Pourquoi Pas 10 : Bad Romance

Pour vous mettre dans l'ambiance, je vous invite à écouter la chanson Bad Romance de Lady Gaga ;)

Je ne veux pas être votre amie.

Aramis fondait dans les bras d'Athos alors que l'homme la dénudait en embrassant son cou et ses épaules avec une passion fiévreuse. Malgré ces chaudes mains parcourant son corps avec frénésie, et les soupirs de volupté qu'elle poussait sous ses caresses habiles, elle souffrait intérieurement d'un étrange mal. Qu'importe si lui fallait s'avilir et d'abord donner son corps de la plus vile manière, elle finirait par l'avoir. Elle voulait plus que l'amitié d'Athos, elle voulait toutes ses pensées et tout son cœur.

Je veux votre amour.

Mais pour Athos, elle n'était qu'une femme. Elle était Aramis quand elle s'habillait en mousquetaire : il la respectait, lui souriait, et avait pour elle toutes les délicatesses du gentilhomme qui se cachait en lui. Mais au lit, elle n'était qu'une autre de ces femelles anonymes qu'Athos prenait puis rejetait à sa guise.

Brûlante de désir pour lui, elle n'avait pas hésité à tout tenter pour le séduire. Les plus belles robes y avaient passé ; les parfums enivrants, les filtres d'amour des charlatans et les messes noires des sorcières aussi. Elle était même allée dans les tripots pour voir comment les filles s'y prenaient pour séduire les clients… Elle s'était abaissée afin de satisfaire ses désirs les plus pervers, même si cela allait contre sa propre morale.

Qu'importe si ça me rend folle ou sale…je vous veux !

Pourtant, malgré tous ses efforts pour lui plaire, il l'avait battue un soir, alors que, trop insistante, elle était entrée chez lui, l'avait poussé sur un fauteuil, s'était assise sur son bassin, et, lui faisant face, l'avait goulûment embrassé. Il l'avait durement repoussée et l'avait jetée sur le sol avant de lui asséner quelques coups de pieds dans les côtes et une violente gifle au visage. Elle s'en était tirée avec quelques ecchymoses et la lèvre fendue, mais c'est avec un sourire déterminé et presque fou qu'elle lui avait dit qu'elle reviendrait.

Je préfère encore que vous me frappiez que de me faire ignorer !

Et le lendemain matin, aux quartiers des mousquetaires, il lui avait demandé, tout en lui caressant doucement la joue du revers de la main, pourquoi une petite coupure rouge ornait sa bouche…parfois Aramis se demandait s'il ne souffrait pas d'amnésie passagère ou de dédoublement de personnalité tellement la dichotomie entre les personnages qu'arboraient Athos était grande. ..

..Mais elle savait pertinemment qu'il n'en était rien : Athos aimait manipuler ses concubines à sa guise. Il feignait l'ignorance ou l'indifférence, selon son humeur. Parfois il était doux, parfois il ne l'était pas. Parfois il l'arrosait de regards et de mots strictement amicaux, s'amusant à la voir se tortiller d'impatience, sachant trop bien qu'elle était toute ouïe, attendant en vain le moment où il allait lui dire les mots qu'elle désirait tant entendre. A d'autres moments, il la prenait comme une catin, la déshabillant en arrachant presque sa robe, pinçant ses seins et lui faisant l'amour durement, espérant l'entendre supplier d'arrêter sa torture. Mais Aramis encaissait coups après rebuffades sans broncher.

Prenez-moi comme vous le voulez…vous savez bien que je n'abandonnerai pas.

Elle ne doutait pas qu'il se vengeait sur elle. Pour n'avoir pu humer qu'un parfum amer de la première femme qu'il avait désiré, il vomissait maintenant tout ce qu'il avait de plus mauvais en lui sur celles qui le courtisaient. Qu'Aramis soit son partenaire d'armes importait peu : elle serait manipulée, battue, rabaissée et forcée de commettre les pires humiliations, autant que les autres.

Allez, vengez-vous…je la veux aussi, votre revanche !

Mais comme il était grisant de plonger ses yeux dans ceux d'Athos, de sentir sa main la toucher, ses lèvres l'embrasser, respirer son odeur et entendre ses gémissements, même si tout était rempli de poison. Car pour chaque soir où elle se donnait à lui, il y avait un matin où elle se réveillait seule en hurlant sa démence.

Mais ce soir, il avait semblé à Aramis qu'une brèche s'était ouverte. Peut-être était-ce dû au vin qu'ils avaient bu ensemble, mais Athos semblait beaucoup plus suave qu'à son habitude, sa conversation était agréable, ses gestes, maniérés, et il n'y avait aucune lueur malicieuse dans son regard. Elle n'avait pas eu besoin de battre des cils, ni de délacer sa chemise pour l'inviter: D'une main, il avait poussé de côté la table qui les séparait. D'un mouvement rapide, il avait approché son visage du sien. Mais, sans l'embrasser, il restait là, penché au-dessus d'elle, à apprécier le souffle de la jeune femme couler sur sa bouche. Il savait qu'Aramis n'attendait que l'ultime signal pour plaquer ses lèvres contre les siennes. Elle était à lui. Entièrement. Seuls, dans l'hôtel déserté du capitaine de Tréville, il pourrait la prendre et….

D'un mouvement brusque et rapide, empoignant son bras, il la tira vers lui, la forçant à quitter la chaise sur laquelle elle était assise. D'un geste tout aussi vif, il la plaqua contre le mur et l'embrassa avec une ferveur non retenue.

« Pourquoi vous obstinez-vous à tenter de me séduire ? » avait-il demandé entre deux baisers alors qu'il dégrafait le pourpoint de son amie avec fureur.

« Je vous veux…je vous désire…ça ne se voit pas ? »avait-elle répondu avec une pointe de colère. Son souffle s'était soudainement accéléré sous ses caresses impromptues. Tous ses sens s'étaient enflammés, chacune des cellules de son corps exultaient leur joie d'être ainsi stimulées. Mais Athos, de son côté, ne sembla pas satisfait de cette réponse, surtout lorsqu'il eut remarqué les courbes de sa poitrine sous les bandages serrées. C'est donc avec violence qu'il l'avait fait pivoter avant de l'écraser, face la première contre le mur.

« Je déteste les femmes, ÇA, ça ne se voit pas ? » siffla-t-il avec ironie entre ses dents serrées. Il avait empoigné sa longue chevelure blonde et avait tiré dessus pour maintenir la tête d'Aramis penchée vers l'arrière alors que, de son autre main, il gardait fermement un des bras de la jeune femme dans son dos. « Vous ne comprenez pas ce principe : je ne vous aimerai jamais…jamais ! »

Choquée de ce soudain revirement de situation, mais le cœur en miettes par ce dédain envers elle, Aramis s'infligea une atroce douleur au cou simplement en tournant la tête de quelques degrés, afin de lui faire face. « Si vous n'aimez pas les femmes… vous n'avez qu'à me traiter comme un homme…vous l'avez bien fait, durant toutes ces années ! »

Athos s'arrêta et, tout en la regardant, paru réfléchir à cette proposition pendant quelques secondes. Puis, sans mot dire, il l'arracha du mur et la poussa contre la table, la contraignant à se pencher au-dessus de celle-ci. Il eut un petit rire malsain. « Comme un homme, hein ? »

Le ton de sa voix était dangereux, songea Aramis en se disant qu'elle aurait dû mesurer tout le sens de ses paroles avant de les prononcer. La peur et la panique l'envahit quand, dans son dos, elle entendit Athos détacher son pantalon. Une main brusque se glissa ensuite sur son ventre alors que, figée par l'incertitude, elle sentit le froid caresser l'arrière de ses cuisses après que son pantalon eut glissé le long de ses jambes.

Ses yeux s'écarquillèrent instantanément alors que, de sa bouche tout aussi grande ouverte ne sortit d'un son étranglé…mais combien aurait-elle voulu hurler ! La douleur ! L'invasion ! Une intrusion aussi brutale qu'elle n'était pas naturelle ! Une douleur blanche qui ressemblait à un coup de poignard bien aiguisé…Non ! S'agenouiller devant lui et le laisser exploser sa jouissance dans sa bouche et sur son visage, ça passait…mais Sodome et Gomorrhe ? Nenni!

Elle respirait bruyamment, de petites plaintes incontrôlables s'échappant de ses lèvres. Sa main droite alla s'agripper fermement à l'un des côtés de la table sur laquelle Athos la maintenait toujours prostrée. L'homme s'introduisait lentement en elle, et Aramis savait bien qu'il était loin de l'avoir complètement pénétrée. Elle n'aimait pas ça…pas du tout…c'était dégoutant. Et ça faisait bien trop mal ! Elle laissa échapper un cri, sanglot étouffé, alors que, d'un mouvement sec, il engouffra le reste de son membre en elle. Une unique larme glissa sur sa joue.

Un rictus victorieux mais pervers passa sur le visage d'Athos alors qu'il admirait, devant lui, le corps de la femme tremblant de souffrance et d'aversion. Pourtant, avec son pourpoint bleu et ses cheveux attachés à la garçonne, ce qu'il voyait n'avait rien de bien féminin. C'était Aramis…Aramis qui avait essayé de se relever mais qui s'était mollement laissé retomber en pleurant de plus belle. C'était Aramis à qui il infligeait cette honte et cette douleur…

Il déglutit et son sourire s'effaça. Ce n'était pas à Aramis qu'il voulait faire du mal, mais à la femme cachée sous la casaque ; La trop insistante, la trop aguichante, la trop belle ! Encore blessé d'une aventure vieille de dix ans, il voyait en la gent féminine qu'une horde de traitresses. Mais qu'en était-il de l'ensorceleuse Aramis ? Oui, car il devait l'admettre : elle avait sur lui une emprise certaine, et il devait constamment se faire violence afin de ne pas être esclave de cette paire d'yeux de saphir… Plus jamais ! s'était-il répété ce soir-là en la frappant. Plus tard pourtant, c'est lui-même qu'il battait pour avoir osé ce geste indigne du gentilhomme qu'il était…

Pardonnez-moi, Aramis…Refusant de se départir de son orgueil, il n'osa pas prononcer ces mots à haute voix, ni, à ce moment, manifester de la douceur à l'endroit de la jeune femme. Une part de lui refusait de lui faire mal davantage, tandis que l'autre, beaucoup plus charnelle, lui criait de poursuivre et d'en finir…Tout en la gardant penchée sur la table, dans cette position un peu bestiale, il pourrait…d'une autre façon….

Lentement, il se détacha d'elle.

Se retirait-il pour mieux s'introduire en elle de nouveau ? Secouant la tête pour signifier son refus de poursuivre cet exercice aussi dégradant que pénible, Aramis articula un faible « Non…je vous en prie… » entrecoupé de sanglots. Lorsqu'il fut complètement hors d'elle, elle n'osa exprimer son soulagement : après tout, qu'est-ce que pourrait bien lui réserver Athos dans sa fureur?

Encore plus brusquement que la première fois, Athos replongea en elle. Elle en eut le souffle coupé, mais cette fois ce fut la surprise et non la souffrance qui la tint sans voix. En mouvements rapides et successifs, il la pénétra encore et encore…mais cette fois, c'était beaucoup mieux! Aramis remercia le Ciel de l'avoir faite femme, et dotée d'un orifice strictement féminin, celui-là étant spécialement conçu pour ce genre de rapprochement ! Un craquement dans son cou la tira de ses pensées : Athos avait sauvagement empoigné sa chevelure et l'avait forcée à se relever. Bientôt, il avait glissé sa main devant elle et caressait son sexe avec une douceur relative, comparée aux autres fois…

Y avait-il plus beau spectacle que de voir Aramis, la bouche entrouverte, les yeux fermés et les joues encore mouillées de larmes, se mouvoir de bas en haut le long de son torse, faisait glisser son membre à l'intérieur d'elle ?…Aramis qui, dans ses bras, sa tête blonde appuyée sur son épaule, jouissait, qui gémissait de plaisir, qui soupirait langoureusement, qui, les bras au-dessus de sa tête, glissait ses doigts dans ses longs cheveux noirs, qui exposait toute la blancheur et la tiédeur de son cou et de ses épaules à ses baisers incessants….

Athos n'avait aucun goût pour le corps d'un autre homme. Mais ce qu'il y avait de plus intéressant avec le paradoxe qu'était Aramis, c'était qu'il pouvait apprécier, en une seule personne, à la fois l'homme et la femme. Le pourpoint dissimulait ce trop-plein de courbes qu'il n'arrivait plus à apprécier. Les bottes étouffaient le bruyant martèlement des fins escarpins contre le plancher. Les gants cachaient les longs doigts effilés. Il détestait les parfums étourdissants, les excès de dentelles, le rouge sur les lèvres, les bijoux aveuglants… Ce qu'il voulait, c'était une femme qui n'en était pas une...et seule Aramis pouvait le lui offrir.

Il s'était souvent imaginé, alors qu'il ne connaissait pas encore la vérité au sujet de son camarade, à quoi ressemblerait une chaude nuit passée avec Aramis…le beau Aramis qui lui dédiait couramment ses plus doux sourires et ses plus délicates attentions ; c'en était troublant... Il s'était dit, à cette époque, que de faire fondre le prude mousquetaire dans le péché devait certainement être une victoire enivrante… Et maintenant, elle se donnait librement à lui, dès qu'il le voulait. Toutes les autres fois où il l'avait prise, elle était habillée en fille…mais, ô combien la trouvait-il plus belle et plus désirable déguisée en homme ! Pour un instant, il en oublia qu'elle était femme et ne vit plus que l'Aramis qu'il avait connu autrefois : celui qui, malgré tous les interdits, l'avait fait fantasmé à plusieurs reprises.

Pris dans ces rêveries au caractère des plus tabous, s'imaginant que c'était Aramis – l'homme – à qui il faisait l'amour, Athos ne sortit de sa transe que lorsqu'il explosa en elle. Avec un gémissement qui ressemblait presqu'à un grognement, il avait enserré la jeune femme dans ses bras. Quelques instants plus tard, sous sa dextre, il l'avait senti être secouée de tremblements alors qu'elle atteignait l'extase à son tour.

Aussitôt qu'il eu desserré son étreinte, Aramis se laissa choir sur le sol, encore essoufflée et tremblante de cet étrange coït. Athos, de son côté, avait reculé de quelques pas avant de s'asseoir lourdement sur une chaise. Péniblement, la jeune femme avait remonté son pantalon sur ses hanches. Ses cheveux tombaient maintenant librement dans son dos, le ruban qui les retenait ayant glissé par terre lors de la dernière empoignade brutale d'Athos.

Lui tournant le dos, Athos vit la jeune femme se passer une main sur le derrière en poussant un soupir plaintif. Je l'ai brisée…Il se sentait si sale d'avoir ainsi abusé d'elle, mais son esprit refusait toujours de se montrer tendre envers elle. C'est donc avec une pointe de dédain qu'il lui parla.

« Vous êtes satisfaite, maintenant ? Pourquoi vous entêtez-vous à vouloir ternir notre amitié ?»

Elle se retourna puis, sur ses mains et ses genoux, s'avança lentement dans sa direction. Une étincelle de folie brillait dans son regard bleu.

« Je ne veux pas être votre amie… Je ne veux pas être votre amie » répétait-elle dans un crescendo en secouant la tête, sans toutefois quitter des yeux le regard d'Athos. Finalement, elle hurla, au bord des larmes. «JE NE VEUX PAS ÊTRE VOTRE AMIE ! » A bout de souffle, elle ajouta dans un murmure presque inaudible « C'est votre amour que je veux ! »

Furieux, Athos se leva d'un bond et renversa la chaise sur laquelle il était assis. Il leva son bras pour la frapper mais s'arrêta, voyant qu'elle ne se protégeait même pas le visage. Elle se contentait de le regarder, la lèvre tremblante, avec des yeux tristes et remplis d'eau. Il avait envie de se jeter sur elle et de l'embrasser avec passion tellement il la trouvait belle à cet instant, avec sa cascade de boucles blondes qui entouraient son visage. Ses yeux rougis faisaient ressortir le bleu de ses iris, les rendant encore plus beaux, plus hypnotisants…

Pourquoi voulait-elle son amour à tout prix, alors qu'il n'en avait plus à donner depuis bien longtemps?...Il fut saisi de pitié…mais sur qui s'apitoyait-il ? Sur elle, ou sur lui ?

Athos soupira lorsqu'il rabaissa son bras, passa à côté d'elle et s'apprêta à sortir de l'hôtel de Tréville. Il s'arrêta sur le pas de la porte quand il entendit Aramis s'écrouler de tout son long sur le sol en pleurant, frappant le plancher de son poing. Il ferma les yeux et, la gorge serrée, sortit sans se retourner.

* * * FIN

Ouf! 0_0