Les feuilles des arbres
Shino finit par rentrer, mais l'appartement n'est pas vide. Néji lisait dans le salon, assis sur le canapé devant la télé éteinte. Il n'avait pas mis de musique, et le silence s'étendait dans la pièce, plus sensible encore par le faible bruit de la fanfare qui défilait dans la rue, en-dessous des fenêtres fermées.
– Salut.
Néji le salua d'un hochement de tête avant de poser un doigt sur ses lèvres. Gaara était affalé sur le canapé, la tête sur ses genoux, endormi. Ses Converse crasseuses dépassaient de l'accoudoir. La main de Néji tourna une page et revint caresser les cheveux roux distraitement, les doigts comme un grappin de machine à jouer de fête foraine. Shino secoua la tête, poussa un soupir et s'assit dans le fauteuil en allumant la télé. Il n'y avait vraiment que Gaara que Néji aurait pu autoriser à effleurer le canapé des semelles. Merde, lui-même n'y avait pas droit, et pourtant il vivait ici !
Il tomba sur la chaîne parlementaire, sans doute la dernière chose que Néji avait regardé hier soir. Il ne se préoccupa pas de changer, de toute façon il n'avait allumé que pour réveiller Gaara. Il le vit se renfrogner un peu, avant de battre des paupières lentement. Mis à part la lampe de bureau qui éclairait de travers le livre de Néji, le salon était peu éclairé. Les yeux clairs qui s'ouvraient en paraissaient lumineux, verts qu'ils étaient comme les rayons de soleil qu'on voit au travers des feuilles des arbres. Gaara le fixa un instant, puis il se retourna en grognant, le nez contre le ventre de Néji. Le bruit d'une page qui se tourne. Le grappin. Des cheveux roux qui sentaient le péché. Shino se détourne et passe sur la quatorze, la onze, la neuf, la six, la sept, à nouveau la six pour voir si la publicité était terminée. Il se résigne, éteint, se lève pour mettre un disque de Sidney Bechet. Le saxophone se met à bourdonner dans le salon, à moitié comme un ballon dégonflé, à moitié comme les feuilles des arbres sous le vent d'Eden. Néji lit Walt Whitman.
