Elle a souvent des moments d'absences, depuis l'accident. Quand ils sont revenus et qu'elle s'est réveillée, elle avait tout oublié. Tout à propos de lui. Elle connaissait ses amis, savait son nom et son passé, mais il n'y avait aucune trace de lui dans sa mémoire. C'était comme si il n'avait jamais existé pour elle. Et il se souvenait encore de ces mots que le mage avait prononcé en lançant le sort à Jubia et en s'adressant à lui:
« Je vais t'enlever la chose que tu aimes le plus. »
Au début, il avait eu peur que Jubia ait été tuée mais non, elle était juste inconsciente. Il n'avait rien dit à propos de ces mots, il les gardait au fond de lui. Ils commençaient à peine à sortir ensemble, il s'était enfin rendu compte de son attirance et elle l'avait accepté malgré toutes les fois où il l'avait repoussée. Il revoyait avec douleur ses grands yeux bleus s'ouvrir et sa voix qui lui plaisait tant lui demander qui il était, comme un étranger. Car c'est ce qu'il était maintenant, car pour une raison inconnue sa présence déclenchait en elle un sentiment d'insécurité et de peur. Une nervosité maladive qu'il avait du mal à supporter quand il la voyait être aussi distante avec lui.
« Je vais t'enlever la chose que tu aimes le plus. »
C'était le cas de le dire, il lui avait enlevé l'amour de sa Jubia. Si elle était morte, il aurait pu se dire : Elle l'aura aimé jusqu'au bout. Mais ainsi, c'était comme si une répulsion envers lui naissait en elle en effaçant tous les autres sentiments qu'elle avait eu. A chaque fois qu'il va à l'infirmerie de la guilde, il en ressort toujours le cœur lourd et douloureux. Il essaie en vain de l'habituer à sa présence, tout le monde lui a expliqué qu'ils sortaient ensemble. Mais même si elle les croit elle n'y arrive pas. Un jour, il l'avait entendue se confier à Erza et lui dire qu'elle ne comprenait pas comment elle avait fait pour tomber amoureuse d'un homme pour qui elle avait une certaine aversion. Il avait cessé d'aller la voir. Il avait même cessé d'aller à la guilde. Ses coéquipiers avaient beau venir l'engueuler ou l'épauler rien ne changeait. Il se maudissait de ne pas s'être rendu compte de ses sentiments avant, comme ça ils auraient passés plus de temps ensemble. Ils auraient eu plus de temps, leur amour se serait renforcé, il auraient même peut-être pu contrer ce foutu sortilège. Mais il ne pouvait s'empêcher de se demander tout de suite après si ça aurait été encore plus douloureux, maintenant. Sur sa table de nuit, il voit leurs souvenirs de sorties, les photos qu'elle avait prises de lui et celles d'eux. Il était tenté de les déchirer et de les brûler mais il en était incapable. Une phrase se répétait de plus en plus dans son esprit, le convaincant de plus en plus : « Sans elle, est-ce que j'ai encore une raison de vivre ? » Deliora était bel et bien mort, son père le lui avait dit. Plus rien ne le retenait, à part Jubia. Mais Jubia ne l'aimait plus, elle avait peur de lui et avait oublié tous leurs souvenirs et ses efforts étaient vains.
« Je vais t'enlever la chose que tu aimes le plus »
Oui. Plus rien ne le retenait. S'il partait, elle ne serai plus nerveuse. Elle ne le repousserai plus. Il la retrouverait dans un autre monde. Ils allaient se revoir, et quand il la verra, quand le sortilège sera évanoui, elle se précipitera dans ses bras. Ils pleureront et ils l'embrassera. Pour toujours. Pour l'éternité. Mais ce n'est pas encore l'éternité, il doit d'abord s'en aller pour qu'elle vienne. Il revint à la guilde après des semaines d'absences sous les regards incrédules de ses camarades. Il prit une mission de rang S. Discrètement. Et il partit. Et tandis qu'on se rendait compte à la guide de son geste, il prenait le train et fonçait sans regrets ni remords jusqu'à son destin.
« Je vais t'enlever la chose que tu aimes le plus »
Il était face au monstre. Une chose horrible qui tuait le plus de monde possible. Au milieu de la foule qui courait et hurlait il lança son sort :
-Iced Shell !
Une grande lumière attira alors l'attention du monstre, elle provenait de Grey et son regard brûlant. L'homme de glace avait ironiquement des yeux qui pourrait réduire en cendres l'esprit de quiconque. Le monstre poussa un dernier cri et le corps de Grey disparut. Par la suite, les villageois, reconnaissants ne retrouvèrent jamais la trace de leur sauveur. Il n'y avait plus rien, sauf une chaîne en argent avec un pendentif en croix.
« Je vais t'enlever la chose que tu aimes le plus »
Au moment où Gray lançait son sort, Jubia hurla. Un terrible hurlement comme si la mort était à la porte. Ses souvenirs lui revinrent à elle avec la force d'un ouragan. Elle se sentait terriblement honteuse et désespérée. Enfin, elle vivait le véritable bonheur avec Grey et elle le rejetait ensuite ! Elle se souvenait de son air blessé et de sa longue absence, et elle avait maintenant un terrible pressentiment. Celui-ci s'intensifia lorsqu'elle découvrit qu'il avait pris une mission de rang S. Elle était effondrée, et comme Grey, la dernière parole de leur adversaire résonnait dans sa tête à longueur de journée tandis qu'elle attendait un retour dont elle se persuadait vainement. Un jour, trois personnes se présentèrent à la guilde. Ils se disaient être membre du village mentionné dans la quête de rang S et remerciait Fairy Tail de leur être venu en aide et demandèrent où était leur sauveur. Ils avaient ramené une chaîne en argent que tous reconnaissaient et que le mage avait apparemment oublié. C'est là que tous comprirent ce que Grey avait fait : il avait utilisé l'ultime sort qui servait à emprisonner dans une glace éternelle un monstre en utilisant son propre corps. Ce sort conduisait à la mort. Jubia, qui était présente et avait encore une lueur d'espoir, éclata en sanglots, se sentant tellement coupable de la mort de Grey. Ses souvenirs la hantait. Les cauchemars l'empêchait de dormir. Elle s'excusait en pleurant et criant un bon nombre de fois tous les jours qui passent. Inconsolable elle restait cloîtrée chez elle. Elle s'interdisait de mourir, car elle ne voulait pas importuner Grey là-haut et qu'elle ne supporterait pas qu'il la haïsse. Chez lui, elle trouva plein de souvenirs d'eux, tout comme lui avant elle. Les regarder la faisait souffrir, mais elle n'arrêtait pas, elle les mémorisait par cœur, et son cœur se déchirait un peu plus à chaque fois. C'était sa faute, c'était sa punition. Elle s'allongea dans ses draps et huma son odeur. Et elle pleura silencieusement car elle avait maintenant tout perdu.
