MIRACLE GOODNIGHT

Bon, voilà, c'est ma nouvelle fic HPDM, absolument déraisonnable selon certains, fortement attendue par d'autres, issue de la combinaison d'un voyage à NY et d'une fièvre élevée… ce n'est pas un UA à proprement parler, les persos et l'histoire sont respectés, mais ça se passe après la fin des combats, longtemps avant l'épilogue.

Imaginons qu'Harry soit étudiant à Columbia…

I wished I had a future, anywhere (David Bowie, Miracle Goodnight)

Tout a commencé par un reflet à la bibliothèque, dans une des grandes vitres donnant sur l'extérieur. Le premier rayon de soleil de la journée, et il était déjà presque trois heures. J'aimais regarder par les immenses fenêtres de la Butler Library, la bibliothèque principale de l'Université Columbia qui en comptait 25, et voir les branches bouger, les avions passer au loin. C'était comme un saut dans le temps, de se trouver dans ces bâtiments ancestraux et imaginer Harlem au pied des blocks.

Ce jour-là il y a avait eu ce reflet bizarre dans la vitre, un éclat doré et rapide, le temps que je détourne la tête il avait disparu, j'avais cette fille en face de moi, avec son T-shirt rouge et ce chewing-gum dans la bouche :

- Vous avez le dernier livre de Martin L. Perl ? m'a-t-elle demandé en mastiquant bruyamment.

- Vous avez son titre ?

- Nan. Je sais plus. Vous pouvez m'aider ?

Je crois que j'ai haussé les épaules, j'étais là pour aider les autres étudiants à trouver les livres et des références, mais ce jour-là j'étais fatigué –et j'avais du travail en retard. Elle me fixait avec hauteur, encore une de ces blondes de la meilleure société qui croyait que tout lui était dû.

- C'est quelle section ?

- Ben, c'est un prix Nobel de physique ! a-t-elle rétorqué avec mépris. Vous ne le connaissez pas ?

- Vous croyez que je connais les 8 millions de livres des 25 bibliothèques ? Vous avez regardé dans le fichier central ?

- Oui. Mais j'ai pas trouvé… C'est quoi votre accent ? Vous êtes anglais ?

Avec un autre haussement d'épaules j'ai ouvert une session sur mon terminal en trois clics je l'avais trouvé, elle est repartie énervée de constater qu'il n'était pas disponible dans le bâtiment central, je l'ai regardée s'éloigner avec satisfaction.

En plus de ma bourse d'études ce job d'aide-bibliothécaire me permettait de vivre à peu près confortablement sur le campus –je n'avais pas l'intention de toucher à l'or des Gobelins, cet argent je le détestais, je voulais juste une vie normale, une vie de post adolescent sur le campus. Parfois un bâtiment ressemblant à Poudlard me serrait le cœur, je revoyais toujours les mêmes images, cette bataille insensée, tous ces morts, jamais les bons moments avec Hermione et Ron, jamais les fous rires, jamais la douceur d'un soir anglais.

Là, depuis quelques mois, je vivais sur un autre continent, une autre saison, d'autres habitudes, et c'était bien. Comme une autre vie. Comme la fin d'un cauchemar.

Je m'étais inscrit en architecture sur un coup de tête, avec de nombreuses options d'histoire et de sociologie, après avoir tenté beaucoup de choses. Je voulais oublier mon passé sorcier, découvrir la vie des moldus, même si les plus beaux monuments se trouvaient sur le vieux continent, au moins comme ça j'avais l'impression de repartir de zéro. Et puis on ne me connaissait pas, et ça c'était un vrai soulagement. La célébrité était trop dure à vivre, je n'étais rien, et je voulais rester comme tel. Rien. Personne.

Un portable a vibré, j'ai lancé un avertissement qui a fait se lever quelques têtes ici ou là dans la salle, certains n'ont même pas bronché. En général je trouvais toujours les mêmes têtes aux mêmes bureaux, à croire qu'ils ne quittaient jamais leurs sièges. Plusieurs d'entre eux se levaient à trois heures du matin pour être sûrs de retrouver leur place, d'autres laissaient leurs affaires sur les bureaux quand ils rentraient pour dormir –ou prendre une douche. J'avais dénombré 40 nationalités parmi les fidèles de la bibliothèque, parlant plus ou moins couramment l'anglais, plus ou moins bien intégrés. De toute façon à Columbia vous n'étiez pas au sein des Etats-Unis, non, vous étiez citoyen de Columbia, haut lieu de l'intelligence mondiale, dont étaient issus 76 prix Nobel –excusez du peu.

L'essentiel de mon job consistait à orienter les étudiants dans l'immense bâtiment, voire vers les autres bibliothèques, rechercher des références plus qu'imprécises dans l'ordinateur central, et débarrasser les gobelets de Starbucks vides, oubliés par les rêveurs. 4 dollars de l'heure pour un boulot facile, enrichissant –je ne me privais pas d'exploiter l'Avery Index of Architectural Periodicals, une mine d'informations en architecture. J'aimais le mélange de décontraction et d'intense activité intellectuelle de ces lieux, et l'odeur des boiseries de certaines salles moins connues.

J'aimais quand Hermione passait la tête par la porte et me souriait, c'était toujours pour m'inviter à manger dans un improbable restau végétarien, à la fin de ses cours et de mes vacations. Elle connaissait mieux mes horaires que moi, et ça m'énervait. Sa petite tête châtain aux cheveux courts s'agitait, je me demandais comment elle faisait pour emmagasiner tant de connaissances, elle jurait ne pas utiliser la magie, ni un retourneur de temps. On voyait qu'elle venait d'un milieu moldu, rien ne la surprenait, alors que j'avais parfois des difficultés avec certains objets –la brosse à dents électrique par exemple.

C'était bon d'être un étudiant parmi les autres, de déambuler dans le campus parmi toutes ces têtes, s'asseoir un peu sur les « steps » pour discuter, les immenses marches de granit reliant la partie basse du campus à la low library. C'était bon de recevoir des lettres de Ginny restée à Oxford, d'attendre les vacances pour la rejoindre à Londres, s'aimer et faire des projets d'avenir. C'était bon d'avoir un avenir.

Je venais de replonger la tête sur mon bouquin de sociologie comparée quand le reflet est revenu, au coin de mon œil. Toujours ce reflet doré dans les vitres, mais j'avais beau regarder avec attention dans la salle bondée, je ne voyais pas d'où il venait. Un oiseau s'est cogné contre la vitre, me faisant sursauter. Un instant j'ai cru que c'était un hibou, mais c'était idiot. Nous n'étions plus à Poudlard, personne n'utilisait ce mode de communication ici, c'était juste un corbeau distrait, ou un pigeon aveugle. Ou mon imagination.

Pourtant ça m'intriguait, cette réverbération inhabituelle, alors je me suis levé de ma chaise et je suis descendu de l'estrade pour plonger dans la fosse aux lions, cet espace immense où 100 étudiants s'ignoraient délibérément. Après la cinquième rangée mon cœur a battu plus vite, il y avait cette silhouette fine cachée derrière un mastodonte, cette tête penchée en avant, ce menton pointu et ces cheveux blonds qui me rappelaient furieusement quelqu'un. Soudain Poudlard m'est revenu d'un coup, j'ai voyagé dans le temps et l'espace en un quart de seconde et j'étais face à lui, fantôme revenu du passé –le pire passé.

Je me souviens que j'ai serré les poings de rage, sans raison. Juste la rage de voir ce passé revenir, justement celui-là. C'était une chose d'apercevoir le sourire d'Hermione, c'en était une autre de me trouver face à celui qui m'avait cassé le nez dans un train, avec un rire satisfait. C'était autre chose de me trouver face à un ancien mangemort.

Je me suis immobilisé, toujours poings serrés, cherchant la phrase définitive pour le faire fuir. Ne jamais le revoir. Jamais. Un asiatique a levé les yeux sur moi, surpris, et nous a dévisagés comme si nous étions subitement devenus fous, ou alors il attendait la suite de la pièce, patiemment. Lui n'a pas levé la tête, n'a cillé, pas frémi. Apprenait-il ce bouquin par cœur, ou ne croyait-il pas aux fantômes ?

- Qu'est ce que tu fous là, Malfoy ? ai-je sifflé à voix basse entre mes dents –après tout j'étais censé faire respecter le silence dans cet endroit.

Il a enfin levé les yeux vers moi, le même regard gris un peu délavé, mais étonné :

- Pardon ? Je crois qu'il y a erreur. Je m'appelle Jones, a-t-il répondu en rebaissant son regard sur son livre, visiblement ennuyé.

- Ben voyons, Jones ! T'as pas trouvé plus original ?

- Shshshhs… taisez-vous ! m'a soufflé le voisin roux de l'asiatique en me faisant les gros yeux.

Il croyait quoi ? Qu'il m'impressionnait ? Il pouvait toujours menacer de recourir au gardien des lieux, c'était moi. Je me suis redressé d'un air sûr de moi, et j'ai demandé au blond :

- Vous avez votre carte de bibliothèque ?

Question stupide puisque sans badge il n'aurait pas pu accéder à ces lieux, mais je disjonctais depuis quelques minutes, ma raison s'était envolée avec l'oiseau, ou plus loin. Avec un air réellement surpris il a fouillé dans sa poche de ses longs doigts maigres et m'a tendu sa carte : David Jones, écossais, résidence Mc Bain. Moi j'étais logé à Hogan, une résidence plus qu'agréable proche des restaurants et stations de métro, et j'avais gardé mon vrai nom : Harry Potter, inconnu de tous ici.

David Jones. Il me fixait, morose, sans sembler me reconnaître. Si c'était de la simulation il était bon acteur, le bougre. Ses mains ne tremblaient même pas, pas comme les miennes. Ce nom me disait quelque chose, David Jones.

- David Bowie ! ai-je rugi sous l'œil courroucé de toute la salle, avant de mettre précipitamment ma main devant ma bouche.

- Non, là, c'est trop, a grommelé le roux en se levant et en ramassant ses affaires, et le blond a haussé les épaules, genre « Qu'y puis-je si je m'appelle comme lui ? ».

Son air innocent a fini par me convaincre que j'étais subitement devenu fou, ou que la ressemblance était confondante. Le dénommé Jones a rangé sa carte d'un air las et j'ai tourné les talons, écarlate. Moi qui détestais me faire remarquer je venais de me ridiculiser devant une centaine d'étudiants, comme un crétin fini que j'étais, tout ça à cause d'une vague ressemblance. Je me suis rassis silencieusement, le cœur lourd, et j'ai prié pour qu'un incendie se déclenche, ou un attentat, enfin bref n'importe quoi qui pourrait me faire quitter les lieux rapidement. Mais j'étais prisonnier de mes horaires comme les gardiens sont prisonniers de leur prison, je n'avais aucune excuse.

J'ai légèrement décalé ma chaise vers la gauche, afin d'avoir une vue sur ce fichu Jones qui avait repris sa lecture attentive. Il m'avait déjà oublié, je tremblais comme une feuille. Quand même, le même menton pointu, les joues maigres et ces cheveux filasses, ce ne pouvait pas être qu'une ressemblance. Il portait une espèce de veste noire un peu étriquée, trop grande pour lui, avec une chemise blanche en dessous. Des chaussures noires vernies. Un type d'habillement plutôt rare au milieu des étudiants en sweat et jeans. Et comment avais-je pu ne pas le voir avant ? On était en plein milieu de l'année scolaire.

« Harry, tu devrais voir un psy pour parler de ce que tu as vécu » me répétait Hermione quand je lui parlais de mes insomnies et mes cauchemars. « Sinon, tu vas devenir fou » ajoutait-elle de son ton docte, insupportable. Ca y était. J'étais devenu fou. Un après midi de février, à cause d'un oiseau dans la vitre et d'un reflet doré.

J'ai fait un effort surhumain pour le quitter des yeux, m'intéresser à mes cours, aux autres étudiants, à la pluie battante à l'extérieur, mais j'agissais et je répondais comme un robot déconnecté, me repassant la scène en boucle. Si c'était une hallucination elle devait disparaître bientôt, à moins que mon cas ne soit plus grave que je ne pensais. Et ce nom. David Jones. Le vrai nom de David Bowie, que j'avais vu la semaine précédente au Beacon Theater, sur Broadway. Coïncidence impossible.

Deux étudiants ont retenu mon attention pendant quelques minutes, quand j'ai relevé le regard il n'était plus là, remplacé par un brun banal, à lunettes, plongé dans les mêmes livres, avec la même attitude. J'ai senti un mal de tête pointer et j'ai frotté ma cicatrice, par habitude.

oOo oOo oOo

- Harry, tu as perdu ta langue ? m'a demandé Hermione ce soir-là, au dîner.

Je mâchonnais mon hamburger bio au goût de carton, elle finissait sa soupe de pois cassés en me regardant avec compassion. Un air que je détestais. Le fast food passait en boucle des vieux tubes de Simon et Garfunkel, je nageais en plein « rosemary, parsley and sage », peut-être les ingrédients qui manquaient à ce plat pour le rendre comestible, et je n'avais pas envie de parler.

- Il m'est arrivé un truc étrange, cet après-midi, ai-je finalement articulé.

- Ah oui ?

- Oui. J'ai cru revoir quelqu'un de Poudlard à la bibliothèque.

- Et c'était pas moi ? a-t-elle rétorqué d'un ton mutin en me faisant un clin d'œil.

- Très drôle. Non, c'était pas toi. C'était quelqu'un de… de Serpentard, ai-je répondu en baissant la voix.

Son sourcil s'est levé –le gauche, je m'en souviens très bien- et elle a fait « oh » sur un ton entendu qui m'a hérissé, je me suis reculé sur ma chaise :

- C'est grave, docteur ?

- Comment ?

- Tu as l'air de ne pas être surprise, tu crois que je suis devenu fou ?

- Mais je n'ai même rien dit ! Ne passe pas tout de suite aux conclusions, tu veux bien ? C'était qui ? Rogue ?

- Rogue est mort, je te rappelle. Tu me prends vraiment pour un cinglé, hein ?

Sa manière de secouer la tête m'a déplu, j'ai jeté un coup d'œil à nos voisins, deux couples d'étudiants qui dinaient tranquillement, qui ne nous prêtaient pas attention, heureusement.

- C'était de l'humour, Harry. Qui alors ?

- Malfoy, ai-je dégluti dans un souffle, sans lever les yeux de mes haricots jaunâtres.

- Malfoy est en prison, a-t-elle rétorqué.

- Il y était, visiblement ce n'est plus le cas.

Hermione a secoué à nouveau sa tête, c'était charmant même sans boucles brunes, puis s'est penchée vers moi :

- Tu es sûr que c'était lui ? Tu as vu sa carte d'étudiant ?

- Oui. Et c'était écrit « David Jones » dessus, ai-je confirmé fièrement en finissant mon coca d'une gorgée.

- T'es malade ! C'est le vrai nom de David Bowie, ça ne prouve rien. T'es complètement fou !

- Merci de confirmer. Mais c'était ta théorie depuis le départ, non ?

- Oh Harry, je suis tellement désolée pour toi, tu sais. C'est sûr qu'un tel traumatisme…

- Tais-toi. Arrête avec tes conneries de psychologie de bazar. Ce mec était Malfoy, j'en suis absolument certain. Il a changé de nom et fait semblant de ne pas me reconnaître, mais c'était lui. C'était lui, putain ! ai-je ajouté avec force, faisant se détourner les autres dineurs.

- D'accord, tu as peut être raison, a-t-elle murmuré en posant sa main sur ma manche. C'est peut être un programme de réinsertion pour anciens mangemorts. Et alors ?

- Et alors ? Et alors il vient me narguer jusque dans ma bibliothèque, tu te rends compte, jusque sous mon nez ?

Un couple mixte est entré dans le restaurant avec deux jeunes enfants, elle n'a pas répondu tout de suite. Elle a souri comme chaque fois qu'elle voyait des enfants, je sentais ses entrailles palpiter, un sourire a étiré ses lèvres, elle a murmuré :

- Oh, tu as vu comme ils sont mignons ?

- Hermione… oui, ils sont mignons, et alors ?

- Et alors, et alors… a-t-elle repris en me fixant avec intensité, oublie cet homme, que ce soit lui ou pas. Il t'a parlé ? Il t'a adressé la parole ?

- … non.

- Alors oublie-le. C'est le passé. C'est fini. Tu veux un brownie ?

- Mais tu détestes ça d'habitude, c'est bourré de graisses insaturées et de sucre !

- C'est exactement ce qu'il te faut, t'es tout maigrichon, a-t-elle décrété en se dirigeant vers le comptoir, les yeux toujours fixés sur les enfants.

Elle était belle dans son long sweat blanc qui dégoulinait sur son jean et ses bottes. Son allure androgyne et ses cheveux courts faisaient se retourner beaucoup de garçons sur son passage, elle n'y prêtait pas attention. Elle se promenait toujours avec des bouquins sous le bras, apprendre encore et toujours était sa seule passion, je n'avais pas trouvé la mienne.

Pas encore.

A suivre….

Cette fic, je l'ai écrite pour vous tous (toutes ?) qui adorez ces personnages, je les ai beaucoup pervertis ces derniers temps, je fais un bref retour aux sources... j'espère que vous prendrez autant de plaisir à la lire que moi à l'écrire, good days, bad days...

Je demande aux éventuels puristes et biographes de Columbia de me pardonner certaines inexactitudes, je n'y ai fait qu'une brève incursion.

RDV la semaine prochaine pour la suite ?

Bisous…