Bon, nouvelle fic de FF7, et pour une fois, ce n'est pas un one-shot!
En fait je l'ai écrite il y a déjà pas mal de temps, et c'est seulement maintenant que je trouve le temps de la transcrire... mais elle n'est pas finie et j'ai bien l'intention de la conclure, vu que je l'ai retrouvée!
Il y a ici une de mes grandes théories ff7-iennes, que je développe plus en profondeur dans les prochains chapitres. L'action se déroule quelques mois après Advent Children, voilà. Bonne lecture.
Pour ceux qui ne connaissent pas assez bien le japonais, le titre signifie "Notre mère".
Chapitre 1 : La maison qui imitait celle de son enfance
Le voyage s'était déroulé comme un rêve : à peine passé et déjà oublié, retournant dans des zones nébuleuses de l'imagination. La vitesse qu'il atteignait, alors qu'il chevauchait sa moto, emportait tout. Il regarda le village de ses yeux brillants d'une lueur de Mako, constatant, à nouveau, que rien n'avait changé, et que tout en ce lieu était toujours aussi artificiel, aussi irréel. Et ses souvenirs, qui lui étaient revenus mais qui semblaient s'être coagulés à côté de sa véritable mémoire, lui apparaissaient plus réels que le décor qui l'entourait. La chaleur brûlante des flammes mortes depuis longtemps étaient plus forte que le vent frais des montages qui lui soufflait au visage.
Cloud mit un pied à terre, puis il s'avança dans le village, le village de son enfance, cette imitation de Nibelheim. Il entra dans la maison qui remplaçait celle de sa mère ; il savait que depuis les deux dernières années, elle avait été abandonnée. La poussière s'accumulait sur toutes choses, le processus du temps et de la dégradation, de l'autodestruction lente de la matière faisait son œuvre. Un nuage grisâtre s'envola autour de lui alors qu'il se laissait tomber sur le matelas qui imitait celui qui avait été le sien, sur ce lit qui imitait le sien. Il toussa. Puis la poussière retomba, lentement, après avoir été filtrée par les rayons du soleil couchant. Et Cloud ferma les yeux, soudain pris par une torpeur, une vague de sommeil et de rêves. D'illusions.
Il était dans une maison qui imitait celle de son enfance, dans un village qui imitait le Nibelheim de son enfance, et il sentit comme une sorte de double, l'enfant qu'il était se détacher enfin de lui. C'était cet enfant en lui qui l'avait fait venir en ces lieux, qui lui avait donné cette crise de mélancolie, qui l'avait fait fuir Tifa et ceux qui l'aimaient. Ce n'était pas la première fois que Cloud ressentait le besoin, besoin viscéral, de revenir en ces lieux. Tout le monde peut bien avoir le mal du pays. Et comme à chaque fois, il reviendrait vers eux, vers sa famille, après avoir apaisé ses fantômes agonisants.
Sa mère était morte en ces lieux, et plus rien ne restait d'elle, pas même une tombe, pas même un nom. Tout avait brûlé, de ces flammes qui enrobaient encore le cœur de Cloud. Les traits de son visage étaient flous ; Cloud avait oublié bien des choses.
-Mère…
Sa façon de lui passer une main dans les cheveux pour les ébouriffer. Sa cuisine, comment elle pouvait lui faire sa nourriture préférée juste pour lui aire plaisir. Ses plaintes presque enfantines, lorsqu'elle mettait le linge à sécher, parce qu'elle trouvait cela si ennuyeux. Son sourire, toujours un peu triste. Sa main dans la sienne alors qu'elle l'accompagnait à l'école, avant d'aller travailler de son côté.
Il savait qu'elle travaillait très dur, à cette époque. Il ne savait pas ce qu'elle faisait, alors. Il regardait dehors, par la fenêtre de sa classe, et il voyait la neige scintiller au sommet des montagnes grises, les ombres des rochers tranchants, les maigres pâturages où broutaient quelques troupeaux de moutons et de chocobos… Mais il ne la voyait pas. Il ne la voyait jamais. Parce qu'elle faisait tout pour tenter de les faire vivre, parce qu'elle était seule avec un enfant à nourrir. Une histoire classique mais toujours un peu tragique.
Cloud se tourna sur le côté, dans ce lit qui imitait son ancien lit. L'enfant en lui se gorgeait de sa mère. Sa mère qui avait pleuré lorsqu'il lui avait dit qu'il allait à Midgar. Qu'il deviendrait SOLDIER. Un grand SOLDIER comme Sephiroth. Un SOLDIER de la Shin-Ra. Elle n'avait cessé de pleurer, et son départ ressemblait à une pluie de larmes. Son fils qui la quittait, la chair de sa chair, la marque de son sang. Il partait pour se battre, pour mourir. Pour la Shin-Ra. Et elle pleurait sans arrêt parce qu'elle était seule et que la Shin-Ra lui avait tout pris. Il était parti, sans comprendre ce qu'elle voulait dire. Il avait fait sa promesse à Tifa, et il avait rejoint son destin.
Et maintenant, presque dix ans plus tard, il se retrouvait dans cette fausse maison de son enfance, avec sa mémoire circulant à nouveau dans son sang, dans ce lit de poussière grise, allongé, ensommeillé. Il ferma lentement les paupières. Sa pensée erra à nouveau dans son souvenir, et ses souvenirs se transformèrent en rêve.
OoOoO
Des bruits de pas le ramenèrent à la réalité. Son rêve s'estompa, retomba dans les nimbes de son oubli. Pourtant, malgré sa surprise, Cloud ne bougea pas. De toute façon, en ce lieu, tout était faux.
Il se demandait qui aurait bien pu venir ici. Ses amis, venus le rejoindre – le déranger ? Un villageois ? Les gardes, venus chasser une personne qui, au fond, venait squatter une maison abandonnée, causait un bris de propriété ? Ou bien… Ces bruits de pas, lents, irréguliers, un claquement étrange, le froissement du tissu…
Cloud se déplaça rapidement, quittant le matelas pour se cacher sous le lit, avant que l'Autre ne puisse le voir. Et avant qu'il puisse voir l'Autre. Il ignorait pourquoi il agissait ainsi, puisqu'il n'y avait rien de bien grave à ce qu'on puisse le voir ou non. Mais il avait garé sa moto à l'arrière. C'était comme s'il n'était pas là. Alors il feignait de ne pas y être.
Il retint un sursaut lorsque la personne s'approcha du lit. Il entendit un murmure : « Tiens, quelqu'un est passé il n'y a pas longtemps. » Évidemment, Cloud n'avait pu effacer ses traces, son passage, sa présence, son existence. « Le lit est encore chaud… » Le matelas craqua, s'affaissa légèrement ; l'homme venait de s'y allonger. Cloud retint sa respiration pendant un instant, puis il se remit à respirer, silencieusement. Il écoutait la respiration de l'Autre, le frottement de ses vêtements contre les draps. Il attendit longtemps avant de sortir de sous le lit, le plus silencieusement possible, il attendit que l'autre dorme, longtemps, longtemps.
Cloud se glissa sur le plancher, rampant dans la poussière, sur la pierre, puis il se releva lentement et s'épousseta légèrement. Enfin, son regard se porta sur l'homme étendu dans le lit qui imitait celui qui avait été le sien. La blancheur immaculée de ses vêtements, souillée par la poussière ambiante, ombre grise qui enveloppait tout en ce lieu, le surprirent. Jamais Cloud n'aurait pu croire que Rufus Shin-Ra pouvait arborer une expression aussi paisible même durant son sommeil. En cet instant, le Président de la Shin-Ra ressemblait à l'enfant qu'il avait pu être, celui qu'on ne pouvait s'imaginer lorsqu'on le voyait éveillé ; autoritaire, froid, sec, violent. Présidentiel.
Troublé par cette vision, Cloud quitta rapidement la maison, en faisant attention pour marcher dans les traces qu'il avait déjà faites. Il fallait faire attention, très attention, pour ne pas éveiller Rufus Shin-Ra. Ses nerfs étaient à vif, son sang battait dans ses veines, dans ses artères, dans son cœur en état d'alerte. Il finit par ouvrir la porte arrière, lentement, et par sortir, tout doucement. Enfin, enfin.
Sa moto enfourchée, le moteur en marche, Cloud quitta Nibelheim à toute vitesse, suivant la route de la vallée entre les montagnes. Lorsque le village eut disparu derrière lui, lorsqu'il n'y eut qu'un grand nuage de poussière et de terre, il s'arrêta enfin. Il ne comprenait toujours pas, comme si la simple vision de Rufus Shin-Ra lui avait jeté un sort de confusion.
Cloud soupira, puis il redémarra enfin. Il se dit que Rufus avait l'air bien portant, en bonne santé. Malgré tout, il avait remarqué la canne qu'il tenait dans sa main. Apparemment, même s'il y avait déjà quelques mois qu'il avait été guéri de son géostigma, celui-ci l'avait considérablement affaibli, à un point où il ne s'en remettrait probablement jamais totalement. Cloud l'avait entendu à la télévision, l'avait vu dans les journaux, mais il croyait que Rufus Shin-Ra ne pouvait que jouer la comédie. Apparemment, il était tout de même capable de dire la vérité de temps en temps. Sinon comment, autrement qu'à cause de la fatigue, Rufus Shin-Ra aurait-il pu s'endormir aussi paisiblement en un endroit qui lui était totalement inconnu ?
Et il ne lui vint même pas à l'idée, pas un instant, que l'endroit pouvait lui être connu.
Il retourna donc à Edge, au 7th Heaven, il retrouva l'orphelinat, Tifa, sa vie normale de livreur et d'homme à tout faire. Et il décida, un peu inconsciemment, d'oublier la vision de Rufus Shin-Ra endormi dans le lit poussiéreux qui imitait celui de son enfance.
