J'ai peur. J'éprouve des sentiments. Je ne suis pas indifférent à elle. Mais je n'aurais jamais le courage de lui avouer en face. Peut être lui écrire ? C'est trop ringard. Surtout que je ne suis pas du genre à en dire long, je suis plutôt direct, à faire des gaffes. Comment puis-je m'intéresser à elle ? Je ne mérite pas son amour. Si le chef de famille l'apprend, elle sera convoquée et battue. Je ne le supporterais. Je ne veux pas qu'elle souffre, se sacrifie pour moi ! Un poème… Ce mot résonne dans ma tête. C'est peut être la solution….

Je griffonne quelques mots dans le coin d'une feuille. Ces mots deviennent des vers, les vers des strophes, les strophes forment un poème. Court mais direct.

Tes yeux couleur miel

Deux mèches émerveillent

Ton si doux visage

Dans ce paysage

La petite tigresse

Tu es sagesse

Même muette

Tu es parfaite

Je veux rester

A tes côtés

A tout jamais

Pour t'aimer

Je prends un pinceau qui traînait sur mon bureau, j'ouvre une bouteille d'encre de Chine. J'écris le poème au propre sur un parchemin, je plis la feuille en deux et je me rends chez elle. Je dépose l'enveloppe sur le pas de la porte. Sur l'enveloppe deux mots : pour Kisa.

Je rentre chez moi. Ma mère m'interpelle :

« Tu as reçu une lettre. Il n'y avait ni timbre ni adresse, juste ton nom. Tiens prends-la ! »

Je prends la lettre et monte dans ma chambre. Je pose mes affaires sur ma chaise et m'allonge sur mon lit. J'ouvre l'enveloppe doucement comme on ouvre un coffre-fort. Je déplie la lettre et déplie le poème. En guise de signature, un mouton est dessiné avec à ses côtés un petit H. Mes larmes coulent en silence sur mes joues, tombent sur le papier et laissent une trace d'encre qui dégouline…

Comme réponse je prends du papier à lettre sur mon bureau. Tremblante, j'écris ces quelques mots :

Moi aussi, je t'aime…