Auteur : Subaru-d Série : Tokyo Babylon Genre : Retour dans le passé Couple : SahanXSûjiro
L'histoire de Tokyo Babylon ainsi que ses protagonistes appartiennent à Clamp, mais les héros de cette fic sont ma création, quoiqu'ils vous rappelleront potentiellement quelqu'un .
Je vous conseille de lire les quelques commentaires de la fic, en particulier pour les non japonisants, que les histoires de particules honorifiques risquent de perturber. Bonne lecture !
Ri-Me-n-shi – Chapitre 1
Sûjiro termina sa tasse, en relevant les yeux vers la colline…tout le prestige d'une famille prise entre les branches de ces taches blanches au beau milieu de cette verdure…les cerisiers du clan Sakurazuka…
Ils faisaient leur renommée…et l'envie des autres grandes familles nobles de Kyôto et d'Edo.
Ridicule…
Le clan Sakurazuka ne tirait pas sa puissance d'un monticule d'arbres…Ce n'était qu'une image, une illusion…Dans l'ombre, chacun des membres de cette famille cultivait cette même puissance, manipulait et corrompait qui il fallait…
Comme chacun…
Comme tous ici…
Ils l'ennuyaient…Sous des couverts de sagesse et d'abnégation, chaque personne ne voulait que son propre bien, le plus matériel possible, puisque aucun de ces pantins ne pouvait saisir d'autres richesses…et les Sakurazuka ne faisaient pas exception, ils avaient juste l'habitude de ne pas se faire prendre. Quelle ironie…
En ce moment même, son père, Atsuao Sakurazuka, recevait les compliments de l'empereur, pour avoir déjoué un complot au sein de la cour impériale. La veille, ce même « grand homme » avait fait assassiner un rival par sa fille cadette.
« La meilleure d'entre nous » selon lui.
Elle tuait discrètement. Proprement.
Sûjiro reconnaissait au moins cela : le clan Sakurazuka ne faisait jamais appel à des sous-fifre pour éliminer les gêneurs…ils étaient des assassins et des menteurs hors pair. Lui y compris : il trouvait subtil le jeu de la manipulation, mais se lassait de devoir sans cesse vivre dissimulé derrière un masque, par ce que la bienséance l'exigeait…Il avait reçu les enseignements de la magie bouddhique, mais cela ne l'amendait en rien.
Il avait déjà tué.
Il s'était senti très mal après ça, et avait décrété qu'il préférait user de mensonges et d'artifices…malgré son énorme potentiel magique. Le sang, la peur dans le regard de celle qu'il avait dû éliminer…cela lui était resté en travers de la gorge.
C'était pour le bien du clan.
Pour protéger le clan.
Pour faire honneur au clan.
Le jeune homme se leva et traversa le petit jardin zen pour rejoindre le mont au cerisier. Son père ne tarderait pas à rentrer et voudrait probablement faire un compte-rendu auprès des membres du conseil…Une victoire de plus pour eux…Une pierre ajouté à l'édifice bâti à force de patience et de manipulation.
Oh Sûjiro ne se plaignait pas : la renommée avait son charme et ses avantages. Il valait mieux mentir que trimer, c'était certain…mais il aurait aimé…pouvoir cesser d'être un Sakurazuka, parfois…ne pas être « le fils du mont au cerisier » mais quelqu'un…quelqu'un à part, et non enchaîné à ses devoirs : honneur, fortune…
Et lui dans tout ça ?
Un maillon…une pierre à l'édifice, tout comme les félicitations de la cour impériale.
« J'aimerais être seul parfois… » Souffla-t-il au seul bénéfice des branches couvertes de fleurs blanches.
Mais alors qu'il ruminait ces sombres pensées, il pressentit une étrange aura magique…qui n'avait rien de celle des Sakurazuka…
Un Suméragi ?
Ici ?
Le fait était rare, mais pas incongru…Le clan Suméragi était le rival, mais aussi l'allié de celui des Sakurazuka : de puissance et d'ambition égale, mais de motivation différente. Les Suméragi appliquaient plus volontiers les codes bouddhistes et samouraïs…y compris la rigueur et la sévérité. Leurs représentants arboraient sans cesse un air grave et parvenir à leur faire desserrer les lèvres relevaient de l'exploit…Après quelques essais infructueux, Sûjiro s'était rangé à l'avis de sa famille : ne parler que lorsque l'initiative venait d'eux.
Quittant le petit chemin, il coupa au travers de la colline pour contourner la maison et gagner l'entrée, la curiosité piquée au vif…si un Suméragi était présent, pas de conseil de famille…La victoire des Sakurazuka ne serait-elle pas complète, pour une fois ?
Lorsqu'il passa la barrière qui entourait l'allée principale, Sûjiro constata avec un rien de dépit amusé que sa maîtrise de la magie réclamait encore un peu d'entraînement : il n'y avait pas un Suméragi, mais deux…dont un qui adressa un hochement de tête au jeune Sakurazuka :
« Konnichiwa1, Sûjiro-san. » Murmura-t-il avec une vague esquisse de sourire, qui vint un instant troubler son expression formelle.
Sûjiro ne s'embarrassa pas de tant de manière et s'approcha pour le saluer :
« Konnichiwa…Sahan-kun2. »
Aussitôt, l'autre Suméragi lui jeta un regard réprobateur…une telle familiarité était inconcevable…mais tant que l'intéressé ne s'en formalisait pas, Sûjiro se moquait de savoir si la bienséance s'en trouvait froissée. Sahan était assez grand pour lui signaler un écart de conduite…de la manière la plus polie possible, bien entendu…
« Je suis surpris de votre visite. » reprit-il à l'adresse du jeune Suméragi, tout en constatant que ce dernier n'avait même pas de kimono rituel…Manifestement, on l'avait arraché à la maison de famille…Quelle genre d'urgence pouvait mériter une telle hâte ? Suivant son regard, Sahan lui glissa, toujours fixé hostilement par sa compagne :
« L'empereur a exigé que nous nous rencontrions au plus vite. »
« Vous voulez dire, tous les deux ? » Glissa Sûjiro avec un sourire. Sahan lui jeta une œillade réprobatrice. Ce n'était guère le moment de plaisanter.
« Votre père va expliquer le motif de notre venue. » Fit d'une voix glaciale la représentante du clan Suméragi avant de faire signe à Sahan de s'avancer.
De quoi avait-elle peur ? Que Sahan se montre aimable, défiant ainsi le protocole ? Sûjiro eut une grimace mais suivit le mouvement.
Sahan était encore un gamin lorsqu'il avait croisé le chemin de Sûjiro la première fois…Ils avaient cinq bonnes années de différence…et un fossé nommé « clan » qui les séparait.
Pourtant, à leur rencontre, Sahan s'était montré agréable : c'était à la cour impériale, chacun attendait que le maître du clan ait fini de traiter ses affaires respectives. Sûjiro avait appris à Sahan à tracer son nom, puis celui de son clan…Un instant simple…deux enfants qui jouent…
Mais ils n'étaient PAS deux enfants. Des maillons…des pierres à l'édifice…et des édifices séparés par un gouffre infranchissable.
Lorsque les adultes étaient venus les chercher, la température de la pièce avait semblé chuter brutalement, les regards conjugués vers les deux petits agenouillés côte à côte cassant leur complicité de quelques heures. Sahan s'était refermé et avait froidement salué Sûjiro en comprenant à qui il avait affaire…
Et à l'époque il n'avait que cinq ans.
Son attitude avait écoeuré Sûjiro, pis encore que l'hypocrisie de sa propre famille.
Il avait reçu, quelques mois plus tard, un pli ou son propre nom avait été tracé par une main maladroite. Sahan s'était excusé comme il avait pu.
Ils n'étaient pas proches…la famille Suméragi ne l'aurait pas permis. Mais ils ne se mettaient pas mal à l'aise l'un l'autre, et Sûjiro s'autorisait même quelques écarts, une façon comme une autre de tomber le masque qui l'oppressait.
Malheureusement, Sahan était incapable d'en faire autant.
Il avait sans cesse l'air nerveux et crispé de quelqu'un qui tente de garder la pose…d'un naturel souriant, Sahan parvenait très mal à conserver cette moue formelle.
Et il était stupide de vouloir s'obstiner.
« Un oni3 ? »
Atsuao considéra en silence la Suméragi assise face à lui.
« Pourquoi l'empereur demanderait-il que vous veniez nous consulter pour éliminer une créature des ténèbres ? »
« Par ce que vous connaissez mieux les ténèbres que nous. » Du-t-elle admettre, aussi aimablement que si on lui plaquait une barre de forgeron sous la langue. « Nous sommes une famille qui travaille pour le bien. »
« Nous aussi. » Répondit Atsuao sans se départir de son expression neutre, ce qui n'empêcha pas son ton de trahir le sarcasme du propos. Yahimo Suméragi le perçut mais jugea sans doute plus diplomate de ne pas relever.
« L'Empereur pense que nous ferons du meilleur travail en nous unissant. » Expliqua-t-elle alors qu'à son tour, sa voix laissait transparaître sa désapprobation.
« Et vous… »
« Peu importe mon opinion, Sakurazuka-san. Nous devons obéir à l'Empereur…tous les deux. » Précisa-t-elle, comme pour le rappeler.
Sûjiro masqua un sourire sans joie. Les Suméragi pouvaient être impolis, à leur manière, en se plaçant volontairement au-dessus de leur interlocuteur…c'était subtil : des nuances dans le langage, dans le ton, un durcissement du regard, une esquisse de mouvement désinvolte…Aussi subtil que l'étaient les manières du clan Sakurazuka.
Les Suméragi pouvaient bien garder la tête haute….leurs mains étaient plus blanches, mais leur âme était grise et froide.
Sauf celle de Sahan peut-être. Sûjiro avait résisté à l'envie de taquiner le jeune magicien car l'heure était grave…mais c'était un plaisir dont il ne se lassait pas : Sahan contrôlait encore mal ses réactions, et il l'appréciait un peu trop pour vraiment se montrer hautain…c'était très distrayant de démolir en quelques mots la rigidité de l'éducation Suméragi.
Mais le Sakurazuka se demandait encore à quelle point il pouvait briser ces barrières…jusqu'aux fondations, peut-être ? Sahan ne serait sans doute pas contre…même s'il prétendrait le contraire devant sa famille.
Au départ, il n'y avait eu que de la compréhension entre eux…ce même sentiment d'être piégé par le sang qui coulait dans leurs veines…puis un peu d'amitié…distante mais bien réelle. Bonjour…un sourire…une conversation murmurée à la hâte en se croisant…Un cadeau pour leur nomination aux conseils de famille…Et ils avaient cessé de porter les cheveux courts. Sûjiro avait pris de l'assurance, et le regard des filles – non, des femmes- commençait à s'égarer lorsqu'il passait à côté d'elle…Sahan avait revêtu les costumes rituels des Suméragi…mais pour lui, les femmes ne tournaient pas la tête.
Sahan n'avait rien de viril.
Et ses kimonos n'arrangeaient rien. Ses cheveux longs non plus par ailleurs. Sûjiro se souvint avec un sourire moqueur d'avoir lui-même demandé s'il avait en réalité affaire à UNE Suméragi. C'était la seule fois où Sahan s'était réellement froissé. Quelques suggestions lui avait permis de remédier légèrement à cet aspect androgyne, comme la coiffure…Ironie ultime que goûtait particulièrement le jeune Sakurazuka : son vis-à-vis devait passer plus de temps devant le miroir qu'une femme…pour ne pas y ressembler.
Mais il savait que cela pesait à Sahan et ne le lui rappelait jamais, en aucune façon…d'autant qu'il estimait que cela faisait partie des attraits du jeune homme : petite silhouette fine, quoi que ses épaules aient pris en carrure ces dernières années, yeux de chats au noir velouté, bouche fine sans cesse crispée par une fausse expression froide…et qui ne demandait qu'à sourire.
« Yahimo-san semble contrarié de devoir travailler avec otô-san4. » Souffla-t-il à l'objet de ses pensées, revenant au présent « Ce n'est pourtant pas la première fois qu'ils travaillent ensemble…et je croyais qu'éliminer un oni faisait partie des tâches usuelles pour le clan Suméragi. »
Sahan secoua la tête.
« C'est par ce que ce n'est pas elle qui va s'en charger, mais moi. »
« Toi qui… »
« Sûjiro-san ! » Souffla précipitamment Sahan, l'expression soudain défaite.
« Euh…hem….vous ? » Corrigea Sûjiro à la hâte, avant que Yahimo Suméragi ne relève cette nouvelle entorse au respect « Vous n'avez jamais combattu un oni ? »
« Non. Ils ne sont pas si nombreux à Kyôto. Mais les campagnes alentours se plaignent de leurs ravages. L'Empereur souhaite y mettre un terme. »
« Voilà pourquoi nos deux clans doivent travailler de concert. » Les coupa sèchement Yahimo. « Ce n'est pas inhabituel, n'est-ce pas, Sûjiro-San ? »
« Non, en effet…C'était la remarque que je faisais à….Sahan-KUN »
Il se fendit d'un large sourire insolent en appuyant sur la particule familière, particulièrement heureux d'en voir les effets sur le visage de cette mégère aride, mais aussi sur celui de Sahan, où réprobation et amusement se disputaient. Ce fut hélas le premier sentiment qui l'emporta et le jeune homme darda un regard plus sévère sur Sûjiro.
« Je peux accepter ce…sobriquet dans la mesure où nous allons travailler ensemble. »
« Travailler ensemble ? » Demanda le Sakurazuka en se tournant vers son père, qui approuva :
« Je ne peux pas me charger de cette affaire. Tu es le plus puissant des membres disponibles. De plus, tu n'as pas servi l'Empereur récemment. Il ne faudrait pas qu'il s'imagine que tu le refuses. »
« Sans refuser, je pourrais accepter sans intermédiaire. » Répliqua Sûjiro avec un rien d'amertume.
« Le temps manquait pour te faire convoquer. »
Il n'en croyait pas un mot. Son père n'avait pas eu envie de s'embarrasser d'une conversation stérile : on s'appelait Sakurazuka, on acceptait les missions de l'Empereur, rien à ajouter…
Ce n'était pas tant la mission qui l'irritait que ce dénie de son opinion : il avait toujours voulu exploiter ses pouvoirs dans le cadre d'un combat sérieux…difficile…dangereux…
Mais de ce point de vue, travailler avec Sahan devenait beaucoup moins engageant : il allait falloir le défendre…cela constituait deux missions en une.
« L'affaire est entendue. Yahimo-san, je ne souhaite pas prendre plus de votre temps précieux… »
A nouveau le ton du maître Sakurazuka fit de cette formule banale un sarcasme signifiant qu'elle savait pertinemment où était la sortie. Elle se tendit mais se leva en silence. Les Suméragi n'aimaient pas les esclandres, et c'était heureux. Sahan lui emboîta le pas, non sans un regard entendu à Sûjiro, qui lui adressa un sourire chaleureux…il l'avait travaillé pendant quelques temps.
Et il fit mouche.
Alors qu'ils sortaient, le Sakurazuka entendit nettement Yahimo Suméragi demander à son cadet :
« Vous ne vous sentez pas bien, Sahan-san ? Vous êtes un peu rouge… »
A SUIVRE…
Allez, une petite minute culturelle noyée dans ce ramassis de délires de fanficeur, lol…c'est-à-dire les noms des personnages et leur signification. (Ben oui…vous ça vous donne l'impression d'avoir lu quelque chose d'intelligent, et moi ça me fait plancher les kanjis…tout le monde en sort gagnant !)
ConcernantSûjiro, cela peut sembler un peu « brouillon » (j'avoue ne pas forcément avoir respecté les règles qui régissent les kanjis et les prénoms, afin qu'ils sonnent bien lol) : en gros c'est « celui qui imite la route tracée par le destin ». par imiter, j'entends « faire semblant ».
Et enfin Sahan Suméragi (qui m'aura donné bien du mal) : je ne voulais pas en faire une victime patentée (Son descendant nous aura assez cassé les noisettes là-dessus, un peu ça va…), ni une chiffe molle que Sûjiro est obligé de tenir…donc son nom reste ambigu : le kanji compagnon posera problème à personne (c'est une fic yaoi…) mais celui du sable veut tout simplement dire qu'il est insaisissable . J'entends ricaner les lecteurs de X et de TB : « Waf, l'a rien compris Sub-D…comme si Subaru Suméragi était insaisissable ! » et je leur réponds qu'ils devraient attendre la fin de la fic avant de rigoler, lol !
1 Je ne vous fais pas l'affront de vous donner le sens de ce mot…si ? Quand même…bon, bon…pour le principe… »Bonjour » en Japonais...
2 Petite explication rapide des particules honorifiques pour ceux qui ne connaissent pas : -san est une marque de respect modéré (Monsieur, Madame, vouvoiement basique), -Dono, -Sama , -Sempaï et –Sensei sont beaucoup plus respectueux et servent à désigner un maître, un supérieur, un professeur…et –Kun et –Chan sont plus familiers, utilisés généralement lorsqu'on s'adresse à un intime…d'où la réaction des Suméragi à l'utilisation du –Kun.
3 « Démon » ou « ogre » japonais
4 « Père »
