France, 1557. Mary, Reine d'Écosse vit, pour sa sécurité, cachée dans un couvent depuis l'âge de 9 ans. Fiancée depuis l'enfance au futur Roi de France, elle attend son retour à la cour royale française.

Sa demi-sœur Ana, fille illégitime de Jacques V, feu Roi d'Écosse, sert à ses côtés depuis son enfance. De six ans son aînée, elle n'a de cesse de la protéger et de faire passer les intérêts de sa sœur et de son pays en priorité.


L'agitation avait envahi le petit couvent où la jeune écossaise, parée d'une robe somptueuse, se préparait désormais à partir. Un accident tragique avait révélé que sa position n'était plus secrète et que sa sécurité était menacée. Mary, soucieuse, salua les femmes qui avaient pris tant soin d'elle, tandis que sa sœur préparait la selle de son cheval.

« Pourquoi partez-vous seule, lady Ana ? Ne devriez-vous pas accompagner votre sœur, pour sa sécurité et la vôtre ? - demanda une des nonnes.

- Merci de votre intérêt, ma sœur. Je dois partir de mon côté pour arriver avant son Altesse à la cour. Sur la demande de sa mère, Marie de Guise, je dois expliquer au Roi les circonstances de notre venue ainsi que les exigences de l'Écosse.

- Dans ce cas, je vous souhaite tout le courage nécessaire ainsi que le bonheur que vous méritez pour le reste de votre vie. Que Dieu soit avec vous. »

Ana esquissa un sourire léger et chaleureux et se dirigea vers sa sœur pour l'encourager à son tour à manifester le courage qu'elle lui avait enseigné. Elle savait Mary anxieuse à propos de ce changement radical de vie et malgré l'attention et la préparation qu'elle lui avait prodiguées ces dernières années, elle comprenait son sentiment. Elle-même partageait son angoisse.

« Sois prudente, ma chère sœur. - dit la cadette, serrant Ana dans ses bras.

- Nous nous reverrons dans quelques heures. Ne t'inquiètes pas, tout se passera bien. Je serai là pour t'accueillir, quand tu arriveras. »

Sur ses simples mots, elle s'élança au galop sur le chemin qu'elle avait déjà parcouru quelques années plus tôt, avec pour direction, la Cour de France. Des réminiscences de son précédent voyage l'envahissaient à mesure que la route défilait autour d'elle.

L'air frais glissait sur les joues de la cavalière, lancée à pleine allure, impatiente de rejoindre sa destination. Elle avait laissé derrière elle, pour la toute première fois, sa petite sœur de 12 ans et la séparation était difficile à supporter. Marie de Guise avait réclamé la présence d'Ana à la Cour de France - elle-même non désireuse de s'y rendre - afin de régler quelques détails à propos de l'alliance entre les deux pays. La jeune femme de 18 ans s'était alors immédiatement rendue au château du Roi Henri II, dans la plus grande discrétion. La jeune reine Mary ne devait en aucun cas être repérée pour sa survie et tout voyage qu'Ana entreprenait était un risque qu'elle soit découverte.

Les cheveux en bataille et les joues rougies par le froid, Ana se présenta devant les souverains français, guère rassurée de les retrouver trois ans après son départ pour le couvent.

« Que Ses Majestés pardonnent mon allure, je voulais me présenter devant vous avec le plus grand empressement. - dit-elle, saluant humblement.

- Bienvenue à la Cour, Ana. C'est un plaisir de vous revoir après ces années. - répondit la Reine, Catherine de Médicis, un sourire faux aux lèvres.

- Une servante va vous escorter jusqu'à vos appartements que vous puissiez vous préparer pour le festin de ce soir. Nous entamerons nos négociations demain, si vous le voulez bien. - conclut le Roi Henri, observant l'allure débraillée de la jeune femme d'un œil amusé.

- Bien sûr, votre Majesté. »

Ana s'inclina une fois de plus et suivit la jeune servante qui lui indiqua un long couloir lumineux. Elle jeta plusieurs coups d'œil à l'extérieur du château, par les fenêtres du corridor et la forêt au loin suscita un désir d'évasion qu'elle contrôlait difficilement.

Elle aimait la solitude des bois et il semblait que ce fût le seul endroit où elle se sentait elle-même, libre. Pourtant, elle aimait sa vie, sa condition. Bien qu'enfant illégitime, elle avait été extrêmement favorisée par son père qui lui avait légué entre autres choses, un tuteur qui la forma sur toutes les questions politiques pour qu'elle-même puisse enseigner sa sœur, future reine d'Écosse. La protection et l'éducation de Mary étaient ses priorités et donnaient sens à sa vie. Si bien qu'elle n'avait elle-même pas besoin de vivre. C'était une existence par procuration, elle le savait et bien que certains trouvaient cette idée pathétique, l'esprit d'abnégation d'Ana la poussait à l'accepter sans rechigner et avec une certaine satisfaction. Une simple promenade dans la forêt suffisait à son bonheur. Peut-être irait-elle l'explorer plus tard se dit-elle.

L'arrivée d'Ana à la Cour fut cette fois-ci moins débraillée. Elle prit la peine de recoiffer ses cheveux en un chignon rapide et de nettoyer son visage à l'écurie où elle laissa son cheval épuisé. Elle-même se sentait fatiguée mais sa rencontre avec le Roi Henri et la Reine Catherine ne pouvait, une fois de plus, pas attendre.

Elle fut introduite dans un salon où le mariage de leur fille Elizabeth était préparé. La future mariée tournoyait dans sa robe éclatante, tandis que le tailleur prenait les mesures du Roi, écoutant les doléances de son épouse et de son fils François. Ana écoutait attentivement la façon dont ils parlaient tous trois de sa sœur, de son mariage avec le jeune dauphin et il lui sembla que ce dernier n'était guère intéressé ou peut-être simplement contrarié qu'on lui ait choisi sa future épouse dans un but politique. En revanche, elle admira son aspect qui avait changé depuis sa dernière visite et elle le trouva fort agréable.

Elle s'avança lentement et s'inclina respectueusement avant de commencer à parler sans introduction :

« Veuillez pardonner mon intrusion, mais comme vous le savez, des affaires urgentes nous attendent, Votre Majesté.

- Eh bien quelle entrée ! J'espère que votre voyage ne fut pas trop long, Lady Ana. - demanda la Reine, sans intérêt aucun.

- Il le fut, mais vous comprenez l'importance de ma présence. Ma Reine arrivera dans quelques temps et nous devons encore régler quelques affaires.

- Votre caractère ne s'est guère affiné à ce que je vois, ma Lady. J'imagine que les négociations seront plus intéressantes cette fois-ci. Vous vous rappelez de mon fils François, le futur Roi de France et époux de votre sœur. François, voici Lady Ana que nous avons reçu à la Cour il y a quelques années, bien que je doute que vous vous en rappeliez. - dit le Roi, avec une touche de mépris à peine dissimulée.

- Mais oui, je me rappelle. Lady Ana, c'est un plaisir de vous revoir. » - contredit le jeune prince, avec un sourire entendu.

Ana se détendit alors devant ce soupçon de sincérité et de gentillesse et suivit le Roi dans un endroit plus approprié à la discussion de termes politiques. La Salle du Trône l'impressionnait toujours d'autant que les dernières négociations qu'elle avait dû mener ne s'étaient guère révélées concluantes. Mais elle avait passé les trois années suivantes à se préparer et son dur travail allait aujourd'hui porter ses fruits. Il le fallait. Aucun roi ne l'écraserait plus jamais comme Henri avait pu le faire.

« Bien, j'imagine que votre priorité est d'assurer l'alliance entre nos deux pays. C'est pour cela que vous ramenez votre sœur avec vous aujourd'hui. Pour que le mariage avec la France soit scellé. - commença le Roi Henri.

- A vrai dire, ma Reine a fui le couvent où vous l'avez envoyée, car sa localisation a été découverte. Elle est en grave danger. Les Anglais sont sur ses traces et je demande qu'elle soit placée sous la protection de votre pays, que je sais puissant et efficace. - souligna avec force et habileté la négociatrice.

- Vous savez flatter un Souverain, ma chère. La sécurité de votre Reine sera garantie du mieux possible dans ce château, je vous en donne ma parole. Les Anglais suscitent d'ores et déjà une méfiance extrême chez les Français. Nous ne les laisserons en aucun cas s'attaquer à notre amie qu'est l'Écosse.

- Je vous en suis reconnaissante, Votre Majesté. En tant que représentante de cette « amie », je me permet donc d'aborder le sujet de notre alliance. Avez-vous décidé d'une date pour le mariage ?

- Je vois. Le sujet est donc d'une importance capitale à vos yeux. Je n'en attendais pas moins d'une femme.

- Mon rôle ici, Votre Majesté, n'est pas celui d'une femme mais d'une ambassadrice. Marie de Guise m'a autorisée à conduire ces négociations de sorte que nos deux pays soient finalement unis. Il est temps d'honorer le contrat. Marie et François sont tous deux en âge de se marier et ils devraient l'être. »

Ana dégageait une aisance et une assurance qui surprirent le Roi. Ce n'était plus l'adolescente qu'on avait jeté dans la fosse aux lions quelques années plus tôt. Elle était désormais capable de mener une vive discussion politique avec conviction et éloquence. Il admira sa ferveur et la maturité qu'elle avait acquise. Cela suscita en lui de la compassion. Pourtant, sa position était ferme et il devait lui aussi l'exprimer avec la fermeté d'un Roi.

« Le mariage aura lieu lorsque je l'aurai décidé ! Si Marie de Guise ne sait s'en contenter, elle n'a qu'à venir ici elle-même. Je comprends votre rôle ici, mon enfant, ainsi votre position délicate mais il en est ainsi. Sachez tout de même que la Reine Mary, ses suivantes et vous-même, êtes les bienvenues à notre Cour. Je vous souhaite de vous y adapter le plus rapidement possible. Et je vous assure personnellement que votre sécurité me tient particulièrement à cœur. »

Ainsi se conclut l'entretien dans la Salle du Trône. Ana n'en était guère satisfaite. Sa conviction, sa fermeté n'étaient rien face à la puissance d'un Roi et bien qu'elle avait pu démontrer là qu'elle n'était plus un pion, ces négociations n'avaient mené qu'à peu de choses. Les jeunes écossaises qui s'apprêtaient à s'installer à la Cour de France seraient protégées et favorisées. Mais en lisant entre les lignes, Ana comprit que le Roi ne garantirait l'alliance entre son pays et le sien que lorsqu'il y verrait un avantage personnel. Mary serait obligé d'attendre dans l'incertitude d'avoir un avenir stable et un époux aimant.

Elle fut conduite dans ses appartement où elle put se délasser de son voyage. Elle fut surprise d'y découvrir un assortiment de nouvelles robes préparées à son attention. Elle ne possédait que peu de choses au couvent et il semblait que les apparences étaient fort importantes à la Cour. Elle revêtit donc une de ces nouvelles tenues, la plus sobre, et passa quelques instants à s'observer dans le miroir de sa coiffeuse, se reconnaissant à peine. Elle insista auprès de la servante pour laisser ses cheveux lâchés et son visage à peine maquillé.

Perdue dans ses pensées, elle finit par entendre le signal d'une arrivée royale et elle traversa les couloirs avec hâte pour rejoindre l'entrée du château. Sa joie était mêlée à une angoisse certaine. Une nouvelle vie commençait, pleine de défis. Mais avec un peu de chance et beaucoup d'efforts, sa chère sœur Mary serait une Reine heureuse. Peut-être, elle-même y trouverait son propre bonheur.

Son idée fut immédiatement confortée lorsqu'elle arriva en haut de l'escalier principal et qu'elle l'aperçut. Toute la Cour descendait rapidement les marches pour accueillir avec curiosité la Reine d'Écosse. Seul lui, était appuyé nonchalamment sur le rebord de l'escalier, observant l'extérieur avec un sourire insouciant.

Ana arrêta sa course en le voyant et sentit une chaleur et un réconfort immenses l'envahir. Il était encore plus beau que dans ses souvenirs, et même plus fort, plus adulte. Le fils illégitime du Roi, Sebastian, tourna enfin la tête dans sa direction et son regard d'un bleu acier se posa alors sur elle. L'espace de quelques secondes, il réalisa qu'elle était finalement devant lui et son sourire insolent s'élargit. L'agitation autour d'eux était comme inexistante jusqu'à ce que François interrompe leur contemplation, offrant son bras à la jeune femme.

« Venez ma Lady ! Allons accueillir votre Reine ! » - dit-il, l'air enjoué.

- Ils descendirent l'escalier avec impatience, bientôt suivi par Sebastian, qui ne pouvait détacher le regard de son amie très chère, revenue à la Cour.

François décida de passer par les jardins pour rejoindre immédiatement les voitures déjà parquées à l'entrée de l'allée. Ana aperçut au loin les suivantes de Mary qu'elle reconnut vaguement. Elles s'étaient quittées alors enfants et aujourd'hui, elles étaient toutes de belles jeunes femmes. Lola, Greer, Aylee et Kenna étaient alignées, commentant l'aspect de la Cour réunie face à elles.

Et Mary arriva finalement, attirant tous les regards. Greer la recoiffa rapidement et elles s'alignèrent de nouveau pour observer la présence du Roi et de sa maîtresse, Diane de Poitiers, l'arrivée de son fils Sebastian et finalement de la Reine Catherine. François et Ana arrivèrent sur le côté et surprirent toutes les jeunes écossaises réunies. La sœur aînée resta en retrait, laissant les deux fiancés se retrouver.

Ainsi commença la première journée des sœurs Stuart à la Cour de France.


Bonjour tout le monde! Voici ma première histoire sur Reign. J'attends vos réactions. N'hésitez pas à commenter! Merci ! A.