Ses doigts pianotaient rapidement sur le clavier, les mots s'enchaînant les uns à la suite des autres dans cette frénésie. Si au début un sourire avait naquis sur son visage, celui-ci eut tôt fait de s'évanouir, de la même façon que les lettres qui noircissaient l'écran jusqu'alors. La page s'entêtait à demeurer vierge. La frustration ne cessait de grandir en elle, et ce n'était pas faute d'essayer pourtant : la volonté était bien là. Mais ses phrases lui paraissaient creuses, sans énergie, sans vie, et, donc, sans raison d'exister.

« Je sais ce que tu es en train de penser. Arrête avec ça… », souffla-t-il doucement.

La jeune femme releva la tête, le visage inexpressif. Cette idée l'habitait depuis longtemps déjà. Jamais elle ne s'était sentie aussi vide et inutile, prisonnière de ce présent, à regarder par-dessus son épaule sans pouvoir envisager demain. Une simple coquille.

« Je suis morte depuis longtemps. Une machine, voilà ma véritable nature. »

« Une machine ne peut éprouver d'émotions, de sentiments. », tenta-t-il.

L'écran de l'ordinateur portable se referma d'un coup sec, presque rageusement. La demoiselle avait choisi la solitude et l'écriture depuis trois années maintenant : pas d'attente, pas d'espoir, pas de peine. Mais était-ce réellement cela, de vivre ? Seule, empreinte de chagrin ? N'était-ce pas plutôt survivre ? Combien de temps tiendrait-elle debout encore sur ce chemin ? Cela en valait-il le coup, de plus ?

La tristesse se peignait sur sa mine fatiguée et le silence s'imposa de lui-même. Assise sur son lit, éclairée faiblement par une lampe de chevet, elle caressait avec légèreté le couvercle de l'ordinateur resté sur ses genoux, le regard dans le vide. Il était elle, elle était lui. Docile, effacée, à exécuter ce qu'on lui demandait sans broncher. Seule son imagination débordante les distinguait et la maintenait en vie, égayant son quotidien. Et ce, jusqu'à ce qu'elle ne parvienne plus à la coucher sur du papier. Ses histoires, ses personnages, faisaient son intégrité. Maintenant que tout se meurt, un doute récurrent lui vint de nouveau. Malgré le fait qu'elle ne pouvait être avec les autres, se retrouvait bloquée dans ce corps abandonné et sans avenir, cette décision lui appartenait-elle réellement ?

Et l'horloge tourne, mais la Mort, elle, attend toujours patiemment sa chère amante.