La douce caresse des flammes sur sa peau d'immortelle, rendait plus dure encore la réalité qui s'imposait comme une évidence aux yeux nouveaux d'Alice. Jamais plus, quelconque invention humaine ne pourrait venir à bout d'elle. Le pavé de la place publique revêtait les innombrables nuances des langues flamboyantes qui tentaient de creuser son épiderme de marbre tandis qu'insensible aux paroles dénués de sens profond de ses bourreaux, elle prenait conscience de sa nature nouvelle. Presque nue devant la foule abusée par les jeux malsains s'offrant à elle, Alice sourit à la pensée qu'un jour elle verrait se même peuple s'en remettre enfin à son seul jugement.
Ses visions avaient conduit à la faire passer pour folle voire même à la faire conduire au bucher. Alice voyait l'avenir de chaque homme rassemblé en ce lieu. Certes avec un léger flou mais il n'en restait pas moins d'une clarté affolante. Elle les voyait en cette même place, des années plus tard, étendus sur le pavé qui, en cet instant, serait aussi froid que leurs corps frêle. La raison de ses morts en série ? Seul cet élément lui échappait. Alors que ses chevilles ressentaient un changement de température conséquent, mais qui ne la brûlait pas le moins du monde, Alice songeait (risible direz-vous mais il ne pouvait qu'en être ainsi compte tenu du contexte) à la torture qu'avait été ces trois derniers jours. Jamais, aussi loin que ses souvenirs remontaient, elle n'avait connu douleur plus vive que celle qui l'avait emprisonné durant des heures interminables. Cependant, aucun souvenir ne s'imposait à son esprit nouveau. Rien que les cris et la souffrance. Sondant chaque visage amassé autours des religieux, dont les expressions variaient entre le dégout et l'ignorance, elle tentait de découvrir la pièce manquante à sa récente résurrection. Et tandis que les flammes rougeoyantes lui murmurait à l'oreille, une paire d'yeux dorés s'inscrivait dans l'essence même d'Alice.
