Prologue

Je suis né un jour de pluie. J'ai poussé mon premier cri au milieu des lamentations lancinantes du ciel. Comme un présage de ce que serait ma vie future. Comme si le monde avait eu conscience de l'être qu'il venait d'engendrer, pleurant devant le spectacle de ma déchéance précoce.

Ma mère est morte en me mettant au monde. Grand bien lui fasse. Si elle avait su, elle se serait donné la mort d'elle-même. Ma mère. Ma pauvre mère. Une jeune femme de bonne famille. Belle. Douce. Insouciante. Je suis prêt à parier que donner la vie à une créature maudite n'entrait pas dans ses projets d'avenir. Et pourtant. Le malheur frappe toujours où on l'attend le moins.

Mon père, lui, s'est efforcé d'être aimant. Sa douce et chère épouse ayant donné sa vie pour moi, il me devait bien cela. Mon père. Mon pauvre père. Un honnête homme. Fier. Noble. Courageux. Nul n'aurait cru qu'il sombrerait dans la folie à cause de son propre fils. Et pourtant. Il est des choses devant lesquelles même les hommes les plus forts sont impuissants.

Au moment même où je suis né, j'ai été différent. Mon premier cri n'avait rien d'humain. Rien d'animal non plus. Une mélodie hors de tout entendement. Belle et effrayante à la fois. Le parfait reflet de mon existence. Une existence que mon père s'est efforcé de cacher dès le moment où il a compris qu'elle était maudite. Ironie du sort. Lui qui désirait tellement avoir un fils.

Je n'ai vu le soleil qu'une seule fois dans ma vie. Le lendemain de ma naissance. J'en garde encore des séquelles aujourd'hui. Mes iris en sont devenus rouge. Une maladie peu commune selon le médecin. Une preuve de ma nature démoniaque selon les domestiques. Je suis condamné à ne plus jamais revoir la lumière du jour. Elle me tuerait. A vérifier.

J'ai grandi enfermé dans une chambre de 30m² aux volets entièrement calfeutrés. Luxueuse. Confortable. Je n'ai jamais manqué de rien. Surtout pas de solitude. Je ne peux pas dire que mon enfance ait été malheureuse. Cela n'a pas été le cas. Mon père aimant venait me voir deux heures par jour, c'était bien assez. Il tenait à s'occuper lui -même de mon éducation. Tâche peu contraignante pour lui. A deux ans, je savais déjà lire, écrire et jouer parfaitement du piano.

Si j'avais été un enfant normal j'aurais cherché à fuir cette routine. J'aurais aspiré à une vie meilleure, loin de cette chambre. Une vie pleine de rencontres et de frivolité. Mais je n'ai jamais été normal. Et je m'en suis toujours contenté. Cela ne sert à rien de se battre contre son sort lorsque l'on sait que le combat est perdu d'avance. Et cette vie me convenait. Je n'aurais pas été plus heureux hors de cette chambre.

Aujourd'hui, rien de cela n'a vraiment changé. Je suis juste devenu adulte. Et mon père, tué par sa propre folie, n'est plus de ce monde. Pauvre homme. Il n'a pas supporté de me voir grandir. De me voir devenir chaque jour un peu plus surdoué. Un peu plus beau. Un peu plus pâle. Un peu plus terrifiant.

Si la beauté pouvait avoir un nom, je pense en toute modestie qu'elle prendrait le mien. Jaejoong. Kim Jaejoong. Car comme on dit. Les apparences sont trompeuses. Les choses les plus belles sont souvent les plus dangereuses. Je n'ai jamais dérogé à cette règle.