Disclaimer : Tout est à JK Rowling. Voilà.
Parlons de sushis : Ensuite, cette fanfiction est... ce qu'elle est. Un truc qui flotte, avec des mots. Donc, ça raconte une histoire, avec de l'amour, de l'action, beaucoup d'amour, de l'amitié, de la family party, et de l'amour. Han. Tellement de bons sentiments que ça fait mal aux yeux. Diantre.
Donc, c'est une romance Molly/Louis. Et un peu, en toile de fond, du James/OC.
Pour la piqûre de rappel, Molly est la première fille de Percy et Audrey Weasley ; elle a une petite sœur qui s'appelle Lucy. Quant à Louis, il est le troisième enfant de Bill et Fleur, après Victoire et Dominique.
Cette fanfiction regroupera une dizaine de chapitres, avec une fréquence de parution totalement aléatoire.
Bonne lecture !
(Sinon, il y a le bouton pour reviewer. Ça prend à peine une minute et ça nous émoustille.)
(Chut. C'est vrai.)
CHAPITRE 1
Après la Nuit
"Laissons faire le jour / Il nous dira en retour / Après la nuit / Si c'est de l'amour / Si c'est bien de notre tour / Après la nuit."
Ne S'Aimer Que La Nuit, Emmanuel Moire
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Il n'y avait plus de lumière, à peine une lune à moitié pleine. Il n'y avait plus de lumière, peut-être un frémissement et le frottement des draps, de temps à autre. Il n'y avait plus de lumière car l'on en avait pas besoin : eux, ils étaient là, leurs respirations irrégulières se mêlant aux craquements de la vieille bâtisse. A l'étage, on entendait encore quelques rires étouffés ; les parents sont déjà endormis et d'autres sont depuis longtemps partis. Un peu avant minuit, peut-être.
Normalement, on n'aurait pas dû rire, mais on le fait tout de même. Certains n'ont pas compris que des tas de choses étaient déjà finies, que la fin de l'enfance était proche. Ceux qui ont capté le truc, étrangement, sont ceux qui rient le plus fort. C'est un peu forcé ; pourtant, on essaye d'oublier. La maison craque, imperturbable ; la goule s'agite un peu. Elle continuera à gratter les murs de ses ongles cassés aussi longtemps que la maison tiendra debout.
Arthur Weasley était mort.
Dans son lit, Molly Weasley ne parvenait pas à trouver le sommeil, se tournant encore et encore dans le grand lit vide. Pendant un temps, elle s'était dit qu'elle pourrait très bien prendre la chambre de l'un des gamins, mais elle n'en avait pas eu l'occasion. La force de l'habitude, aussi, avait amené ses pas vers le lit conjugal. Trop vide. Elle ne parvenait plus à pleurer : le temps des larmes était passé depuis longtemps ; elle avait épuisé son quota pour les années à venir.
Les années à venir... Tout cela paraissait tellement loin... tellement... irréel. Cela avait le goût de l'impossible. Car, vraiment, plus rien n'était plausible maintenant qu'il était mort. Les petits-enfants, les enfants... ils étaient là sans l'être. De toute manière, ils n'auraient plus besoin d'elle, tout comme, elle le savait, ils n'avaient jamais eu besoin d'elle dans toutes ses années d'après-guerre. Ses gosses étaient grands, ils avaient leur famille, et elle n'était plus qu'un poids que l'on se refile sans y penser vraiment. Maintenant qu'Arthur était mort...
Sa vie était morte.
Dans un autre lit, Molly Weasley ronflait doucement, pelotonnée contre un corps chaud bien matériel, lui. La couverture les recouvrait à peine et un boxer douteux traînait au pied du lit ; on aurait dit l'image d'un vieux tableau accroché dans les coins des musées.
Elle, des mèches rousses mi-longues qui faisaient le poulpe sur un semblant d'oreiller, le visage serein et un peu benêt ; lui, des traits délicats et la peau pâle, un drôle d'ange tombé du ciel, de courtes pointes d'un blond vénitien qui venaient caresser faiblement l'épaule nue de la jeune fille. C'est un peu de bave qui lui sort de la bouche.
La maison craque, les branches agitent faiblement ; leurs feuilles et le bruissement des conversations leur font un doux cocon. Dans quelques heures, ils se réveilleront.
Et ça, mes enfants, c'est une autre histoire.
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Louis comprit immédiatement que quelque chose n'allait pas. Certes, il avait la tête dans le cirage, les yeux bouffis, la respiration chaotique, mais rien ne pouvait le faire se départir de cette idée dérangeante que quelque chose n'était pas à sa place.
Tout d'abord, il réalisa qu'il n'était pas dans son grand matelas un peu trop mou de Poudlard. Une fraction de seconde plus tard, il eut la révélation fracassante qu'il était on ne peut plus nu.
Le temps de se rappeler que ce n'était, vraiment, pas normal, -il aimait vraiment se foutre dans ses T-Shirts d'un autre âge, beaucoup trop grands et qui lui venaient de son parrain-, que quelque chose se colla contre sa jambe. Au même instant, il songea qu'il avait dû s'enfiler un paquet de bières pour finir dans cet état-là. Sa tête lui faisait un mal de chien.
Le quelque chose, ce n'est pas lui. Le quelque chose, c'est un truc vivant à forme humaine qui n'avait rien à foutre dans son pieu. Le truc, c'était un corps. Le truc, c'était la meuf avec qui il avait baisé la nuit dernière, pour ne pas avoir peur des mots.
Ça faisait beaucoup de révélations d'un coup ; il n'était pas sûr de vouloir retourner dans le monde réel. Les rêves lui semblaient un refuge mille fois plus accueillant que cette mouise qui caractérisait sa vie.
La meuf avec qui il venait de baiser la nuit dernière, c'était Molly.
Cette phrase avait un petit air surréaliste : premièrement, il avait baisé. Il avait fait l'amour avec quelqu'un, ce qui signifiait qu'il n'était plus puceau et que ça, on ne peut malheureusement pas le redevenir. En passant sur le fait qu'il ne se souvenait que de la moitié de la soirée précédente, cela était et resterait une expérience intéressante ; il aurait presque trouvé cela cool si la situation ne ressemblait pas à une foutue merde inextricable.
Car, deuxièmement, il avait perdu sa putain de virginité avec... avec...
Molly.
Sa cousine.
Ça, c'était pas cool. Pas cool du tout.
Et en attendant, il ne pouvait pas rester comme cela il devait agir. En sa qualité d'homme à la sexualité nouvellement acquise, il posa un pied, puis un autre, sur le parquet défraîchi de la chambre. Le vieux bois émit un gémissement plaintif, à moins que ce ne soit Molly. Il se figea.
Putain.
On aurait dit un cauchemar éveillé. Car oui, au fond de ses tripes, il avait conscience qu'il l'avait fait. Qu'il l'avait fait, et que c'était avec elle. Qu'il l'avait fait, qu'il avait aimé ça et qu'il aurait voulu recommencer. Il prit conscience qu'il ne referait plus jamais ça avec elle : ce n'était pas possible car l'on ne pouvait pas faire deux fois la même erreur débile.
Ses pensées tourbillonnèrent dans sa tête sans prendre de formes fixes ; l'illumination tant attendue ne vint pas. La pensée humoristique qui lui aurait arraché un sourire non plus, et tant pis s'il aurait eu l'air con, à sourire tout seul, comme ça, à deux doigts d'un corps dont le souvenir vivace restait gravé derrière ses paupières closes.
Elle était belle. Elle était vieille. Elle semblait une femme sous la faible lueur qui perçait des volets. Elle paraissait une montagne insurmontable pour lui, pauvre petit garçon qui fait joujou avec des jouets de grands. Tout cela lui apparut comme incroyablement stupide, mais il n'osa pas pousser sa réflexion plus loin. De toute façon, il en aurait été incapable : c'était comme si toutes ses facultés cognitives s'étaient mises en veille.
Peut-être lui-même ne voulait pas voir l'étendue des dégâts. Peut-être avait-il peur.
Tout cela lui donnait mal à la tête, et l'alcool qui lui semblait imbiber encore son cerveau n'arrangeait rien. Il reporta son attention sur Molly : elle continuait à respirer par à coups, la bouche entrouverte. Son souffle sonnait étrangement aux oreilles du jeune homme, comme déplacé dans la vieille maison empoussiérée, déplacé alors que son univers s'effondrait, sans qu'il n'en ait réellement conscience. Il ne voulait pas penser cela ; ses pensées se bousculaient et dansaient la cucaracha sous sa boîte crânienne ; il se dit que c'était disproportionnée, cette réaction-là.
Sans bien comprendre pourquoi, il se mit à pleurer silencieusement, assis, entièrement nu sur un foutu lit, alors que Molly grognait et n'allait pas tarder à se réveiller. Il n'avait pas hâte. Il ne voulait pas. Il se sentait... vide. Et puis, surtout, il ne voulait pas pleurer : cela ne servait à rien et n'arrangerait certainement pas les choses ; pourtant, il ne pouvait s'en empêcher.
C'était trop débile.
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Molly s'extirpa mollement d'un rêve cotonneux pour le moins étrange, pour peu qu'un songe puisse seulement l'être et que ce ne soit pas la norme. Elle se souvint de manière fugitive d'un Inferi qui dansait autour d'un lion, tandis que son père, pourvue d'une tête de belette -mais après tout, c'était on ne peut plus normal- l'admonestait de manger ses choux fleurs. Elle n'avait jamais supporté les choux fleurs sans Doudou, son lapin en peluche, et elle ne comprenait pas pourquoi Doudou lui faisait la tête.
Puis elle ouvrit les yeux, prenant du même coup une grande bouffée d'air ; elle avait la gorge sèche d'avoir eu le nez bouché durant la nuit entière. Elle s'étonna un instant que personne ne l'ait encore réveillée de la pire manière qui soit ; ce n'était pas dans les habitudes d'Ellie, qui prenait toujours son pied lorsqu'il s'agissait de sortir de son éternel sommeil la belle au bois dormant.
Elle se souvint alors de l'enterrement. Triste.
Puis elle se rappela la suite, d'un tout autre registre.
« Hein ? » fit-elle d'une voix rauque, sans parvenir à démêler le vrai du faux, dans cette amalgame monstre qui caractérisait la pensée humaine.
Oui, ça faisait philosophique.
Est-ce que c'était un fichu rêve, ou bien avait-elle bien couché... non, ce n'était pas le mot... fait l'amour avec un certain Louis Apollon Weasley ? Qui se trouvait également être son cousin.
Qui avait deux ans de moins qu'elle.
Qui avait dû être encore plus beurré que Teddy lorsqu'il se servait une coupe de champagne.
Qui avait deux ans de moins.
Qui faisait parti de la famille. De la famille Weasley.
« Merde » lâcha t-elle, sans parvenir à trouver un mot plus approprié pour la situation. Non, à bien y penser, ce terme s'adaptait parfaitement à cette foutue merde dans laquelle elle venait de se fourrer, de même qu'il allait comme un gant à sa putain de vie de merde.
Sa vision s'éclaircit suffisamment pour qu'elle puisse apercevoir la silhouette tremblante de... Louis. Elle retint un ricanement qui aurait fait tâche, et reprit une inspiration profonde.
Lui, elle l'apercevait à peine, mais elle pouvait bien voir que tout n'allait pas comme il le voulait : ses épaules affaissées tressautaient par intermittence, comme s'il était en train de... Il ne manquait plus que ça... se dit-elle avec lassitude. Voilà, elle était tombée sur une lopette. Comme d'habitude. Et il avait deux putains de bordel de merde d'années de moins qu'elle. Voilà. C'était un gosse ; à cette âge, tout ce qui l'intéressait, elle, c'était-
Trouver un moyen de se foutre en l'air avec Shields.
Bon, mauvais exemple.
Elle s'empara d'un pan de couverture et entreprit de prendre appui sur son oreiller pour se redresser. Louis ne frémit pas, un sourire de grand dadais sur la face. La jeune fille resta un moment à le regarder, enserrant de ses deux mains ses jambes qu'elles avaient ramenées tout contre sa poitrine.
Il avait un nez. Des yeux. Une bouche. Des cheveux. Tout blonds mais presque roux, qui se hérissaient en touffes irrégulières et empoissées de sueur. Une bouche volontaire, fine, des lèvres un peu tremblotantes. Des traits harmonieux et un teint de porcelaine ; on se sentait tout de suite inviter par cette peau, cette chair pulpeuse, tandis que l'on prenait conscience qu'une aura sauvage semblait sourdre de ce corps si désirable. Il avait deux grands yeux bleus et des larmes qui les rougissaient ; on voulait tendre la main et mettre fin à cette tristesse. Cette souffrance, en elle-même, faisait physiquement mal.
Et, par-dessus tout, elle avait envie de lui. Un tel sentiment ne l'avait encore jamais saisi si fortement ; elle eut peur de cette réaction, le temps de se rappeler que la seule personne qui ne lui ait jamais procurer sensation équivalente était... Victoire.
Dans la famille fouteur de merde, je demande le fils.
Elle cligna une ou deux fois des yeux, sans parvenir à trouver les bons mots. Il se tenait là et il était intimidant dans toute sa nudité et sa candeur, et son visage si pur ravagé de larmes, et la courbe de son cou, et la fine cambrure de son dos, et-. Elle se souvint alors qu'elle était l'aînée. C'était à elle de prendre les décisions.
« Ouais. Bah... voilà. » souffla t-elle. Elle se sentait d'humeur éloquente, aujourd'hui. C'était le jour des grands discours.
Il tourna la tête vers elle ; Molly rencontra les deux orbes bleues, perçantes. Sans trop savoir pourquoi, cela la fit frissonner.
« Voilà » répondit-il laconiquement. Son visage fut agité d'un tic nerveux ; il baissa la tête, aperçut ses jambes et dut se rendre compte de sa nudité, puisqu'il essaya maladroitement de se couvrir en tirant la couverture à lui. Il échoua lamentablement.
« Écoute... » commença t-elle laborieusement. « C'est tout. OK ? C'est tout, ça s'est passé, c'était presque cool, mais voilà. Non, en fait, c'était cool. Mais c'est tout. Si tu veux, on en parle plus tard, hein ? C'est juste une connerie. »
Elle chercha à nouveau son regard, qu'elle ne parvint pas à rattraper. Personnellement, elle ne voulait pas qu'il vienne lui reparler : elle n'aurait pas su quoi lui dire.
« Enfin... voilà. Quoi. Bonne journée. Démoralise pas. Je m'habille avant que les gens ne viennent poser des questions, puis je descendrais. » Elle aurait pu tout aussi bien parler dans le vide. « Il ne faut pas laisser Grand-mère seule, aujourd'hui. Ce n'est pas la journée. »
Molly réalisa alors que son grand-père venait d'être enterré hier. Que certaines personnes étaient en deuil. Que c'était triste. Qu'elle ne reverrait plus jamais Grand-père, de toute sa vie. Qu'elle ne croyait même pas à une vie après la mort, malgré les conventions sorcières profondément enracinées et l'acquis collectif. Que ça n'avait pas été le moment le plus opportun pour ça... Que l'opinion publique prendrait mal la nouvelle, si elle allait à se savoir.
Il n'était pas question d'aller hurler ça en plein milieu de Pré-au-Lard.
Quant à la question qu'elle ne parvenait pas à se sortir de la tête et qui faisait écho à ses peurs les plus tenaces, elle reposait en deux mots : Pourquoi elle ? Qu'avait-elle pu faire de mal dans une vie antérieure, par les couilles de Merlin ? Ce monde semblait tourner pour le seul but inavoué de la faire royalement chier. Il n'y avait qu'à voir la famille de tarés dans laquelle elle était tombée.
Hein. Voilà.
Bien décidée à prendre les choses en main, elle se releva sans aucune pudeur, débutant la tâche ardue qui consistait à rassembler l'ensemble de ses affaire, parties voler d'un bout à l'autre de la pièce. Après mûre réflexion, elle ne parvint toujours pas à saisir comment sa chaussette avait pu se retrouver là. Ce n'était humainement pas possible.
Elle reporta à nouveau son attention sur Louis, qui faisait mine de remettre sa chemise sans réelle conviction ; on aurait dit qu'il se rendait à l'échafaud. Quant à elle-même, son état d'esprit ?
Calme. Elle était calme.
Molly jaugea une dernière fois le jeune homme, puis secoua la tête : pas besoin de s'appesantir là-dessus. Elle ouvrit précautionneusement la porte de la chambre, regarda à droite, puis à gauche et passa une main fébrile dans ses cheveux, tâchant de se refaire un semblant de tenue. Elle réajusta un bouton sur sa manchette.
« Faut que tu te dépêches » dit-elle. « On part à onze heures pour Poudlard... »
« OK » fut la seule réponse que lui lança le jeune homme. Sans se poser plus de questions que cela, la jeune fille quitta la chambre au pas de course, avide de mettre le plus d'espace possible entre elle et ce lit maudit.
Elle avait bien fait : sitôt qu'elle eut posé le pied sur le palier d'en-dessus, une porte s'ouvrit, révélant la silhouette longiforme de James. Ce dernier poussa un bâillement à faire trembler la maison sur ses fondations, visiblement pas tout à fait réveillé :
« T'es là ? » dit-il en s'étirant, pas gracieux pour deux sous.
James au réveil, c'était un peu comme un portable qui avait pris l'eau : ça fonctionnait à peu près, mais pas très vite.
« Absolument pas » rétorqua t-elle. Elle le poussa sans méchanceté sur le côté et dévala les escaliers. Non pas que le Terrier soit gigantesque, mais il s'étirait tout en hauteur, comme une bougie un peu défraîchie que l'on aurait laissée traîner dans une poche. Pendant très longtemps. Le Terrier paraissait ainsi pousser au bord du chemin, s'obstinant à s'accrocher au bord de la route telle une plante tortueuse. C'était peut-être petit, minuscule, un peu branlant, mais l'on si sentait chez soi, et c'était tout ce qui comptait.
Cela allait faire bizarre, si Grand-père était mort... Ce dernier mot roula encore et encore dans sa tête, comme un sempiternel refrain ; son esprit ne parvenait pas à associer le vieil homme plein d'entrain, toujours présent pour ses petits-enfants et adepte inconditionnel de vieilles bizarreries moldues, à ce tas de chair que l'on nommait cadavre et qu'elle n'avait fait qu'entrapercevoir, peu avant la cérémonie. Pour elle, cela paraissait absolument impossible qu'il ait pu s'éteindre ainsi, sans un dernier mot ou une dernière pensée. C'est ce que faisait pourtant les gens avant de s'éteindre : il disait au revoir. Cela se passait toujours comme ça, dans les histoires.
Molly, comme les autres, avait reçu la nouvelle de la directrice même. MacGo avait alors paru bouleversé par la nouvelle ; il était vrai qu'elle le connaissait personnellement : l'Ordre du Phénix et tout le schmilblick qui allait avec, de vieilles histoires de Résistance... Un ou deux jours, pas le temps de souffler, puis déjà l'enterrement. Après...
Après, c'étaient des foutues conneries, se dit-elle en pénétrant dans la cuisine.
-0-o-0-
Il s'aspergea le visage d'eau glacée ; depuis dix minutes, il essayait de faire le point, mais se rendait compte qu'il tournait en rond. Son cerveau semblait s'être plongé de lui-même dans un état proche de l'hibernation ; aucune pensée sensée ne parvenait à s'extraire du théâtre qui se jouait dans son minuscule cervelet. Rien ne perçait de ce méli-mélo sans fin d'idées qui prenait plaisir à jouer du xylophone dans sa tête. C'était à se demander si tout cela n'était pas une conspiration plus vaste...
« Tu chies, tu fais ta petite affaire ou je peux entrer ? »
La voix de James lui parvint d'à travers la porte. Louis observa son visage fatigué dans la glace et esquissa un sourire maladroit : c'était fou ; son visage se crispa, comme sous le manque d'habitude. Okay. Il prit une inspiration profonde, puis commença à se sécher la face à l'aide d'une serviette.
« Je fais ma petite affaire, mais tu peux entrer » s'entendit-il répondre. Sa voix sonnait étrangement, et il n'aurait de cesse de se le répéter. Louis tournait le dos à James lorsque ce dernier pénétra dans la pièce d'un pas vif, se plaçant devant le miroir comme s'il se trouvait déjà en territoire conquis.
« Mmmh... » marmonna James. « J'ai loupé quelque chose, alors... »
Il réitéra le geste de Louis, se passant la tête sous l'eau : « Bien dormi ? » grogna t-il quelques secondes plus tard et après avoir étudié sa coiffure avec attention. Louis ouvrait déjà la bouche pour bafouiller une réponse, ou du moins un truc pas trop con, mais James ne lui en laissa pas le temps. « Je sais pas toi, mais moi... comme une merde. »
Louis songea à sa nuit bizarre et s'abstint de tout commentaire stupide, qui n'aurait pu, de toute façon, que l'enfoncer davantage. C'était quoi, ce que l'on disait, déjà ? A touché le fond mais creuse encore ? Peut-être qu'il ne lui était rien arrivé d'étrange, jusque là, mais ce réveil brutal comblait toutes les lacunes de ces années à se traîner sans but. Un jour, il aurait de la matière à conter à ses petits enfants.
Ou pas.
Ouais, à bien y réfléchir : ou pas. Vraiment.
A bien y réfléchir, aussi, ce n'était pas si terrible. Des gens faisaient pire, dans le monde ; il n'avait pas tué de chatons, n'avait commis de génocide sur aucun peuple et n'avait certainement violé personne. C'était consenti.
A moins que ce ne soit elle qui ne l'ait violé, alors qu'elle était parfaitement sobre. Bon : il y avait peut-être quelque chose à creuser de ce côté-ci, mais il en doutait. Tout de même. Il mettrait cela de côté lorsqu'il voudrait la condamner à une peine quelconque ; un moyen excellent de chantage, ça. Il coucherait avec Kessel la prochaine fois qu'il oublierait son devoir de Métamorphoses.
Si ça se trouve, il pouvait faire de Molly son esclave sexuelle !
« Y'a quelqu'un ? » fit James, tout en lui agitant une main devant les yeux. Louis cligna des paupières en guise de réponse, réalisant du même coup qu'il avait passé plusieurs secondes le regard dans le vide.
« Ouais » répondit-il. Peut-être qu'il n'avait pas totalement cuvé, en fait. Parce qu'il avait vraiment des pensées bizarres ; il était certain qu'il ne les aurait pas eu en temps normal. Pour faire bonne mesure, il ajouta cependant : « Journée joyeuse en perspective ! »
Sa voix sonnait faux. Un gamin de trois ans ne se serait pas laissé avoir par le ton. Comme toute réponse, James poussa un grognement apathique non, le matin n'était pas son moment favori ; ça faisait le beurre de Louis, qui ne se voyait pas répondre à des questions incontestablement pertinentes, telles que « T'as dormi où, cette nuit ? » ou d'autres choses auxquels il n'aurait vraiment pas su répondre.
James était quasiment son meilleur ami, en plus d'être son cousin. Le fait que Louis ne veuille pas lui parler de cet épisode stupide traduisait assez bien l'état d'esprit dans lequel le jeune homme était plongé : il allait fermer sa gueule et ils n'auraient rien d'autre de lui. Louis prit cette résolution magnanime en fixant le dos nu de James, alors qu'il était lui-même assis sur la cuvette des toilettes. Magnifique journée en perspective.
Vaste programme.
Il rassembla ses idées et sortit en trombe de la salle de bains en marmonnant quelque chose à James, descendit les escaliers, puis se tint quelques instants, indécis, sur le seuil de la cuisine. Il était temps de penser à un plan de conquête de l'univers et à démontrer son statut de mâle viril en-
« Jarte ton gros cul, tu bouches le passage » grogna Hugo dans son dos. Sans plus de cérémonie, le gringalet le poussa des deux mains à l'intérieur de la pièce, puis se faufila laborieusement entre Lily et Rose. Il délogea ainsi Albus de sa place, alors que ce dernier s'était levé quelques secondes plus tôt pour aller remplir un bol au vieil évier de la cuisine. Le garçon fronça les sourcils mais laissa faire son cadet, bon gré mal gré. Il ne put cependant contenir un soupir.
La pièce n'avait jamais été un modèle grandiloquent de grandeur, même au temps faste de l'Ordre du Phénix. Louis en avait, à cet instant, la preuve ultime devant les yeux : c'était tout un joyeux monde un peu trop chahuteur qui s'entassait pêle-mêle dans une pièce relativement exiguë. Seules les familles Potter, Ron Weasley, Percy Weasley et la sienne avaient choisi de rester après l'enterrement ; peut-être, toutefois, était-ce simplement le manque de place qui avait obligés les Weasley à limiter leur présence au Terrier. Ça devenait toujours invivable aux environs de Noël, d'aussi loin que le jeune homme pouvait se rappeler : il avait souvenir de certaines soirées passées serrés les uns contre les autres sur des lits relativement étroits. Il ne pouvait toutefois nier que tout cet aspect pittoresque avait son petit charme ; ça ferait des trucs à raconter aux enfants pour les longues soirées d'hiver.
Surtout la fois où James et lui avaient-
Il sourit en entendant Hugo répondre à une remarque acerbe de Rose.
« Ah. Un revenant » dit Dominique en levant les yeux de sa tartine de Nutella. Sans lui accorder la moindre attention, Louis tâcha de trouver une place et se glissa le plus loin possible de Molly, qui, curieusement, faisait mine d'être très intéressée par un point quelconque sur la nappe. Le point stratégiquement viable se trouvant être une place laissée vacante entre Albus et Victoire, il se posa, non sans avoir laissé un écart d'un bon mètre entre lui et sa sœur. Désespéré mais pas fou. Tout de même.
Victoire ne prêta aucune attention à son manège, et c'était tant mieux pour lui.
« Bien dormi ? » lui demanda Grand-mère.
Louis croisa le regard franc de la vieille femme. Il détourna aussitôt les yeux. Sa grand-mère, il ne savait pas comment la prendre : elle avait perdu quelqu'un. Il ne savait pas comment on devait réagir, à ça, n'ayant jamais vécu d'expérience similaire ; il avait eu, tout au long de cette stupide soirée, la peur constante de faire un faux-pas quelconque, comme une remarque déplacée ou quelque chose que l'on n'avait pas le droit de faire en pareilles circonstances, au nom des lois sur la bienséance. Il avait eu peur que tout le monde se tourne tout d'un coup vers lui et lui balance un Avada bien mérité, en hurlant qu'il était un connard. Il ne savait pas si c'était stupide, ou quoi que ce soit d'autre, mais lui, il le prenait comme tel.
« Oui » répondit-il laconiquement. « Merci. »
Elle hocha la tête et parut se contenter des dires de son petit-fils. Elle ne semblait pas avoir suffisamment dormi de la nuit ; en cela, Louis et elle se rejoignaient, quoique pour des raisons différentes. Il valait mieux ne pas s'étaler sur les détails.
Il commença à préparer son petit-déjeuner, après avoir échangé quelques remarques polies avec les adultes présents à la table. Le jeune homme se désintéressa, après les échanges d'usage, des piques constantes que s'envoyaient Rose et Hugo et prêta une oreille distraite au semblant de conversation qu'avaient Dominique et Molly. Cette dernière paraissait mieux prendre la journée que lui, au vu des réponses enjouées qu'elle faisait à la sœur du jeune homme. Ils parlaient des ASPIC. De l'avenir. D'un tas de choses auxquelles il ne voulait surtout pas être mêlé et qu'il ne souhaitait même pas entrevoir : ça le faisait toujours déprimer.
Quand Molly souhaitait être entendue, elle se redressait sur sa chaise, se passait la main dans les cheveux et envoyait une mèche voler devant son visage, de manière si rapide qu'elle paraissait floue. Ça lui faisait une ronde de cheveux dansants et lui donnait une allure comique ; pourtant, la jeune femme ne se rendait pas compte de son geste, et c'était cela qui était si tordant : ça tenait en ce petit air énervé qu'elle prenait lorsqu'elle repoussait la mèche derrière son oreille... Pour recommencer le même manège quelques secondes plus tard...
C'était une belle journée. Hier, on avait enterré Arthur Weasley.
James s'assit finalement à côté de lui, empestant la vanille à plein nez, et commença à s'étaler s'étaler de la marmelade sur une tartine. A côté, on continuait de discuter.
« Hey ! Molly ! » dit James. La jeune femme stoppa un moment sa discussion et tourna la tête dans sa direction. « Quoi ? » fit-elle en leva d'avance les yeux au ciel.
Tout le monde s'attendait toujours à une connerie, c'était à se demander d'où James tenait cette réputation... Vraiment...
« C'est bête que tu ais disparu si vite, hier soir... j'aurais bien aimé... » dit-il. « Enfin, entre adultes, on se comprend... »
« James aurait aimé quoi ? » lança Hugo d'une voix qui se voulait innocente.
« Rien » répondit Rose. « Une histoire de pied et de pantoufle. » Elle hocha la tête d'un ton entendu, ses boucles brunes tressautant au rythme de ses épaules.
« De pied... » souffla Albus de manière évasive.
« De pied » appuya Rose.
Louis et Molly échangèrent un regard par-dessus la bouteille de jus d'orange ; ce ne fut qu'un bref instant, mais ils comprirent beaucoup, en ces quelques millisecondes. Dominique continuait à tiquer du côté des adultes, essayant de faire comprendre quelque chose aux autres, en des gestes très peu compréhensibles pour, du moins, le commun des mortels.
Hugo se racla la gorge. Ils tâchèrent de se concentrer sur ce qu'ils savaient le mieux faire : bouffer.
C'était vrai : l'enterrement... Peut-être pas le moment pour faire des sous-entendus débiles à deux doigts d'une personne qui avait perdu quelqu'un. Enfin, Louis ne savait pas trop... Mais ce devait être cela, non ? A peu près. Peut-être une autre fois... Ils seraient bien assez tôt au Noël Weasley.
Celui-là même qui se profilait, tellement étrange sans la présence de leur grand-père...
Il ne parvenait même pas à se l'imaginer. Plus d'histoires étranges contées dans le salon confiné, alors que le jour commence doucement à tomber ; finis les rappels constants d'une enfance à laquelle ils aimeraient tellement se raccrocher. La chute dans l'univers adulte leur faisait peur. Au fond d'eux, aucun ne le souhaitait ; ils appelaient à de l'amour simple et à des câlins sans arrière-pensées. Ils voulaient les histoires de grand-père où le héros gagnait à la fin, vivait heureux et avait beaucoup d'enfants.
Malheureusement, le monde grandissait. Eux, ils se devaient de suivre le mouvement.
Toujours ; c'était moche.
Sans pouvoir s'en empêcher, James balança à nouveau quelques remarques potaches avant qu'Audrey, la mère de Molly, n'ait l'incroyable idée de les envoyer ranger leurs affaires. Ils prendraient le repas de midi à Poudlard ; la directrice les attendait, il ne fallait donc pas traîner. De plus, ils étaient en retard. Dans la bouche de la femme, cela sonnait comme le comble de l'horreur et la fin du monde, voire un peu plus.
« Comme d'habitude » sourit grand-mère.
Comme d'habitude, par conséquent, ils traînèrent les pieds jusqu'aux étages. Abandonnant James, Louis pénétra dans la chambre qu'il avait quitté une heure plus tôt et fit un tour d'horizon. Il souhaitait s'assurer qu'il n'avait rien oublié de compromettant, autant pour lui que pour Molly. La porte grinça dans son dos ; il se retourna, fébrile : Molly, justement, était nonchalamment adossée contre la porte.
« J'ai déjà regardé » fit la jeune fille. « Ça devrait être bon. »
Louis se redressa. « Ouais » répondit-il. Elle avait cependant tourné les talons avant qu'il ne puisse lui dire quelque chose. Il ne s'en souvint plus sur le moment, mais il avait voulu lui parler d'un je-ne-sais-quoi qui lui avait paru important.
Il récupéra son sac là où il l'avait laissé : au pied d'un des escaliers. Il le jeta sur son épaule sans plus de cérémonie, puis suivit le cri de sa mère, qui leur demandait de se dépêcher, et plus vite que ça.
La moitié des enfants avaient déjà fait leurs adieux et disparu dans les flammes vertes qui illuminaient à intervalles réguliers l'espace exigu. Louis fit une accolade rapide à son père et tenta d'éviter l'écrasante étreinte de sa mère. Sans succès, toutefois. La femme faisait un peu près sa taille ; elle posa son menton sur son épaule.
« A Noël ! Porte-toi bien. » Dit-elle. « Et ne fais pas de bêtises ! »
Un léger « oui » fut la seule réponse de Louis. Il sentait déjà que c'était mal barré...
Le jeune ignorait vraiment pourquoi. Un pressentiment, peut-être ?
Continuant sur sa lancée, il fit la bise aux membres de la famille encore présents et finit sur sa grand-mère. Contre toute attente, ce fut elle qui l'étreignit de toutes ses forces. Il sembla au jeune homme qu'elle ne voulait pas le voir partir. « A Noël ! » lui murmura t-il dans le creux de l'oreille.
Elle ne fit que hocher la tête, sans le quitter du regard. Dans ce dernier contact, il y eu quelque chose qui fit peur au jeune homme, une impression indéfinissable qui lui remua les tripes. Cela dura une seconde, beaucoup trop longue, puis il s'empara d'une poignée de poudre de Cheminette, se plaça au centre de la cheminée et, d'une voix retentissante, s'exclama déjà :
« Poudlard ! »
Le monde s'effondra en une pluie de cendres.
