouvements.

Alors, tu savais à quoi tu t'opposais, en contredisant ce que te dictait ton sang.

Mais le choixpeau avait son choix, et déjà, tu cavalais à la table des Gryffondors, un curieux rictus sur les lèvres. Tu ne savais même pas si tu étais heureux. Tu te contentais de marcher maladroitement vers ta nouvelle maison, ta dignité de Black mêlée à ta peur de croiser le regard de Cissy, à ta peur d'avoir fait le mauvais choix et de voir surgir dans la foule la terrifiante silhouette de celle qui te servait de mère. Et les autres, ah, les autres... Tu regardais le tas de mioches entassés devant le tabouret, et James était là, criant de toutes ses forces et battant des mains comme un débile - ce qu'il était probablement, après réflexion, il ne fallait pas se leurrer.

Mais James était content pour toi, et quelque part, sa tête d'ahuri te faisait du bien.

Tu te disais alors que peut-être, peut-être que tu pourrais noyer le poisson auprès des parents : leur dire que mieux valait encore la maison des biceps plutôt que le trou à rat des blaireaux. Et peut-être, peut-être que tu trouverais ta place, à Gryffondor, avec James qui taperait tous les jours dans ses mains et jouerait avec son épée imaginaire en se prenant pour Godric - parce que même s'il avait l'air d'être sérieusement désaxé, au moins il avait de l'humour, et tu sentais bien qu'en restant à ses côtés, tes chances de crever d'ennui seraient plus limitées.

Mais pourtant... pourtant, quelque part, le vacarme produit par James ne suffisait pas à couvrir le silence qui avait suivi ta répartition.

Tu étais un parvenu.

Trop Black pour être entièrement Gryffondor, et maintenant assez Gryffondor pour ne jamais pouvoir être un Serpentard.

Mais ça, c'était normal, n'est-ce pas Sirius ? Normal de ne pas voir la bergerie souhaiter la bienvenue au loup.

Tu étais un Black, après tout. Un Black pour toujours et depuis ta naissance.

L'une de tes cousines était une psychopathe, l'autre une blondasse psychorigide. Ta mère, elle t'avait eu avec son cousin, et ton petit frère deviendrait un mangemort.

Quelque part, donc, tu étais un Black, et ta mécanique, si elle était parfaitement lustrée de l'extérieur, avec ton port altier et les yeux noirs si caractéristiques de ta famille, s'effritait à l'intérieur. En toi, il n'y avait qu'un amas de pourritures, de rouages qui fonctionnaient à l'envers et te faisait déconner. Tu étais un Black, oui, et dès lors, sans être un Serpentard, tu n'en étais pas moins le brouillon, un brouillon esquissé par les mains malhabiles de tes parents et dont les contours devenaient toujours plus flous à chaque heures qui passaient.

Tu étais perdu. Perdu dans un monde qui ne t'appartenait pas et qu'il te faudrait conquérir.

Et James, lui... Ah, il t'aiderait, t'étais-tu dit ce soir là, en t'emmitouflant dans ta couette, les yeux fixés sur le plafond en bois de ton lit à baldaquin. Il t'aiderait, t'étais-tu répété inlassablement, tes yeux posés sur le Snakes suck qui y était inscrit, à la pointe d'un couteau.

Ton cerveau baignait dans la crasse de ton nom, et lui, James Potter, il purgerait ton crâne de tous ces maux.

.

.

Les années à Poudlard se sont écoulées.

James et toi étiez toujours plus proches, toujours plus semblables.

Vous partagiez tout. Vous aimiez tout partager. De votre dortoir à vos balais en passant par vos caleçons, vos robes, vos livres, vos cours et tes lectures plus ou moins suspectes - et même les parents de James. Vos parchemins à rédiger pour Binns, vous les entamiez à une heure du matin, assis sur le même canapé, partageant les mêmes idées et le même encrier. Et vous riez aux mêmes blagues, vous vous liguiez contre les autres !

C'était toujours toi qui avait une idée, James qui la mettait sur pied. Et, quand vous parliez de vos méfaits, Remus et Peter écoutaient en bons auditeurs - mais pourtant, quelque part, il n'y avait que vous qui vous compreniez réellement.

Peter craignait les foudres de sa mère pour risquer chaque nuit une retenue, et Remus était trop correct pour tolérer toutes les crasses que vous faisiez. Et, oh, bien sûr que tu les adorais quand même ! Remus était une énigme que James et toi aviez de longs mois passés à déchiffrer, et Peter... Peter était ce pote d'humeur bonhomme, toujours à babiller, jamais de mauvaise humeur. James et toi, vous vous plaisiez à le coacher, le soir, dans le dortoir, à lui montrer quel pote formidable il était, quand toute l'école semblait penser qu'il n'était que le garçon grassouillet qui traînait sans arrêt derrière vous par désespoir de cause.

Ils ne comprenaient pas. Ils ne comprenaient pas, que vous étiez les maraudeurs, et que vous auriez crever les uns pour les autres, si ça vous avait été possible.

Seulement... seulement, vous étiez quatre, et vous étiez deux, tout à la fois.

Peter et Remus n'étaient pas James.

Et James... James était James.

Tu aurais pu lui dresser une stèle, dans tes plus sombres délires, tellement tu l'idolâtrais.

Et même maintenant, quelques fois, quand tu contemples tes mains noires de crasse et que tu t'enroules au fond de ta prison, il t'arrive de marmonner son nom, inlassablement, dans un chuchotis imperceptible, terrible et éloigné. C'est comme une prière, comme une litanie. Un spasme violent qui vient secouer ta gorge et te force à hurler son prénom. Et tu marmonnes, tu marmonnes, et tu voudrais l'écrire sur tous les murs pour être sûr de ne pas l'oublier.

James était ton pote. Ton meilleur pote. Presque un frère, qui doucement peu à peu effaçait les liens qui te reliaient à Regulus. Presque un frère, donc, ou peut-être un père, un oncle, n'importe quoi ! James était tout, tout simplement. Sous son égide, tu grandissais et devenais l'archétype du Gryffondor : fougueux et téméraire, complètement suicidaire. Toute ton enfance, on avait voulu te faire taire, t'apprendre les bonnes manières. Et, si certaines restaient, tu ouvrais maintenant grand la bouche, et il fallait te frapper fort, pour que ton babillage et tes cris révolutionnaires cessent.

Tout allait pour le mieux, donc. Pour le mieux et dans le meilleur des mondes.

Mais évidemment, parce que ça arrive toujours, les choses ont fini par changer.

Comment aurais-tu pu prévoir, dès lors, que James tomberait amoureux ? Amoureux de cette fille aux yeux trop verts et aux cheveux tout rouges ? Amoureux d'Evans, putain, cette casse-pied qui se gorgeait toujours de tout savoir et qui traînait avec Servilo !

Hmm...

Tout compte fait, toi et elle, vous vous ressembliez. Toi, tu étais là, partagé entre Sirius et l'héritier des Black. Et Evans... Evans, tu la regardais déambuler, dans un bruissement de rouge et de vert. Elle aussi, elle était partagée entre deux couleurs.

Et c'est peut-être pour ça, que tu es tombée amoureux d'elle en premier...

A moins que ce ne soit parce que James et toi étiez tellement semblables.

Vous trouviez ça drôle, et c'était malsain.

Et, quelque part, quelque part vous auriez dû le savoir, vous auriez dû le sentir, que vous vous éprendriez de la même fille. Severus Rogue n'était-il pas après tout votre Némésis à tous les deux ?

Il y avait eu quelque chose, ce jour-là, dans ce compartiment où tu les avais rencontrés. Quelque chose qui vous avez tous lié.

Et maintenant, il te fallait défaire les nœuds, en prenant garde à ne pas t'emmêler.

.

.

- Il n'y a plus rien à faire, Orion. Il ne nous écoute pas-

- Je le sais, je le sais très bien-

- ... Il ne nous écoute plus. Il s'en moque. Il se moque de nous ! Lui et ses immondes petits amis traîtres à leur sang... Ses amis au sang impurs... Tu ne vois donc pas ? Tu ne vois donc pas avec quelles racailles fricote notre fils ? NOTRE FILS EST UN MONSTRE, ORION ! UN PETIT MONSTRE QUI NOUS TUE LENTEMENT ET A PETIT FEU, ET QUI SOUILLE NOTRE PROPRE MAISON, NOTRE SANG, NOTRE HISTOIRE ! UN PETIT MONSTRE QUI NOUS DÉSHONORE-

- TAIS-TOI ! Tais-toi ! Tu me donnes mal à la tête-

- Alors quoi ? Tu vas me dire que tu t'en fiches, que ton fils pourrisse notre arbre ? Avait craché Walburga, les doigts convulsivement serrés sur le manche de sa baguette. Tu vas me dire que tu t'en fiches, qu'il ait le culot d'afficher des photos de femmes nues dans sa chambre et d'accrocher une foutue bannière à l'effigie de Gryffondor ? Non, ça ne te fait rien ?

Ton rire avait semblé résonner du haut de la cage d'escalier, comme une succession d'aboiements - et comme si tu étais là, quelque part, partout, à te réjouir de leur malheur, de votre famille brisée.

Ou peut-être que c'était juste dans la tête de ta mère.

Il n'y avait que l'éclat de leurs voix, à Orion et à elle, pour rompre le silence itinérant à Grimmaurd.

- Je n'aurais jamais dû te laisser l'élever toute seule, Walburga. Tu ne fais que de te ridiculiser, tu cèdes à ses provocations...

- AH, PARCE QUE C'EST DE MA FAUTE, MAINTENANT, SI SIRIUS EST COMME CA ? MA FAUTE SI TU N'ES JAMAIS LA ?

.

.

Tu ne sais plus bien comment tu as craqué pour Evans, hein Sirius ?

Un jour c'était encore la chieuse de service, et, quand tu la croisais seule dans un couloir, tu ne pouvais t'empêcher de crier : « Ben alors, Poils de carotte ? T'as perdu ta friteuse ? ».

Tu ne pouvais pas la supporter.

Il fallait toujours qu'elle se mêle de tout, qu'elle proteste et qu'elle râle à la moindre incartade. Elle voulait toujours tout dire, tout faire, tout contrôler et tout savoir. Elle vous trouvait prétentieux et ne cesser de le commenter à haute voix. Elle vous trouvait infâme et ne cessait de le hurler sous tous les toits. Quand elle vous surprenait en train de sortir de la tour après le couvre-feu, elle vous faisait la morale et menaçait de vous dénoncer. Mais elle avait bien trop peur de faire perdre des points à sa propre maison pour ce faire. Et, quand elle vous voyait courir James et toi comme deux abrutis dans les couloirs du château, quand vous vous retrouviez encore à vous battre contre des Serpentards ou à ridiculiser Servilo, elle criait, tapait du point, insultait et menaçait. Elle vous gâcher la fête. Elle disait que vous étiez des débiles, des abrutis, elle disait qu'elle vous détestait et que même, le mot était fort pour deux atrophiés du bulbe dans votre genre. Elle vous méprisait. Elle vous snobait. Et puis, pire que tout... C'était une fichue intello. Le genre à catastropher à la sortie d'un contrôle, à harceler les profs pour avoir des conseils, et à passer son temps fourrée à la bibliothèque ou vautrée à plat sur l'herbe dans le parc de Poudlard, le nez collé à ses grimoires comme on colle une punaise à un mur.

Elle te dégoûtait.

Elle te dégoûtait parce qu'elle ignorait la vie, et que toi, tu croquais à pleine dents dans tout ce qu'elle t'offrait.

Pourtant... Le jour d'après...

Elle n'était plus ça. Plus juste « Poils de carotte », la fille au nez et aux sourcils froncés, plus juste la chieuse et l'intello, la coincée du bouleau.

Elle était « plutôt pas mal, en fait ».

Jack Raggerstone l'avait balancé comme ça, du bout des lèvres, un jour à la Bibliothèque. C'était en quatrième, tu te souviens ? Il était à Poufsouffle, et lui et toi aviez un devoir en commun à rendre au professeur Chourave. Et Evans était là, quelques tables plus loin, à plancher sur un quelconque devoir - et à jeter des œillades agacées aux alentours chaque fois qu'un mot était prononcé une décibel trop haute.

« Tu rigoles ? » tu avais alors fait. « Cette pimbêche ? »

Et tu avais rigolé. L'espace d'un instant, Pince avait abattu sa main sur votre table, comme le foutu rapace qu'elle était, avant de s'en aller crier sur d'autres élèves. Et toi, tu avais gloussé une dernière fois, avant de ranger la remarque de Raggerstone quelque part dans un coin de ta tête. Et, dès lors, la remarque avait poussé, la remarque avait grandi. Elle s'était peu à peu faufilée à travers tes neurones et toi, tu t'étais surpris à regarder de plus en plus Evans, années après années - ignorant en même temps que James également, était intéressé, et qu'il lui arrivait parfois de la mâter en cachette dans l'obscurité des cours de potion.

James n'en parlait pas, à l'époque, de son béguin pour Evans.

Peut-être qu'il en avait honte, quelque part, de trouver cette fille jolie quand elle ne faisait que lui crier dessus à tors et à travers. Ou peut-être que ce dont il avait honte, c'était d'avoir un faible pour une fille que vous n'appréciez même pas tous les deux, à l'origine, et qui elle ne vous appréciait pas non plus. Alors, vous étiez là, comme deux ahuris, à la fixer de ce même regard perplexe sans vous en rendre compte, sans même oser en faire la remarque à l'autre. Mais vous voyiez bien, tous les deux, vous sentiez bien qu'il y avait quelque chose d'intrigant chez Evans. Elle n'était pas plus jolie qu'une autre, pas plus canon que Margeary Eels, de Serdaigle, avec sa peau halée et ses cheveux châtains qui lui tombaient sur la poitrine. Evans, elle, elle avait une poitrine menue, et des hanches un peu larges. Mais elle avait quelque chose. Elle était un mélange de rouge et de vert, et c'était presque délicieux, là, quand toutes ses couleurs s'accordaient avec une harmonie presque parfaite sur sa peau blanche et crémeuse. Et toi, Sirius, ça te fascinait. Ça te fascinait et t'en devenait malade, de la voir et de ne rien comprendre. T'en devenais malade, et sans pour autant ignorer le problème, tu préférais te voiler la face.

Il y avait quelque chose de beau et d'horrible à la fois, d'aimer quelqu'un que l'on détestait. Mais c'était frustrant. Tellement, tellement frustrant !

Quelques fois, allongé sur ton lit, tu voyais son nom défiler sur la carte.

Oh, la carte n'en était pas encore à son stade terminal, à l'époque, elle n'était même encore qu'ébauchée. Mais Lily, en préfète qu'elle était, avait su susciter vos craintes et portait déjà un petit point à son effigie. Et toi, Sirius, tu te perdais dans ses pas et tu la regardais faire sa ronde avec curiosité. Chaque soir, « Lily Evans » trimbalait sa carcasse un peu partout dans le château, et ça te donnait mal au cœur, quelque part, de voir sans cesse son prénom aller et venir le long des couloirs du château, à demi éclairés par les torches.

Alors un jour, tu t'es redressé, tu as balancé tes pieds hors du lit et James a délaissé ses dernières concoctions dans un coin de la pièce pour te regarder faire. Lui et les autres n'ont pas bronché quand tu as dit que tu t'ennuyais et que tu partais faire un tour : tu t'ennuyais toujours.

Tu t'ennuyais tellement que tu disais souvent que tu préférais mourir que rester inactif trop longtemps. L'ennuie te faisait broyer du noir, te rappeler des souvenirs. Dans tes plus mauvais rêves, tu sentais le souffle de Bella sur ta nuque et la marque du Sombre Seigneur brûler sur ton bras. Dans tes plus mauvais rêves, James n'existait pas ; et Sirius mourait dans l'ombre de Black.

Pendant quelques minutes, donc, tu as déambulé, brisant de tes pas le silence sinistre des couloirs endormis. Tu savais où tu allais, tu n'avais qu'à suivre la carte. Au bout d'un moment, tu t'es arrêté à l'embranchement d'un couloir, et tu as attendu. Les pas d'Evans ont commencé à résonner dans le couloir, et tu voyais son ombre grandir, se projeter sur les murs. Tu contemplais ses membres rallongés, déformés par la lueur des torches, et tu la regardais se mouvoir, les doigts crispés sur ta baguette. Enfin, quand tu as senti la sorcière parvenir à ta hauteur, tu l'as agrippé bien fort par le bras et tu l'as attirée contre toi.

"Bouh" As-tu fais, avec un petit rire perfide.

Et Evans a crié, l'espace de quelques secondes. Elle s'est débattu un instant, t'as frappé de son poing libre, a même tenté de te mordre et de te cracher au visage. Elle avait peur. Elle était terrifiée.

Parce qu'à une certaine époque, les agressions nocturnes étaient courantes, entre les couloirs du château. C'était la nuit que la tension entre les maisons était la plus forte, la nuit que James, Remus, Peter et toi sortiez en cachette de la Salle Commune des Gryffondors pour jouer un tour aux Serpentards, et la nuit aussi que ces mêmes Serpentards décidaient de s'en prendre aux plus traînards. Mary McDonald en avait fait les frais avec le jeune Mulciber, un jour.

Et maintenant... Maintenant, elle restait tétanisée à son approche, couinant de temps à autre quand il surgissait sans prévenir, son regard vicieux posé sur elle, ses joues rondes et son air affolé. Parfois, en cours, Mulciber s'arrangeait pour être placé à côté de la jeune fille, humant avec avidité son parfum.

Et il se délectait de sa terreur. Il se délectait de la voir rester collée à sa chaise, paniquée et muette, incapable de faire le moindre geste, incapable de le balancer aux professeurs.

Toi, devant Evans, tu as juste rigolé, encerclant ses poignets entre tes deux mains libres, et elle s'est calmée en te reconnaissant.

« T'es complètement malade ! » Elle a sifflé avec un regard regard noir tout en détachant ses mains, encore tremblante de s'être fait prendre par surprise.

Tu as levé les yeux au ciel.

« Qu'est-ce que tu fais ici ? » elle t'a finalement lancé d'une voix sèche « Tu devrais être à la tour. ». Elle a plissé les yeux, méfiante, avant de retenter, encore plus sévère « Vous être encore en train de préparer un plan foireux, c'est ça ? Où est Potter ? ». Et elle continuait à aboyer, à te faire ses petits mises en garde.

Toi, tu la regardais, et sans t'en rendre compte, tu es devenu obsédé par ses lèvres. Tu les voyais bouger, et dans ta tête, tout à coup, c'était du vent, ce qu'elle te disait, un vent qui te faisait l'effet d'une drogue, et t'avais envie de planer, de planer et de l'embrasser à pleine bouche, de sentir ses cheveux et sa nuque, de toucher ses seins...

« Black ? » elle a fait cette fois-ci, d'une voix plus calme.

Tu avais déjà commencé à te pencher vers elle.

Tu t'es soudainement redressé. Ton visage s'est fermé, et elle, elle t'a regardé sans comprendre, ou peut-être bien que si, elle avait compris. Mais elle n'a rien dit. Elle faisait sa prude, comme toujours.

Alors, tu t'es dit que c'était les hormones, juste les hormones. Un processus chimique qui te claquait les neurones et te brouillait le cerveau comme un œuf sur le plat. Ça te passerait.

Ça te passerait comme un rhume, ou quelque chose du genre.

Ça n'est jamais passé.

Tu la voyais, tu te disais que t'allais l'ignorer, que t'allais partir, fuir, n'importe où, ne pas voir sa tête, ni ses yeux, ni sa bouche, ni son nez, ses cheveux, ses épaules, ses mains, sa nuque, le reste, tout le reste, surtout ses yeux – parce que tu savais que si tu croisais son regard, tu voudrais te jeter sur elle, parce que tu savais qu'en scrutant ses lèvres, tu voudrais l'embrasser, parce que tu savais qu'en déviant sur ses mains, tu perdrais les pédales et tu voudrais qu'elle te retienne et t'agrippe par le bras et te retourne vers elle et te serre fort et que tu voudrais la plaquer contre un mur et lui souffler que tu l'aimes, peut-être, un peu, probablement – et ça n'est jamais passé, c'est tout.

Tu la voyais et ça te donnait mal au cœur à en gerber.

.

.

C'est Bellatrix qui t'a offert ton premier baiser.

Elle avait vingt-quatre ans. Tu en avais quinze.

Drôle de situation.

- Tu ne pourras pas toujours rester un gamin, t'avait-elle annoncé d'emblée, ce jour-là, en se rapprochant de toi.

Et tu ne t'y attendais pas. Comment aurais-tu pu t'y attendre ?

Aussi cinglée soit ta famille, au milieu des minuscules visages d'elfes figés dans l'ombre et des ouvrages interdits, il demeurait encore des rites dont tu n'aurais jamais soupçonné l'existence.

Alors, tout ce qui t'avais traversé l'esprit, en apercevant ta cousine franchir le seuil de ta chambre, c'était que tu la surplombais enfin, après toutes ces années. De quelques centimètres, le dos raide et le menton relevé.

Elle était obligée de redresser la tête, pour mieux te regarder en face.

Et c'était jouissif.

Tellement.

De voir le recoin de ses lèvres se crisper devant cette constatation. De voir son regard s'assombrir.

- Qu'est-ce qui te dit que j'en suis toujours un ? Tu l'avais donc défié.

- Oh, cousin...

Elle avait ricané.

Puis, tout soudain, c'est elle qui t'avait surplombé. Elle t'avait fait basculer en arrière. Te clouant au lit comme on écraserait farouchement un ennemi au sol, sa main posée fermement sur ton torse, l'autre trônant à quelques centimètres de tes oreilles, serrant fermement sa baguette, tandis qu'elle... quoi ? Qu'elle te chevauchait ? Ses jambes encerclant ton corps, ses genoux posés contre tes hanches.

Elle était tellement fière, tellement arrogante, qu'elle pensait que son prénom lui donnait tous les pouvoirs et qu'elle pouvait dominer tout le monde.

- Tu crois que parce que tu as grandi, tu crois que parce que tu as pris quelques centimètres, tu va pouvoir te rebeller ? Elle avait chuchoté.

Tu avais gigoté, mais il semblait que tu te surestimais, et que tu sous-estimais la force de ta cousine.

Mais qu'est-ce que tu croyais ? C'était une battante. Une duelliste de renom.

Elle parcourait le monde et écrasait ses adversaires un à un, pendant que toi, tu vaquais à Poudlard terroriser des Serpentards, à fantasmer bêtement sur Lily Evans.

- Cesse de te débattre, Sirius...

Elle s'était collée à toi. Comme pour te faire comprendre.

Sauf que tu ne comprenais pas. Les poings crispés, les yeux brûlants.

- Pourquoi ? Avais-tu craché. Pour que tu puisses plus facilement me remettre dans le droit chemin ?

Tu les avais entendus, tout à l'heure. Père et mère qui criaient, encore. Bellatrix qui s'interposait.

[Parle-lui, toi, Bellatrix. Vous avez toujours été proches. Fais-lui entendre raison.]

Mais vous n'étiez plus proches, oh non non non non non.

Bellatrix t'avait suffisamment dit ce qu'elle pensait de tes fréquentations pour que tu l'écoutes encore.

- Si mère voulait me donner une correction, elle aurait pu s'en charger elle-même... Alors, dis-moi, cousine, qu'est-ce que tu vas me faire ? Qu'est-ce que tu vas me faire qu'ils n'ont pas déjà fait ? M'envoyer des doloris ?

Noël avait été dur. Ton corps était couvert de bleu. Ta tête bouillante de rage.

Tu aurais voulu répliquer contre les maléfices d'Orion et les coups de Walburga. Crier de tout ton soûl et fracasser leur crâne sur l'évier, jusqu'à faire taire les geignements.

Mais quelque part, peut-être que tu les aimais encore.

Suffisamment pour rester cloîtrer dans ta chambre, suffisamment pour ne pas sans cesse les défier du regard et éviter les effusions de sang.

Un jour, si tu ne partais pas, le square aurait raison de toi.

Tu serais devenu assez fort pour n'en faire qu'une bouchée.

Les cris de Walburga te transperceraient l'oreille, inondant ton cerveau d'un vaste vomi d'insultes. Tu ne réfléchirais plus. Tu ne penserais plus. Les poings crispés, le sang battant. Patmol lancerait l'assaut et tu leur sauterais à la gorge.

Retapissant de rouge le manoir tout entier.

- Qu'est-ce que ton maître vous apprend, chez les dingues ? Tu avais retenté, moqueur.

La main de Bellatrix s'était renfoncée un peu plus sur ton torse. Tu avais sentie ses ongles égratigner ta peau, à travers ton tee-shirt. Comme si elle voulait t'étriper, plonger sa main à travers toi. Et arracher ton cœur.

Elle s'était subitement penchée vers toi et c'était ta langue, qu'elle avait alors dû vouloir arracher.

Vos lèvres s'étaient entrechoquées. Elle te bouffait la bouche. Envahissant de sa langue les moindres recoins, te forçant à plier et à baisser la garde tandis que tu te débattais, broyant tes bras entre ses mains et t'écrasant de tout son poids pour mieux te retenir, plantant ses dents là où elle pouvait lorsqu'elle te sentait te détacher.

- Qu'est-ce que tu fais ? T'es malade ? Tu avais haleté en réussissant finalement à te dégager.

C'était la première fois qu'on t'embrassait comme ça. La première fois qu'on t'embrassait tout court, même.

Tu avais poussé Bellatrix sur le côté, reculant à tâtons sur ton lit tandis qu'elle te suivait du regard en s'essuyant la bouche avec satisfaction.

- Je serais ta première, tu l'avais entendu chuchoter, butée. Ton unique souvenir. Pour que tu te rappelles bien à quel point la pureté de notre sang est le plus important.

- Mais t'es complétement tarée, ma parole !

- Tu ne me laisses pas le choix, Sirius. Je n'ai pas envie que tu finisses comme Andro. A fuir chez les moldus. A renier ta nature.

- Reste où t'es ! Tu avais hurlé de plus belle en la voyant prête à se rapprocher.

Elle avait ricané. Ses lèvres étaient rouges et ses cheveux emmêlés.

- Me fais pas croire que t'en as pas envie.

- T'es ma cousine.

- Ça te dérangeait pas, pourtant, avant.

Les soirs d'orage, quand Regulus n'était pas là, tu te glissais dans son lit, t'emmitouflais contre elle. Elle t'embrassait doucement, juste pour te rassurer.

- J'avais six ans ! Tu mettais pas la langue...

- Mais il faut bien la mettre un jour, bébé Sirius...

- Pas avec toi !

- Pourquoi ?

Son visage s'était lentement laissé déformer par une moue boudeuse.

- Je te l'ai dit pourquoi !

- Je suis trop vieille ? Pas assez désirable ?

Bien sûr qu'elle était désirable. Elle le savait, et tu le savais encore plus parce que tu étais un adolescent plein d'hormones (et sérieusement, des tas de personnes avaient déjà fantasmé sur leurs cousins).

Sa robe soulignait ses formes, sa taille, ses hanches, son corset mettait en valeur la courbe de ses seins, ses cheveux noirs dégringolaient sur ses épaules d'albâtres. Elle aimait jouer à l'homme. Elle aimait malmener, dominer, écraser. Mais elle était bien plus femme et bien plus belle que ne le serait jamais aucune de tes connaissances.

Mais c'était ta cousine.

Tu n'étais pas Orion.

Elle n'était pas Walburga.

C'était une autre époque.

- Va demander ça à Rodolphus, avais-tu donc craché.

Le regard de Bellatrix s'était fait plus perçant.

- Je te fais une faveur, Sirius, avait-elle murmuré en étreignant ton poignet.

En penchant de nouveau la tête.

- Je m'en passerai, tu avais crié en l'écartant violemment.

Elle s'était accrochée, cependant - jusqu'à ce que tu ne trouves rien d'autres à faire que paniquer et lui balancer ton poing dans la figure.

Sa lèvre supérieur avait semblé éclater.

Tu n'aimais pas trop te souvenir de ce qui avait suivi.

.

.

Plus tard, tu t'es souvenu de ce moment où tu avais failli embrasser Evans.

Tu t'es traité d'abruti.

Mais quoi ? C'était ta faute, hein, Sirius. Ta faute si tu n'avais pas su saisir l'occasion. Ta faute si tu avais attendu trop longtemps, comme tu avais attendu trop longtemps le jour de la rentrée et que James avait pris le lit le plus confortable - il y avait toujours un lit meilleur que l'autre, n'est-ce pas ? Le plus éloigné des toilettes, le plus éloigné de la porte et le plus éloigné de la fenêtre... Mais passons.

Tes problèmes de literies étaient moindres, comparés à Evans.

Parce que James était en jeu, lui aussi.

James regardait Lily, se passait sans arrêt sa main dans les cheveux. Tu l'avais remarqué, bien sûr, et mal interprété. Parfois, tu en parlais avec Remus. Tu lui demandais « Tu crois que James est sur une fille ? ». Et le loup te répondait « Hun hun » plongé dans ses bouquins. Alors tu te retournais vers Peter, et lui haussait les épaules. « James peut avoir qui il veut ». « Pas Evans » tu rétorquais en ricanant. Et Remus levait alors les yeux de son bouquin, le visage hésitant. Il ne disait rien et la conversation en restait là.

Evans et toi, vous vous voyiez en secret, à une certaine époque. Enfin, façon de parler. Tu prenais toujours la carte avec toi, pour éviter les soupçons : James l'aurait mal pris, s'il avait su pour Evans. Pas qu'il l'aimait ; dans ta tête, c'était tout le contraire et les deux ne pouvaient même pas se sentir. Mais toi, tu l'aimais bien, maintenant, et même bien plus que bien. Tu aimais la surprendre quelques fois dans le noir, pendant ses rondes, et tu marchais avec elle pendant de longues demi-heure, quand elle ne te rembarrait pas sèchement - et même quand elle le faisait. Tu lui disais tout ce qui te venait par la tête.

"T'es vraiment coincée."

"Encore heureux que t'aies tes rondes pour pouvoir perdre du cul."

"Toujours vierge ?"

Pas le meilleur moyen de draguer, mais t'étais un connard, n'est-ce pas ?

Tu le savais. Tu en jouais.

Mais tu te disais qu'il n'y avait bien que ça pour la faire réagir.

Tu la croyais frigide - et elle était fougueuse.

Elle t'en a fait voir des belles, tout compte fait ! Elle pouvait être adorable d'un côté, et de l'autre, quand elle était fatiguée, elle pouvait subitement se mettre à cracher son venin sur le dos de ceux qu'elle n'aimait pas.

"Non mais t'as vu la tête de Wilkes ? Il a la face tellement écrasée qu'on dirait qu'il s'est pris une porte."

C'était dans ses moments là que tu la trouvais drôle.

Certains soirs, elle te parlait de son monde à elle. Elle te parlait des moldus, de son enfance dans le Surrey. Elle te disait qu'avant d'entrer à Poudlard, les nés-moldus allaient déjà à l'école. Ils apprenaient à lire, à écrire, à compter. Toi, tu te demandais juste à quoi ça servait d'aller dans une école quand tu pouvais tout aussi bien rester à la maison. Mais quelque part, quelque part tu étais envieux.

Walburga se voulait pédagogue, Walburga t'avait éduqué... Dans le culte du sang et le culte du rang... Mais tu aurais aimé que ce soit toi, qui aille à l'école, quand Evans aurait dû endurer les pleurnicheries de Regulus et les corrections de mère.

Et Evans te parlait, elle te parlait toujours un peu plus. Elle aimait la musique, elle te faisait écouter quelques groupes. Les Clash, les Doors, Cure et les Beatles. C'était son monde, tout y passait, et toi, toi tu te laissais envahir par ses goûts. Tu lui parlais un peu de toi, quand tu étais d'humeur à ça. Tu lui parlais de Regulus, tu lui parlais de Bella, de ton père trop absent, de ta mère envahissante, constamment sur ton dos, constamment sur les nerfs. Toujours à fouiner, toujours à tout contrôler.

C'était le genre de chose dont tu ne parlais jamais à James. Avec James, il fallait toujours être drôle, prêt à lancer des piques. Tu étais terrifié à l'idée qu'il se lasse, si jamais tu venais à devenir ennuyant. A pleurnicher sur son épaule et à te conduire comme une chochotte.

Un mec n'avait pas à raconter ses problèmes, après tout. Un mec savait comment les résoudre tout seul.

Avec Evans, c'était différent. Les mots sortaient facilement. Tu lui parlais d'une famille qui périclitait depuis déjà bien longtemps au fond de ton cœur, mais qui continuait à essayer d'ancrer son venin en toi. Et c'était presque jouissif, de te voir te rapprocher d'elle comme ça, toi qui était un Black, toi qui était censé la mépriser.

Bellatrix serait tellement furieuse, si elle le savait...

Et Evans ne disait rien.

Dans ses yeux, dans ses cheveux, il y avait un feu ardent, un feu destiné à ne jamais faiblir, à ne jamais s'éteindre.

Il n'y avait aucune noirceur, en elle. Elle n'était pas destinée à pourrir.

Pas comme toi.

.

.

« C'est d'accord, à condition que tu acceptes de sortir avec moi, Evans. Allez... Sors avec moi et je ne porterais plus jamais la main sur le vieux Servilo. »

T'es resté tétanisé, ce jour là, hein Sirius ? Ah ! Voilà que ce bon vieux James se révélait en fait être amoureux d'Evans...

Et le pire, c'est que ça te sautait aux yeux, tout à coup.

Ça te sautait aux yeux, que James l'aimait comme un dingue, parce que James était comme tout le monde, parce qu'il était comme toi, et qu'au fond, il n'y avait que les trucs qu'il ne prenait pas la peine de partager qu'il devait vraiment aimer.

« Je ne sortirai jamais avec toi, même si je n'avais plus le choix qu'entre toi et le calmar géant. »

« Pas de chance Cornedrue ! » tu ne peux t'empêcher de déballer vivement en entendant la réplique de Lily fuser.

Tu sens le regard de Lily se poser sur toi, et puis un mouvement sur ta droite te rappelle la présence de Rogue et tu pousses une exclamation.

Le reste de l'histoire, tu la connais, Sirius. Tu t'en rappelles, que ce soit à travers tes souvenirs ou à travers ceux de James.

Et de toute façon, tout le monde la connaît, cette histoire. Tout le monde se rappelle du caleçon grisâtre de Servilo, de ses deux jambes maigrelettes et de la colère de Lily.

Tout le monde.

Mais personne n'a jamais compris à quel point ta petite bulle a volé en éclat, ce jour-là.

.

.

- ENLÈVE CES CHOSES SIRIUS ! ENLÈVE CES CHOSES DE MA VUE !

Quel enfant atroce tu étais. A darder sur ta mère un regard si perfide.

- Pourquoi ? C'est ma chambre, j'en fais ce que je veux. Si tu veux pas les voir, t'as qu'à pas rentrer.

- SALE VAURIEN ! JE VAIS T'APPRENDRE, MOI, A RESPECTER CETTE MAISON ! Décroche-moi ça !

Elle ne cessait de faire de grands moulinets de bras, comme si ça allait appuyer ses propos.

- T'as qu'à le faire toi-même.

- Décroche-moi ça ! Rugissait-elle. Ou tu veux que je fasse sauter le mur ?

- Ah, c'est comme ça, vous, que vous respectez notre demeure ?

- ESPÈCE DE - AHH ! IGNOBLE PETITE CRÉATURE ! J'aurais mieux fait de te tuer quand tu étais encore dans mon ventre !

Parfois, tu te faisais la même réflexion - quand tu étais toi, encore à l'intérieur d'elle.

.

.

Tu te souviens de ta sixième année, Sirius ? L'été d'avant, tu quittais définitivement tes parents. Tu prenais ta malle, sans un regard pour Regie, sans un regard pour ta mère. Tu te barrais comme un voleur après avoir ficelé Kreattur à une chaise - il ne s'en est jamais remis. Ta mère elle, t'avait complètement renié. Et Bella, elle t'avait haï, haï jusqu'à n'en plus finir, autant qu'elle t'avait chéri dans ton enfance. Tu étais son cousin préféré, et maintenant, il ne lui restait plus que Regulus pour jouer, ce pauvre Regulus qui dans ton ombre s'étouffait et ne t'arrivait même pas à la hauteur.

Regulus avait grandi, depuis sa première rentrée à Poudlard. Il avait commencé à fréquenter certaines personnes, certaines réunions dont tu aurais préféré ignorer l'existence... Peu importe, au final. Enfant, tu lui disais que tu serais toujours là pour lui. Que tu le protégerais des monstres tapis sous le lit.

Les années ont passé, tu as rompu ta promesse. Le petit Regugu a fini dévoré par les monstres.

Regrettes-tu, maintenant, Sirius, de ne pas l'avoir emmené avec toi ce jour-là, au lieu de le laisser contempler avec une fascination presque morbide le trou dans la tapisserie ? Dis-moi, Sirius. Regrettes-tu ?

.

.

En sixième année, James parlait sans cesse de Lily.

Il te parlait de ses yeux, de ses cheveux, de sa nuque... Il te disait qu'elle était belle, te répéter des évidences. Et bla bla bla, que ça faisait. Et bla bla bla...

Toi, tu restais silencieux.

Tu ne parlais plus à Lily depuis des mois, maintenant. Tu laissais couler les choses.

Pour James, tu te disais. Ce bon vieux James, avec qui vous partagiez tout... Pour James, tu te répétais à chaque fois que tu la voyais passer, en détournant les yeux.

Mais c'était toujours plus douloureux à chaque fois, et tu ne cessais de te demander si tu l'avais autant aimé les premières fois ou si c'était l'amour de James qui rendait le tien plus consistant, comme si tu essayais de copier les goût de cet être que tu vénérais tant, quitte à t'enfoncer dans une mélasse sans fin. Mais il fallait toujours que tu fasses tout comme James, n'est-ce pas ? C'était une obsession, chez toi.

Mais tu ne devais plus craquer ; et pas seulement pour toi, parce que tu trouvais ça débile, de tomber amoureux. Non. Il n'y avait plus seulement Lily en jeu, désormais. Il n'y avait plus seulement la peur désuète de subir les moqueries de ton meilleur pote. Maintenant, aux yeux de James, Poils de carotte était devenu Lily-Jolie, et toi, tu n'avais plus le droit de poser une option sur elle.

James avait été plus rapide, voilà tout.

Il avait été plus rapide, et maintenant il n'y avait plus qu'à tourner la page.

Et puis quoi ? Après tout, Evans restait Evans, et les sentiments, c'était du flan.

Ça pouvait se contrôler.

Suffisait d'avoir de la volonté, suffisait d'y voir suffisamment de désagréments. Avec un peu d'auto-persuasion, elle redeviendrait bien vite la chieuse qu'elle avait toujours été.

Et puis, qu'était-elle, à côté de James ? Juste une fille. Et les filles étaient chiantes, n'est-ce pas ? C'était de petites choses geignardes et babillardes dont il fallait toujours prendre soin et ne pas trop contredire, au risque de finir avec les tympans grillés. Parce que les filles, ça gueulait, ça pépiait, ça vous casser les oreilles pour des conversations stériles et sans le moindre intérêt. Elles ne servaient à rien. Et il fallait dire aussi que tu n'avais pas une grande expérience du sexe opposé, quand on voyait tes groupies ; quand on voyait la sauvage qu'était devenue Bella, sa pudibonde de sœur et ta crevure de mère. Pas de quoi donner envie.

Pourtant... Vous vous êtes embrassés deux fois, avec Lily.

Mais ça, tu n'es plus sûr.

Les souvenirs s'emmêlent et se confondent dans ta tête.

Quelques fois, tu es même tellement James que tu ne te rappelles plus être Sirius, dans l'ombre de ta cellule. Et alors, tu continues chaque jour un peu plus à te perdre en lui, à te perdre dans ses souvenirs qui ne t'appartiennent pas, ou dans ceux du chien, qui ne t'appartiennent plus.

Patmol est comme un refuge, pour ta santé mentale. Tu deviens fou, toujours plus fou, et son enveloppe t'apaise quand les Detraqueurs survolent ton étage et passent sans te voir derrière les barreaux.

Tu sais que tu ne pourras pas rester indéfiniment la bête, mais tu laisses le temps s'écouler ainsi, la langue pendante et la queue entre les jambes.

.

.

Un jour, James s'était retrouvé en retenue avec la vieille McGonagall, pour avoir fait sauter les toilettes des cachots. Peter, lui, s'occupait d'un groupe de soutien à l'approche des BUSES d'Histoire de la Magie pour les élèves de cinquième année : il était l'un des rares à ne pas piquer du nez dans cette matière, et à exceller, même, là où tout le monde échouait à récolter plus qu'un Acceptable. Et Remus... Remus avait choppé la grippe et était resté confiné à l'infirmerie - ce qui, pour une fois, n'était même pas une excuse.

- Fais pas de conneries, Sirius, il t'avait averti depuis son lit quand tu étais venu le voir, sentant parfaitement ton agitation.

Et il savait. Il savait.

Il n'y avait rien qui puisse lui échapper, quand ça vous concernait James, Peter et toi, rien dont il ne puisse pas être au courant dans la journée même. Parce qu'il sentait, il entendait, il prenait la peine de regarder et de comprendre le monde qui l'entourait. Il voyait dans vos iris ce qui ne transparaissait pas dans vos paroles, et, mieux que personne, il connaissait l'importance de garder un secret. Alors, même s'il aurait pu tout raconter à James, il se taisait et veillait sur toi.

Tu en avais profité.

Les filles te voyaient errer les mains dans les poches de Prés-au-Lard et rougissaient en t'apercevant, se resserrant en bande tout en gloussant sur ton passage. On aurait cru voir un tas de truite rassemblées dans un seau.

Elles te hélaient, en agitant la main pour être sûres que tu les voies.

« T'es tout seul Sirius ? », qu'elles avaient l'habitude de dire. Toi, tu les regardais, et tu pensais « Bande de cruches », sans pour autant le prononcer à voix haute.

Dans le fond, Orion t'avais bien élevé, et tu savais jouer l'hypocrite.

Les relations, c'est important !, tempêtait d'ailleurs toujours Walburga, qui partageait les mêmes valeurs, mais qui prenait derrière ses faux airs un malin plaisir à critiquer son entourage. Rien n'arrêtait sa langue de commère, sauf la tienne, peut-être, lorsque tu la mettais tellement hors d'elle qu'elle s'en allait vivre en ermite dans le grenier, pleurant sans jamais verser de larmes sur ce fils tant honni qu'elle ne pouvait pourtant pas s'empêcher d'aimer.

Ces cruches, donc, tu leur étais passé devant avec un sourire en coin, et elles s'étaient dandinées, pauvres garces écervelées qu'elles étaient.

Tu avais continué ta route.

Bientôt, tu avais aperçu Evans, adossée à un tronc d'arbre tout près de la Cabane hurlante. Vous étiez en mars, il neigeait encore un peu. T'avais les chaussettes trempées et tes godasses faisaient un bruit dégueulasse dans la poudreuse et les couches de verglas brisées, un bruit infernal qui alternait entre les plics et les plocs. Evans avait ricané en te voyant débarquer. Elle était dans un mauvais jour, semblait-t-il, et avait rangé avec précipitation quelque chose dans la poche de son manteau.

« Tu fumes ? » tu t'étais étonné en voyant le joint dans ses mains.

Il était grossièrement roulé. Elle ne devait pas avoir l'habitude.

Evans avait haussé les épaules. Elle regardait ses pieds avec une admiration quasi épatante.

« Je suis pas la vierge » elle avait fini par marmonner quand tu t'étais finalement assis auprès d'elle.

Elle avait ri. Bêtement.

« La quoi ? »

« Laisse tomber. »

Elle avait de nouveau porté son joint à ses lèvres, et tiré une longue bouffée, avant de te tendre la fin. Tu l'avais saisi sans mot dire. Les yeux d'Evans étaient rouges et tu avais pris ta taf tout en la fixant avec avidité.

« Tu as déjà lu du Oscar Wilde ? » elle t'avait demandé tout à coup. « C'est moldu » elle avait précisé devant ton air ignorant.

Tu avais secoué la tête.

Et bon sang, tu n'aimais même pas lire, à l'origine ! Tu préférais nettement jouer des mauvais tours à Servilo et monter sur ton balais.

Evans avait alors soupiré. Toi, tu avais regardé sa clope et tu t'étais demandé ce que ça ferait, de l'embrasser.

Si ça aurait un goût de tabac froid, ou quelque chose du genre...

Mais tu n'avais rien fait.

"Dans un de ses livres... Il dit que la meilleure façon de résister à une tentation, c'est d'y céder."

Il y avait eu un silence.

Evans avait les yeux perdus dans le vague. Tu ne savais pas vraiment à qui elle s'était adressée. Toi ? James ? Elle-même ?

Aucun de vous ne le saviez vraiment.

Mais toi, tu t'étais relevé, et sans crier gare tu avais posé tes lèvres sur les siennes. Il n'y avait pas eu de débordements de joie, à proprement parler. Pas de palpitations dans la poitrine. Juste un grondement de rage, quelque part en toi. Une rage inouïe, féroce. Sauvage.

[Pourquoi James, toujours James ?

Elle pouvait te choisir, toi.

Elle pouvait...]

Tu avais lâché ta clope et saisi sa nuque entre tes mains. Tu t'étais penché vers elle.

Et c'était presque violent, tu te souviens ? Ta façon de t'agripper à elle comme ça, de la regarder, avec ce désir brûlant et malsain qui montait en toi. Tes yeux étaient noirs, et tu lui aurais arraché la tête en l'embrassant que ça n'en aurait pas été si étonnant.

Mais c'était beau, quelque part. C'était de la violence à son état le plus paradoxal, et toi t'aurais aimé la plaquer contre la poudreuse et pouvoir lui faire l'amour comme un taré.

Mais Evans avait secoué la tête. Elle t'avait écarté, sans gestes brusques ni remarques acerbes, et tu l'avais juste regardé se relever et ramasser ses affaires dans un silence quasi religieux, incapable de bouger, incapable de dire un mot.

Mais c'était physique. Transcendant.

Tu aurais voulu que vos dents s'entrechoquent de nouveau, tu aurais voulu que tes ongles viennent lui griffer la nuque, et qu'elle soit là, à enrouler ses jambes autour de tes hanches tandis que tu la serrerais presque désespérément contre ton torse, et que tes mains glacées parcouraient son dos, toujours plus pressantes, toujours plus avides, oubliant que tu n'étais qu'un chien, censé être fidèle - toujours loyal à James, envers et contre tout, parce qu'il était tout ce que tu avais, tout ce que tu avais jamais eu.

Tu l'avais trahi. Tu te haïssais pour ça.

Et, paradoxalement, tu aurais voulu te plonger dans ton égoïsme.

Aimer Evans jusqu'à en perdre la raison.

"Evans !" avais-tu donc crié, quelques secondes plus tard, en lui courant après. "EVANS !"

Elle ne t'avait pas attendu.

Et tu avais tellement souffert, alors, en l'apercevant quelque jours plus tard dans le parc, main dans la main avec James.

Mais tu le savais, hein, n'est-ce pas, tu l'avais toujours su, que ça finirait comme ça.

Parce que tout le monde choisissait toujours James : il était comme une lanterne allumée dans l'obscurité - et toi, l'éternel parvenu, tu t'en brûlais les ailes à rester derrière lui.