Note de l'auteure : Tout d'abord, rien n'est à moi, tout est à JKR... Et maintenant la partie juteuse. Pour ceux qui m'ont déjà lue, j'ai publié i ans environ, pour ensuite supprimer toutes mes fics, telles que "Je préfère l'homme aux photos, Potter" et "La Reine de coeur". Je recommence tranquillement. Je n'ai pas pris de bêta, mais si vous estimez que j'en ai besoin, faites-le moi savoir :) Comme toute auteure qui se respecte, je suis une bibitte à reviews (pour ceux qui viennent du Québec, vous aurez compris la référence à "bibitte à sucre", et pour les autres, une "bibitte à sucre", c'est quelqu'un qui aime bien les sucreries, le chocolats, les pâtisseries... :)), alors n'hésitez pas à me laisser un petit mot d'encouragement. Après quatre ans à lire des fics par périodes, je me réinsère dans l'engrenage. Et hop, c'est parti!

- Les Caprices du temps -

Dans un premier temps

Harry contempla sa cravate avec envie.

Au moins elle n'aurait pas à subir l'humeur peu avenante du maître des cachots ce matin. Pendant deux longues heures, en plus. Il soupira en nouant le morceau de tissu autour de son cou.

– Harry, voyons…

Comme d'habitude, Hermione les avait attendus en bas de l'escalier menant au dortoir des garçons. Les cheveux impeccablement brossés, les yeux déjà brillants de curiosité, elle tenait son manuel de potions et la dizaine de cahiers de notes qui le complétaient avec un air farouche. Harry n'avait aucun mal à croire que les pages remplies de son écriture serrée n'étaient que l'exacte transcription des cours magistraux donnés par Snape.

Magistraux… ou magiques. C'était selon. Harry se concentra sur les doigts d'Hermione en train de renouer sa cravate, peu désireux de se perdre, encore une fois, dans de frustrantes réflexions qui impliquaient, dans le désordre, la voix de Snape, une salle de classe, et son corps douloureux arqué de désir.

Sauf qu'à force de sentir pleinement ce que faisait Hermione, son esprit divaguait, et bientôt, ce furent d'autres mains, longues et fines, d'albâtre, qui lui frôlèrent le cou.

« Laissez-moi faire, Potter… »

Dans ses fantasmes, la voix de son maître des potions se faisait tout autre quand il prononçait son nom. Déjà difficile à supporter d'ordinaire quand il l'insultait, tant les accents rauques le courtisaient de l'intérieur, dans l'intimité de son esprit… elle se faisait liquide, une liqueur de sensualité pure lui caressant la gorge.

Les joues en feu, il repoussa les mains d'Hermione.

– Ça va aller, Mione, je ne pense pas qu'il nous ôtera 20 points pour une cravate mal nouée.

Comme de fait, Snape ne le remarqua même pas, lui en tant que personne. Quant à sa cravate… Il aurait aussi bien pu se l'enrouler autour de la tête et devenir littéralement la tête de Turc de Malefoy.

Quand Snape ne l'insultait pas, il l'ignorait. Harry hésitait encore quant à ce qui lui était le plus insupportable.

Les insultes ne l'atteignaient plus, mais la voix, oh, cette voix qu'il s'efforçait par tous les moyens de stériliser avant qu'elle ne l'envahisse… cette voix, quoi qu'elle dise, se faufilait en lui et le faisait sienne. Alors qu'il commençait à peine à reconnaître son attirance pour le maître des potions qui le haïssait, cette voix lui avait fait manquer plus d'une potion. Pas que Snape aurait remarqué une quelconque différence avec ses performances antérieures, songea Harry avec amertume.

Quand Snape lui prêtait autant d'attention qu'à la toile d'araignée dans le coin supérieur gauche de la fenêtre, Malefoy redoublait d'ardeur. Les hormones d'Harry étaient bien claires là-dessus : il n'était pas gai, ou en tout cas, jamais Malefoy ne le ferait soupirer dans la nuit comme Snape.

Il était voué à Snape, tout simplement. Ce n'était pas une question de genre, ou de sexe, ou de quelque autre critère ridicule dont se servaient les sociétés moldue et sorcière pour classifier l'attirance. C'était une question de Snape.

Et l'existence même de l'homme, qui lui avait concocté une scolarité absolument misérable dans les cachots, apportait son lot de questions.

Pourquoi était-il attiré par lui? Tandis qu'il touillait plutôt désespérément la mixture rouge betterave dans le sens des aiguilles d'une montre pour la vingt et unième fois, Harry se demanda ce qui avait transformé sa haine pour l'homme en attirance.

Quand il avait découvert qu'il avait été forcé de le protéger depuis sa naissance?

Quand il l'avait surpris un soir au retour d'une rencontre avec Voldemort, le visage ensanglanté, une détermination de vie si forte dans le regard qu'il en avait trébuché sur sa cape d'invisibilité?

Quand Snape l'avait brusquement tiré par en arrière pour lui éviter d'exploser en même temps que la potion de Neville? Ses mains lui entourant le torse l'avaient brûlé ce jour-là, et même si les gouttes de potion qui avaient eu le temps de grignoter sa peau sous sa robe de sorcier avant que Snape ne l'entraîne avaient pu expliquer la sensation, encore à ce jour, il pouvait évoquer ce souvenir et se sentir étourdi, délicieusement, en palpant l'endroit où le maître des potions l'avait touché. Possédé.

Il était possédé par lui, comprit-il en effectuant un cinquante-neuvième tour de potion. Bel et bien damné.

– Potter, vous m'avez assez fait exploser de chaudrons d'ici la fin de votre scolarité. Vingt points en moins pour Gryffondor. Et retenue demain soir à huit heures.

« Quoi? » s'offusqua Ron, alors que Malefoy ricanait dans son coin, sans se soucier aucunement de sa potion d'une jolie teinte violette.

Hermione fronça les sourcils devant son absence de réaction. Harry évita son regard. Il ne pouvait pas lui en parler, et encore moins en Ron. Comment leur aurait-il expliqué que l'homme qui les traitait injustement depuis six ans jouait avec son corps avec le même art qu'il préparait suavement ses potions?

Lui-même n'avait que des hypothèses et, surtout, il n'avait plus la force d'entretenir passion et haine simultanément. Après un dur combat qui lui avait coûté plus d'une dispute avec Ron et Hermione compte tenu de son humeur orageuse, il avait baissé les armes.

La passion était trop forte. Et elle persistait après trois mois de nuits houleuses et sulfureuses aux mains de son maître des potions.

Il était temps de passer à l'acte.

Le soir venu, Harry essaya de travailler sur son essai de potions, mais c'était peine perdue. Il abandonna après vingt minutes de lecture inutile, quelque part entre les mots « mithridatisation » et « effervescence ». La tête lui tournait. Il se sentait au bord des larmes. Oh, il n'était pas triste, ou même déçu : il s'était fait une raison. Ce seraient des larmes de frustration qui lui brûleraient les joues. Il referma le livre Les trente usages les plus répandus des poisons d'un claquement sec, faisant sursauter Hermione, qui lui jeta un regard surpris.

– Ça ne va pas, Harry?

« Si tu savais… »

– Je suis seulement fatigué, Mione. Je vais terminer ça demain…

Hermione hocha gravement de la tête, puis se pencha pour récupérer sa plume qui lui avait sauté des mains.

Les yeux d'Harry restèrent fixés sur son décolleté.

Un retourneur de temps. Les rouages de son cerveau se mirent à tourner à toute vitesse.

Il n'arriverait jamais à la convaincre.

Et sa raison demandait qu'il tente sa chance.

C'était maintenant ou jamais.

Il se pencha sur une Hermione à l'air soucieux et la serra dans ses bras.

– Je suis bien content de vous avoir, Ron et toi, dit-il avec plus de sincérité qu'il ne s'y était attendu.

Hermione retrouva rapidement ses esprits et lui tapota le dos.

– Bien sûr que nous sommes là pour toi, Harry. Nous serons toujours là pour toi!

« Je sais. »

La chaîne se rompit et le sablier tomba dans le creux de sa main.