Disclaimer: Astérix et Obélix sont la propriété de leurs auteurs, les OCs la mienne.
Personnages: Astérix, César, les Gaulois, les Romains, quelques OCs.
Notes: de tous les fandoms qui m'auraient à nouveau poussé à écrire, je ne m'attendais vraiment pas à ce que ce soit Astérix. Et pourtant nous voici lancés dans une aventure assez particulière. J'espère qu'elle vous plaira autant qu'à moi.
On remercie bien fort Alexandre Astier et Louis Clichy dont les films ont ravivé en moi l'amour pour cette BD ainsi que Calimera et Amethyst pour m'avoir encouragé à écrire ce ...plotbunnix.
En revanche, on ne remercie pas FF net qui semble considérer que les "petits fandoms" comme Astérix ne méritent pas de filtres de personnages.
Chapitre I: Veritas odium parit
Nous sommes en 50 avant Jésus-Christ. Toute Rome est envahie par le sommeil… Toute ? Non ! Un certain dictateur romain résiste encore et toujours aux doux bras de Morphée, si on en croit son agitation.
Jules César, maître de Rome, conquérant de la Gaule à l'exception d'un certain village, se tournait et murmurait dans son sommeil, son visage tourmenté. Que pouvait bien troubler le repos du grand loup, fils de la louve romaine ? Quels mystérieux desseins les dieux s'apprêtaient-ils à révéler au noble Imperator… ?
« AAAAH ! »
… On allait le savoir bien assez tôt.
« Que t'arrive-t-il, ô César ?! Une attaque ?! Des assassins ?! Un complot ?! Des voleurs ?! Fouillez le palais ! Interrogez les esclaves ! Bloquez les issues ! Que pas une souris ne passe à travers les mailles du filet sans être capturée et interrogée ! Aux armes ! » rugit Fairunblocus, le chef de la garde prétorienne, immédiatement arrivé sur les lieux au cri de son chef.
L'efficacité et le dévouement de l'élite de l'armée romaine furent immédiatement mis à l'œuvre, chaque légionnaire suivant à la lettre les directives du plan VGR(*) pour identifier et neutraliser toute menace à l'encontre de Jules César, réveillant au passage la majorité du palais et dérangeant ceux qui ne dormaient pas.
Ledit Jules César ne sembla guère impressionné par le déploiement bruyant de ses hommes et se redressa dans son lit en pinçant l'arrête de son nez.
« Rappelle tes hommes, Fairunblocus, et convoque mes conseillers le plus vite possible. Avec ce vacarme, ils seront réveillés de toute façon, autant qu'ils servent à quelque chose.
— Mais les conseillers ne pourront te défendre des assassins, ô César !
— Quels assassins… ? Peu importe. Fais-les convoquer. Fais aussi venir l'augure Brademorpheus.
— Pour qu'il demande aux dieux de révéler la prochaine tentative d'assassinat ? Très ingénieux, ô César ! Ils ne pourront pas s'échapper !
— Par Jupiter, contente-toi de suivre mes instructions, et vite !
— À tes ordres, divin César ! On les aura ! »
(*)VigiGoth Rouge
Malgré l'heure très tardive (ou très très matinale, selon les opinions), les conseillers les plus proches de César avaient répondu à l'appel en dissimulant tant bien que mal leurs bâillements. Ce n'était pas exactement un choix à vrai dire, mais être présent par loyauté avait meilleure allure que dire qu'on n'arrivait plus à dormir et est-ce que les légionnaires pourraient arrêter de fouiller mon tablinum, je vous jure que je n'y cache pas un criminel mais avec leurs glaives très aiguisés c'est pas simple de se faire entendre.
Était également présent un homme drapé dans une toge de facture plus modeste que celles des sénateurs, mais se campant fièrement devant le trône de César et le petit groupe de conseillers. Un bâton en crosse à la main indiquait son statut mystique de devin, une bedaine fort honorable indiquait que ce statut payait bien.
« Brademorpheus, je t'ai fait venir car tes prédictions m'ont été jadis d'un grand secours…
— Et comme jadis, tu as eu raison de me faire appeler, noble César ! s'exclama l'augure d'une voix profonde, écartant les bras et les levant vers le ciel. Car les dieux m'ont accordé le don d'interpréter leurs messages les plus obscurs ! Leurs énigmes les plus complexes ! Nul présage ne m'est caché, nul rêve n'est trop mystérieux pour mes talents, nul oiseau n'a de secrets pour moi, Brademorpheus, le plus talentueux des devins de l'Empire romain ! Dis-moi ce qui te trouble, ô César, et je t'offrirai la clé de ton destin, la porte de ton chemin, la…
— Si tu me laisses parler, augure, je pourrai peut-être avoir une réponse à toutes ces questions. Mais je te dérange peut-être, veux-tu terminer ton discours ? » répondit César, pince-sans-rire.
Brademorpheus croisa les bras d'un air beaucoup moins exalté.
« Déformation professionnelle, tu ne peux pas me reprocher d'y mettre les formes, ô César. Où ira le métier sinon, je vous le demande ? Enfin bref, passons aux choses sérieuses, dit-il reprenant sa pose divinatrice, bras et bâton tendus vers le ciel, yeux fermés en méditation. Dis-moi tout. N'omets aucun détail. »
César se rassit plus confortablement sur son trône, une main se caressant le menton pendant que l'autre tapotait machinalement sur un accoudoir.
« J'ai fait un rêve… trop vivace et précis pour un simple songe. Je rêvais d'une profonde forêt près d'une mer aux grandes marées. Au premier chant du coq, un lapin s'y élança au grand galop… un lapin noir, aux oreilles blanches comme des ailes de cygne et au regard malin. L'armée romaine cherchait à le capturer. Mais peu importe leur nombre, leur puissance, leurs stratégies, ce lapin se jouait des efforts des légions et leur échappait, les narguait. Me narguait, ajouta-t-il, sa main se crispant distinctement sur l'accoudoir. S'il ne pouvait fuir, il affrontait au combat l'armée romaine et lui, chétif animal, parvenait à les défaire au combat. Jusqu'à ce que mes légions s'assemblèrent pour former un immense aigle, majestueux et impérial, qui ne fit qu'une bouchée du lapin. »
Les conseillers levèrent la tête vers l'immense statue d'aigle surplombant la salle obscure juste au-dessus de César. Tous jugèrent plus prudent de ne faire aucun commentaire.
« Mais le triomphe de l'aigle ne fut que de courte durée ; il fut tout à coup frappé par la foudre et le lapin finit par se libérer, détruisant la parfaite unité de l'aigle depuis l'intérieur… Et je me réveille avant de voir ce qu'il advient de cet insolent lapin. Ce n'est pas un rêve ordinaire, augure, ou je ne m'appelle pas César. Que cherchent à me dire les dieux ? »
Tous les regards se tournèrent vers Brademorpheus.
Celui-ci était figé les bras toujours levés, ouvrant et fermant la bouche inutilement. De leur position plus proche, les sénateurs auraient juré qu'il… transpirait… ?
« Brademorpheus ?
— C'est… les dieux… ta voie… »
La main de César se serra en un poing menaçant.
« Parle, par Jupiter ! rugit-il en frappant violemment l'accoudoir de son siège.
— Les dieux… les dieux te font savoir que tu dois… tu dois… te rendre en Gaule pour… Pour chasser le lapin ! Voilà. »
Un silence pesant se fit dans la grande salle.
« … C'est tout ? » murmura (très peu discrètement) un des conseillers.
— Tout ça pour aller chasser le lapin ? Se demanda un autre.
— Pourquoi pas un animal plus noble ? Le loup ? L'ours ? Le cerf ?
— Même le renard, ça serait quand même un animal plus glorieux qu'un simple lapin.
— Vous dites ça, mais les lapins, c'est féroce ! Ne les sous-estimez pas ! On dit qu'un lapin adulte peut sauter jusqu'à votre gorge et la déchiqueter avec ses petits dents sournoises ! J'ai entendu parler de telles choses arriver !
— Silence, Bohortus ! ordonna César. Augure, pourquoi devrais-je aller jusqu'en Gaule ? Ce ne sont pas les lapins qui manquent en Italie.
— Et bien César… les voies des dieux sont impénétrables, répondit l'augure en hochant doctement la tête, s'essuyant rapidement le visage.
— N'est-ce pas ton rôle de les pénétrer ? Ô toi, le plus talentueux des devins de l'empire romain » ironisa César.
Ceci ne sembla pas arranger les soucis de transpiration de Brademorpheus, qui à présent s'essuyait le visage d'un pan de sa toge, sous le regard de plus en plus suspicieux du maître de Rome.
« Brademorpheus… me cacherais-tu quelque chose, par hasard ? »
L'augure déglutit et répondit presque immédiatement d'une voix plusieurs octaves plus aiguë.
« Moi ? Pas du tout ! Je ne suis qu'un humble augure qui ne souhaite que ton bien, ô noble César !
— Prends garde, Brademorpheus... les dieux n'apprécient pas qu'on déforme leurs messages. Je sais que je détesterais qu'on déforme les miens. »
Brademorpheus déglutit une fois de plus, sembla prêt à ajouter quelque chose… et se ravisa. Puis ouvrit à nouveau la bouche… et la referma en secouant la tête. Pour enfin reprendre la parole et une position plus digne d'un oracle des dieux, l'air solennel et mystérieux :
« Ô César, ton destin est en marche et même toi, tu ne peux l'éviter. Souviens-toi de mes mots quand tu franchiras le Rubicon(*) !»
(*)une habitude qui se prend facilement quand on voyage entre la Gaule et l'Italie
Sur ces mots, l'augure se drapa dignement dans sa cape et tourna le dos à César, marchant résolument vers la sortie (et priant pour que personne ne lui demande de revenir pour s'expliquer).
« Brademorpheus ! » ordonna brusquement César.
L'augure se figea comme frappé par la foudre de Jupiter. César claqua des doigts et l'un de ses gardes s'avança d'un pas pesant vers Brademorpheus. Celui-ci n'osa se retourner, bras et jambes raidis dans le plus crispé des garde-à-vous.
Le garde se plaça face à lui et saisit soudainement le bras de Brademorpheus avant de porter la main à sa ceinture.
« Il n'oserait tout de même pas… ! » murmura un des conseillers, choqué mais incapable de bouger.
L'augure ferma les yeux et pria ses nombreux dieux de lui accorder leur clémence avec une mort sans souffrances.
Quelque chose fut placé sans ménagement dans sa main. Après un instant à attendre le coup fatal, l'augure osa enfin rouvrir les yeux sur une bourse de sesterces assez médiocre.
« César sait récompenser un service rendu. À sa juste valeur, bien entendu, ajouta César narquoisement quand l'augure se tourna vers lui d'un air outré pour protester sur la maigreur de la bourse. Recevoir comme conseil de chasser le lapin, ça ne vaut guère son pesant d'or… à moins que tu n'aies quelque chose d'autre à ajouter, Brademorpheus ?
—… Non, ô noble César.
—Hmpf. C'est bien ce que je pensais. Tu peux disposer, à présent » le congédia César d'un geste négligent de la main. L'augure le foudroya du regard un bref instant avant de s'esquiver devant le regard encore plus noir des gardes du corps près du trône.
Son départ fut salué par un long moment de silence alors que chacun digérait ce qu'il venait d'entendre.
« Alors… que vas-tu faire, ô César ? osa demander timidement un des conseillers.
—Je ne vais tout de même pas faire le déplacement jusqu'en Gaule juste pour une chasse, même si elle est conseillée par les dieux. On me reproche déjà bien assez de dilapider l'argent de Rome sans y ajouter ce genre de rumeurs.
—Au moins serais-tu libéré de cette prédiction... ?
—Les messages des dieux sont rarement aussi simples. Il doit y avoir plus derrière cette affaire… » réfléchit César, se frottant pensivement le menton.
Un des conseillers, qui n'avait que peu parlé jusque-là, prit enfin la parole d'un ton doucereux :
« Si je puis me permettre… Peut-être qu'il y a plus d'une signification à ce lapin…
—Parle, Gracchus Arédbus.
—Te rappelles-tu, ô César, de ce voleur qui, il y a quelques temps, s'est emparé de précieux biens du Trésor de Rome, dont entre autres…
—Les armes des chefs gaulois sauf celles de Vercingétorix qui sont restées en Gaule, oui, je sais, gronda César. Qu'en est-il ?
—Eh bien, j'espérais en parler lors du conseil aujourd'hui, mais il aurait été retrouvé et arrêté en Gaule, près de Nemossos. Peut-être est-ce lui, le lapin qui a fui jusqu'en Gaule et que tu traqueras malgré ses moqueries.
—Une intéressante théorie, mais tu l'as dit toi-même : il a déjà été emprisonné. Qu'irais-je faire en pays arverne dans ce cas ?
—Noble César, songe au symbole que représentent ces armes. Qui d'autre que le Conquérant des Gaules lui-même serait digne d'aller les reprendre ?
—Le peuple apprécierait le geste, intervient un autre conseiller, les peuples conquis seraient pacifiés par ta présence…
—Et le Sénat n'y trouverait rien à y redire, ces armes sont un trésor de Rome, il est nécessaire de les récupérer ! »
Malgré tous ces arguments, César gardait une grimace sceptique. En dépit de l'importance qu'il accordait aux rêves, un voyage en terre gauloise lui semblait plus une perte de temps qu'autre chose. Et les cachotteries de l'augure l'inquiétaient. Risquait-il de se jeter dans la gueule de la louve ? S'il n'avait pas déjà eu affaire à Brademorpheus qui l'avait conseillé à son avantage, il aurait redouté un complot.
Mais il était vrai que le vol des armes avait fait scandale, envenimé par ses nombreux adversaires politiques qui avaient trouvé moyen de lui reprocher (comme s'il n'avait pas assez à faire) les problèmes de sécurité, son soi-disant manque de réactivité, les graines de révolte encore présentes ici et là…
Et cet incident avait fait des émules qui ne manqueraient pas de se multiplier si la rumeur s'était répandue en pays arverne. Rien de très grave à l'échelle de l'Empire, mais on ne pouvait pas laisser croire aux peuples conquis et encore moins aux Gaulois qu'ils avaient encore une chance de résister à Rome. Il avait assez à faire avec un petit village d'irréductibles.
Il devait prendre le risque. Pour le bien de Rome.
Arédbus insista :
«Ô César, ingénieux comme tu l'es, tu sauras mettre à profit ce voyage, n'est-ce pas ? La situation politique est relativement calme en ce moment en plus, le Sénat saura gérer les intérêts de l'Empire…
—Si je ne te connaissais pas mieux, je penserais que tu cherches à m'éloigner de Rome à tout prix, Arédbus. »
Arédbus s'étrangla un peu et protesta vivement que ce n'était nullement son intention, qu'il n'avait en tête que le bien-être de César et de Rome et qu'il avait juste mal formulé son inquiétude. César le laissa s'enfoncer pendant quelques instants avant de l'interrompre d'un geste impérieux de la main.
« Il est vrai que les évènements semblent s'accorder pour que je me rende en Gaule… Qu'on envoie des messages aux tribuns de la région pour annoncer ma venue. Pendant mon voyage, je règlerai certaines affaires… »
Le conseil de César poursuivit ses délibérations sans savoir qu'à l'extérieur du palais, descendant les grandes marches devant l'entrée, Brademorpheus marmonnait pour lui-même tout en comptant les sesterces de son payement :
«J'ai prédit bien des choses pour César, parfois même des choses inattendues, j'ai même prédit la guerre des Gaules, mais cette histoire-là, j'l'ai pas vue venir ! Enfin bon… c'est mieux que César ne sache pas tous les détails. Il ne faut pas être devin pour savoir où je finirais si j'expliquais le fin mot de cette histoire… »
Il soupira devant son ridicule salaire.
« Si j'avais pu deviner, je serais resté au lit. »
Mais au même instant, à l'autre bout de l'Empire, dans un certain village d'irréductibles Gaulois plus exactement, un petit guerrier se réveilla brusquement, le cœur encore battant de son rêve.
AN: Fun fact /"Ta Gueule C'est Astérix": les augures étaient dans l'interprétation du vol des oiseaux, de l'appétit des poulets sacrés ou de la lecture des entrailles, pas vraiment des rêves. Mais bon, Goscinny et Uderzo ont pris beaucoup de libertés, je ne vois pas pourquoi je ne le ferai pas aussi.
