Bonjour !
Je vous propose aujourd'hui une vieille fanfiction dont la première version date de février 2016 - soit avant la diffusion de la saison 5B - mais que je n'avais jamais publiée parce que je la trouvais trop sombre. Il y a quelques jours, je l'ai reprise en modifiant quelques éléments du scénario.
Elle est plus ou moins canon, à ceci près qu'un mois s'est écoulé entre le retour de tout le monde des Enfers et la mort de Robin. Ce qui arrive ensuite n'est pas pris en compte.
Si vous avez lu ma fanfiction Requiem, celle-ci est dans la même veine, avec une enquête, des secrets de famille et du drama.
J'espère que ça vous plaira, n'hésitez pas à me donner votre avis !
Embrasement de Zelena
oOo
« Nous sommes donc ici réunis pour l'ouverture du testament de Zelena Mills, décédée le 22 avril dernier, en présence de ses filles, Agathe Calypso Mills, née le 6 mars 2015 à 19h08, et Zoé Ariane Mills, née le 6 mars 2015 à 19h13, toutes deux dans la ville de Storybrooke et âgées en ce jour de dix-huit ans. La lecture du testament sera assurée par moi même, Gregory Eldingar, d'après les dernières volontés de la défunte. »
Pas un seul bruit ne vint interrompre le notaire tandis qu'il récitait un discours qu'il connaissait sans doute par cœur pour le répéter encore et encore à chaque nouveau décès.
C'était pourtant une belle journée : en cette matinée de fin avril, le soleil brillait, le ciel était bleu et la température avoisinait les trente degrés. Zoé songea amèrement qu'en d'autres circonstances, elle aurait adoré cette journée.
Seulement, il y avait une ombre au tableau, et pas des moindres : sa mère était morte.
Morte.
Zelena était morte.
Les larmes lui piquèrent les yeux menacèrent de se mettre à couler à flots et Zoé dut se faire violence pour les retenir.
Ne surtout pas pleurer. Pas maintenant, pas devant Agathe.
Agathe, qui se tenait bien droite sur son siège, les mains tranquillement posées sur ses genoux, le regard inexpressif.
Agathe, qui n'avait pas versé une seule larme.
Ne pleure pas, Zoé. Elle, elle n'a jamais pleuré pour nous, lui avait-elle dit.
Zoé se mordit la lèvre et inspira profondément avant de reporter son attention sur le notaire qui déchira précautionneusement une enveloppe dont il tira une lettre qu'il déplia. Elle entraperçut brièvement l'écriture soignée de sa mère.
Gregory se racla la gorge mais hésita avant de commencer à lire.
« Je dois vous dire que ce testament est assez... inhabituel. Il n'y a aucune indication concernant le partage de ses biens ou de son argent – je suppose qu'il faudra vous arranger entre vous. »
Agathe claqua la langue d'un air mécontent. Devinant son impatience d'en finir, il entama enfin la lecture :
A ma sœur Regina, je lègue la petite clé dorée.
A ma fille Agathe, je lègue la bague sertie d'améthystes.
A ma fille Zoé, je lègue la chevalière argentée.
A Agathe et Zoé,
Vous lisez ces mots car je suis morte – j'aurais aimé pouvoir vous les dire de vive voix mais c'est trop tard, désormais. Le silence a gagné, et je ne suis plus là pour le briser.
Je me suis tue des années mais je vous parle aujourd'hui.
Le temps des secrets doit d'achever, les mensonges doivent s'embraser.
Agathe, le notaire va te remettre un dessin : il est destiné à ton père adoptif. Retrouve-le et donne le-lui.
Zoé, le notaire va te remettre un dessin : il est destiné à ton père biologique. Retrouve-le et donne le-lui.
Il y a deux autres dessins : l'un est pour votre tante. Allez-lui remettre, je vous en prie.
Le dernier vous sera remis quand ils auront été donnés à leur destinataire.
Alors, le temps des secrets s'achèvera et les mensonges s'embraseront.
De leurs cendres renaîtra, je l'espère, quelque chose de beau.
Votre mère.
Gregory acheva sa lecture d'une voix posée et les fixa tour à tour, guettant leurs réactions. Agathe pinça les lèvres.
« Des... dessins ? »
Le notaire ouvrit alors un tiroir de son bureau et en sortit une autre grande enveloppe. Puis, il en sortit trois dessins, laissant le dernier à l'intérieur. Zoé fronça les sourcils. Ils n'étaient pas tous identiques mais tous représentaient des flammes. Gregory en déposa un devant chacune d'elles et laissa le dernier au milieu.
« Celui-là est pour votre tante. Je suppose qu'elle voulait que vous le lui remettiez toutes les deux. »
Zoé saisit son dessin et l'observa. Les questions se bousculaient dans sa tête. Son père biologique ? Sa mère lui avait toujours dit qu'il était mort peu après sa naissance...
« C'est impossible, » déclara Agathe d'une voix sèche. « Je n'ai pas de père adoptif. Mon père est mort il y a des années. »
« C'est pourtant ce qui est écrit, » rétorqua posément Gregory. « Et croyez-moi, si c'est votre mère qui l'a écrit, alors c'est la vérité. »
« Et comment pouvez-vous en être aussi sûr ?! »
De rage, Agathe s'était levée et le fusillait du regard.
« Comment pouvez-vous savoir quoi que ce soit ? Notre mère s'est tue. Du jour au lendemain, elle a cessé de parler, a cessé de bouger, à cessé de vivre. Elle a passé cinq ans dans ce foutu hôpital à dessiner des foutues flammes toute la journée. Nous avons supplié et pleuré pour qu'elle parle, encore et encore, mais elle n'a jamais daigné nous décrocher un seul foutu mot en cinq ans ! Alors n'osez pas me parler de ce qu'elle était, parce que vous ne savez rien. »
Zoé lui décocha un regard horrifié qu'elle ne remarqua même pas. Sa tirade achevée, elle se rassit, quelque peu calmée.
« Je ne sais peut-être pas grand-chose, » confirma Gregory. « Mais ça, je le sais. »
Agathe le fixa dans les yeux sans broncher. Le notaire déposa devant elle une bague sertie d'améthystes, et devant Zoé une chevalière argentée. Il plaça à côté du troisième dessin une petite clé dorée.
« Voici votre héritage. »
Zoé fit tourner la chevalière entre ses doigts. Elle était réhaussée d'un onyx sur lequel était gravée la lettre H. Elle n'avait jamais vu cet objet avant.
« Que sommes-nous supposées faire de ça ? » interrogea Agathe.
« Ce que vous voudrez : cela vous appartient, désormais. Néanmoins, je vous conseillerai de ne pas vous en débarrasser trop vite... »
Agathe fourra la bague sans sa poche avant de se lever et de saisir le dessin destiné à Regina et la clé dorée.
« Ça suffit. Cette comédie a assez duré. Nous irons remettre le dessin à Regina, mais nous n'en ferons pas plus. Je n'ai pas de père adoptif, et notre père biologique est mort, peu importe que qu'en a dit notre mère. Viens, Zoé. »
Elle faisait visiblement de gros efforts pour ne pas s'énerver encore. Sans même l'attendre, elle quitta précipitament le bureau.
Zoé se leva à son tour mais hésita avant de rejoindre sa sœur. Que devait-elle faire ? Son esprit était totalement embrouillé et ses pensées ressemblaient plus ou moins à une pelote de ficelle.
C'était une belle journée, le soleil brillait mais sa mère était morte.
Sa mère était morte et elle ne parlerait plus jamais. Elle n'avait pas parlé pendant cinq ans et ne pourrait plus jamais le faire.
Sa mère était morte mais elle lui avait demandé de retrouver son père biologique, pour que le temps des secrets s'achève et que les mensonges s'embrasent.
Mais Agathe avait peut-être raison. Zelena n'avait jamais parlé. Pourquoi attendre de mourir ? Pourquoi attendre de mourir et laisser une lettre, quatre dessins, deux bagues et une petite clé en guise d'héritage ?
Zoé crispa les poings. Sa mère était morte et les avait abandonnées – une seconde fois.
« Je garderai les dessins, » dit Gregory. « Vous n'en voulez peut-être pas aujourd'hui, mais un jour, vous viendrez les chercher. »
Elle acquiesça pensivement et tourna les talons.
« La vérité est comme un brasier : une fois allumé, rien ne peut plus l'arrêter. »
Elle ne se retourna pas.
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Agathe attendait Zoé devant le bureau du notaire, une main enfoncée dans sa poche, l'autre tenant le dessin destiné à Regina. Elle fulminait. Même morte, sa mère ne la laissait pas en paix.
Elle était morte en se taisant – il n'y avait pas de raison pour qu'elle parle maintenant.
Zoé la rejoignit. Agathe fut soulagée de constater qu'elle n'avait pas pris son dessin. Elle non plus n'accordait donc aucune importance à ces fariboles originaires de l'esprit détraqué de leur mère.
« Dépêchons-nous, » suggéra t-elle. « Plus vite nous auront donné ce dessin à Regina, plus vite cette histoire sera terminée. »
D'ailleurs, tout ceci ne serait plus qu'un mauvais souvenir dès le lendemain, où l'enterrement de Zelena aurait lieu. Après, tout serait définitivement fini.
Tout irait bien.
« Comment fais-tu ? »
L'exclamation de Zoé fit sursauter Agathe. Les yeux de sa sœur brillaient d'incompréhension.
« Comment fais-tu pour rester si impassible ? »
« Et que voudrais-tu que je fasse ? »
Il semblait à Agathe qu'elles avaient déjà eu cette conversation des centaines de fois en trois petits jours.
« Je... elle était notre mère, et toi... tu... tu ne sembles même pas triste ! »
Agathe retint un long soupir agacé. Elles avaient beau être jumelles, elles n'avaient pas le même point de vue sur bon nombre de choses, en particulier celui-ci.
Zoé était plus naïve, plus émotive et avait une fâcheuse tendance à chercher des excuses à Zelena.
« J'ai arrêté d'être triste pour notre mère il y a bien longtemps. »
Elle fit un imperceptible pas en arrière, comme blessée.
« Comment peux-tu... »
« Elle nous a abandonnées ! »
Agathe ne put contenir sa voix qui monta dans les aigus. On pouvait sans difficulté y déceler toute sa rage et sa colère. Mais pas sa tristesse. Il n'y avait plus de tristesse en elle.
Le silence de Zelena l'avait anhilée en même temps que l'amour.
Zelena l'avait trahie de la pire des façons : après des années à lui répéter qu'elle l'aimait, qu'elle serait là pour elle, elle s'était tue et l'avait abandonnée.
« Elle a tout brûlé... l'amour, l'affection, la tendresse. Nous étions heureuses et elle a tout brûlé. Elle a tout foutu en l'air et tu voudrais que je sois triste ? »
Zoé avait les larmes aux yeux. Agathe aussi.
Hélas, les pleurs n'avaient jamais été suffisants pour éteindre le feu.
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Zelena fixait Hadès, horrifiée. A un mètre de lui, Robin gisait sur le sol, mort, et Regina regardait sa vie s'effondrer autour d'elle.
Elle ne reconnassait pas celui qu'elle avait ramené avec elle des Enfers, un mois plus tôt.
« Hadès ? » le pressa t-elle. « Pourquoi... »
Il lui jeta un regard indifférent.
« Avec ces deux là, impossible de bâtir un nouveau royaume. »
Un frisson parcourut son échine. Tant de froideur...
Ce n'était pas celui qui partageait sa vie depuis un mois. Ce n'était pas celui qui la serrait contre lui chaque nuit, qui l'embrassait tendrement, qui l'aidait à s'occuper d'Agathe, sa fille, qui lui jurait un amour éternel dès qu'il en avait l'occasion.
« Mais tu avais dit que tu n'avais pas besoin de... »
Elle avisa le Cristal Olympien dans sa main.
« Alors c'est ça que tu faisais depuis tout ce temps ? Tu essayais de le réparer ? »
L'horrible vérité l'atteignit avec force. Elle entendait presque son cœur se fracasser en un milliard de morceaux.
« Depuis tout ce temps, tu m'as menti. »
Silence.
« Tu ne m'as jamais aimée. Tu voulais juste le pouvoir. »
Nouveau silence.
Des larmes brouillant sa vue, elle l'envoya valser à travers la pièce d'un simple geste de la main. Surpris, il lâcha le Cristal, qu'elle s'empressa de saisir avant de le menacer avec.
« Je veux que tu retournes aux Enfers. »
« Zelena... » tenta t-il de la supplier.
« Non ! » l'interrompit-elle avec rage.
Elle peinait de plus en plus à retenir ses larmes.
« Retourne aux Enfers, et ne reviens jamais. Si jamais je te revois... »
Elle jeta un regard équivoque au Cristal.
Heureusement, il n'insista pas – s'il l'avait fait, elle aurait cédé, se serait jetée sur lui en le suppliant de lui pardonner.
Il disparut dans un nuage de flammes.
Zelena s'embrasa.
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« Pour moi, vous dîtes ? »
« C'est ce qui était écrit dans le testament, en tout cas. »
Regina saisit délicatement la petite clé dorée. Pendant l'espace d'une demi-seconde, il sembla à Zoé qu'elle reconnut l'objet.
« Tu as déjà vu ça ? » demanda Agathe.
« Non. »
« Et ça ? » reprit-elle en lui montrant la bague sertie d'améthystes que Zelena lui avait léguée.
Cette fois, elle hésita plus longuement. Elle savait, bien sûr. Elle savait mais ne savait pas si elle devait leur révéler la vérité.
Une fois allumé, le feu devient vite incontrôlable.
« Zelena avait l'habitude de la porter il y a quelques années. C'est un vieux bijou de famille. »
« C'est étrange, je ne l'ai jamais vue avec, » rétorqua Agathe.
Regina lui jeta un regard d'excuse. Elle s'excusait, peut-être de leur mentir, peut-être d'autre chose, Zoé ne put déterminer quoi. Le feu resterait éteint encore un moment.
« Et... ça ? » interrogea Zoé en sortant de sa poche la chevalière en argent. « Ce n'est pas à elle, il y a un H gravé dessus. »
Sa tante ne put cacher la lueur sombre qui naquit dans ses yeux chocolat, ni la pure haine qu'elle semblait éprouver pour cet objet – ou son propriétaire ?
« Je ne sais pas, » rétorqua t-elle un peu séchement. « Je ne connais pas la liste de tous les objets de Zelena. »
Agathe soupira de dépit, un peu agacée, et lui tendit le dessin.
« Ca aussi, c'est pour toi. »
Pendant que Regina observait le dessin d'une mine circonspecte, elle déclara :
« Elle nous en aussi laissé un. Elle veut que je le remette à mon père adoptif et Zoé à son père biologique. »
Regina avala brusquement sa salive.
« Qu'est-ce que ça signifie ? » attaqua Agathe. « Je n'ai pas de père adoptif, pas vrai ? »
Il y avait une supplication derrière sa question. Agathe voulait que Regina confirme, qu'elle confirme que tout ceci n'était qu'un mensonge de leur mère, crée de toute pièce par son cerveau détraqué dans une crise de démence.
Mais si mensonge il y avait, ce n'était pas là qu'il se trouvait.
« Je... je l'ignore. Je ne sais pas ce qu'elle voulait dire, » souffla Regina.
Mais tout chez elle, de son expression déchirée jusqu'à sa voix tremblante, criait qu'elle pensait le contraire. La vérité était là, tapie au fond d'elle, et menaçait de s'embraser et de tout détruire.
Mais quelque chose poussait Regina à l'étouffer. Agathe la fixa avec une détermination nuancée de colère.
« Je ne te crois pas. »
Ravalant ses larmes de rage, elle courût s'enfermer dans sa chambre. Zoé le savait, ce n'était pas qu'elle ne croyait pas Regina...
C'était juste qu'elle ne voulait pas la croire. Toutes leurs certitudes, qu'elles pensaient pourtant solides, venaient de voler brusquement en éclats.
« Je suis désolée, » lui glissa Regina en la serrant dans ses bras.
« Je sais. Je sais... »
Elle savait mais ça ne changeait rien. Zelena était morte et laissait derrière elle un héritage brûlant.
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Zelena observait d'un œil morne Regina rassurer les nouveaux venus avec l'aide de Snow et David. Le hall de l'hôpital était bondé et elle ne savait pas très bien ce qu'elle faisait là. Dans ses bras, Agathe venait juste de s'endormir.
Regina vint la rejoindre.
« Tout s'est déroulé comme prévu. »
« Je vois ça. »
Sa voix était triste, éteinte. Comme toujours depuis qu'elle l'avait chassé de sa vie.
C'était pour mettre fin à son règne une bonne fois pour toutes que Regina et tous les autres s'étaient rendus aux Enfers deux jours plus tôt. Ils y avaient découvert de nombreux prisonniers toujours vivants qu'ils avaient décidé de ramener avec eux à Storybrooke.
Mais aucune trace d'Hadès. Il s'était tout simplement volatilisé.
« Tu te rends compte, il y a même une femme enceinte... » poursuivit Regina en désignant un couple à quelques mètres d'elles. « Son mari a discuté un peu avec nous sur le chemin du retour. Il s'appelle Gregory et il affirme avoir été fait prisonnier le premier. Il a dû passer des années enfermé... »
« Hmm... »
Zelena dévisageait Gregory et sa femme avec une certaine jalousie. Ils étaient fatigués mais semblaient heureux.
Sentiment qu'elle ne connaîtrait sans doute plus jamais.
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Regina observait d'un œil morne la tombe de sa sœur. L'enterrement venait de s'achever et tout le monde était parti sauf elle. Elle faisait tourner la petite clé dorée que Zelena lui avait léguée entre ses doigts : elle ne pensait pas revoir un jour cet objet.
Elle savait ce que c'était, bien sûr, et elle savait aussi ce qu'elle ouvrait. Mais le temps n'était pas encore venu. D'abord, Agathe et Zoé devaient découvrir l'horrible vérité.
Et ensuite...
« J'ai menti pour toi, Zelena. Je mens depuis toutes ces années, comme tu m'as demandé de le faire. Je suis fatiguée de mentir, mais je continuerai parce que je t'ai fait une promesse. Et je la tiendrai. »
Regina n'avait jamais été du genre à rompre ses promesses – même celles qu'elles aurait souhaité ne jamais faire.
« J'espère que tu as cessé de brûler là où tu es... »
Sur ces dernières paroles, elle se détourna et s'éloigna. Cependant, elle ne quitta pas le cimetière pour autant. Elle avait quelqu'un d'autre à visiter.
En arrivant devant la tombe qu'elle cherchait, ses yeux s'embuèrent légèrement sous l'émotion. Cela faisait dix-huit ans qu'il était parti et la douleur ne l'avait jamais vraiment quittée. Elle avait juste appris à vivre avec.
« Zelena est morte, » murmura t-elle. « Et tous ses secrets sont en train de ressurgir. La vérité déversera un torrent de feu sur nous. »
Ce n'était qu'une question de temps. Ses doigts se serrèrent automatiquement sur la clé dorée qui reposait dans sa poche.
« Ta fille va bien, » ajouta t-elle. « Elle ne sait toujours rien, bien sûr... mais bientôt, elle devrait connaître toute l'histoire. »
Bientôt, elle découvrirait que son père n'était pas un alcoolique mort dans un accident de voiture à New York comme on le lui avait toujours raconté, mais un héros au cœur d'or tué par le Dieu des Enfers.
« Je suis désolée, Robin. Tu ne méritais pas que ta mémoire soit profanée de la sorte... J'espère que tu ne m'en voudras pas trop. »
Le cœur douloureusement serré, elle tourna les talons et partit. Soulager sa conscience devant une tombe était une chose, affronter ses nièces en était une autre.
« Je pensais bien vous trouver ici. »
Regina se figea, reconnaissant parfaitement la voix grave et rauque qu'elle avait appris à éviter autant que possible. Elle fit volte-face et croisa le regard gris de Gregory Eldingar.
Il était l'un de ceux qu'ils avaient sauvé des Enfers dix-huit ans plus tôt. Depuis, il s'en était plutôt bien sorti et était devenu le notaire de la ville.
Regina le méprisait purement et simplement pour une raison connue d'elle seule.
« Qu'est-ce que vous voulez ? »
Sa voix si froide contrastait avec ce chaud jour d'été et le soleil de plomb – comme si Zelena continuait de brûler là-haut.
« Agathe et Zoé n'ont pas pris les dessins, » déclara simplement Gregory.
« Eh bien ? »
« Rien. Je tenais juste à vous le signaler. »
« Cela vous soulage, je me trompe ? »
Il s'était rapproché d'elle d'un air tranquille. Regina avait toujours été bien incapable de le sonder : jamais elle n'avait rencontré quelqu'un d'aussi impassible.
Comme s'il était tout en glace.
« Vous vous trompez, » la contredit-il.
« Pourtant, le fait qu'elles découvrent la vérité ne serait pas dans votre intérêt. »
« Ni dans le votre. »
Regina comprit immédiatement le message : ils pouvaient être deux à jouer à ce petit jeu.
« Vous avez des choses à vous reprocher... je me trompe ? » rattaqua Gregory en l'imitant ironiquement.
« Pas autant que vous. »
« Vous croyez ? »
Elle ne daigna pas répondre, se contentant de le fixer avec une révulsion qu'elle n'essayait même pas de dissimuler. Cependant, à son grand désespoir, ils étaient liés tous les deux par quelque chose qu'ils étaient les seuls dans tout Storybrooke à savoir.
Quelque chose, qui, quand Agathe et Zoé le découvriraient, risquerait de les embraser tous les deux.
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« Zoé ! »
En entendant quelqu'un crier son nom, Zoé s'arrêta et se retourna, interloquée. Reconnaissant l'adolescente qui la rejoignit, elle l'accueillit par un petit sourire.
« Bonjour, Gabrielle. Comment vas-tu ? »
« Bien, bien. Tu vas quelque part en particulier ? »
« Je vais voir Sebastian. J'ai besoin de son aide pour quelque chose. »
« Ça te dérange si je fais un bout de chemin avec toi ? J'ai terminé les cours plus tôt, aujourd'hui. »
« Pas du tout. »
Elles reprirent alors leur marche. Zoé nota que Gabrielle semblait préoccupée par quelque chose.
« Quelque chose ne va pas ? » interrogea t-elle.
Zoé la connaissait depuis toujours et pouvait deviner ses sentiments rien qu'en observant son visage. D'ailleurs, en y repensant, elle avait ce don avec la plupart des gens. Peut-être était-ce dû à un grand sens de l'observation, ou alors à la compassion qu'elle éprouvait naturellement pour les autres.
Hélas, cela n'avait jamais marché avec sa mère – et pourtant, ce n'était pas faute d'avoir essayé.
« Oh, rien de spécial... c'est juste que... je me sens un peu perdue. Je ne sais pas quoi faire de ma vie. Neal, lui, sait depuis toujours ce qu'il veut faire, et moi... » soupira Gabrielle.
« Oh... tu en as parlé à tes parents ? »
« Non, je ne veux pas les inquiéter. Et puis, j'ai quinze ans, j'ai encore le temps d'y réfléchir. Je demanderai peut-être son avis à Neal. »
En parlant du loup, des voix familières attirèrent leur attention. Devant le poste de police, Emma sortit de sa voiture de patrouille, suivie de près par Neal. Agacée, la blonde extirpa deux adolescents du véhicule, les mains sur les hanches.
« J'exige des explications ! » fulmina Emma.
Zoé les reconnut : c'étaient les fils de Gregory Eldingar, le notaire. Le plus vieux, Ambroise, était avec elle dans certains cours, et son frère, Hector, avait l'âge de Gabrielle.
Tous deux gardèrent le silence.
Avisant leur présence, Neal vint les rejoindre. Depuis quelques mois, il s'était mis en tête de suivre Emma partout quand il n'était pas en cours, espérant devenir son assistant – ce qu'il avait toujours voulu faire.
« Que se passe t-il ? » s'enquit Zoé.
« Emma les a surpris en train de taguer les murs du lycée... autant vous dire que ça ne lui a pas plu. »
Tous trois écoutèrent la blonde leur assurer que leurs parents allaient en entendre parler avant de les entraîner à l'intérieur du poste.
« Je vais rentrer, elle n'a sans doute plus besoin de moi. Tu viens, Gabrielle ? »
Zoé prit congé de ses deux amis et partit retrouver son ami Sebastian dans la boutique d'antiquités de son père où il l'aidait de temps à autre. Il était seul et époussetait les étagères. Elle fut ravie d'y trouver un peu de fraîcheur : une véritable canicule s'était abattue sur la ville depuis quelques jours, ce qui était étonnant pour le mois de mai. Aucun nuage de pluie ne venait obscurcir le ciel.
« Tiens, salut Zoé, » l'accueillit-il.
« Salut. Tu aurais un moment ? J'ai besoin de ton aide. »
« Bien sûr. C'est à propos de quoi ? »
« Ça. »
Elle sortit alors de sa poche la chevalière en argent que sa mère lui avait léguée.
« Je ne sais pas ce que c'est. »
« Fais-moi voir. »
Il saisit l'objet avec délicatesse et partit à la recherche d'une loupe pour mieux l'observer.
« Où est ton père ? » demanda Zoé.
« Il a quitté la ville ce matin avec ma mère. Ils sont partis en vacances en Floride. »
« Il se sont réconciliés, alors ? »
« Comme d'habitude, » s'esclaffa Sebastian.
Rumplestiltskin et Belle passaient en effet leur temps à se disputer, à se séparer quelques jours, puis revenir l'un vers l'autre car ils souffraient trop de l'éloignement. Il en avait toujours été ainsi, si bien que Sebastian ne s'alarmait jamais lorsque sa mère annonçait que tout était fini et qu'elle ne reviendrait jamais.
« C'est une vieille bague, je pense. Elle est un peu abîmée sur les bords. »
« Elle est magique ? »
« Non, je ne crois pas. »
Il allait la lui rendre lorsqu'il remarqua quelque chose.
« Attends... il y a quelque chose gravé dessus. Regarde. »
Il tendit la loupe à Zoé. Tout d'abord, elle ne vit rien jusqu'à ce qu'elle remarque une inscription à peine visible sur l'intérieur de la bague – κόλαση.
« C'est du grec, non ? »
« Oui, » confirma Sebastian. « Ça veut dire Enfers. »
« Enfers ? Tu crois qu'il y a un rapport avec le H qui est gravé sur l'onyx ? »
« C'est possible... »
Il s'excusa de ne pas pouvoir l'aider davantage et Zoé quitta la boutique, de nouvelles questions jaillissant dans son esprit chaque seconde. Cet objet n'avait fait qu'éveiller davantage de mystères – davantage de flammes.
D'où venait-il ? Qui était son propriétaire originel ? Et surtout, pourquoi Zelena le lui avait-elle légué ?
Elle voulait que Zoé retrouve son père biologique. Peut-être y avait-il un lien...
En passant devant le bureau de Gregory Eldingar, le notaire, elle s'arrêta. Puis, elle hésita.
Zoé n'était plus aussi certaine de vouloir connaître la vérité, ni d'affronter le torrent de feu qu'elle risquait de déclencher – qu'est-ce qui pourrait éteindre un pareil incendie ?
Pourtant, elle entra.
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Les premiers temps furent paisibles. Regina faisait son deuil en silence, et elle aussi faisait le sien, d'une certaine façon.
« Il te manque ? » demanda sa sœur, une fois.
Ses poings se crispèrent. La colère se disputa au chagrin.
« A partir d'aujourd'hui, nous allons considérer qu'il ne s'est rien passé entre lui et moi. Ça... ça vaut mieux comme ça, s'accord ? »
Regina ferma les yeux et soupira.
« Très bien. »
Il l'avait assez brûlée comme ça : pas question qu'il continue à la tourmenter indéfiniment.
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« Je ne peux pas croire que tu aies fait ça. »
Furieuse, les poings serrés, les cheveux roux en pétard, Agathe fusillait sa sœur du regard. Zoé serrait le dessin contre elle comme si elle craignait qu'elle ne le lui arrache.
« Inutile de t'énerver. Ma décision est prise. »
Sa colère diminua un peu, remplacée par une immense lassitude.
« Pourquoi, Zoé ? Nous n'avons pas besoin de ça. Nous en avons terminé avec le lycée, nous quittons Storybrooke dans deux petits mois pour nos études. Tout ça ne nous concerne plus. »
« Détrompe-toi. »
Elle passa une main dans ses cheveux blond foncé.
« Je sais que tout ça ne te plaît pas, et que tu es en colère contre elle. Mais c'est peut-être notre dernière chance de comprendre... alors je ne vais pas la laisser passer. »
Sans un autre mot, elle gravit les escaliers pour rejoindre sa chambre. Agathe se retrouva seule avec ses pensées – Regina n'était pas encore rentrée de la mairie.
Machinalement, elle monta elle aussi à l'étage et pénétra dans la chambre de sa tante. Techniquement, elle en avait le droit, mais Regina n'aurait sans doute pas apprécié cette intrusion. Ignorant ce détail, elle s'assit sur le lit et ouvrit le tiroir de la table de nuit. Elle savait que c'était là qu'étaient rangés tous les cadres photos qui peuplaient autrefois la maison – avant que, dans un accès de colère, elle insiste pour qu'ils disparaissent de sa vue.
Elle ne put réprimer un petit sourire devant tous ces morceaux de son enfance. Pourtant, son regard s'assombrissait à chaque fois qu'il croisait celui, figé, de sa mère. Elle rangea les cadres et referma le tiroir avec plus de force que nécessaire avant de se rendre dans sa chambre. Elle s'assit sur son lit et observa longuement la bague que lui avait léguée sa mère. Elle était vraiment jolie, les améthystes captaient la lumière du soleil et envoyaient des reflets violets sur les murs. C'est alors qu'elle remarqua une inscription à l'intérieur de l'anneau qu'elle n'avait pas vue auparavant.
A toi pour toujours.
Elle fronça les sourcils. Regina avait affirmé que c'était un bijou de famille, or c'était typiquement le genre d'inscription qu'on trouvait sur une bague de fiançailles...
Le testament indiquait qu'elle devait retrouver son père adoptif. Y avait-il un rapport ? Qui donc pouvait être cet homme dont elle n'avait aucun souvenir ?
L'image du dessin de flammes vint danser devant ses yeux. Elle la chassa bien vite.
Certaines vérités étaient peut-être faites pour rester secrètes.
Pourtant, le doute s'était insinué dans son esprit. Et elle détestait ça.
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Gregory Eldingar rangeait distraitement quelques papiers. Il avait fort à faire, en ce moment, mais n'était guère efficace car d'autres choses que son travail occupaient son esprit, ses fils en premier lieu. Ambroise et Hector n'étaient pas de mauvais garçons, seulement ils avaient une facheuse tendance à se faire remarquer un peu trop souvent. Il allait falloir qu'il trouve un moyen de les canaliser.
Et puis, bien sûr, il ne cessait de penser à toute cette histoire concernant le testament de Zelena. Le dessin destiné à Agathe, posé sur le coin de son bureau, semblait le narguer. Il fronça les sourcils, inquiets.
Une semaine déjà depuis que Zoé était venue chercher le sien et toujours aucun signe de sa sœur.
Les choses ne se déroulaient pas exactement comme prévu...
Quelqu'un entra en trombe dans son bureau, le faisant sursauter, et il se retrouva nez-à-nez avec la personne à qui il était en train de songer.
« Bonjour, Agathe. »
Elle ne lui rendit pas son salut.
« Vous savez quelque chose à propos de mon père adoptif ? » l'interrogea t-elle de but en blanc.
Il la sonda du regard.
« Ça se pourrait. »
« Alors cessez cette comédie et expliquez-moi, » ordonna t-elle. « Et comment pouvez-vous le savoir ? Qui vous en parlé ? »
« Votre mère. Quand je suis allé la voir à l'hôpital. »
« Vous... vous êtes allé voir ma mère ? Mais... pourquoi ? »
En guise de réponse, il poussa le dessin vers elle.
En proie à un véritable combat intérieur, Agathe le foudroyait du regard.
Puis, cédant à ses dernières réticences, elle l'attrapa délicatement et sortit sans un regard pour lui.
Pourtant, il n'éprouva aucun sentiment de victoire.
.
Regina frappa doucement à la porte de la salle de bains.
« Zelena ? »
Pas de réponse. Inquiète, elle poussa doucement la porte et entra. Zelena était penchée au dessus du lavabo, les mains crispées sur le rebord. Elle ne portait pas de pantalon et sa chemise était à moitié déboutonnée. Quant à ses cheveux, ils étaient ramenés derrière ses oreilles.
« Zelena ? » répéta t-elle.
Sa sœur ne manifesta aucune réaction. Regina douta même qu'elle l'ait entendue.
« Zelena, Agathe pleure. Je crois qu'elle a faim. »
Toujours pas de réaction. Cette fois, Regina commença vraiment à s'inquiéter. D'habitude, la simple mention de sa fille suffisait à interpeller Zelena. Elle se glissa silencieusement derrière elle et posa une main sur son épaule avant de la forcer à se retourner. Ce qu'elle vit dans ses yeux lui retourna littéralement l'estomac.
C'était un mélange de désespoir, de colère, de tristesse et surtout, de vide.
« Zelena, que se passe t-il ? Tu as un comportement... étrange depuis une semaine. »
Elle n'ouvrit toujours pas la bouche et baissa de nouveau la tête.
« Zelena, je t'en prie ! »
Sa voix trembla et se brisa un peu – elle ne chercha pas à le cacher.
« Explique-moi... »
« Regarde. »
Zelena parla si bas que Regina crût avoir imaginé sa réponse. Cependant, elle décida d'obéir et regarda dans le lavabo ce que sa sœur fixait depuis tout à l'heure.
Son cœur se souleva quand elle identifia l'objet.
C'était un test de grossesse.
Et il était positif.
