Disclaimer : Hunger Games, son monde et ses personnages appartiennent à Suzanne Collins.

Note : Chapitre modifié. Merci à Hime-Amande et KatnissLjay pour vos rewiews, c'est encourageant, et ça fait toujours plaisir.


Cliffhanger.


La simple vision de son visage, de ses yeux, m'effraie plus que tout le reste. Je devrais ne même plus le reconnaitre, tant j'ai attaché d'importance à tenter de l'oublier, d'effacer ses traits, d'oublier sa voix, et les vestiges de sa présence à mes côtés. Pourtant, je reconnaitrais son dos, sa nuque, ou ses mains, sans même avoir besoin du reste. Son grain de beauté, juste sous la pommette droite. Sa toute petite cicatrice, sur l'arête du nez. Dans le pli de son coude gauche, sa tache de naissance semblable à un trèfle… Je perçois le bruit de son pas avant même sa voix. Son souffle m'est encore familier, le bruit de sa respiration… Alors lorsque je l'ai vu, tout entier, j'ai été prise de panique, ne sachant si je devais rire ou pleurer, courir vers lui, ou à l'opposé. J'ai choisi l'opposé.

Je pourrais regretter ce que nous avions, ce que nous partagions, ou ce que nous simulions, si seulement je le savais. Il faudrait que je me pose la question, de ce que nous avions réellement, de ce qui était feint. Mais je ne me la pose pas, par peur de la réponse, incapable de démêler le vrai du faux, incapable d'admettre si oui ou non, il y avait du vrai. Et puis à quel moment. Et puis pourquoi l'admettre. Pourquoi maintenant, alors que ça ne sert plus à rien. Plus à personne. Pourquoi irais-je avouer tout ce que j'aime en lui, quand il faudrait conjuguer cela au passé. Cette personne n'existe plus. Alors si je l'ai aimée un jour, maintenant, ce n'est plus le moment. Ce n'est jamais le moment. Ce n'était pas ce qui était prévu. Aimer ne faisait pas partie du plan.

Je l'ai laissé seul sur le pas de la porte, avec cette lueur d'incompréhension qui perçait par-dessus toutes les autres émotions. Je ne pouvais pas supporter son regard sur moi, il fallait que je me protège. Que je me protège de lui, maintenant qu'il n'est plus là pour me protéger. Lorsque je repense à ses mains, je les revois se serrer autour de ma gorge, et je ne peux m'empêcher de porter mes doigts là où les marques sont restées si longtemps. Lorsque je ferme les yeux, je vois son regard dément, j'entends sa colère, ses insultes, sa rage d'en finir avec moi. Ils se sont servis de cette faiblesse pour m'atteindre. Je leur ai ouvert une brèche et ils s'y sont engouffrés. C'est ma faute, et j'en assume l'entière responsabilité. Ça explique sans doute pourquoi il m'est impossible, désormais, de regarder Peeta dans les yeux.

Il a dû rester un moment devant ma porte d'entrée, j'ai l'impression que ce sont des heures qui se sont écoulées avant que je n'entende ses pas s'éloigner. Il n'a pas cherché à me retenir, il ne m'a pas appelée, je sentais simplement son regard dans mon dos pendant que je montais les marches de l'escalier à toute vitesse. Je ne sais même pas pourquoi il est venu, ni pourquoi je me suis dépêchée d'aller ouvrir la porte, ce que je ne faisais jamais jusque-là. Mais là où je suis désormais, il ne pourra pas venir semer le doute. Entre ces quatre murs si rapprochés, et au milieu de ce fouillis, plus rien ne peux m'atteindre, et surtout, plus personne.

C'est pourtant ce moment précis que choisit Sae pour m'interrompre, et contredisant aussitôt ce que je m'efforçais de croire. Depuis que Peeta est rentré, elle refuse de prendre des gants avec moi. Elle pense qu'elle l'a trop fait, et que comme ça n'a porté aucun résultat, elle doit changer de façon de faire, et laisser à d'autre le soin d'être tendre, ou concerné. Avoir pitié de moi ne m'aidera pas, c'est un fait.

Lorsqu'elle ouvre la porte du placard dans lequel je me cache, la lumière qui d'un coup éclaire l'espace clos m'éblouis et me pique les yeux, créant un amas de larmes en leurs coins, que je refoule aussitôt. Elle pose un plateau au sol. Mon déjeuner. Elle s'éloigne en soupirant. Je peux comprendre que la vue de mon corps rachitique, replié sur lui-même, et l'odeur qui s'en dégage ne lui donne pas envie de s'attarder. J'aurais fait la même chose, si ce n'est pire. S'il n'avait pas été si dur de bouger, je me serais sans doute jetée des pierres. Je ne sais pas si elle sait ce qui vient de se passer. Je ne lui demande pas. Elle s'en va sans un mot et claque la porte derrière elle.

Je ne peux m'empêcher de penser que je mérite le sort que j'ai reçu. J'ai vendu mon image au Capitol contre la vie de ma sœur, et je n'ai pas été capable de la sauvegarder, malgré cela. J'ai menti, j'ai triché, j'ai tué. Alors pourquoi est-ce que quelqu'un, quelque part, s'attache à me garder en vie ?

J'entends le téléphone sonner, plus bas dans la maison, mais comme Sae vient de partir et que je ne sortirais pas de mon terrier, il continuera de sonner jusqu'à ce que le répondeur ne s'enclenche. C'est la voix de ma mère que j'entends s'élever à ce moment-là. Elle m'appelle, soupire, semble hésiter. Je ne sais pas si c'est le malaise qu'elle éprouve ou l'absence d'espoir que j'entends lorsqu'elle prononce mon nom, mais j'ai soudain envie de me lever pour lui parler. Plus qu'une envie, c'est un besoin, mais mes muscles ne répondent pas plus que moi, et le temps que je me déplace jusqu'à la porte, un bip sonore me signale qu'elle a raccroché. Je me laisse mollement retomber contre le mur, ne sachant si je suis soulagée de n'avoir pu lui parler, et ainsi, d'avoir gardé en moi tous les reproches informulés, ou si je me maudis de n'avoir su être plus réactive.

J'aurais pourtant tellement à lui dire.

Je baisse les yeux et tombe sur le plateau qu'a déposé Sae. Mon organisme s'est habitué à ne recevoir que le minimum vital, alors lorsque j'engloutis l'assiette entière, mâchant à peine, le trop plein ne tarde pas à se faire sentir, et je suis prise de hauts le cœur. Tout ressort aussi vite que je l'ai avalé, me brulant la trachée, m'empêchant de reprendre mon souffle et je m'écroule, des larmes de douleur dégoulinent dans mon cou, s'écrasent sur mes mains rapiécées. Je suis exténuée, et je finis par m'endormir, recroquevillée. Je savais que j'avais certains traits en commun avec Haymitch, mais je ne pensais pas que m'endormir dans mon vomi en faisait partie.

Lorsque je me réveille, la lumière semble avoir diminué, comme si une bonne partie de la journée avait était engloutie. Je suis sur le canapé du salon, on m'a retiré les vêtements que j'avais souillés, mes cheveux semblent avoir été rincés. Ils sont humides, et ils ont été re-tressés. J'ai la gorge sèche et ma tête me fait mal. Je ne sais pas comment je suis arrivée là. J'entends du bruit à l'étage, et quelqu'un s'affairer dans la cuisine, mais je n'ai pas le courage de regarder de qui il s'agit. Je crois que j'ai de la fièvre.

Je vois Sae descendre les marches, un seau à la main. Si ce n'est pas elle qui est dans la cuisine, les possibilités concernant l'identité de la seconde personne sont plutôt minces. Et puis bien sûr, je l'entends. Je me tasse contre le rebord du canapé, faute d'avoir la force de m'enfuir. Peeta se tient face à moi, un bol de soupe à la main. Il semble hésiter à avancer d'avantage. Il dandine, d'un pied sur l'autre, il regarde le sol, ses pieds, ses doigts, tout sauf moi. Je crois qu'il ne sait pas trop ce qu'il fait là, lui non plus. Je l'observe un moment, puis je détourne les yeux et soupire profondément. Il semble prendre cela comme un signal pour me rejoindre. Il reste debout, devant le canapé, me tendant le bol, mais je ne le prends pas. Je n'en veux pas.

"- Tu devrais manger, tu n'as plus rien dans l'estomac, et si tu dois être malade, ce sera moins douloureux si tu as mangé quelque chose avant."

Je ne réponds pas, ne donnant aucun poids à ce qu'il vient de me dire. Je veux retourner m'enfermer loin de lui, de son regard perturbé, et de ce sentiment de pitié que je crois décerner quand je devrais y voir de la rancœur.

"- Tu peux prendre le bol et aller manger dans le coin que tu veux, si tu ne veux pas rester ici."

À nouveau, il lit en moi comme dans un livre ouvert, seulement, je n'aurais jamais la force d'aller où que ce soit. Je n'ai même pas la force de tenir une conversation. Je sors un son qui ressemble plus à un grognement rauque. Ma gorge me brûle encore.

Il regarde autour de lui et voit la porte d'un cagibi entre ouverte. Il prend la couverture, une chaise, le bol, et emmène tout ça un peu plus loin, puis, il revient, et sans un mot, glisse un bras sous mes genoux, et l'autre dans mon dos. Je me laisse faire, incapable de répliquer. Je dois ressembler à une vieille poupée de chiffon, trop usée pour servir encore, mais trop abimée pour qu'on ose la jeter. Il me dépose délicatement sur la couverture qu'il avait précédemment installée, le dos appuyé contre le mur, s'agenouille en face de moi, et rapproche la chaise sur laquelle il a posé le bol de soupe. Il laisse la porte ouverte afin d'avoir assez de lumière pour voir ce qu'il fait. C'est étrange, mais je me sens mieux ici, plus en sécurité, je ne sais pas si ça a quelque chose à voir avec sa présence. Tout doucement, il commence à me faire avaler les cuillerées de soupe, une à une. Parfois, je tousse, alors il s'arrête, pose sa main dans ma nuque et me relève la tête, puis reprend jusqu'à ce que le bol soit vide. Le geste est assuré, mécanique, systématique. On n'entend que le son de la cuillère qui racle le fond du bol.

Je me demande pourquoi il prend la peine de faire tout ça, mais je ne lui demande pas. Enfaite, en y réfléchissant, je pense que c'est Sae qui lui a demandé. Je ne vois que ça. Lorsque j'ai fini de manger, il me fait boire un verre d'eau, à petite gorgées, et puis attend tout simplement. Je ne sais pas vraiment quoi, mais il attend, sans rien dire. Finalement, je crois que je me rendors, et lorsque je reviens à moi, il n'est plus là. Je suis seule, allongée dans la remise derrière la cuisine, emmitouflée dans une couverture, le visage couvert de sueur. Je viens de faire un cauchemar.