J'ai vu pas mal de versions de Yama naïves, innocentes et pacifistes, et ça ne sera pas le cas ici. Je ne perçois pas Yama comme un gentil garçon (enfin pas que), et je ne vois aucune candeur en lui. Dans ma tête, c'est plutôt un battant, honnête et impulsif. Il fut soldat avant d'être espion, après tout. C'est ce Yama-là que j'ai l'intention de développer.

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« Fais attention, c'est un sacré personnage, ce pirate. »

Il avait entendu cet avertissement de la part de tous les hommes et femmes qui avaient eu connaissance de sa mission à venir. Certains avaient eu affaire à l'homme directement, et ceux-là avaient comme un tremolo dans la voix quand ils en parlaient. Derrière la gravité et le respect de le voir endosser un tel fardeau, pour criminel et rebelle qu'il fût, l'immortel pirate inspirait avant tout une admiration muette qui frisait la félonie. Ce sentiment, rendu confus par l'interdiction formelle de l'exprimer, commençait à remplir Yama d'une peur sourde, qui elle non plus ne devait pas être formulée.

Car son frère ne l'aurait pas acceptée. Un assassin doit réussir ou mourir avant de devenir un fardeau pour son propre camp.

Mais peu importait, il était prêt. Il se sentait prêt.

Le vrombissement des réacteurs de la navette interdisait toute conversation soutenue, ce qui n'aurait pas été différent si le silence avait été total. Ezra, impressionnant dans son uniforme d'officier malgré sa position assise forcée, avait porté sur lui un regard dur quand Yama était monté à bord, avant de le reporter droit devant lui. Le jeune espion se demanda une fois de plus pourquoi son amiral de frère s'était retrouvé à l'accompagner au point de largage. Tenait-il à s'assurer qu'il suivrait ses ordres ? Il était hautement improbable qu'il fût là pour l'étreindre pour ce qui serait potentiellement la dernière fois.

Le trajet fut court, au soulagement du jeune homme. Son frère ne cessa pas de fixer le siège devant lui quand ils se posèrent sur Gallina. Yama ouvrit la bouche, puis renonça à dire quoi que ce fût. Il carra les épaules et posa le pied sur le sol avec un air sûr et fermé, en silence, dignement. Ses émotions n'avaient pas leur place à la surface. Il les garderait loin des regards, là où elles ne dérangeraient pas, se promit-il une fois encore.

À peine fût-il suffisamment éloigné, la navette mit les gaz et redécolla promptement, soulevant un nuage massif de poussière et de sable autour d'elle. Les particules s'infiltrèrent dans sa gorge et irritèrent ses muqueuses mais il continua fermement à avancer.

Sa destination se trouvait non loin devant lui. Il s'agissait d'une petite ville qui pouvait évoquer une ambiance très far west, perdue au milieu du désert et formée de maisons en partie boisées. La différence résidait dans le fait qu'elle était pourvue de moyens de communication, d'énergie, de l'eau courante et qu'elle était reliée à ses distantes voisines par un hypertrain à induction magnétique dont il suivait présentement la voie.

La taverne de la ville, aussi poussiéreuse que le reste, offrait un spectacle désespérément commun dans les colonies, mais auquel lui-même était peu habitué. Les clients étaient avachis sur les tables, plus ou moins tournés vers tous les autres. La notion de groupes n'existait pas : tous étaient unis dans leur abattement. Personne ne leva le nez à son entrée. Instinctivement, il mima leur attitude et se traîna jusqu'au comptoir, où il se laissa lourdement tomber sur un tabouret.

Plus qu'à attendre.