Mouvement 1
La moto lance un dernier vrombissement avant que le moteur ne stoppe et que le conducteur de l'engin ne mette pied à terre, cale sa machine avec soin et retire son casque.
Une masse de cheveux roux croule sur les épaules du jeune homme tranchant avec le cuir noir du blouson. Il coince son casque sous son bras gauche et se met en marche d'un pas assuré et rapide.
Il sonne à une porte et attend les dents serrées par la rage.
Une fois de plus son meilleur ami est venu se réfugier chez lui pour qu'il lui apporte un peu de réconfort.
Tout cela parce qu'un certain écrivain a une fois encore trouvé le moyen de lui faire de la peine.
Une fois de plus Shuichi est venu pleurer sur son épaule, son caractère entier ne lui laissant guère d'autre alternative que la joie et le chagrin.
Et Hiroshi ne veut plus le voir souffrir ainsi.
Il l'a consolé de son mieux jusqu'à ce que le chanteur tombe de sommeil sur son lit.
Il l'a laissé à la garde de son frère après avoir prévenu ce dernier de ne laisser Shuichi sous aucun prétexte. On ne sait jamais.
Il est maintenant devant la porte de l'écrivain, plein d'une violente envie de lui casser la figure une bonne fois pour toute.
Parce qu'il aime Shuichi et qu'il se sent responsable de la situation. Après tout, n'est-ce pas lui qui a encouragé le chanteur à aller jusqu'au bout ? Une erreur qu'il regrettera toute sa vie. Il voulait que son ami soit heureux, il n'a fait que l'engager dans une relation douloureuse.
Enfin, la porte s'ouvre sur la haute taille de l'écrivain, ses yeux dorés et froids posent un regard contrarié sur le musicien.
- Quoi encore ?
Hiroshi serre les poings. Il a plus que jamais envie de frapper l'écrivain, d'effacer son air hautain, d'abîmer un peu son visage d'ange cachant, il le sait maintenant, un démon implacable.
"Dire que je lui ai confié mon Shuichi. Mais il va le payer."
- Je venais juste chercher les affaires de Shuichi. Déclare t'il d'un ton tout aussi froid que les yeux de son vis à vis.
- Il ne peut pas le faire lui même ? Ironise l'écrivain en lui tournant le dos.
- Non, il ne peut pas. Répond Hiroshi. Il est mort.
L'écrivain se fige, lui tournant toujours le dos. Hiroshi le regrette, il aurait bien aimé voir son visage.
- Mort ? Relève l'écrivain.
- Il s'est ouvert les veines. Je l'ai trouvé trop tard. Affirme Hiroshi.
Il guette la moindre trace d'émotion, mais rien, pas un frémissement, pas un soupir. L'écrivain reste droit et raide, comme indifférent à la nouvelle.
"Sale type." Songe Hiroshi.
Laissant là l'écrivain il parcourt le logement et rassemble les affaires de Shuichi puis s'en va sans un regard en arrière.
La porte se referme avec un bruit sec derrière lui.
Un long moment se passe puis l'écrivain fait volte face et se dirige vers le canapé. Il cesse sa progression à quelques pas, incapable d'y prendre place. L'image de Shuichi endormi dessus vient de lui traverser l'esprit.
Il marche plus lentement vers la chambre, mais là aussi les souvenirs l'assaillent, idem dans son bureau et dans la salle de bains.
Il n'y a qu'une seule pièce où il n'est pas assailli par des souvenirs, et encore, combien de fois Shuichi l'a t'il attendu dans le couloir en l'assaillant de paroles à travers le battant ?
L'appartement lui semble si silencieux soudain.
Lorsque Shuichi s'est enfui, une fois de plus, à la suite d'une de leurs nombreuses disputes, il n'y a pas vraiment prêté attention. Shuichi avait si souvent pris la fuite pour toujours revenir, que c'était devenu une sorte d'habitude, un rituel obligé.
Il ne se souvient même pas des raisons de cette disputte.
Sans doute shuichi avait il commis une sottise qui l'avait agacé et il s'était déchainé.
"Je le faisais toujours. Pourquoi a t'il décidé de mourir cette fois ?"
Tourmenté il quitte en trombe l'appartement et se lance au hasard des rues.
Au bout d'un moment il cesse de marcher et regarde autour de lui d'un air égaré. Le décor familier du parc le fait gémir de douleur.
Le parc, lieu de leur première rencontre, de leur premier accrochage. L'endroit où tout avait commencé.
Il se laisse tomber sur le banc le plus proche et cache son visage entre ses mains.
