Il avait dit "on a gagné, c'est fini".
Mais non, non, ce n'est pas fini.
Car vois-tu, c'est l'heure de compter les morts. Oui, compter les morts.
Et s'occuper des cadavres. De tous ces gens endormis, qui ne se réveilleront plus. Ils ont trop souffert, ils n'ont pas survécu : pour eux c'est bien fini.
Nous on grelotte. Et on étouffe. Il ne fait pas froid. Il ne fait pas chaud. C'comme ça.
On cherche les corps. Ça fait pleurer des gens. Moi je ne pleure plus. Je n'ai plus de larmes dans mon réservoir.
Allez, viens. Prends ma main. Il y a beaucoup à faire.
Tu entends les pleurs ? Ça vient de l'infirmerie.
Mais on n'a pas le temps de s'arrêter. Il faut compter, compter les morts.
1, 2, 14, 19, 24, 75. Je ne sais plus. J'ai perdu le fil.
Allez, debout. C'est pas encore fini. Attention où tu marches, le môme, sous la poussière il y a encore du monde.
Regarde, tout est détruit. Plus de limites. Plus de portes. Plus de murs. Plus de pièces. Plus de plafond. Plus de tours. Plus de château. Plus de serres. Plus de cabane. Plus de Poudlard. Plus rien.
C'est pas grave. Faut pas pleurer, c'est pas la fin du monde, juste la fin du nôtre. C'est pas grave, j'te dis. C'était qu'des pierres, t'façon. Pense plutôt aux gens en-dessous.
Tu vois, c'est là qu'je me dis qu'pas avoir de famille, c'est pas si mal. Les ruines empestent le malheur, j'ai pas envie d'y retourner.
Le terrain de Quidditch ressemble plus à rien. Les gradins se sont effondrés, rejoints par les anneaux des buts. Ça fait peine à voir.
Bientôt le soleil va se lever. On le voit, là-bas au fond, bien planqué. Sale traître.
Ne trainons pas. Y a encore du monde à ramasser. Et des lettres à écrire. C'est c'qu'est le pire, les lettres. B'jour monsieur, b'jour madame, votre fils est mort, mes respects, salutations, on est désolé, nos condoléances, au revoir.
La volière ressemble à un poulailler attaqué par un renard, t'façon. L'étage d'au-dessus leur est tombé sur la tête, aux pauv' bêtes. Y a des plumes partout. Les piafs encore vivants font un boucan d'enfer.
Allez, r'prends-toi, c'est rien qu'un mort, t'sais. Yep, 'l'est pas bien grand. T'en verras d'autres, petit.
Y en a trop, hein ? Entre les p'tain de nécrophages et les gosses, les fossoyeurs vont se faire un plaisir.
Chiale pas le môme, faut bien qu'tout l'monde mange.
Comment ça qu'je saigne ? Tu croyais que c'était d'la confiture de tomates, mon gars ? Bien sûr qu'j'saigne. Ho non, c'est pas grave. Chuis d'bout, t'vois bien.
J'suis vieux comment moi ? Plus qu'tes vieux et leurs vieux à eux, j'te parie, mouflet.
C'est rien. J'trébuche comme les vieux, c'est tout. Allez, on continue.
Merlin ! Tu t'chatches plus qu'une poule, toi ! T'en verras d'autre, du sang.
Mais non, rien qu'un peu de magie ne pourrait guérir, chochotte.
Juste deux minutes. J'ai d'vieilles jambes, t'sais.
Une minute d'plus.
Tire pas la gueule, le marmot.
Juste une minute. T'es un chouette mioche.
C'est pas fini, tu devrais y aller. J'te rejoins.
Quoi, ma jambe ? Elle va très bien ! Allez, file, chenapan.
Bah, j'ai fait mon temps, t'sais. Allez, perds pas d'temps. Et trouve toi quelqu'un pour venir me chercher, t'es pas encore assez costaud pour porter un mort tout seul, vermine.
T'veux le faire ? Une brouette ? Va pour une brouette alors. Mais r'viens pas trop vite, si t'veux être sûr qu'chuis tout à fait mort. Ça prend du temps des fois, c'genre de choses là.
