Nucléaire

Il roulait seule sur une route déserte.
La solitude, drôle de concept. Il l'affectionnait, s'y réfugiait en permanence...du moins, c'est ce que pensaient les autres. Quels autres ? Tous. Ces flics qui voulaient sa peau, ses victimes, ses potentiels acolytes, ceux qui s'affolaient en lisant les journaux qui narraient ses... «exploits». Pour eux, cela faisait sens: il tuait, donc il était seul, et c'était bien fait pour sa gueule. Pour chacun d'entre eux, il n'était déjà plus humain de toute façon. Il avait cessé de l'être à la première goutte de sang qu'il avait fait verser, à la première vie qu'il avait pris sans demander. Un monstre de cruauté assoiffé de sang, quoi.

Il ricana en fixant la route. Quelles conneries. Bien sûr qu'il était humain. Cruel violent, pourri. Brisé. Mais humain quand même. Des gens l'ont su, à une époque. Il y a longtemps. Des proches, il n'en avait plus depuis des années déjà. Quel intérêt d'en avoir de toute façon, si c'était pour les entraîner dans sa chute ? Il avait eu un acolyte aussi, pendant quelque temps. Un connard fini. Il avait bien essayé de lui expliquer que tuer pour tuer, c'était tout sauf enrichissant. Cet abruti n'avait rien voulu entendre et continué à placer ses vannes lourdes n'importe où avant de massacrer tout ce qui bougeait. Alors, qui était inhumain, désormais ?

Ouais, il avait tué plein de fois. C'était marrant, comme sensation. Il avait conscience d'être fou, donc il profitait au maximum de ces instants où tout lui était permis. Pouf, pan, et hop, une vie partie en fumée. Une de plus. La sienne était foutue de toute façon, alors autant laisser libre cours à son génie tant qu'il le pouvait, pas vrai ? Au fond, tout cela était incroyablement logique, si on y pensait deux secondes. Il était fou donc il tuait des innocents. Il était un génie donc il ne tuait jamais de la même façon. Il était en miettes à l'intérieur donc il y prenait plaisir. Incroyablement logique.

Il appuya sur l'accélérateur, insensiblement. La place passager restait désespérément vide.
Au fond, son petit acolyte lui manquait un peu. Il était con, pire, inconscient, mais au moins ça lui faisait du monde. Et puis un flic qui collaborait avec un tueur en série, c'était d'un comique ! Ils avaient semé un tel bordel, puis tout était allé de travers. Ce mec, ce flic, était trop dangereux. Pas pour lui, pour ce qu'il en avait à foutre, non, c'était pour les victimes qu'il était dangereux. Quelque chose dans son regard lorsque les corps sans vie s'affaissaient à ses pieds. Un regard malsain. Souillé. Et il en savait trop pour rester en vie.

Plus de balles, plus de braises. Une dernière balle, destinée à ce flic, tombé sans bruit. Il n'avait rien regretté. Et dès lors, il n'avait eu personne d'autre à tuer. Ça ne l'amusait plus. Ne restaient que les cendres froides qui encombraient son regard. Il avait bien essayé de s'en débarrasser mais rien à faire : le monde était trop sombre, et il savait au fond de lui que rien ne saurait retirer cette poussière sombre et âcre de ses yeux. Il avait touché le fond : trop tard pour espérer remonter. Condamné à tout voir en noir jusqu'au bout, à ne connaître qu'un monde désolé et dévasté. Boarf. On s'y faisait après tout.

Où vont les tueurs qui ne veulent plus tuer ? Loin, évidemment. Là où personne ne le reconnaitrait : à l'étranger. Il regarda l'heure sur le cadran de la voiture : le prochain train pour l'Italie partait dans une heure. L'Italie, c'était Coppola. Il y trouverait sa place, sans aucun doute.

Une heure. Cela lui laissait le temps de fumer une clope.

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Hola ^^ De nouveau une nouvelle, inspirée par la chanson de Mike Oldfield, «Nuclear»

(dieu que cette chanson colle bien avec Unknown Movies, c'est pas sa bande-son pour rien).

A bientôt, Phi :)