Prologue
« Les amis, je ne sais pas si vous m'entendez, mais je crois que je suis perdu. Je ne sais pas quelle est la bonne décision à prendre, il y a tout ce pouvoir qui est devant moi… Ce que voulait faire Enoch, je ne pouvais pas le tolérer, mais le fait de partager toute cette psy sur toutes les personnes du Cratère, c'est quelque chose qui ne me déplaît pas. J'ai l'impression d'avoir le pouvoir de faire ce qu'il voulait faire, mais pour les bonnes raisons. Je… je ne sais pas quelle décision prendre. J'ai l'impression d'avoir juste un bouton sur lequel appuyer et de pouvoir changer toutes les choses, mais… je ne sais pas. »
La voix résonnait, fatidique, dans leurs crânes épuisés. Comme perdue, comme étouffée par un dilemme sans nom. La voix autrefois si apaisante, si paternelle de Grunlek, respirait la peur, l'indécision, jusqu'à la folie.
Balthazar prit la parole, pour le rassurer, pour le guider dans l'obscure fournaise où il se trouvait. Balthazar, aussi tremblant que son compagnon, prenait d'autorité la voie droite pour le sortir de son tunnel.
« Non, non, tu ne ferais pas que donner de l'égalité à tout le monde, ça ne change absolument rien. C'est comme l'inflation ou donner une arme à n'importe qui. Tu ne ferais que donner plus d'armes aux assassins et moins d'armes aux innocents pour se défendre. Tu ne ferais que rajouter des inégalités au milieu des gens ne leur donnant quelque chose qu'ils ne contrôleraient pas. Tu créerais tellement de mort et de destruction qu'à un moment l'égalité serait bien atteinte, mais elle serait atteinte par la destruction et l'éradication. »
Son souffle était court et ses mains moites, écrasé par la peur des images qu'il se suscitait lui-même, la peur du vide devant lequel ils se trouvaient, la peur… de perdre son ami. Mais son assurance de façade semblait faire effet : Grunlek réagissait.
« Tu compares la magie à des armes mais la magie ça peut être tout, ça peut donner la vie, ça peut soigner ! »
Grunlek… Grunlek, tu n'as pas tort… Grulek, tu n'as pas tort… Délivre ta puissance…
« Regarde autour de toi, reprit Bob d'une voix un peu plus ferme. Regarde autour de toi, à ce niveau de magie, est-ce que tu as vu des grands monuments de magie, des grands moulins de magie qui meulent des champs entiers ? Des grands hôpitaux de magie qui soignent les gens ? Non, la magie est bien quand elle est maîtrisée, quand elle est petite. Ici, on est entourés de magie, nous sommes faits de magie, regarde ce que ça nous apporte ! Sur une bombe, quelque chose qui va réduire le monde en cendres, faire péter la lune ? Non, la grande concentration de magie à ce niveau ne fait aucun bien et tu le sais tout aussi bien que moi. Ton bras le sait, ton œil le sait, et on a vu le puit ensemble, tu as vu ce que ça a donné.
- Tu me dis de regarder autour de moi, ce que fait l'utilisation de la magie. Mais justement la magie est réservée à des égoïstes, des gens qui veulent la contrôler, la garder pour eux ! A quel moment peux-tu dire que la magie a été donnée à tous ? Jamais ! Pour l'instant, la magie c'est les Eglises et les Eglises, qu'est-ce qu'elles en font ? Elles imposent leur autorité ! Mais à aucun moment on n'a donné des chances égales à tous ! »
La passion de l'égalité de Grunlek reprenait le dessus. Dans son indignation, la voix étouffée de Bob laissait place à une autre, plus tentatrice, plus lancinante, presque tendre.
Grunlek… Grunlek…
« Alors on démantèlera les Eglises et on s'en débarrassera. On l'a déjà fait, on s'est déjà débarrassé de la moitié ! Je suis désolé, mais entre donner des armes à tout le monde et juste démanteler le peu de pègre qui reste et qui en abuse, c'est beaucoup plus facile ! C'est beaucoup plus facile de s'attaquer aux imbéciles qui manient un couteau sans savoir s'en servir que de donner des couteaux à tous les imbéciles de la terre, et ça, tu le sais tout aussi bien que moi. L'égalité t la tolérance ne passent pas par la violence et donner les moyens de faire de la violence à grande échelle à tout le monde, tu sais très bien où ça mène, souviens-toi juste d'où tu viens. »
Grunlek… Grunlek, libère ta puissance…
« Je ne veux plus de cette domination des Eglises… affirma Grunlek, toujours plus incertain, troublé par le souffle chaud qui le tentait.
- Je ne vais pas te dire ce que tu dois faire, mais entre la bonne chose à faire et la chose à faire, tu sais la chose qu'il faut faire. »
Sur cette phrase sibylline qui laissait transparaître sa fatigue et son indécision, Bob se tut. Grunlek s'adressa à Shinddha :
« Shin… Shin, toi qui as souvent eu la même vision des choses que moi, aide-moi ! Qu'est-ce que je dois faire ?
- Ecoute… Répondit le demi-élémentaire. Moi, je me considère comme une chose maudite, et ça, c'est à cause de la magie. La magie est une malédiction, pour moi ! Ce n'est pas un atout, ce n'est pas quelque chose que tu peux transcender pour faire de bonnes choses, des choses positives ! Enfin, tous les gens qui utilisent la magie sont des égoïstes, comme l'a si bien dit Bob, ce sont des gens qui ne pensent qu'à servir leurs intérêts propres. Moi, je n'ai pas voulu ce pouvoir ! Je suis né avec, je suis né une seconde fois avec, et ça m'a tourmenté, j'ai été différent, j'ai été pointé du doigt ! Et ça, je ne le souhaite à personne. Les personnes qui vont s'éveiller dans ce monde ne doivent pas s'éveiller avec ce pouvoir dangereux, avec cette arme dans la main ! »
Grunlek, libère ta colère…
Plus qu'agacé d'entendre ce qu'il devinait être la voix de son père souffler sur les blessures de Grunlek pour le pousser à agir, Bob s'exclama :
« Grunlek, fais taire les voix qui te mènent sur le chemin de la destruction et regarde juste un simple fait, une seule preuve, une seule. Compte le nombre de personnes que nous avons tuées avec la magie contre le nombre de personnes que nous avons aidées au cours de nos aventures. Fais simplement le décompte, et tu auras la réponse. »
Finalement, le nain se tourna vers le dernier de ses camarades. Le plus taciturne, le plus terre-à-terre, le moins idéaliste. En bref, celui qui lui ressemblait le moins. Théo de Silverberg, l'improbable ami.
« Théo… Toi qui… qui représentes tellement de choses que je déteste dans ce monde… Les Eglises, l'Inquisition… On a réussi à être amis, malgré tout ! Est-ce que tu penses qu'il y aurait un moyen de faire en sorte qu'il n'y ait plus toutes ces inégalités ?
- Si on n'essaye pas, on ne le saura pas. »
La réponse de Théo lui ressemblait. Rapide, pragmatique, efficace.
Grunlek… Grunlek, libère ta colère…
Grunlek reprit, toujours incertain quant à l'avis du jeune paladin :
« As-tu envie de changer les choses ? »
- On les change toujours petit à petit, les choses… Ça prend du temps, et parfois il faut casser des œufs, mais au final, c'est le résultat qui compte… Tout ce qu'on sait, c'est que si tu fais ça, ça sera le bordel, par contre, si tu ne le fais pas, on sait qu'on pourra… Continuer à se promener dans les terres du Cratère et à faire la paix et du bien autour de nous… »
Théo avait toujours eu du mal à s'exprimer clairement, à mettre des mots sur ce qu'il ressentait. C'en était presque paradoxal.
Ce fut Bob qui eut le mot final.
« Grunlek, quoiqu'il se passe je respecterai ta décision. Plus important que ça, je veux que tu reviennes. Avant tout, tu es mon ami. Reviens vers nous. »
Quelques secondes plus tard, Grunlek était éjecté du codex. La main du titan balaya son autre main, dans un déferlement inouï de puissance et de psyché. Les aventuriers tombèrent dans le vide.
Personne ne pouvait prévoir cette victoire arrachée avec la surcharge du codex. Un dérèglement psychique obtenu par le doute, la peur et le désespoir. Une forme de stratégie à laquelle même le diable de lumière n'avait pu faire face. Les énergies s'étaient déchaînées et les aventuriers avaient fait leur choix : celui de laisser le codex se cannibaliser. Cette décision engendrera trois effets majeurs dans les années à venir. D'abord, l'appauvrissement de la psyché dans le Cratère, ensuite l'apparition de nouvelles créatures et enfin, l'ascension évidente d'Eglises sans lien avec les armes psychiques.
Les peuples sont-ils seulement prêts à affronter cet âge de fer ?
L'histoire prétend que dans cette puissante explosion, les aventuriers ont été repêchés par Sanguinus. Alors, sans alternative possible, le loyal chef de l'Eglise du Sang aspira l'énergie vitale des intendants rescapés pour regénérer les forces des aventuriers. Le Cratère avait été sauvé, mais on n'entendit plus parler d'eux.
Mais si toutefois, comme moi, vous prêtez attention aux rumeurs, vous saurez que le monde aura besoin des aventuriers.
Je vous le promets.
Ce texte ne m'appartient pas : c'est une transcription de la fin du dernier épisode de la saison 3 d'Aventures (et cette phrase était beaucoup trop longue). Voilàààà :3 (la suite arrive tout de suite)
