Fred,
Mon frère, mon jumeau.
Mon ''autre moi''.
Mon meilleur ami.
Mon confident.
Mon âme sœur, peut être.
A vrai dire, je me demande moi-même ce qui me pousse à vouloir tant définir ce que tu es pour moi. Ce que tu étais. Parce que oui, tu n'es plus. J'ai mis du temps à l'accepter, tu sais ? Je ne réalisais pas. Puis j'ai compris. Ça m'est tombé dessus, d'un coup, sans prévenir... Le vide. Le froid. Le manque. L'absence. Et le fait que jamais, jamais je ne pourrai rien y changer. Jamais tu ne reviendras. Jamais je ne pourrai te serrer dans mes bras. Jamais je ne pourrai te laisser finir mes phrases et terminer les tiennes. Jamais je n'entendrai, dans mon oreille, résonner ton rire clair. Jamais je ne verrai ton regard rieur. Jamais... Jamais... Jamais... La réalité ne changera jamais.
Et ça, ça me tue. Chaque jour, je te cherche du regard, inconsciemment, presque machinalement. Dès qu'une porte s'ouvre, je m'attends à te voir apparaître, un sourire aux lèvres, et m'annoncer que ce n'était qu'une blague. Une blague de très mauvais goût. Une blague bien trop longue. Une blague horrible comme tu n'en aurais jamais fait, mais une blague quand même. Cependant, tu n'es jamais là. C'est toujours quelqu'un d'autre. Tout comme quelqu'un d'autre aurait pu mourir ce soir-là, c'est quelqu'un d'autre qui franchi la porte en souriant.
Tu sais, parfois, je me mets devant le miroir et j'essaie de t'imiter. J'essaie de faire apparaître ton visage dans la glace, à la place du mien. Je ferme les yeux quand l'évidence de mon échec me frappe. Et je recommence, plus tard, quand je pense à nouveau pouvoir y arriver. Je m'assois sur ton lit, me tourne face au miroir, et je souris comme tu souriais, puis je parle avec ce toi que je m'obstine à faire vivre en moi.
Je sais que tout le monde s'inquiète, Papa pense que je deviens fou. C'est d'ailleurs lui qui m'a conseillé de t'écrire, pour faire mon deuil. J'y arrive pas. Ça fait deux ans que tu es mort, Fred, mais je suis incapable de l'accepter, encore aujourd'hui. Non, je ne peux pas. Comme si continuer de lutter contre l'évidence pourrait encore changer les choses.
J'ai été tenté de te rejoindre, plusieurs fois. J'ai toujours repoussé cette idée. Mais maintenant... maintenant, ma décision est prise. Je vais venir, te retrouver, où que tu sois.
George.
