Bonsoir, j'ai retrouvé la version corrigée par Kitsune (merci encore à toi) donc je vous la transmets ce jour. Je m'excuse de ma longue absence sur le site mais le cybercafé est plus loin maintenant que j'ai déménagé alors forcément... et comme fournisseur m'a promis un accès d'ici 4 à 6 semaines, c'est pas évident mais bon... On fait comme on peut.
Voilà donc mon petit cadeau de Noël, en espérant qu'il vous plaira! Bonne lecture.
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L'honneur des Uchiha
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Sasuke fulminait mais tentait, avec beaucoup de mal, de se calmer, même si son apparence extérieure donnait à penser qu'il y parvenait avec succès. En effet, c'était bien à cause de son « manque de maîtrise » qu'il se retrouvait dans cette situation pour le moins embarrassante pour sa famille et le regard noir de son aîné le lui faisait bien sentir, tout comme il le dissuadait de bouger d'un millimètre. Il avait intérêt à se montrer irréprochable. Il réprima le sentiment d'agacement, sans doute justifié, sur le fait de se faire traiter comme un gosse de cinq ans. En même temps, il avait agi comme un enfant, il le savait parfaitement sauf qu'au lieu de risquer d'être privé de télévision ou de ses jouets préférés, c'est une toute autre punition qui lui aurait pendu au nez si le juge n'avait pas été un ami de leur famille. Enfin, pour être plus exact, un ami « intime » très proche d'Itachi. Néanmoins, cela ne le dispensait pas de faire des efforts…
Sasuke se renfrogna. Il trouvait tout de même qu'on le traitait de façon injuste, comme s'il était le seul fautif dans cette histoire. De son point de vue, ce qui s'était produit n'était que la conséquence inévitable des provocations dont il faisait l'objet constamment. Ça avait juste été la goutte qui avait fait déborder le vase, voilà tout. Non, mais sérieusement, comment auriez-vous réagi, vous à sa place? On passera sur les gloussements et les tentatives de drague pathétiques de ces demoiselles de tous âges (même la vieille concierge le lorgnait et elle avait au moins soixante dix ans… il en frissonnait à chaque fois !) qui mettaient en avant leurs atouts de façon effrontée et surtout écœurante… et elles n'avaient même pas honte ! Sasuke aimerait bien savoir quel genre d'éducation on pouvait bien dispenser à ces femelles pour en faire de telles sorcières assoiffées de… ben, de lui. Et si possible, s'il existait un contre-sort… ?
Et s'il n'y avait que les femmes. Ben, non. Quand on est maudit, on l'est jusqu'au bout ! Les hommes aussi projetaient sur lui leurs fantasmes répugnants… et leurs mains aussi voire peut-être même plus (si c'était possible) baladeuses sur lui. Pour ne citer que quelques exemples : cet ivrogne qui avait osé le traiter de «jolie fillette » et avait voulu lui tâter les… vous voyez ? Et son directeur, son propre directeur, qui l'avait convoqué dans son bureau pour lui assurer à quel point il était satisfait de son travail mais qu'il fallait qu'il fasse encore quelques efforts… main placée sur sa cuisse, au cas où il n'aurait pas compris le « message ». Heureusement, il avait été viré le lendemain celui-là. Merci 'Tachi. Et est-ce qu'il fallait qu'il raconte comment il n'osait même plus sortir sans escorte et ne parlons même pas d'aller en boîte…
Non mais franchement, est-ce qu'il avait la tronche d'une jouvencelle ? Bon, ok, avec son physique androgyne, il avait une apparence légèrement efféminée mais c'était la faute de Dame Nature, pas la sienne, merde ! Avec tout ça, il était en permanence sous tension, constamment sur ses gardes et avait développé une véritable phobie des contacts. Même ses amis devaient s'appliquer à garder leur distance mais ils savaient bien ce qu'il vivait et se montraient aussi protecteurs que Sasuke le leur permettait. C'était un accord implicite entre eux et il leur en était secrètement reconnaissant. De plus, face à Juugo, Suigetsu et Karin, rares étaient ceux qui osaient s'y frotter. Karin était bien la seule fille d'ailleurs qu'il supportait dans son entourage (à part sa mère) mais c'était parce qu'elle l'avait lâché depuis un moment quand elle avait compris qu'elle ne penchait pas pour les mecs…
Perdu dans ses sombres pensées, Sasuke se rendit compte que lui et Itachi patientait depuis plus d'une demi-heure dans ce bureau sans que personne ne semble se préoccuper de leur présence. Le juge avait du retard. Sasuke soupira, mentalement bien sûr, pas question de faire montre d'une quelconque émotion. Il avait bien l'intention d'exposer cette face impassible et inexpressive si caractéristique de sa famille et de faire honneur à son frère. Et puis sa retenue lui démontrerait bien à ce juge de mes deux qu'il était parfaitement maître de lui ! Une autre demi-heure s'écoula et toujours pas de signe d'une quelconque arrivée. Sasuke était quelqu'un de patient mais il y a avait des limites à sa tolérance. Il s'était préparé longuement à recevoir son sermon, à faire amende honorable et le tout, sans sourciller. Mais là… ça lui foutait toute sa concentration en l'air !
Il devait bien ça à Itachi mais là…ça devenait ridicule. Il jeta un œil à ce que faisait son avocat de frère. Celui-ci semblait plongé dans un manuel complexe de procédures juridiques mais son perspicace petit frère savait parfaitement ce que la pompeuse couverture dissimulait en réalité. C'était l'un des petits secrets d'Itachi qu'il avait brillamment découvert il y a quelques années maintenant et qu'il utilisait avec parcimonie pour maintenir son pouvoir sur son aîné. Evidemment, son si sérieux frangin ne tenait pas du tout à ce qu'on connaisse sa passion secrète et sacrée pour… l'art délicat et subtil du crochet et du point de croix. Il lui avait fallu deux jours pour se remettre du choc quand il l'avait su mais en y réfléchissant, ça expliquait pas mal de choses…
Mais passons, il atteignait presque le point de rupture maintenant. Il n'avait pas pensé à emporter quoique ce soit pour se distraire à part ses pensées peu reluisantes et surtout, emplies de souvenirs traumatisants…Non, ne pas penser à la fois où il avait surpris Itachi en costume de lolita avec de la dentelle partout (Costume fait main, s'il vous plaît !), ne pas y penser, ne pas y penser… raté ! Enfin, à son grand soulagement, car cela mit fin à ces infâmes réminiscences, la porte du bureau s'ouvrit pour laisser entrer le greffier ainsi que « l'honorable » juge, amant d'Itachi (l'espèce d'épouvantail en robe de soirée pensa plutôt Sasuke). Rien ne parut sur son faciès qui puisse trahir ses pensées. Lui et Itachi se levèrent et attendirent que Hatake Kakashi (puisque c'était lui) prenne la parole et annonce sa décision vis-à-vis de Sasuke pour son « atteinte à l'ordre public avec récidive » (un malheureux petit coup de poing de rien du tout !):
- Bien. Greffier ? Où est le dossier de ce jeune homme ?
Ça commençait bien, tiens ! Bon, respire, se dit Sasuke. C'était juste un mauvais moment à passer. Que le juge se pointe avec trois plombes de retard et qu'en plus, il n'apporte pas son dossier avec lui était on ne peut plus normal, non ? Absolument pas le signe d'une incompétence absolue... Pitié ! Respire. Inspiration, expiration. Voilà, c'est bien. Et doucement et en toute discrétion, s'il vous plaît… Et on osait prétendre que lui, manquait de maîtrise ! Pourtant, ce juge, aussi doué que peut l'être un rat pour voler, était encore en vie. Si ça, c'était pas une preuve… Le greffier, un jeune homme aussi nerveux qu'un paresseux (et encore, pas sûr que l'animal ne soit pas plus vif en fait…), se leva lentement de sa chaise en marmonnant un « galère » et se dirigea vers eux, le dossier dans les mains, une expression ennuyée collée au visage, avant de revenir s'affaler sur sa chaise avec un profond soupir de contentement. « Contiens-toi, résiste » était le nouveau mantra de Sasuke pour tenter de lutter contre l'impulsion qui le poussait à aller secouer jusqu'à ce que mort s'ensuive l'invertébré qui pionçait à moitié, si ce n'est totalement, sur son bureau. Sasuke ne se rendait même pas compte qu'il serrait l'accoudoir de son fauteuil à s'en blanchir les phalanges sans pour autant que son visage perde son expression… inexpressive.
- Merci, Shikamaru, fit joyeusement Kakashi en se saisissant de la montagne de paperasse.
Le juge ouvrit le lourd dossier et commença à le lire avec un air de profonde concentration… comme s'il le découvrait. Sasuke était au supplice. Nom d'un chien mais il n'avait même pas profité de son retard pour examiner les pièces ? Et c'était à lui qu'on avait refilé son affaire ? Itachi était vraiment laxiste sur ses relations, il les choisissait de plus en plus idiot… à moins que ce ne soit un critère ? Pourtant son frère restait impassible, toujours aussi froid et hautain et rien ne trahissait un quelconque trouble intérieur. Il avait presque l'air détendu. Sasuke le haïssait plus que n'importe quoi à ce moment là mais savait qu'il était poings et pieds liés et qu'en dehors de sa reconnaissance éternelle pour l'avoir tiré de ce mauvais pas, il ne pourrait rien faire à Itachi sinon leur père serait mis au courant et ça, Sasuke n'y tenait vraiment pas. Alors, soit ! Il saurait souffrir en silence… Ce qui ne l'empêchait pas de ruminer quand même. Mais vous n'aurez pas, ma liberté de penser… Oups !
Finalement, le juge-amant d'Itachi releva la tête (pas trop tôt…) et se décida à regarder le jeune brun avec un air amusé qui ne présageait rien de bon :
- Et bien, et bien, jeune homme… On a du mal à se contrôler en public ? Sasuke serra les dents mais ne répondit pas. Un mauvais moment à passer, un mauvais moment à passer…
- Mon cher petit frère est très impulsif en effet. Sale traître ! Et ça se dit avocat !
- Mais ce n'est pas bien, ça ! Fit Kakashi sur un ton paternaliste qui donnait à Sasuke envie de mordre. Qu'en penses-tu Shika-san ?
- Galère, marmonnait l'autre, qui sommeillait à moitié sur sa machine à écrire. Zut ! On a réveillé Miss Ronflette !
- Exactement, tu as le mot comme toujours, Shika-san ! S'exclama joyeusement Kakashi, extatique. Et il faut en sortir ! Ajouta t'il malicieusement. Pourquoi j'le sens mal ?
- Exactement, mon client, et accessoirement, stupide petit frère (regard noir de l'intéressé et désintéressé du concerné), ne demande que ça et est prêt à se soumettre à votre jugement pour montrer sa bonne foi, continua Itachi avec calme. Je suis très inquiet maintenant mais bon, Itachi est mon grand frère, il me protège et sait ce qu'il fait…non ?
- Très bien ! Parfait !
Le juge d'opérette se tourna vers Sasuke et lui annonça sa sentence…
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1er jour :
Bordel de merde !
Me faire ça, à moi! Je lui ferai ravaler sa langue ! Non, mieux ! Je la lui ferai bouffer ! Et ça se dit mon frère ! Je suis sûr qu'ils étaient de mèche. Et en plus, pas possibilité d'y échapper ou c'est deux mois de taule. Bon, on relativise et on prend sur soi. Ce n'est pas la mer à boire et ça va vite passer. Cinq petites épreuves pour démontrer que je peux résister dans n'importe quelle situation et faire face avec classe et impassibilité. Comme tout Uchiha qui se respecte. Avec honneur. Rester zen. C'était ça le mot d'ordre. Mais en voyant ce qui m'attendait, je me demandais comment résister. C'était… Inhumain.
- Bien. Tout le monde a mis son tablier ? Le cours va commencer.
Inhumain.
Des cours de cuisine. Non mais quoi encore ? Et s'il n'y avait que ça ! Un stage de « contrôle de soi », quelle connerie ! Mais ce cher juge, assisté de ce sale traître qui me servait autrefois de frère (parce que je l'ai renié entre-temps, ce faux-cul !), a décidé que soit j'acceptais de suivre cette foutue formation, soit j'allais en prison ! Tu parles d'un choix ! On inspire, on expire, tu es un Uchiha, tu peux tout faire…. Inspire, expire. Bien. Ce n'est que cinq jours, je devrais m'en sortir sans trop de problèmes. J'examine mon professeur, un certain Akimichi Chôji. Il a une face débonnaire, grassouillette… Bof, mais bon, au moins il a pas l'air chiant, c'est déjà ça. J'enfile cette horreur en coton blanc avec un dessin (mais qui a osé créer un truc pareil ?) de petit lapin croquant une carotte et me plante devant mon établi en affichant mon air le plus hautain et le plus digne possible dans ces circonstances. Pour l'honneur des Uchiha.
- Aujourd'hui, nous allons…
Une porte claqua et une… chose (apparemment humaine malgré son accoutrement) entra précipitamment dans la salle :
- Excusez-moi ! Je suis désolé. Je suis en retard, mon bus a crevé son pneu et j'ai dû attendre le suivant, j'espère que j'ai rien loupé, je…
Et ça continue comme ça pendant au moins une minute. Je regarde avec une moue assez dédaigneuse l'espèce d'énergumène qui est entré telle une tornade et qui n'en finit pas de détailler le pourquoi du comment de son retard, retardant d'autant le cours et donc, la fin de mon calvaire. Rien que pour ça, je suis dans l'obligation de le détester. Mais en plus, cet abruti (comment le nommer autrement ?) porte un affreux survêtement orange, un truc informe et dans ce tissu atroce qu'on appelle polyester. Au moins deux tailles au dessus vu la façon étrange dont la matière flottait autour de lui. Ridicule. Aucun sens de ce que les mots classe, chic et soigné peuvent bien signifier. Je renifle discrètement pour contenir le mépris que m'inspire ce type. Pas étonnant de voir ce genre de gars fréquenter ce stage, c'est le genre voyou des rues, trop grande gueule et bagarreur.
- Bien, monsieur Uzumaki, je ne noterais pas votre retard mais maintenant, il est temps de commencer. Mettez vous près de monsieur Uchiha, là.
- Ok ! Merci !
Bon, je suis maudit… mais je le savais déjà. C'est ça, il n'y a pas d'autres explications possibles. Quoi d'autre ? L'idiot de service vient en souriant de toutes ses dents et ramène son affreuse combinaison orange près de moi. Je décide de l'ignorer. Faudrait pas que je me fasse contaminer, c'est peut-être contagieux… Il enlève sa veste et oh ! Quelle surprise ! Il porte un horrible tee-shirt…Orange ! Et deux fois trop large et en coton. C'est sûr qu'à lui seul, l'industrie du coton a de beaux jours devant elle. Je n'en reviens pas de ce manque de goût. Il ose sortir comme ça (en public !) et supporte de se voir dans un miroir ? Franchement, le commun des mortels (dont je ne fais heureusement pas parti) ne finira pas de m'étonner. Et le voilà qui prend un de ces fabuleux tabliers et s'extasie sur leurs « trop mignons et adorables » motifs. Je sens que la journée va être longue… très longue. Surtout qu'il commence à me parler :
- Moi, c'est Naruto Uzumaki. Et toi, tu t'appelles comment ? T'as pas l'air de quelqu'un qui a besoin de suivre ce genre de cours, hein ? Qu'est-ce qui s'est passé ? T'as des supers vêtements, c'est quoi ? De la flanelle ? C'est sûr que c'est mieux que le coton mais c'est pas le même prix. Tu aurais mieux fait de porter quelque chose de plus passe-partout, tu sais ? Tu vas salir ton costume et je pense pas que des tâches là-dessus partiront au nettoyage à sec et puis…
Mais c'est où le bouton « stop » sur ces trucs-là? C'est possible d'enlever les piles ? Je bénis intérieurement ce cher professeur que je commence à adorer (même si c'est à cause de lui que je me retrouve avec l'autre zouave à côté de moi) quand il reprend son cours. Nous allons apprendre que la cuisine est un art qui demande de la discipline et de la rigueur et qu'apprendre à maîtriser ses nerfs passe par la maîtrise de son corps et de ses gestes pour garder en tête du début à la fin que seul le résultat compte et blablabla... Je jette un coup d'œil discret à mon voisin qui s'est (enfin) arrêté de parler et écoute, en hochant régulièrement la tête, la bouche ouverte comme un poisson hors de l'eau, ce que dit le chef avec un hochement de tête de dévotion religieuse surtout quand le sieur Akimichi nous annonce que nous allons préparer des ramens.
Il écoute pieusement les explications avec ce sourire de niais qui ne part pas. Il se l'est fait tatouer ou quoi ? A moins qu'il ne soit représentant pour une marque de dentifrice… Bon, il faut que j'arrête de lorgner sur cet étrange personnage, seul représentant d'une race inconnue d'invertébré (oui, vous n'avez pas vu la façon dont il gesticule sur sa chaise…) et je me concentre sur ce que dit notre aimable professeur. Des ramens. Pff ! Un plat typiquement prolétarien, indigne de mes délicates papilles gustatives mais soit ! Je saurais me sacrifier et même s'il faut que je mette cet épisode dans la catégorie « oubliettes » de mon esprit, je montrerai que moi, un Uchiha, je suis à même de tout réussir, fusse un stupide plat pour un stupide cours de cuisine, qu'un stupide ex-frère et un stupide juge m'oblige à préparer…
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Ah !!! Mais ce plat m'en veut ou quoi ! Je me suis brûlé en jetant les pâtes dans l'eau, coupé en éminçant les légumes… Pour finir, mon plat ne ressemble à rien. Les pâtes étaient trop cuites, la viande pas assez, les légumes font une sale tête de sorte qu'il est impossible de discerner où se trouve le poireau, le bambou ou les feuilles de komatsuna dans ce fatras de vert bouilli sans compter que leur aspect brûlé n'est pas des plus engageant… Un vrai désastre. Malgré tout cela, je reste stoïque. Ça ne m'atteint pas et je me drape dans ma dignité. Sauf que le chef, en passant, me jette un regard pas franchement sympathique.
- Monsieur Uchiha, est-ce que ça vous amuse de gâcher de si beaux ingrédients tout juste ramenés du marché ?
- … Pas de réponse de ma part. Mon plat, exposé comme une âme en peine, est suffisamment parlant et l'envie de rétorquer vertement à mon « professeur » me brûle les lèvres trop fortement pour que je prenne le risque de les ouvrir.
- Je peux l'aider moi, monsieur !
Si l'autre imbécile s'y met, je lui dévisse la tête. Je lui lance un de mes fameux regards de-la-mort-qui-tue made in Uchiha (brevet déposé) mais je me stoppe net en voyant son établi. Le plat de ramen qu'il a préparé se tient dessus et c'est tout autre chose que la masse informe qui flotte dans le mien. Les pâtes ont l'air cuites à point, les légumes, parfaitement taillés et disposés avec soin, semblent briller sous la lumière et l'odeur qui s'en dégage est aussi alléchante que ce que ce plat permet. Et pour couronner le tout, il a même eu le temps de nettoyer son espace de travail qui reluit comme un sou neuf alors que le mien ressemble à Hiroshima après le passage de la bombe. Je n'en reviens pas qu'un imbécile comme lui soit parvenu à ce résultat hautement improbable. Le pire, c'est qu'il n'est pas le seul. Tout les autres élèves du cours qui ont tous plus ou moins bien réussis (même ceux qui ont moins bien réussi l'ont fait mieux que moi…) me toisent avec un air moqueur qui ne me plaît pas du tout mais je fais comme si je n'avais rien vu, feignant le : je-m'en-fous-complètement-et-je-vous-emmerde. Ce qui est totalement vrai.
- Excellente idée, monsieur Uzumaki. Epargnons à ces pauvres légumes l'accablement d'une nouvelle débauche de maladresse… Rajoute ce putain de chef à deux sous ! Je le savais qu'il me détestait celui-là !
Et le voilà qui se rapproche de moi avec toujours ce putain de sourire benêt accroché sur le visage. L'envie de lui en coller une est très forte. Il se moque de moi, cet espèce d'apprenti cuistot !
- Hey ! Calme-toi, c'est pas grave. Je vais t'aider, me fait-il gentiment. On va commencer par nettoyer et puis, on va tout reprendre.
- Hn, répondis-je, pas heureux de la situation mais vu les yeux furieux de l'enseignant, impossible de refuser.
Il se saisit d'une éponge et commence à remettre de l'ordre. Je soupire en silence et fais de même. Pas le choix, de toute façon. Une fois que tout est propre et alors que le chef explique une nouvelle recette au tableau, mon assistant personnel entreprit de me réexpliquer la procédure. Il me montre comment couper les légumes sans que mes doigts ne subissent le coup de la mort subite, cuire la viande afin qu'elle ne soit pas dure comme du béton, minute avec moi le temps durant lequel les pâtes doivent rester dans l'eau et comment les égoutter sans que de jolies cloques ne se forment sur ma précieuse peau et, sans que je m'en rende compte (et sans avoir desserrées les mâchoires), les ramens sont prêts à être consommés. Le chef passa nous voir pour constater le résultat de nos efforts :
- Et bien, bravo ! C'est une belle réussite ! S'exclame t'il, satisfait. Il prit le plat et partit le déposer dans un four exprès pour les garder à température. Vous allez continuer à travailler ensemble, vous faites une bonne équipe.
L'autre se mit à rire bêtement tandis que je hochais la tête, vaincu. Ça me faisait mal de le reconnaître mais c'est vrai que l'aide du scout orangé avait été bienvenue. Nous passâmes donc à la suite, un plat de Gyôza qui devait accompagner les ramens. Nous nous répartîmes les tâches, enfin, je laissais l'asticot gesticuler et s'extasier sur cette nouvelle préparation et m'attelais à hacher le nira[1] et le gingembre tandis que le blond s'occupait joyeusement du choux et des poireaux. Nous réunîmes le tout dans un grand saladier avec du porc émietté. Le blond (forcément, avec un tel QI…) babillait gaiement à côté de moi, semblant ne pas remarquer que je ne lui répondais pas et ne lui prêtait aucune attention.
- Tu malaxes ou je le fais ? Me demanda t'il.
- Fais-le, fis-je, une moue profondément dégoutée à l'idée de plonger mes blanches menottes dans cette mixture peu ragoûtante.
- Ok ! Monsieur l'aristo ne veut pas se salir plus que nécessaire, me taquina t'il. Je ne lui ferais pas l'honneur de lui répondre…
Je remplis un donburi (bol) d'eau pour éviter que les pâtes à gyôza ne se dessèchent puis pris une cuillère pour pouvoir farcir la pâte et accessoirement, éviter d'être en contact direct avec le mélange. Après le traditionnel rituel de nettoyage de nos mains, nous commençâmes le fourrage de la pâte et bien vite, nous en eûmes terminés. Restait la délicate étape (épreuve selon moi) de la cuisson. En voyant mon air quelque peu horrifié face à la poêle contenant l'huile brûlante (perspective future de douloureuses inflammations sur mon doux épiderme, je le voyais gros comme une maison), cet idiot se mit à pouffer et me poussa loin de la plaque de cuisson :
- Je m'en occupe, va. T'inquiètes pas !
- Arrêtez de me tutoyer je vous prie, lançais-je, agacé d'avoir été si transparent et par la familiarité hautement désagréable de ce vaurien de seconde zone.
- Kukuku… Tu es trop drôle, tu sais !
- Humpf !
C'est fou comme il semblait que tout ce que je pouvais lui dire glissait sur lui sans l'atteindre. Jamais personne ne m'avait parlé comme il le faisait. Jamais personne n'aurait osé d'ailleurs. Même mes amis n'étaient pas si proches de moi et ne se seraient jamais permis les familiarités que cet inconnu se permettait. Sans compter qu'il ne se gênait pas pour me toucher, chose dont j'avais particulièrement horreur. Il me prenait la main pour la guider quand je ne tenais pas les ustensiles comme il le fallait, mettait sa main sur mon épaule pour soi-disant surveiller la manière dont je découpais les légumes. Et ainsi de suite. Vous croyez qu'on m'en voudrait vraiment si je l'assassinais ? Oui ?
Dommage… Un doux rêve qui s'effondre.
J'ai toujours détesté les gens tactiles et je les ai, par conséquent, toujours fui comme la peste. C'était de notoriété publique. Il n'y avait que dans l'intimité d'une chambre à coucher (et le mot sonnait fort juste) que je les tolérais et seulement pour le temps nécessaire. Après, inutile de compter sur moi pour les petits baisers tendres ou même un peu d'attention. Je me levais et partais sans attendre… Mais pourquoi je pense à ça, moi ? Je reportais mon attention sur l'imbécile qui finissait de déposer les raviolis de gyôza sur du papier absorbant pour faire disparaître le trop plein de gras après évaporation de l'eau de cuisson, ne restant plus que l'huile pour dorer la pâte. Il me sourit (encore).
- C'est bon, on va pouvoir manger ! J'ai trop faim maintenant et puis j'adore les ramens, pas toi ? J'ai trop hâte que tout le monde ait fini pour qu'on puisse se mettre à table et puis….
J'arrêtais de suivre (enfin, j'avais pas commencé, en fait) pour nettoyer le plan de travail et il finit par me rejoindre tout en poursuivant (hélas) son monologue. Mais il ne se lasse jamais ou quoi ! Un vrai moulin à parole ! Nan mais sans blague, y'a pas moyen de le désactiver ? Je commençais à sentir poindre une migraine royale mais je vis arriver la fin de mon supplice car tous se levèrent et nous prîmes place dans la salle adjacente pour déguster le fruit de nos efforts ainsi que quelques plats supplémentaires qui avaient été commandé (sans doute au cas où ce que les élèves avaient préparé aurait été jugé mortel à la consommation…). Tout le monde mangeait en discutant à bâtons rompus et l'imbécile heureux qui avait pris place à côté de moi (une fois de plus et sans mon accord) s'en donnait à cœur joie. Il parlait tellement que personne ne tenta de m'approcher, ce qui me convint parfaitement. Je mangeais en silence, avec grâce et dignité. Enfin, on nous relâcha. Le blond me fit de grands signes en partant sans que je ne les lui rende (et puis quoi encore !).
Encore quatre jours à tenir…
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2ème jour :
Je veux mourir. Je vous assure. Rien dans mon expression faciale ne trahissait mon souhait (qui venait pourtant du plus profond du cœur) mais franchement, à ma place, vous aussi vous vous seriez senti mal. Heureusement que j'avais choisi une tenue plus décontractée que la veille. Comment aurais-je fait sinon, je me le demande ! Il faut dire que mon pantalon de toile et mon pull ne serait pas de trop pour me protéger de… ça. Quoique j'aurais dû y ajouter un bouclier en acier trempé… Un élevage canin ! J'ai dû faire quelque chose de vraiment mal dans une vie antérieure pour être affligé de la sorte par les Dieux.
Je me demandais aussi pourquoi on nous avait fait grimper dans cet autobus miteux pour nous rendre aux frontières de la ville. Et en plus, j'avais encore une fois dû supporter la boîte à dialogue ambulante qui n'avait toujours pas troqué cet affreux ensemble de couleur criarde (il n'a rien d'autre à se mettre où il les collectionne ?). Il ne tenait pas en place, discutant avec tout le monde, rendant le voyage, déjà désagréable en soi, insupportable. Itachi, tu me le paieras ! En tout cas, si j'arrive à me retenir de l'étrangler (et Dieu sait que l'idée est tentante) pendant tout le stage, c'est que j'aurais vraiment réussi à dominer mes pulsions et que je pourrai tout encaisser mais en attendant…
- T'as vu Sasuke ! C'est génial, on va pouvoir assister à une séance de dressage et puis peut-être qu'on pourra s'occuper des chiens et leur faire leur toilette et puis on ira les promener et puis…
Au secours !
On arrive enfin et j'accueille comme un vrai soulagement la possibilité de m'éloigner de mon bourreau. Un drôle de gus vient à notre rencontre. Il dit s'appeler Inuzuka Kiba et être notre guide pendant toute la journée. Je le déteste immédiatement. Il sent le chien mouillé. Et puis quelle idée de se faire tatouer les joues avec deux énormes triangles ? C'est d'un vulgaire ! Il nous souhaite la bienvenue avec un enthousiasme qui me rappelle celui de mon tourmenteur blond qui lui répond avec autant de verve. Ils s'échangent un coup d'œil complice, je sens qu'ils sont du genre à bien s'entendre ces deux-là… Tant mieux, me dis-je. Pendant ce temps-là, il me fichera la paix !
On nous conduit dans une petite salle et on nous explique ce qui sera notre travail de la matinée. Je grimace, on doit former des binômes et deviner qui sera le mien ? Si je vous dis blond, grande gueule et vêtements d'un goût douteux, vous dîtes… ? Uzumaki Naruto? Gagné ! Ben oui, mais je me suis fait une raison. La malédiction est réelle et apparemment, permanente. Ce n'est plus une supposition, c'est un fait réel et tangible. Première activité ? Nettoyage d'une montagne blanche aussi haute que moi ou presque et il paraît que c'est un chien… A qui on veut faire croire ça ?!
Pour moi, ce n'est qu'une machine à tuer, prête à mordre, un requin sur patte, un mutant canin à qui on aurait greffé une mâchoire avec des crocs acérés… Je vous ai pas dit que je n'aimais pas les chiens ? En fait, (mais si vous le répétez, je vous tue) j'ai une trouille bleue des chiens depuis que le caniche (vous marrez pas, il était énorme !) de nos chers voisins m'a poursuivi puis mordu quand j'avais huit ans après s'être détaché de sa chaîne. Mes parents lui ont fait un procès et la bête a été abattu mais n'empêche que depuis, je ne peux pas m'approcher de ces bestioles. Et là, c'est un vrai molosse qu'on nous confie. Un élevage de Berger des Tatras[2], un robuste colosse de presque quatre-vingt dix centimètres à l'épaule et qui doit peser pas loin de soixante-dix kilos. Un meurtrier en puissance.
- C'est mon chien que je vous confie. Il s'appelle Akamaru. Il est doux comme un agneau, fit le dresseur en nous enjoignant, moi et mon partenaire de galère, à nous occuper de cette peluche mortelle.
- Génial ! S'exclama l'idiot.
- Hn, fis-je, mon enthousiasme clairement visible et me tenant à une distance respectable de la Chose.
- C'est trop sympa de nous confier ton chien, on va en prendre super soin. Hein, Sasuke ?
- ….
- Akamaru est sage comme une image, vous verrez. Par contre, il n'aime pas trop les bains alors, je vous souhaite bonne chance !
- Ok ! J'ai compris, tu nous refiles tes sales besognes, s'esclaffa mon compagnon d'infortune.
- T'as tout compris ! Répondit l'autre en nous laissant seuls avec le… monstre.
La petite salle était propre mais trop étroite à mon goût. Une grande bassine trônait près du mur. Un long tuyau d'arrosage, coiffé d'un pommeau de douche pendait à une suspente sur le mur à côté. Un petit meuble était garni de grandes serviettes soigneusement pliées et le sol comportait une bouche d'évacuation d'eau. Une large étagère, enfin, était bondée de différents produits, accessoires de toilette et matériel de séchage. Le représentant de la gente canine, lui, était allongé près de la porte de sortie (me coupant toute retraite, notais-je avec angoisse) avec une laisse (beaucoup trop fine à mon goût) accrochée à son cou et retenue par un anneau en fonte dans le mur. Je vis le blond s'approcher de la bête pour lui flatter l'encolure, par contre, je réprimais difficilement un frisson d'horreur quand je le vis commencer à détacher le molosse.
- Qu'est-ce que tu fais ? Demandais-je calmement, quoique d'une voix un peu trop aiguë.
- Ben, je le détache, tu vois pas ? On peut pas le laver comme ça, me répondit-il, le plus tranquillement du monde, inconscient du danger de laisser cette bestiole errer librement. Mais les simples d'esprit n'ont aucune notion du danger paraît-il.
- On n'a qu'à rapprocher la bassine et utiliser la longueur du tuyau pour ça, inutile de le détacher, tentais-je, tout aussi calmement, mais de plus en plus anxieux. Je vis mon comparse hausser les épaules.
- Mais non, il n'y a pas assez de longueur et puis comme ça, on pourrait pas le laver correctement.
Et il le détacha.
Je m'immobilisais, regardant le monstre s'ébrouer joyeusement (sans doute l'anticipation de son prochain repas) et… se diriger vers moi.
- Il t'apprécie Sasuke ! T'as un truc avec les chiens !
Je vais me faire bouffer, oui ! J'essaie tant bien que mal de masquer la terreur qui envahit chaque pore de ma peau. Je suis pétrifié, je n'ose plus faire le moindre mouvement, hypnotisé par le mouvement inéluctable du chien qui se rapproche de plus en plus, les yeux dardés sur les pointes trop aiguisées et éclatantes qui dépassent de la gueule entrouverte en un sourire macabre et sur cette odieuse langue qui viendra bientôt lécher ce qu'il restera de mon cadavre. J'ose à peine respirer tellement je sens chaque fibre de mon corps se tendre. Ça y'est, il est là. Je ne vois plus que ces petits yeux sournois qui se délectent de pouvoir goûter la peau d'un Uchiha, j'en suis sûr.
- Ça va pas, Sasuke ? T'es tout pâle… Nan, tu crois ? Je vais me faire boulotter par un clebs génétiquement meurtrier, à part ça, tout baigne !
Le requin sur pattes nommé Akamaru se dresse sur ses pattes arrières et pose ses griffes avant sur mon torse. Sans doute pour rapprocher ses crocs de ma jugulaire.
- Hey ! Sasuke, t'as perdu ta langue ? Caresse-le, il attend que ça.
- Waf !
J'ai la vue sur le fond de sa gorge… Je me sens partir. J'entend vaguement une voix qui hurle « Sasuke » et je ne vois plus rien que les ténèbres.
Je me réveille je ne sais combien de temps après. Je me sens mal et lourd. J'ai des frissons partout sur le corps et je tremble. Je sens qu'on me secoue.
- Sasuke ? Sasuke ! T'es réveillé ? Tu m'as fait peur tu sais, t'es tombé d'un coup !
J'ouvre les yeux et tombe sur deux incroyables prunelles couleur cobalt. Ils sont magnifiques. J'étudie avec attention, inconscient de ce qui se passe autour de moi, le mystère de ces iris. Je vois les paillettes qui rendent ce regard unique. Plus ou moins foncées, elles me donnent envie de les toucher, de les saisir pour en capter l'essence. Je suis émerveillé d'avoir la chance de croiser un tel regard. Mes tremblements cessent car toute ma concentration se fixe sur ces yeux… A qui appartiennent-ils ? Et je remarque alors une douce lueur qui fait comme un halo autour de ce visage que je ne reconnais pas. De merveilleuses mèches d'une blondeur incandescente.
- Hey ! Sasuke ? Réponds-moi, je flippe là…
- Vous êtes un ange ? Je suis mort ? Murmurais-je. Les yeux de mon ange s'ouvrent en grand, sous l'effet de la surprise.
- T'as dû te cogner la tête en tombant parce que tu délires… J'ai un sursaut de conscience.
- Naruto ? Un grand sourire niais me répond.
- Là, c'est certain, tu t'es fêlé la caboche parce que c'est bien la première fois que tu utilises mon prénom !
Je me relève brutalement. Je suis dans une chambre, allongé sur un futon. Un rire se fait entendre, je me tourne vers la source de ce qui ressemble plus à un ricanement. C'est le maître-chien qui me regarde, goguenard. Je prends conscience du ridicule de ma situation. Je me suis évanoui devant un chien trop affectueux ! Moi, fier représentant de la dynastie Uchiha, je suis tombé dans les vapes devant un sale clébard. J'ai piétiné l'honneur de ma famille, une fois de plus, et à en juger par l'attitude moqueuse de cet Inuzuka, ce n'est pas quelque chose qui restera entre ces murs.
- Alors, on fait dans son froc devant une peluche inoffensive, Uchiha ? Je n'ai pas le temps de répliquer qu'une voix s'élève, impérieuse.
- Ça t'amuse de te moquer de quelqu'un à terre ? C'est le blond qui l'a ouverte. Pour qui il se prend celui-là ?
- Avoue que c'était marrant ! Insiste lourdement le dresseur.
- Non, c'était et c'est pas drôle de s'amuser au dépens de quelqu'un. Une phobie, ça se contrôle pas, ok ? Et je te rappelle que tu a peur des araignées et que ça ne te ferait pas rire si je te balançais une de ces charmantes bestioles dans ton plumard.
- Vous vous connaissez ? Demandais-je, perdu.
- Ouais, on était ensemble jusqu'à l'Université, lâche mon chevalier servant auto-désigné.
- T'es toujours aussi chiant Uzumaki, se renfrogne l'autre.
- Et ouais, mon pote ! Il reprit, plus sérieusement : T'en parleras pas, hein ?
- Non mais c'est pas pour sa tronche que je le fais et par contre, il devra participer au nourrissage des bêtes puisque vous loupez la séance de dressage.
- Ok !
Le maître-chien nous laisse seuls avec l'autre abruti et je tente de maîtriser ma colère.
- Ça va Sasuke ? T'as l'air tout crispé, me demande l'autre.
- De quoi je me mêle ? Grommelais-je.
- Ben quoi ? J'ai fais ça pour t'aider, s'excuse l'autre.
- Je t'ai rien demandé. Ma voix se fait plus forte. Mauvais signe.
- Oh ! Calmes-toi.
- Je suis calme. Finissons-en, annonçais-je, dissimulant mon énervement.
Je me mets debout mais le contrecoup est encore présent et je chancèle. Une main me rattrape vivement. Je grogne.
- Arrête avec ta foutue fierté à la con et rallonge-toi un peu !
J'obéis tout en protestant, pour la forme. J'ai la tête qui tourne et la nausée. Naruto me tend un sac en papier et je respire dedans. Je me calme, ça va mieux. J'accepte, à contrecœur, ça va de soi, son aide pour me remettre debout lorsque les vertiges ont cessé. Ça tombe bien, c'est l'heure de donner sa nourriture aux chiens…Hourra ! Heureusement pour moi, je n'ai qu'à remplir les gamelles et c'est Naruto qui entre dans les enclos des fauves pour les déposer. Je vais pas le remercier mais… ben…c'était… gentil. Putain, ça m'arrache la langue de devoir le reconnaître. Sans doute un reste de mon étourdissement. Ouais, c'est sûrement ça. Il ne dit rien et nom d'un chien (c'est le cas de le dire), ça fait du bien. Je me sens mieux malgré mes jambes encore un peu tremblotantes mais j'ai un mal de crâne lancinant qui me fait serrer les dents mais pas question de le montrer. J'ai hâte que tout ça se termine et pouvoir rentrer chez moi.
Enfin, on nous libère. Direction l'autobus pourri qui me ramène à la liberté. Je sens une pression sur mon épaule. L'imbécile me sourit et me tend quelque chose de son poing fermé. Il desserre les doigts et je vois apparaître un cachet dans son écrin d'aluminium. Je l'interroge du regard et je me méfie. C'est un dealer et il essaie de me vendre sa dope ? Je m'en doutais qu'il était pas net. Il sourit (encore ! Mais il a pas de crampes, à force ?) et me renseigne :
- C'est une aspirine à sucer. J'ai vu que tu avais mal au crâne, t'es plus pâle qu'un mort.
Déjà, je ne suis pas pâle, j'ai hérité des traits délicats et de la carnation de porcelaine de ma mère, nuance. Mais bien sûr, un rustre dans son genre ne peut pas comprendre. Je saisis le cachet sans le remercier (et puis quoi encore ?) et l'enfourne prestement dans ma bouche. J'ai tellement mal que je suis prêt à accepter n'importe quoi. C'est dire. On arrive enfin et je vois la silhouette de la voiture d'Itachi qui se dessine. Soulagement. Je ne me sentais pas de conduire dans cet état. L'aspirine a un peu diminué la douleur mais m'a rendu somnolent. Je descends avec ce qu'il me reste de distinction sans me rendre compte que l'on me suit.
- Ça va aller pour rentrer ? Tu veux que je te raccompagne ?
C'est Naruto. C'est pas croyable, qu'il me colle pendant le temps du stage passe encore, mais une fois que c'est fini, qu'il me lâche, bon sang !
- Fous-moi la paix. Il a l'air déçu mais son sourire réapparaît bien vite. Il a probablement un abonnement à « Sourire hebdo »…
- Ok, à demain alors ?
Il n'attend pas la réponse et s'en va. Je soupire et sens le désespoir qui se pointe. Je suis particulièrement remonté et j'ai bien l'intention de faire part de ma mauvaise humeur à celui qui en est responsable : Itachi, mon ex-frère-mal-aimé. Hélas, quand j'ouvre la porte, il n'y a que le chauffeur. Re-soupir. C'aurait été étonnant qu'Itachi, qui m'évite depuis la décision prise par son amant, soit venu pour m'entendre lui exposer ma façon de penser… Pas encore ce soir que je pourrais me défouler. Mais tu perds rien pour attendre, je me vengerai Itachounet et ma vengeance sera terrible…Un ricanement sinistre s'éleva dans ma gorge et le regard peu rassuré du chauffeur à mon encontre m'apprit que mon visage avait dû laisser transparaître les plans diaboliquement subtils que je fomentais présentement dans mon esprit.
Attend donc, mon cher frangin, de voir ce que je te réserve quand tout ça sera fini….
o0o0o
3ème jour :
Cette fois, je suis satisfait. Pour deux raisons. La première c'est que la mine renfrognée de Naruto à l'annonce de l'activité du jour destinée à nous permettre de contrôler nos émotions m'a ravi (non, pas sadique mais ce n'est qu'un juste retour des choses) et la seconde c'est que cette activité fait parti des domaines que je connais et où, comme tout Uchiha qui se respecte, j'excelle. L'Ikebana, l'art de l'arrangement floral, est une de mes distractions favorites, cela m'aide à me détendre. Cette fois, cet espèce de décoloré ne me dépassera pas !
Deux jeunes femmes nous accueillent : Yamanaka Ino et Hyûga Hinata. Autant l'une est blonde et apparemment extravertie autant l'autre est brune et semble chercher à se confondre avec la tapisserie murale (et elle y parvient parfaitement selon moi). La blonde nous fait son speech (qui a pour moi le goût du déjà-vu) sur l'histoire de cet art, son importance et les principes qui le régissent et blablabla… Je regarde le blond qui semble un peu dépassé par tout ce déballage de règles, de philosophie à suivre… Je jubile. Intérieurement, bien sûr. Nous sommes installés individuellement mais le blond s'arrange encore pour être à côté de moi. A croire qu'il ne peut plus se passer de mon auguste présence !
Je me prépare avec calme et concentration pour faire passer toute la sérénité qui inspirera mon assemblage. Le support ressemble à une coupe basse en verre. J'y inclus quelques galets que je dispose de façon asymétrique, ils me serviront à maintenir les fleurs. Je prends trois mitsumata blanc, les coupent de façon inégale puis je dispose ces branchages, le plus grand debout au milieu du vase, coincé par les galets et les deux autres couchés sur les bords de la céramique de sorte qu'ils entourent la branche centrale. Je saisis une pivoine rose et je l'attache à ma branche centrale avec une tige de feuillage beargrass de façon à ce que la fleur penche légèrement comme un danseur qui maintiendrait sa partenaire dans un équilibre précaire. Pour finir, je remplis le vase d'eau, juste à peine pour ne pas recouvrir totalement les galets puis je dépose dessus deux têtes d'orchidée blanche entre les deux branches transversales pour que leurs tiges touchent l'eau sans atteindre le fond[3]. C'est simple, raffiné… Tout moi, quoi !
Je relève la tête, serein et confiant. Je vois la blonde qui s'avance vers moi, une expression béate sur le visage et ma sérénité retombe d'un coup. Je sens la fille « je-suis-hystériquement-aveuglée-par-ton-charme-ton-talent-prends-moi-je-suis-à-toi ». Et ça ne loupe pas. J'ai droit à une avalanche de compliments sur ma composition à grands renforts de « regarde-mon-décolleté » et de regards en cœur. Ça m'écœure. Et après, on se demande pourquoi je préfère les garçons ? Les filles, avec leurs manières doucereuses, leurs grands yeux larmoyants et leur besoin constant de protection et d'attention m'irritent.
Je regarde mon voisin, j'ai envie de voir son regard ébahi devant l'expression de mon immense talent. Pourquoi serais-je modeste, après tout, c'est vrai... Ce que je vois en premier, c'est ce qu'il a osé faire avec ses fleurs ou plutôt ce qu'il en reste. C'est un carnage. Les fleurs sont éparpillées dans un joyeux désordre, d'une façon absolument pas conforme à l'idéologie de cet art délicat. Les fleurs font triste mine dans le vase droit qui est censé les contenir mais ressemble à cet instant à un étouffoir vu la façon dont les plantes sont serrées les unes contre les autres… Je me réjouis (toujours intérieurement) de voir que blondie est en train de se ramasser et je me délecte par avance de son visage dépité. Je le cherche du regard pour le voir… En grande conversation avec l'autre jeune femme, Hinata.
Elle est en train de rougir tandis qu'il lui lance un regard… Charmeur ? Mais qu'est-ce qu'il fait ? On n'est pas là pour ça ! Il devrait s'arracher les cheveux à faire une composition potable au lieu de draguer cette potiche inintéressante ! Regardez-là, à se tortiller sous ses yeux et elle bégaie en plus maintenant. Et l'autre, il badine comme si de rien n'était et s'approche encore plus d'elle avec son sourire qui va d'une oreille à l'autre ! Leur conversation est des plus navrantes pourtant, jamais vu tentative de drague aussi minable !
- Je ne comprends pas, Hinata-chan. Pouvez-vous me réexpliquer comment il faut procéder ? Si c'est pas gros comme une maison, ça ?
- O-oui, bien s-sûr, Na-Naruto-kun. Elle semble sur le point de s'évanouir cette gourde.
- Il vaut mieux que j'enlève tout, non ? Tu parles d'un sous-entendu ! Non mais franchement, c'est d'une finesse !
- O-oui, ç-ça… Ce…C'est mieux. Elle va finir par heurter le sol… Compte à rebours enclenché !
- Et maintenant, vous pensez qu'il vaut mieux que je les humidifie avant de les mettre ? Il a une voix vraiment suave ce type… Mais de toute façon, avec ses paroles plus qu'explicites, elle ne va pas tarder à…Ah ! Ça y est ! Elle est dans les vapes !
- Hinata-chan ! Hinata-chan !
Mon pot-de-colle personnel se décide (enfin) à me lâcher la grappe et à aller secourir sa compagne. Finalement, la brunette va s'étendre dans une pièce à côté et la blonde doit s'occuper du groupe toute seule ce qui signifie qu'elle ne peut plus venir squatter vers moi. Hourra ! Finalement, cet imbécile m'aura aidé. Je viens enfin de lui trouver une utilité. Cependant, mon regard se fixe de nouveau sur lui et je constate qu'il regarde ses fleurs sans savoir quoi en faire, triturant les branches, les fleurs sans parvenir à se décider. Je suis une bonne âme, je vais à son secours… Il me regarde, surpris.
- Ben, qu'est-ce qu'y a ?
- Pousse-toi, je te montre.
Il me regarde avec un air ébahi mais ne dit rien. Attend, il ne dit rien ? Victoire ! Je prends le vase et entreprend de lui montrer ce qu'il faut faire. Docilement, il prend quelques tiges de fleurs, quelques branches mais à chaque fois, c'est la catastrophe. Je ne perds pas patience et nous recommençons plusieurs fois. Au final, ce n'est pas tout à fait ça, la composition est un peu trop touffue, un peu trop asymétrique et l'équilibre est imprévisible mais globalement, ça lui ressemble assez donc… Pendant qu'il cherchait à tâtons comment faire son arrangement, je le regarde un peu mieux.
Je n'ai pas oublié l'impression qu'il m'a fait hier lorsque je me suis réveillé. C'est vrai qu'ils sont blonds ces cheveux, très clairs. Il a une sacré masse mais qui ne semble pas connaître la gravité bien que quelques mèches retombent sur son front et encadrent son visage. Il ne semble pas parvenir à les discipliner car ils ont l'air décoiffé en permanence. Indisciplinés comme leur propriétaire sans doute. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, hein ? Je ne le trouve pas mignon, ce n'était qu'une simple remarque… qui prend fin maintenant. Sa peau est claire mais légèrement tannée comme s'il passait son temps au grand air. Néanmoins, il ne semble pas pratiquer de quelconques travaux manuels car ses mains ne sont pas calleuses. Quel métier peut bien exercer cet imbécile ? J'ai dit stop…
En tout cas, il ne doit pas gagner beaucoup avec le genre de vêtements qu'il porte. Il a de drôles de marques sur ces joues, on dirait comme des moustaches. Curieusement, cela ne l'enlaidit pas. Cette imperfection le rendrait même plus attirant… Attirant ? Ouh ! Je débloque maintenant. Je suis un Uchiha, je n'ai absolument aucune intention de m'acoquiner avec un voyou de seconde zone, idiot de surcroît. Même si ces incroyables yeux bleus me font rêver. Enfin, il a de jolis yeux quoi. Non, je ne suis pas de mauvaise foi et non, je ne le reluque pas sans arrêt depuis tout à l'heure, c'est juste que j'ai un sens de l'observation développé, c'est tout.
- Qu'est-ce que t'en penses, Sasuke ?
- Hn.
- Oui ? C'est à dire ? S'impatiente l'idiot du village.
- C'est à ton niveau. Très bas. Ben, oui, j'allais pas gâcher cette précieuse occasion de rattraper mes précédentes humiliations alors que c'est à mon tour de devoir lui apporter mon aide… Comment ça c'est un coup bas ? Non, je dis ce que je pense, c'est tout.
- Hum. Il se met la main derrière la tête et rit niaisement. Ouais, ta raison, c'est pas mon truc tout ça mais toi, c'est clair que t'es fait pour ça ! Tu fais quoi dans la vie ? T'es artiste ou un truc dans le genre ?
- Ça ne te regarde pas. Non mais de quoi je me mêle ?
- On t'a jamais dit que t'étais un tantinet asocial ?
- On t'a jamais dit que tu parlais trop ? Il m'énerve !
- T'es vraiment grave comme mec. Heureusement que t'es mignon pour contrebalancer le tout !
- … Je bug. Il a dit quoi ?
- Fais pas cette tête, Sasuke ! J'ai rien dit qu'on t'ait jamais dit, j'en suis sûr. Il me fait quoi, là ?
- Qu'est-ce que tu cherches à faire, abruti ?
- S'il y a moyen, et j'ai l'impression qu'il y a, je te drague, m'avance t'il avec aplomb. Mais qu'est-ce qu'il me fait ?
- Qui te dit que je suis gay ? Il hausse un sourcil, dubitativement goguenard.
- D'une, t'es gay sinon t'aurais pas repoussé la blonde qui te dévore des yeux et qui rêve de te dévorer autre chose… De deux, si t'es pas intéressé, arrête de me coller et de me mater en douce. Je suis pas si idiot que ça, Sasuke-san, j'ai bien remarqué tes regards en coin. Impossible, ça ! Et puis, je le matais pas ! C'est lui qui arrête pas de se faire remarquer d'abord !
- Tu prends tes rêves pour la réalité, fis-je, hautain au possible en regagnant ma place. J'entends un lointain « Mais ouais, c'est ça ». Mais je n'y prête que l'attention que ça mérite, c'est-à-dire aucune…
Il m'énerve.
Heureusement, la fin du cours est arrivée assez vite. Le blond n'a pas arrêté de me chercher et j'ai vraiment envie de lui expliquer par A+B que je ne suis pas intéressé par sa bruyante personne, façon Sasuke c'est-à-dire de la manière la plus désagréable possible. Encore deux jours à tenir et je ne le reverrais plus de toute façon. Et les autres non plus. Parce qu'évidemment, ça recommence. Les œillades en douce, les mains qui frôlent et tout le bataclan. Si mon père ne voulait pas à tout prix que je reprenne l'entreprise avec Itachi, je passerais mes journées cloîtré pour ne plus avoir à supporter ces horripilants contacts. Néanmoins, aucune approche directe ne m'a été faite, ce qui me soulage mais je suppose qu'avec l'autre sangsue qui me colle, ça laisse peu de marges de manœuvre sauf que… la sangsue a envie de me goûter. Je frissonne.
De dégoût, bien sûr.
La suite, tout de suite (c'était trop long pour faire une publication en une fois....)
